Sur le plan dogmatique- quelles sont les différences entre Calvinistes et Luthériens pour la Sainte Cène ? [Yves]

Pour Luther, le pain et le vin sont réellement corps et sang du Christ (voir Jean 6, 53-55) pour celui qui reçoit le sacrement au moment de l’office (il considère qu’il y a consubstantiation, c’est-à-dire qu’au moment où le sacrement est donné, il est en même temps pain et vin et réellement corps et sang du Christ.. cette conception diffère de l’idée de transsubstantiation propre à l’Eglise romaine, selon laquelle le pain et le vin, après leur consécration, changent de substance et deviennent vraiment corps et sang du Christ). Calvin, qui est de la deuxième génération des réformateurs suisses, a une conception très proche de Luther sur ce point. C’est avec la première génération des réformés suisses, notamment Zwingli dont l’influence restera importante sur cette question dans le monde réformé, que la différence est plus marquée avec les Luthériens. Zwingli ne considérait pas la présence du Christ à la Sainte Cène comme réelle, plutôt comme spirituelle. Mais je crois qu’il ne faut pas exagérer ces différences, qui étaient très importantesau XVIe siècle pour des raisons largement philosophiques. Par rapport au monde luthérien, disons que la portée du sacrement est un peu relativisé dans le monde réformé, où la Sainte-Cène sera globalement moins régulièrement célébrée (c’est tous les dimanches chez les Luthériens, pas toujours chez les Réformés).

Quand Jésus parle de la loi dans Matthieu 5.17-19- cela signifie-t-il qu’un chrétien doit respecter toutes les lois de l’Ancien Testament ? Ou certaines ? Dans ce dernier cas- quel tri faire ? [Christophe

En Matthieu 5/17-19, Jésus dit que Jésus n’est pas venu pour abolir la Loi et les Prophètes mais pour l’accomplir. Il ajoute que la Loi ne disparaitra pas et que nous ne devons pas « abolir », « annuler » les commandements mais les ‘faire’ et les enseigner. En parlant ainsi, Jésus nous interdit de croire que les commandements de l’Ancien Testament ne méritent pas notre considération. Ces commandements expriment, en effet, la volonté de Dieu. Les considérer comme tels nous permet de savoir dans quel sens Dieu nous demande d’avancer. Ainsi, Jésus utilise des paroles de l’Ancien Testament pour encourager les couples à la fidélité à vie, en Matthieu 19/4-6 et nous dire ce que Dieu a initialement prévu pour l’humain. La loi de Dieu, lorsque nous la prenons sérieusement en compte, nous permet, de la même manière, et parce que nous ne l’appliquons jamais parfaitement, de mesurer nos insuffisances et de nous savoir pécheurs, dans la nécessité de nous tourner vers Jésus, notre sauveur.  Cela est expliqué par Paul en Romains 3/7-12.

Dire que la loi entière vaut quelque chose, qu’il faut la faire, c’est à dire en faire quelque chose dans notre vie, ne signifie pas que nous devons appliquer à la lettre tous les commandements de l’Ancien Testament. Quand notre passage dit que Jésus est venu pour « accomplir la loi », la « mener à la plénitude », il suggère que sa venue change quelque chose dans notre rapport à la loi. Ainsi, les apôtres réunis à Jérusalem, ont réfléchi, quelques années après la mort de Jésus à la question de la mise en pratique de la loi juive, pour les chrétiens qui n’étaient pas d’origine juive et n’avaient donc pas cette habitude. En Actes 15/20, ils en concluent qu’il y a des commandements importants à mettre en pratique pour le bien des humains : il s’agit des commandements qui concernant l’évitement des idoles et la sexualité. Ces commandements concernent la juste relation que Dieu désir voir se développer entre les humains et lui et entre humains, depuis la création. Les commandements qui concernent la spécificité du peuple juif telles la circoncisions, le culte du temple, les règles alimentaires ne sont plus à appliquer, puisque grâce à l’œuvre accomplie par Jésus, l’humain est maintenant libre de s’approcher de Dieu.

Comment comprendre cette parole de Jésus à ses disciples en Jean 20,23 : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés- ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez- ils leur seront retenus » ? [Kristina]

Jésus s’était présenté comme le Maître du Pardon lors d’une polémique avec les religieux de son époque, à l’occasion de la guérison d’un paralytique (Marc 2,5-9). Par là il signifiait au minimum que Dieu lui avait délégué le pouvoir de pardonner les péchés, ou mieux encore, qu’il était Dieu lui-même.

