Lors d’un décès, peut-on prier en remettant l’esprit du défunt entre les mains de Dieu (puisque le corps retourne à la terre et l’esprit à Dieu) ? [JoonS]

L’esprit, c’est le souffle qui fait respirer, qui fait vivre la personne. Ce n’est pas la personne. La personne est à la fois corps (c’est en tant que corps qu’on est en relation avec soi et avec les autres, Dieu y compris), âme (c’est la personne elle-même en ce qu’elle a d’irréductible) et esprit (le souffle, donc). La mort désigne la dislocation de ces manières de considérer la personne : le corps n’est plus corps mais cadavre, l’âme n’est plus, l’esprit « retourne à Dieu ».

La promesse que nous saisissons par la foi, c’est que notre identité (notre personne) d’enfant de Dieu est vouée à cause de Christ non pas à la mort, mais à la résurrection. Si nous pouvons déjà éprouver celle-ci dans notre vie présente, elle remplira totalement notre vie future auprès du Père. Mais, bien sûr, le mot « future » est une image : Dieu n’est pas lié à l’espace ni au temps ! La certitude, c’est que nous serons donc à nouveau, par l’action libre et souveraine de Dieu, corps, âme et esprit, dans une nouvelle et autre dimension d’existence. La compréhension de ce que ce sera ne nous est pas atteignable sinon justement par des images (cf. 1 Corinthiens 15 / 35-50).

La prière pour « l’esprit du défunt » n’a donc pas de sens. Si l’esprit retourne à Dieu, c’est déjà fait : pourquoi le lui remettre ? C’est le mourant (ou pas mourant, d’ailleurs) qui peut adresser cette prière pour lui-même, comme Jésus l’a fait (Luc 23 / 46 citant le Ps. 31 / 6), et on peut l’y assister en priant de même pour le mourant… avant sa mort ! C’est une prière d’espérance en la résurrection, c’est se confier soi-même ou confier l’autre à l’amour du Père.

Dans ce sens, la prière pour les défunts a reçu un accueil variable dans les différentes traditions protestantes : les luthériens la pratiquent, les réformés non. Il n’y en a pas d’attestation biblique. Lorsqu’elle a lieu, elle manifeste notre espérance de la résurrection, de la puissance de Dieu plus forte que la mort. Mais le temps et le lieu de cette résurrection nous sont inconnaissables : ne pensons pas que Dieu va exaucer cette prière un certain jour plutôt qu’un autre. C’est, précisément, « entre ses mains » ! La prière lui dit notre confiance en lui.

Pourquoi, chez les protestants de l’EPUdF, n’y a-t-il pas Sainte Cène toutes les semaines (Jean 6 / 51-58) ? [Muriel]

Les traditions protestantes (c’est-à-dire les différentes interprétations de la Parole de Dieu reçue à travers la Bible) ne sont pas unanimes. Chez les luthériens et les calvinistes, le Christ se rend réellement présent dans la sainte cène pour ceux qui communient avec foi. Pour certains (notamment les luthériens) cela implique la célébration de la cène à chaque culte (tout au moins si c’est un pasteur ordonné qui préside). Pour d’autres, l’importance de cette célébration suppose qu’on en use moins souvent afin de ne pas la banaliser. Par ailleurs, il y a dans ces traditions des fidèles de sensibilité soit évangélique, soit libérale, pour qui la cène est simplement une commémoration, une image de ce que le chrétien est nourri spirituellement.

L’Église protestante unie de France est une Église unie, comme son nom l’indique : elle rassemble des sensibilités différentes autour d’affirmations communes (notamment contenues dans la « Concorde » dite de Leuenberg, entre Églises luthériennes, réformées et méthodistes d’Europe). Historiquement, les Églises réformées en Suisse et en France ne célébraient la cène que trois ou quatre fois l’an, contre l’avis de Calvin. C’est petit à petit que cette célébration est devenue plus fréquente, au moins une fois par mois depuis le milieu du XXe siècle, souvent plus aujourd’hui.

Il faut remarquer que nulle part la Bible n’indique une périodicité. S’il est clair que la sainte cène est toujours une célébration communautaire (jamais individuelle), rien ne dit qu’elle doive être hebdomadaire, voire quotidienne. Pourtant, ce qui est dit du culte chrétien dans le Nouveau Testament semble supposer que la cène y était célébrée chaque fois… Le texte que vous mentionnez ne dit rien là-dessus, il dit le sens de ce que représente la cène. On pourrait citer aussi des extraits des chapitres 10 et 11 de la première épître aux Corinthiens, sans parler des récits de la cène dans les évangiles synoptiques.

Sommes-nous appelés à devenir saints ? Quelle est la justification du salut sachant que la grâce et le salut sont donnés ? Quelle est aussi d’ailleurs la justification de la demande du pardon ?

