Pourquoi Jésus dit-il de prendre sa croix- avant même qu’il ne soit crucifié ? [Gilles]

Effectivement, Jésus invite chacun de ses disciples à se « charger de sa croix » pour le suivre (voir par exemple Marc 8,34-35). Se charger de sa croix est une image pour évoquer la condition de celui ou celle qui croit en lui. Elle signifie se mettre à son écoute, renoncer à nous centrer sur nous-mêmes, laisser mourir notre vie ancienne pour renaître à une vie nouvelle. Bref « perdre » notre vie… pour la sauver ! Une des histoires de la Jungle du Docteur White l’illustre bien : c’est un jeune singe qui essaie d’extirper des cacahuètes du fond d’une bouteille au goulot étroit, piège installé par un braconnier. Il ne veut pas écouter le conseils du vieux singe qui l’accompagne : lâcher les arachides pour pouvoir extraire sa main de la bouteille…. il y laissera sa vie.

Cela n’implique nullement que Jésus invite ses disciples à le devancer sur ce chemin-là. Jésus a accepté que la croix soit l’aboutissement de toute son oeuvre, de tout son ministère, bien avant que ses disciples ne l’aient même compris. Par amour pour nous, il s’est totalement décentré de lui-même, dépouillé de tout en se faisant obéissant jusqu’à la mort sur la croix (Philippiens 2,8).

Un chrétien doit-il se couvrir du sang de Jésus en toutes occasions et dans les prières ? [Katia]

Je comprends l’expression que vous employez, « Se couvrir du sang de Jésus », comme suit : se replacer devant Dieu comme un être réconcilié avec lui, pardonné malgré sa condition de pécheur, grâce au don que le Christ a fait de sa vie, selon cette parole des Ecritures : « le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché » (1 Jean ch.1, v.7).

C’est effectivement par l’oeuvre du Christ à la croix que nous avons la liberté de nous approcher de Dieu en toute confiance, comme des enfants viennent à leur Père. Et nous avons à en reprendre souvent conscience, à redécouvrir l’amour infini de Dieu, cette « folie de la croix » dont parle l’apôtre Paul. Tant la logique de la grâce nous est étrangère.

Ceci étant, c’est une fois pour toutes que nous sommes sauvés et réintégrés dans notre identité d’enfants de Dieu, et notre Salut ne dépend pas de la répétition correcte et régulière d’une formule de prière (Jésus est clair à ce sujet, lisez Matthieu ch.6 v.7 !).

Nous n’avons donc pas à invoquer la grâce de Dieu en Christ comme un mantra ou en n’importe quelle occasion, mais peut-être dans les moments de doute, d’errance, où des tentations diverses peuvent nous assaillir. Par exemple, quand nous sommes poussés à penser que nous ne la méritons pas.

Est-ce que Jésus a vaincu la mort à la croix- ou à la résurrection ? Si c’est à la résurrection- pourquoi a-t-il dit : Tout est fini ? Donc- quand est-ce qu’il a écrasé Satan ? [Claudette]

Juste avant d’expirer, Jésus a déclaré, selon l’év. de Jean (ch 19 v;30) : tout est accompli (ou : tout est achevé, trad. TOB). Et non pas « tout est fini » au sens où rien ne pourrait suivre l’événement de la croix !

Cette parole, et bien d’autres éléments des récits de la mort de Jésus, nous permettent d’affirmer que la victoire du Christ sur le mal, la mort, et Satan est acquise de façon décisive à la croix ; c’est par sa mort que le Christ l’a remportée. Cette parole de Jésus l’atteste sans aucun doute possible, tout comme certains faits : le voile du temple déchiré à ce moment-là (le Christ nous ouvre un libre accès au Père), ou le cri qu’il a poussé, signe de victoire contre les puissances (Matthieu ch.26, v.50).

La Résurrection de Jésus est l’attestation de cette victoire, de son élévation dans son abaissement même.

« Comment vivre dans le quotidien de notre vie- le sacrifice de la croix ? » [Marianne]

La première chose que nous pouvons faire pour vivre ce sacrifice est de comprendre son sens et sa nécessité. Jésus est venu pour ôter le péché du monde (Jean 1/29). A la croix il a payé le prix du péché des humains selon ce qui était annoncé en Esaïe 53 et se trouve proclamé en Hébreux 9/27-28, ou Romains 3/25-26 par exemple. Parce qu’il est ressuscité, il nous offre une vie nouvelle, libre du péché, réconciliée avec le Père (2 Corinthiens 5). Pour comprendre cela avec de plus en plus de profondeur il est nécessaire de lire et d’étudier la Bible dans la prière. Nous verrons alors qu’elle conduit toute entière à cet acte de salut. Cette étude nous permettra aussi de cerner de mieux en mieux notre péché et le besoin que nous avons de recevoir ce que Christ nous offre.
Le baptême et la Sainte-Cène sont des gestes que Christ donne à son Eglise pour lui donner de saisir aujourd’hui ce qui a été accompli une fois pour toutes. Par ces gestes, nous sommes mis devant la mort et la résurrection du Christ, ainsi appelés à accueillir de nouveau dans notre vie concrète ce qu’il a fait pour nous.
Enfin, la prière nous permet de déposer aujourd’hui devant Dieu nos péchés, pour qu’il les pardonne, transforme notre cœur et nous conduise au quotidien dans la vie nouvelle, réconciliée qu’il offre en Christ, mort et ressuscité pour que nous vivions avec lui toujours.