Dans le cas du verset de Jean que vous citez il est probable que l’option de la délégation soit parlante. En effet, Jésus peut faire ce que Dieu peut faire. Il n’y a plus besoin d’attendre la fête annuelle de Kippour pour pouvoir être pardonné de ses péchés, mais on peut tout simplement venir à Jésus pour cela.
Il semble donc que dans un deuxième temps, Jésus délègue lui-même ce ministère aux disciples eux-mêmes. Nous pouvons, disciples du Christ, nous faire les porte-paroles d’un pardon qui effectivement vient de Dieu seul, mais qui par la délégation de Jésus, nous a aussi été transmise.

C’est ce qui fait de nous des agents de réconciliation, comme l’explique bien le chapitre 5 de la deuxième épître aux Corinthiens.
Bonne nouvelle !

Quelle est la confession de foi des Attestants et celle de Epudf ? [JPO]

L’EPUdF parle des textes fondateurs de sa foi, dans un texte qui s’appelle « Le déclaration d’Union ».

Cette déclaration mentionne :  » la foi exprimée dans les symboles de l’Église ancienne, foi au Dieu trinitaire ainsi qu’à la divinité et à l’humanité de Jésus-Christ ». Il est fait référence ici au symbole des apôtres et au symbole de Nicée-Constantinople, qui sont communs à toutes les églises chrétiennes.Elle mentionne aussi la spécificité « protestante » de l’Eglise par ce passage : « L’Église protestante unie de France s’inscrit dans la famille des Églises de la Réforme. Avec la Concorde de Leuenberg, elle reçoit leur témoignage commun, tel qu’il a été exprimé dans la Confession d’Augsbourg et les autres livres symboliques luthériens, comme dans la Confession de foi de La Rochelle et les autres confessions de foi de la tradition réformée. »La Confession de foi de La Rochelle est le document qui fonde la foi réformée en France depuis le XVIème siècle. Il en est de même de la Confession d’Augsbourg pour la foi Luthérienne. La concorde de Leueunberg, rédigée en 1973 affirme que ces deux confessions convergent sur l’essentiel.C’est ainsi que dans l’EPUdF qui est l’union des églises Luthériennes et Reformées de France, les paroisses et les pasteurs Luthériens de l’EPUdF peuvent s’appuyer sur les textes luthériens, alors que les églises et pasteurs réformés peuvent se réclamer de la Confession de la Rochelle sans que cela ne remette en question la communion des uns et des autres.

Les Attestants sont membres de l’EPUdF, ils peuvent donc choisir de s’attacher à l’une ou à l’autre confession protestante, en plus des symboles anciens qui sont communs à toutes les églises et qu’ils considèrent généralement comme  conformes à la foi biblique. Ils considèrent qu’il est important de dire la foi de l’Eglise à partir de ce que la Bible en dit, afin de pouvoir en témoigner justement et avec assurance.  Ils travaillent à ce que le contenu de la révélation biblique soit au centre des nouvelles formulations de  foi qui pourraient émerger, notamment lors de l’élaboration de la nouvelle « Déclaration de foi » de l’EPUdF, qui doit être travaillée et décidée pendant le Synode qui se tiendra à Lille pendant l’Ascension 2017.

Lors d’un décès, peut-on prier en remettant l’esprit du défunt entre les mains de Dieu (puisque le corps retourne à la terre et l’esprit à Dieu) ? [JoonS]

L’esprit, c’est le souffle qui fait respirer, qui fait vivre la personne. Ce n’est pas la personne. La personne est à la fois corps (c’est en tant que corps qu’on est en relation avec soi et avec les autres, Dieu y compris), âme (c’est la personne elle-même en ce qu’elle a d’irréductible) et esprit (le souffle, donc). La mort désigne la dislocation de ces manières de considérer la personne : le corps n’est plus corps mais cadavre, l’âme n’est plus, l’esprit « retourne à Dieu ».

La promesse que nous saisissons par la foi, c’est que notre identité (notre personne) d’enfant de Dieu est vouée à cause de Christ non pas à la mort, mais à la résurrection. Si nous pouvons déjà éprouver celle-ci dans notre vie présente, elle remplira totalement notre vie future auprès du Père. Mais, bien sûr, le mot « future » est une image : Dieu n’est pas lié à l’espace ni au temps ! La certitude, c’est que nous serons donc à nouveau, par l’action libre et souveraine de Dieu, corps, âme et esprit, dans une nouvelle et autre dimension d’existence. La compréhension de ce que ce sera ne nous est pas atteignable sinon justement par des images (cf. 1 Corinthiens 15 / 35-50).

La prière pour « l’esprit du défunt » n’a donc pas de sens. Si l’esprit retourne à Dieu, c’est déjà fait : pourquoi le lui remettre ? C’est le mourant (ou pas mourant, d’ailleurs) qui peut adresser cette prière pour lui-même, comme Jésus l’a fait (Luc 23 / 46 citant le Ps. 31 / 6), et on peut l’y assister en priant de même pour le mourant… avant sa mort ! C’est une prière d’espérance en la résurrection, c’est se confier soi-même ou confier l’autre à l’amour du Père.

