Pourquoi Jésus dit-il de prendre sa croix- avant même qu’il ne soit crucifié ? [Gilles]

Effectivement, Jésus invite chacun de ses disciples à se « charger de sa croix » pour le suivre (voir par exemple Marc 8,34-35). Se charger de sa croix est une image pour évoquer la condition de celui ou celle qui croit en lui. Elle signifie se mettre à son écoute, renoncer à nous centrer sur nous-mêmes, laisser mourir notre vie ancienne pour renaître à une vie nouvelle. Bref « perdre » notre vie… pour la sauver ! Une des histoires de la Jungle du Docteur White l’illustre bien : c’est un jeune singe qui essaie d’extirper des cacahuètes du fond d’une bouteille au goulot étroit, piège installé par un braconnier. Il ne veut pas écouter le conseils du vieux singe qui l’accompagne : lâcher les arachides pour pouvoir extraire sa main de la bouteille…. il y laissera sa vie.

Cela n’implique nullement que Jésus invite ses disciples à le devancer sur ce chemin-là. Jésus a accepté que la croix soit l’aboutissement de toute son oeuvre, de tout son ministère, bien avant que ses disciples ne l’aient même compris. Par amour pour nous, il s’est totalement décentré de lui-même, dépouillé de tout en se faisant obéissant jusqu’à la mort sur la croix (Philippiens 2,8).

Luc 14,26 dit-il que c’est lorsqu’on est dans un état de désarroi profond- de souffrance- qu’on se tourne vers Dieu ? [Clément]

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, …..et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple », voilà la parole de Jésus que vous citez, Clément, et qui a effectivement quelque chose de déconcertant ! D’autant plus que Jésus emploie un « sémitisme », une expression idiomatique de l’araméen pour revendiquer cette préférence : « si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, etc ». Dans sa langue comme en hébreu, en effet, l’opposition des verbes aimer/haïr remplace le verbe « préférer à ». (voir par exemple Malachie 1,2-3).

Il ne s’agit pas pour Jésus de dire : « vous ne pouvez croire en moi et me suivre sans être complètement dégoûté de tout, même de ce qu’il y a de plus important, les relations affectives, voire la vie tout court ». Mais bien plutôt : « me suivre passe avant tout, c’est une priorité, qui peut amener des choix parfois difficiles ». L’apôtre Pierre en a fait l’amère expérience en reniant Jésus au moment décisif. Pensons par exemple à certains musulmans qui découvrent le Salut en Jésus-Christ et sont alors brutalement rejetés par leur famille, ou à ceux et celles qui affrontent la prison ou des menaces dans des pays totalitaires parce qu’ils lisent la Bible ou réunissent des Eglises dans leur maison. Cette parole de Jésus interroge même ceux qui ont comme nous la chance de vivre librement leur foi. Qu’est-ce qui dans ma vie peut contester à ma foi en Jésus-Christ la première place, gêne mon témoignage, parasite mon service du Seigneur et du prochain ?