Les démons savaient-ils qu’ils crucifiaient Dieu ? [Evrard]

Le problème des démons n’est pas leur ignorance, mais leur opposition au plan de salut de Dieu.

Les Évangile mettent souvent en scène des démons ou des personnes possédées par des démons faisant preuve d’ un discernement particulièrement clair concernant l’identité réelle de Jésus. Ainsi il est appelé « Fils de Dieu  » ou « Fils du Dieu très haut » en Matthieu 8/28-29, Marc 3/11, Marc 5/6-8, Luc 4/41, Luc 8/27 -28 et « Saint de Dieu » en Marc 1/23-25 ou Luc 4/33-35. Le terme « Fils de Dieu » marque sa filiation particulière. Le terme de « Saint » désigne quelqu’un de divin, d’une nature différente ce celle des autres humains.

Il est particulièrement marquant que cette reconnaissance par les démons précède celle des disciples (Matthieu 16, Marc 8, Luc 9) et se déroule dans un contexte d’affrontement puisque dans ces histoires, les démons sont menacés par Jésus. Le problème des démons n’est donc pas l’ignorance, mais l’opposition au plan de salut de Dieu. Par la mort et de la résurrection de Christ, ils sont vaincus, pris à leur propre jeu et leur malheur est de le savoir.

Jacques 2/19 :  » Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils tremblent. »

Pourquoi Jésus n’évoque-t-il jamais sa crucifixion ? [Christian]

C’est vrai que dans les Evangiles, Jésus n’évoque pas toujours la perspective de sa crucifixion de manière très directe. Cependant, il annonce à ses disciples qu’il va mourir à de multiples reprises.

Parfois de manière imagée :

« Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. Les Juifs dirent : Il a fallu quarante six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras ! Mais il parlait du temple de son corps » (Jean 2.19-21)

Ou bien très explicite :

« Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu’il fallait qu’il aille à Jérusalem, qu’il souffre beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite le troisième jour« . (Matthieu 16.21)

Il y aussi un moment où Jésus, sans utiliser le mot « crucifixion », fait comprendre à ceux qui l’écoutent qu’il sera exécuté sur une croix :

« Et moi, quand on me placera en haut, au-dessus de la terre, j’attirerai à moi tous les êtres humains. » En disant cela, Jésus montre comment il va mourir. » Jean 12.32-33

Et puis enfin, Jésus évoque la croix directement, lors de ce passage célèbre :

« Si quelqu’un veut me suivre, qu’il s’abandonne lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. » Matthieu 16.24

J’imagine qu’avec toutes ces annonces, cela devait être assez clair ! Pour qui veut bien entendre…

J’ai entendu cela récemment. Est-ce un bon résumé de l’Evangile ? « Il a fallu la crèche pour amener Dieu à l’homme mais la croix pour élever l’homme à Dieu. » [Anonyme]

Je ne pense pas, même si le mouvement de ce texte est assez beau, à mon point de vue. Mais le résumé de l’Évangile, c’est que c’est Dieu (et lui seul) qui est venu jusqu’à nous, comme un homme, en Jésus-Christ (donc depuis sa naissance jusqu’à sa mort et sa résurrection, en passant par son ministère) pour rétablir, entre Lui et nous, la relation brisée par le péché. Je ne veux pas oublier la résurrection du Christ, car c’est elle qui valide le pardon de Dieu (I Corinthiens 15. 17). En fait, pour essayer de reprendre les termes de la phrase que vous citez, je dirais plutôt : « Il a fallu Jésus-Christ pour amener Dieu à l’homme et pour élever l’homme à Dieu. »

Pourquoi Jésus devait-il être crucifié ? Pourquoi Dieu ne pourrait-il pas simplement nous pardonner sans ce sacrifice terrible de son fils ? [Eric]

Le sens de la mort de Jésus, sa portée et sa cause font l’objet de beaucoup de remises en question depuis des décennies. Certains ne veulent y voir qu’un acte héroïque du témoin de la vérité et de la justice, une dénonciation de la violence des hommes (Matthieu 23,31). Ou une victoire sur les puissances de mort (Apocalypse 12,10ss) qui oppriment les humains. Ou encore, une preuve d’amour total de Jésus envers nous (év. Jean 15,13)  ou d’obéissance/confiance absolue envers le Père (voir Jean 14,31, ou l’attitude de Jésus crucifié face aux moqueries et aux défis qui lui sont lancés). Liste non exhaustive.