Comme souvent, la difficulté de la question provient des sens divers donnés à un même mot.

Le mot « saint » a été marqué par la tradition catholique en désignant des personnes dont on recommande la vie et que l’on présente en exemple pour les fidèles. Les protestants se sont démarqués de cette approche car ils y ont vu une démarche conduisant à un légalisme : le saint est une sorte d’idéal auquel j’essaye de ressembler pour être accepté par Dieu.

Il n’en reste pas moins que l’apôtre Paul écrit que ceux qui croient sont appelés à être saint (Romains 1:7, 1 Corinthiens 1:2, Ephésiens 1:4,…) et Pierre reprend explicitement un commandement de l’Ancien Testament dans lequel Dieu dit : Vous serez saints, car je suis saint (1 Pierre 1:16). Le mot saint est aussi régulièrement employé à la place de croyant !

Par opposition à la tradition catholique, les protestants ont souvent insisté sur le fait que nous sommes justifiés devant Dieu par la foi, indépendamment de ce que nous pouvons faire. C’est ce que l’apôtre Paul développe dans sa lettre aux romains : tous ont péché et sont privés de la présence glorieuse de Dieu. Mais Dieu, dans sa bonté, les rend justes à ses yeux, gratuitement, par Jésus-Christ qui les délivre du péché. (Romains 3:23-24).

Mais en même temps, Paul appelle à reconnaître ses fautes (Romains 2:4-5) et à vivre de manière cohérente avec sa foi Romains 12 (Sois vainqueur du mal par le bien v. 21).

J’avais un beau-père qui aimait beaucoup le récit où Jésus manifeste la grâce de Dieu à la femme adultère face à ses contradicteurs religieux (Jean 8:1-11). Il était évident pour lui que cette femme allait retourner à ses pratiques parce que nous sommes toujours pécheurs et pardonnés.

Je crois que c’est une mauvaise compréhension de la justification : on oublie alors que l’évangile est une puissance de Dieu qui oeuvre pour nous sauver : Nous sommes justifiés entièrement par grâce mais cette parole par laquelle le Seigneur nous accueille tel que nous sommes, nous transforme et nous conduit dans une liberté nouvelle pour vivre avec lui (Romains 6:1-14) : En effet, le péché n’aura plus de pouvoir sur vous, puisque vous n’êtes pas soumis à la loi mais à la grâce de Dieu, nous dit Paul.

C’est vraiment la bonne nouvelle de l’Evangile : si nous confessons nos fautes et croyons que Jésus est mort à notre place pour nous libérer, nous recevons l’Esprit qui est le Saint-Esprit et qui nous conduit dans une relation nouvelle à Dieu et aux autres (Romains 8:1-17 et Galates 5:16-22).

A nous donc d’avancer, non en nous confiant sur nous-mêmes, mais en recevant le don de Dieu avec foi.

Pourquoi y a-t-il tellement d’Églises protestantes différentes ? [Gaspard C.]

C’est sans aucun doute le signe d’une grande infidélité ! Mais ce peut aussi signifier que, puisque nous sommes divers en tant qu’êtres humains, y compris dans un même pays, alors l’Église doit pouvoir annoncer l’Évangile non seulement à tous, mais aussi à chacun « dans sa langue maternelle », dans ce qu’il est, dans ses propres formes de pensée et d’expression ; d’où une diversité qui trouve là sa légitimité. Mais alors cela devrait s’accompagner d’une grande fraternité entre ces différentes dénominations, et non d’une compétition, voire d’une excommunication réciproque…

Dans l’Église catholique, c’est l’appartenance à l’Église qui définit le chrétien. C’est l’Église, dans sa hiérarchie, son sacerdoce, ses rites, qui permet l’accès à Dieu. Quand on n’est pas d’accord avec quelque chose, on proteste, mais on reste dedans ! (Notez que Luther n’a pas voulu faire une autre Église, mais qu’il a été mis dehors.) Tandis que le protestantisme classique ne pose pas l’Église à cet endroit-là : la relation avec Dieu y est directe, Dieu parle aux croyants par la prédication et les sacrements, mais tous les chrétiens sont prêtres et peuvent lire et interpréter la Bible et s’adresser à Dieu. Quand donc on a un désaccord majeur, qu’on ne se sent plus « chez soi », qu’on reproche à sa communauté ou à son pasteur son infidélité supposée, on change d’Église, voire on en fonde une autre.