Dans ce sens, la prière pour les défunts a reçu un accueil variable dans les différentes traditions protestantes : les luthériens la pratiquent, les réformés non. Il n’y en a pas d’attestation biblique. Lorsqu’elle a lieu, elle manifeste notre espérance de la résurrection, de la puissance de Dieu plus forte que la mort. Mais le temps et le lieu de cette résurrection nous sont inconnaissables : ne pensons pas que Dieu va exaucer cette prière un certain jour plutôt qu’un autre. C’est, précisément, « entre ses mains » ! La prière lui dit notre confiance en lui.

Est-ce qu’il est permis de prendre deux femmes ? [Jean-René]

Si la question est « est-ce qu’il est permis ? », la réponse est « non » ! Mais si la question est « qu’est-ce que c’est, l’amour conjugal ? », alors on peut aller un peu plus loin…

Car aussi bien l’Ancien Testament (Genèse 2 / 18. 23-24) que le Nouveau (Matthieu 19 / 3-10 ; 1 Corinthiens 7 / 2-5 ; Éphésiens 5 / 21…) soulignent que l’union selon Dieu d’un homme et d’une femme font d’eux un seul être, chacun appartenant à l’autre et soumis à l’autre. Il n’est donc aucunement question de « prendre femme », mais de se reconnaître comme voués l’un à l’autre, ce qui implique clairement la durée, le pardon mutuel et la fidélité, et donc la monogamie. Car comment appartenir (c’est-à-dire à 100 %) à deux personnes différentes ?! Et qu’en penseraient les femmes en question (car cette question est une question d’homme, or « Dieu a créé l’être humain à son image, mâle et femelle », dit la Bible) ?

La polygamie, tout comme l’adultère, appartiennent à une autre conception de la sexualité, dans laquelle celle-ci ne fonde pas un nouvel être, mais se contente d’être une fonction vitale qu’il s’agit d’assouvir pour son propre plaisir (sexuel ou social). La Bible montre que telle était la réalité, que ce soit à l’époque des Patriarches ou pour les rois d’Israël, mais aussi (peut-être marginalement) à l’époque de Jésus. Ce qui ne le légitime en rien !

Enfin, je dois dire que la question de ce qui est permis ou défendu est dépassée dans le christianisme. Puisque je ne puis être justifié par l’observance de quelque commandement que ce soit, mais par la seule grâce de Dieu manifestée dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ et saisie dans la foi, alors c’est l’œuvre de l’Esprit que de conformer ma vie à la volonté bonne de Dieu, malgré et à travers les résistances du « vieil homme » en moi. L’apôtre Paul a écrit à ce sujet de belles choses sur « tout est permis, mais… » (1 Corinthiens 6 / 12 ; 10 / 23)

Pourquoi les luthériens ont des crucifix avec Jésus présent sur la croix ? [Laurent]

La théologie luthérienne accentue l’absolue séparation entre Dieu et les humains à cause du péché originel. Cette séparation ne peut être brisée que par la souffrance et la mort du Christ sur la croix. Cet objet n’est donc pas vu comme un lieu de victoire sur la mort (la croix « vide » présente dans nombre de temple réformé ou évangélique) mais comme le support sur lequel est attaché notre propre péché.

En entrant dans une église luthérienne, il est probable que je sois pris de dégoût, de honte ou de désarroi en voyant Jésus mort sur la croix. Ce sentiment est légitime car j‘y vois accroché à côté du Seigneur tout ce que j’ai commis contre Dieu par mes pensées, mes paroles et mes actes. Confondu devant Dieu par mes fautes, je fléchis les genoux et me repens « Simul justus, simiul peccator, semper penitents » (A la fois juste et pécheur, toujours pénitent).

La confession comme chez les catholiques existe-t-elle chez les protestants ? [Martine]

Dire sa faute, partager devant un autre, quelque chose qui nous pèse, un péché dont on aimerait être libéré par Dieu est tout à fait possible dans le protestantisme. Vous pourrez trouver cette invitation explicitement en Jacques 5/16.

Voilà pourquoi et comment cela se pratique : Dieu pardonne ceux qui se repentent. Il est donc, pour un protestant, parfaitement possible de demander pardon à Dieu, sans avoir à partager au sujet de sa faute, avec quelqu’un d’autre. Cependant, il peut arriver que nous ne parvenions pas à nous repentir vraiment ou encore, que nous ne parvenions pas à avoir la certitude du pardon de Dieu sur l’une ou l’autre faute qui nous pèserait. Nous pouvons alors, comme protestant, en parler avec un croyant, pasteur ou non, capable de nous aider dans notre démarche de repentance. Nous partagerons avec lui ce qui nous pèse, il nous éclairera peut-être sur ce pour quoi nous devons demander pardon si nous ne le percevons pas bien et nous dirons à Dieu, devant lui, notre faute en formulant notre demande de pardon, avec nos mots. Le frère ou la soeur qui entendra votre confession pourra alors vous dire le pardon de Dieu, puisque ce pardon est promis à qui se repent en Jésus-Christ. Vous vous sentirez alors probablement vraiment libérée et renouvelée par cette démarche, qui vous aura aidée à vous mettre en vérité devant Dieu, mais aussi à entendre sa vérité : Dieu pardonne et renouvelle ceux qui se repentent !