Ces sens sont bien présents dans le Nouveau Testament, mais vous avez employé, Eric, le terme le plus important parmi les interprétations que donne l’Ecriture de la mort de Jésus : « sacrifice ». Le fait que son sang a été répandu pour effacer nos fautes (idée de substitution), comme, symboliquement, le sang de l’animal répandu sur l’autel, effaçait les souillures (Lév 17,11).  Jésus est bien le serviteur fidèle annoncé par Esaïe : « la sanction, gage de paix pour nous, était sur lui, et dans ses plaies se trouvait notre guérison… Le Seigneur a fait retomber sur lui la perversité de nous tous » (53,5 et suivants, version TOB). L’épitre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, montre que le sacrifice de Jésus, victime parfaite offerte une fois pour toutes, met fin à tous les sacrifices et à toutes les tentatives humaines pour s’auto-purifier devant Dieu, puisque c’est Dieu qui y pourvoit lui-même en Christ (thème central chez l’apôtre Paul, voir entre autres Romains 3,21-25). Dieu se réconcilie avec nous à la croix, et la Résurrection de Jésus nous l’atteste.

Donc la mort de Jésus « pour nos péchés » a bien à voir avec notre péché ! Et le pardon a toujours un prix. Ce sens expiatoire, pénal, est difficile, voire scandaleux à accepter. Mais « sans effusion de sang,  il n’y a pas de pardon » (Hebreux 9,22). Loin d’évoquer ici un Dieu cruel, vengeur et assoiffé de sang, dont la vue « apaiserait le courroux » (caricature dont témoigne une certaine spiritualité chrétienne, hélas), la mort de Jésus atteste ce que nous révèle la Loi de Dieu : le poids insurmontable de notre péché, qui nous prive de la gloire (de la présence) du Dieu vivant, et dont le salaire (= la conséquence) est la mort. La mort de Jésus est notre jugement. Dieu dit « non » à ce que nous sommes ou tentons d’être sans lui. « Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la croix, en devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois » (Galates 3,13).

Et la croix nous appelle donc à « mourir à nous-mêmes », elle condamne sans appel tous les marchandages religieux que l’homme tente avec Dieu (c’est-à-dire ses vaines tentatives pour e rendre juste) pour qu’il ne vive que de la Grâce, du don gratuit que Dieu nous fait en Jésus-Christ (Romains 5,20 ; 6,14,23).

Bref, pour reprendre une image à la mode, il faut préserver, dans la « biodiversité » des explications de la mort de Jésus dans la Bible, cette « espèce menacée » qu’est le sens sacrificiel ! Jésus est bien « l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », comme le disait Jean-Baptiste.

Comment les protestants comprennent-ils la crucifixion ? S’agit-il d’une expiation substitutive pénale ou d’un autre modèle théorique comme celui d’Abélard ? [René]

La grande majorité des protestants, à la suite de Martin Luther et Jean Calvin, comprennent la crucifixion de la même manière que l’ensemble des chrétiens : selon l’enseignement des écritures bibliques.

La mort de Jésus est la volonté de Dieu : « Cet homme [Jésus] vous a été livré conformément à la décision que Dieu avait prise et au plan qu’il avait formé d’avance ». (Ac 2.23). Et Jésus a obéi à la volonté du Père : « [Jésus] s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort » Phi 2.8.

En effet, le sens de la crucifixion de Jésus s’exprime dans la Bible avec un langage judiciaire et sacrificiel (les deux vont de pair) : « Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20.28), « Jésus a été livré pour nos fautes » (Rom 4.25), « vous avez été rachetés à grand prix » (1 Co 6.20), « Il a subi notre punition, et nous sommes acquittés […] le Seigneur lui a fait subir les conséquences de nos fautes à tous » (53.5-6)

En résumé, la punition que nous méritons pour nos péchés a été prise par Jésus. Ainsi nous sommes réconciliés avec Dieu (Rom 5.10). C’est par amour pour nous que le Père a donné son fils, c’est ainsi que le mot « grâce » prend tout son sens ! Par la croix, Dieu nous offre le pardon gratuitement. Quel amour merveilleux ! « L’amour consiste en ceci : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés ; il a envoyé son Fils qui s’est offert en sacrifice pour le pardon de nos péchés. » (1 Jn 4.1)

Il y a dans le protestantisme, une minorité de personnes qui, comme Abélard au XIIe siècle, n’acceptent pas cet enseignement pour des raisons morales. Même pour les disciples de Jésus, l’idée n’était pas facile à accepter, Pierre a refusé l’idée que Jésus aille jusqu’à la croix, et Jésus lui a répondu par cette mise en garde : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ». (Mt 16.23)

Comme l’enseigne Paul, l’idée la croix est pour beaucoup une folie (1 Co 1.17-25), mais pour ceux qui l’acceptent, la croix se révèle être « sagesse et puissance de Dieu ».