Les protestants devraient pourtant se rappeler avec humilité les textes de l’Évangile dans lesquels « ceux qui ne nous suivent pas » sont aussi l’Église (Marc 9 / 38-40 ; Jean 10 / 16), car il y a une seule Église chrétienne, l’Épouse du Christ, celle pour laquelle il a donné sa vie. « L’Église protestante unie de France – Communion luthérienne et réformée professe qu’aucune Église particulière ne peut prétendre délimiter l’Église de Jésus-Christ, car Dieu seul connaît ceux qui lui appartiennent. » (Constitution de l’EPUdF, article premier) Beaucoup d’autres Églises protestantes / évangéliques ont un discours ou une pratique qui rejoint ceci, et il m’est arrivé de connaître une grande fraternité entre pasteurs des différentes Églises protestantes d’une même ville, même lorsqu’elles ne sont pas d’accord sur le baptême des enfants, sur le parler en langues, sur la manière de lire les textes bibliques, etc.

Pourquoi des pasteurs portent la robe pastorale ? Quelle est son utilité alors qu’il y a chez les protestants le sacerdoce universel ? [Alex]

Ceci est propre à la tradition luthéro-réformée – et tous les pasteurs ne la portent pas… À la différence d’un vêtement sacerdotal, elle a un double rôle pendant le culte (et aucun rôle à un autre moment) : elle distingue le pasteur, et elle le cache !

Elle distingue le pasteur, non pas en tant que le croyant le plus près de Dieu, le premier de l’assemblée, encore moins le plus pur ou le plus pieux, mais en tant qu’il est « apte et digne » pour annoncer la parole de Dieu. Elle manifeste donc à la fois sa formation universitaire (c’est sa première fonction, c’est la même robe qu’un docteur d’université ou un magistrat) et sa reconnaissance par l’Église (au-delà de l’Église locale). Elle montre que son ministère est autre que celui d’un prédicateur dit laïc. En même temps elle cache le pasteur, car ce n’est pas lui qui est important, mais la parole de Dieu que les fidèles peuvent entendre par l’intermédiaire de sa prédication. S’il y a un acteur important dans le culte, c’est le Saint-Esprit, pas le pasteur.

Le sacerdoce universel, c’est autre chose. C’est la conviction que tous les baptisés peuvent s’adresser à Dieu et le prier les uns pour les autres. Le pasteur n’est pas un intermédiaire obligé, il n’est pas plus prêtre (pas moins non plus) que les autres chrétiens. Dans le sens traditionnel, un seul est prêtre, Jésus-Christ, et c’est pour toujours ! Mais l’assemblée chrétienne a besoin de pasteurs, formés et reconnus, qui enseignent et proclament la parole de Dieu. Ce service (= ministère) est fondateur et central pour l’Église, il en assure l’unité et en soutient la mission. D’autres ministères s’exercent aussi dans l’Église ou en son nom, ce n’est pas le seul.

Peut-on se dire protestant si l’on considère le Christ comme un homme d’une sagesse exceptionnelle, véritablement en lien direct avec Dieu, sans pour autant le considérer comme « divin » ? [Jacques]

A-t-on besoin d’une étiquette pour se (faire) reconnaître ? La réponse est non. Les pensées sont libres…

Mais si on y tient pourtant, alors il faut considérer le sens des mots. Furent « protestants » les princes et villes de l’Empire qui, en 1529, protestèrent de leur foi chrétienne devant le parlement impérial. Sont donc protestants ceux qui, comme eux, arguent de leur foi chrétienne, telle que la Confession d’Augsbourg la définira fort classiquement l’année suivante, et depuis toutes les autres confessions de foi de la Réforme. C’est à savoir que Dieu est un en trois personnes, que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, « mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification ».

Pour le dire de manière différente, se reconnaîtront comme protestants ceux qui confessent l’autorité souveraine des Saintes Écritures pour la foi et pour la vie (lesquelles confessent justement que Jésus est « Fils de Dieu »), et que l’être humain est « sauvé par grâce, par la foi en Jésus-Christ ». On peut bien sûr le dire avec d’autres mots que ceux-ci (encore que moi, je ne sache pas le faire)… Mais cette confession de foi, ecclésiale et personnelle, est intimement liée à la définition du protestantisme.

Il est vrai que certaines personnes se disent protestantes sans cette définition religieuse, par attachement culturel ou sociologique, ou en pensant que le protestantisme est un ensemble de « valeurs », un christianisme libéral, sans dogmes, sans hiérarchies, sans Écritures. Bien. Je n’en suis pas…

Qu’est-ce que l’EPUdF ? [Gilbert]

L’EPUdF, c’est l’Eglise Protestante Unie de France, qui est une communion luthéro-réformée, c’est-à-dire le fruit de l’union des anciennes Eglise Evangélique Luthérienne de France (1872-2013) et Eglise Réformée de France (1938-2013). Le processus d’unification a formellement commencé en 2007 et s’est achevé en 2013, mais depuis plus de quarante ans, ces deux Eglises interagissaient dans de nombreux dossiers, notamment via la CPLR : Communion Protestante Luthéro-Réformée.
Par cette création d’une nouvelle union d’Eglise se rassemblent les deux principales dénominations historiques de la Réforme, luthérienne (issue de Luther) et réformée (issue de Calvin).