D’après l’aveu relaté en Ézéchiel 20v25- Dieu ait pu donner « des lois qui ne sont pas bonnes et des coutumes qui ne font pas vivre » ? Quelles sont ces lois ? [Pep’s]

Dans les versets 18-26, Dieu nous dit que ses commandements « font obtenir la vie à ceux qui les appliquent ». Il dit aussi que les israélites n’ont pas appliqué ces commandements, entre autres, en profanant le sabbat et se sont attachés à des idoles et à des pratiques idolâtriques tels le sacrifice des premiers nés, tout cela étant absolument interdit dans la loi que Dieu a donné à son peuple.
Nous comprenons que ces « lois qui ne font pas vivre », sont les lois que les israélites suivaient quand ils refusaient la loi de Dieu. Ici, ce sont les lois des peuples polythéistes environnants qui semblent désignés ou la loi économique qui veut qu’on préfère travailler le jour du Sabbat. Que Dieu leur ait « donné ces lois » signifierait que Dieu les a abandonnés à ces lois, dans sa souveraineté. Nous pouvons ainsi, peut-être rapprocher ce passage du mécanisme décrit en Romains 1/22-25
Le passage d’Ezéchiel nous indique que l’humain n’est pas autonome : il suit toujours une loi, il répond toujours à des principes, la loi bonne de Dieu ou la loi des cultes idolâtriques, la loi de la consommation, la loi de quelques principes humains, la loi des sentiments…cette loi mauvaise, qui agit en l’homme, Paul l’appelle la « loi du péché » en Romains 7/21-23, par exemple.
Le Nouveau Testament dira, que la Loi de Dieu, bonne ne peut pas faire vivre l’humain, parce l’homme ne peut pas la mettre  en pratique, à cause de la loi du péché qui oeuvre en lui. Les chrétiens croient et confessent que Jésus a vaincu le péché et qu’il peut aujourd’hui nous faire vivre pas son Esprit (Romains 8/1-2). Cela implique plus que la loi : le changement de coeur qu’annonce Ezéchiel et qui s’accomplit en Jésus, par l’Esprit-Saint, qui rend capable d’obéir à Dieu en avançant dans le beau projet de vie qu’il a pour nous et pour les autres.  Voir le beau passage d’ Ezéchiel 36/25-27

Que dit la Bible de l’enfer?

Cela dépend si on entend par « enfer » (qui n’est pas un mot d’origine hébraïque ou grecque, donc il n’est pas étymologiquement biblique) un temps ou un lieu de tourments, sanction de l’injustice, ou bien le « séjour des morts » (Sheol en hébreu, Hades en grec) là où les morts attendent la résurrection (l’ « enfer » en ce sens, comme en français, pouvant dans la Bible avoir un sens métaphorique pour désigner les souffrances de la vie présente, voir par exemple Job 38,14).

Quand il s’agit d’un temps ou un lieu de tourments, après la première mort, lié à l’injustice de chacun, l’ « enfer » (nommé « géhenne » en Matthieu 5, 22.29.30 ; 10,28 ; 18,9; 23, 15.33 ; Marc 9,43.45.47 ; Luc 12, 5 ; Jacques 3, 6) est associé à des souffrances causées par le feu (au « séjours des morts » d’après Luc 16, 23-24). Mais s’agit-il de souffrances éternelles qui suivront le jugement du Christ (voir Matthieu 25,46 où il semble y avoir éternité de la vie pour certains comme du châtiment pour d’autres, ce qui n’est pas le cas en Romains 2, 7-8), temporaires en vue d’une purification (1Corinthiens 3,13) ou d’une destruction (c’est la position dite annihilationiste, justifiable en particulier par Apocalypse 20, 13-21, 8) ?

Pour résumer, l’ « enfer » est décrit ou bien comme un temps d’attente pour les morts, ou bien comme un temps et un lieu de souffrance (« pleurs et grincement de dents » en Matthieu 13,42) par le feu. Il sanctionne l’injustice, et est la conséquence logique d’une vie loin de Dieu qui nous appelle à la vie en plénitude.

Je ne me permettrais pas de trancher si les souffrances en question sont éternelles ou passagères.