Quelles différences entre luthériens- réformés et baptistes ? [Lulu]

Luthériens, réformés et baptistes font ensemble partie de la même famille protestante. Comme vous le savez sans doute déjà, il y a pas mal de nuances en son sein, qui en fait une sorte de kaléidoscope.  

En l’occurrence, la différence entre ceux qu’on peut nommer les luthero-réformés et les baptistes est loin d’être négligeable, puisqu’il s’agit de la question du baptême. Autrement dit de l’entrée dans la vie chrétienne. A ma gauche, les luthéro-réformés reconnaissant la validité du geste consistant à baptiser les enfants ; à ma droite les baptistes ne prenant en compte comme vrai baptême qu’un baptême choisi et accompli par une personne d’âge mûr, en son âme et conscience. Au coeur du débat se trouve le rôle des croyants dans l’oeuvre de salut. A ma gauche, on insiste sur la force irrésistible de la grâce ; à ma droite, sur la nécessaire profession de foi du baptisé. 

Cette différence est ancienne, puisqu’elle remonte au 16ème siècle, c’est-à-dire à la naissance même du protestantisme. En héritier de Saint Augustin, Martin Luther avait une très haute idée de la grâce de Dieu, et beaucoup de réserve quant au bien-fondé des décisions humaines. Il était soucieux aussi de changer l’Eglise de l’intérieur, en en conservant des fondements, en particulier les sacrements du baptême et de la Sainte-Cène. Sa position favorable au baptême des enfants peut s’expliquer par ces deux éléments. A la même époque se dessina une réforme plus radicale, menée par des chrétiens anabaptistes, rejetant la tradition du baptême des enfants, et mettant en en avant la nécessité de la nouvelle naissance des croyants dans le baptême. C’est de cette branche que viennent les baptistes, dont les premières communautés apparaissent en Angleterre et aux Pays-Bas au début du 17ème siècle. 

Pourquoi fallait-il que Jésus soit sacrifié pour nous sauver ? Dieu est bon- pourquoi a-t-il mis en place cette « règle du jeu » barbare ? [Alexis]

C’est vrai, Alexis, que la théologie chrétienne est allée jusqu’à présenter la mort du Christ un peu comme une “ règle du jeu “ destinée à satisfaire mécaniquement, ou mathématiquement la soif de colère du Père envers l’humanité. Et dans certaines Eglises, ou certains milieux, on se plaît à souligner toute la barbarie de la crucifixion, que la Bible, elle, se garde d’étaler. La logique est alors : plus le sang coule, plus le prix payé par le Christ pour notre salut est important ! 

Les Ecritures lient évidemment la mort du Christ, et donc, d’une certaine manière sa souffrance, au salut des croyants. Pourtant, il est juste de voir en elle plus le signe d’un amour que d’une cruauté. Je propose trois réflexions pour l’étayer. 

Le Christ ne vit sa mort comme un abandon que dans les derniers instants. Abandon à la volonté du Père (Matthieu 26, 42). Le reste de sa vie laisse voir le Messie qui se donne pour les autres. Une vie où le don est plus fort que l’abandon, et c’est aussi cette force du don qui conduit à la mort. 

Sa mort n’est pas la fin de l’histoire, mais sa résurrection, qui est vécue par les croyants, et présentée par les textes comme une victoire. La souffrance du Fils n’est donc pas le dernier mot, mais son élévation et son règne avec le Père, dans la réconciliation. La communion du Père et du Fils n’est pas rompue. 

Le pourquoi de la souffrance du Christ reste malgré tout un mystère que devant lequel nous plions le genou, parce que ses dimensions ultimes nous échappent (Philippiens 2, 6-11). En étant près du Christ, on comprend cependant que ce n’est pas souffrance qui est recherchée, mais le salut et la vie. 

Certains font appel à un magnétiseur pour leur santé. Quel est l’impact sur le plan spirituel ? [Nicole]

Il serait hasardeux, Nicole, de donner une réponse catégorique à votre question. Cet impact que vous mentionnez dépend à mon avis de plusieurs critères d’appréciation. J’en mentionnerai deux, les principaux pour moi :  

D’abord, de quelle pratique parlons-nous, exactement ? Entre un praticien qui utilise le rayonnement des pierres, relevant d’une chimie naturelle, et un autre qui se réclame d’un don de guérison transmis de génération en génération, il existe à mon sens une différence qualitative. Le deuxième cas est le plus susceptible d’atteindre spirituellement la personne “ soignée “, étant donné le mystère qui entoure en général l’origine de ce don. Une puissance qui ne dit pas son nom peut s’avérer nuisible, et c’est souvent le cas. Mieux vaut ne pas s’y fier, quand bien même elle serait efficace d’un point de vue de la santé physique.  

Ensuite, quelle est la disposition intérieure de la personne se soumettant au soin ? Est-elle psychiquement et spirituellement dans un état de vulnérabilité ? Si c’est le cas, elle sera d’autant plus exposée. Par vulnérabilité, j’entends aussi le fait de vouloir la santé à tout prix, ce qui peut être une entrave à la confiance en Dieu, confessé comme étant celui qui sauve son enfant dans la santé et dans la maladie. La santé est un bien éminemment souhaitable, mais on ne peut pas se jeter en son nom à corps perdu dans toutes les mains.  

La foi proclame que Christ est vainqueur de toute puissance de ce monde. Approprions-nous cette victoire, sans négliger le mal, mais sans nous y soumettre dans la peur.  

Un démon peut-il avoir une emprise sur un chrétien ? Je suis gravement tourmentée. Dans mes rêves- de jour… ça me force à me faire du mal. [Rozanne]

Je suis sensible à la souffrance que vous exprimez, Rozanne. A partir d’elle, vous formulez une question à laquelle je répondrai « oui » sans hésiter. Avoir remis sa vie au Christ, lui appartenir ne nous met pas à l’abri de tout mal. Jésus savait ce qu’il faisait quand il nous a appris à prier : « Délivre-nous du mal ». Si, par la foi, nous connaissons la paix de Dieu, celle-ci ne se réalisera parfaitement que dans le face-à-face avec lui. Pour le temps présent, nous luttons.

Le mal a plusieurs visages dans notre existence. La Bible dit que le péché vit dans le cœur des humains. Leur volonté en est affectée. Ils font ce qu’ils ne veulent pas, et ils ne font pas ce qu’ils veulent (Romains 7). Cela peut être inhérent à la nature humaine, ou venir aussi d’une influence extérieure, que l’on appellera esprit ou démon. La souffrance occasionnée peut se révéler terriblement impressionnante et nous faire douter. Nous nous sentons « pris » au-dedans. Et cela se concrétise souvent pour nous par un très fort sentiment de culpabilité.

Cependant le Christ reste victorieux de toutes ces puissances nocives. Il les a vaincues à la croix, et il nous faut réactiver cette victoire dans le désarroi qui nous étreint, pour retrouver notre liberté d’enfant de Dieu. Nous ne croyons pas que nous sommes invincibles parce que nous sommes chrétiens, mais que de toutes les forces qui agissent en nous, celle qui aura le dernier mot est l’Esprit du Christ. Un cœur conscient de cette victoire et sincèrement repentant sera délivré du mal. La prière est nécessaire pour y arriver. Parfois, il est bon d’être accompagné pour identifier plus précisément la nature du mal et le combattre. Délivrance ou guérison peuvent demander du temps, l’important est de demeurer en Christ.

Peut-on se dire chrétien alors qu’on réfute la résurrection physique de Jésus ? Doit-on prendre au mot près la Bible ou l’interpréter ? [Patrick]

Dès le moment où nous ouvrons la Bible, nous allons l’interpréter. Dire le contraire serait mentir. Les lecteurs les plus littéralistes l’interprèteront aussi, en choisissant un verset plutôt qu’un autre pour répondre la question qui les taraudent. Choisir, c’est déjà interpréter. La lecture des Ecritures, geste vital pour les chrétiens, consiste à s’approprier une parole qui nous a précédée, et qui nous succèdera. Nous la lisons avec ce que nous sommes. Nous l’interprétons, ce qui ne veut pas dire que nous ne la prenons pas au sérieux, et que nous ne considérons pas attentivement ses détails.

En l’occurrence, la résurrection n’est pas un détail ! Tant les évangiles que les lettres de Paul insistent sur la dimension corporelle de la résurrection. Thomas est invité à mettre ses doigts dans les stigmates du Ressuscité. Paul combat dans les Eglises les spiritualistes gnostiques qui pensaient que les corps ne prennent pas part au salut, et il livre aux Corinthiens une profonde méditation sur le sujet (1 Corinthiens 15). Il est bien sûr possible de vouloir déconstruire ces textes pour en faire de simples symboles du don que Dieu nous fait de la vie, des théologiens renommés l’ont fait en intellectualisant ou en spiritualisant la résurrection.

Pour autant, l’interprétation qui a prévalu au cours des siècles et que les Eglises n’ont cessé de confesser à travers le symbole de apôtres reste bien « la résurrection de la chair ». Cette promesse dépasse notre entendement et résiste à notre intelligence, c’est certain, mais y renoncer signifie bien tourner le dos à un point essentiel de la foi chrétienne et à la rendre vaine, selon les mots de l’apôtre Paul.

Est-ce que c’est un péché pour un chrétien de jouer des jeux d’argent ? (casino – loto..) [Alex]

Permettez, Alex, que je commence par dissocier dans votre question le jeu et l’argent. Car indépendamment de l’argent, le jeu a parfois été décrié par les Eglises chrétiennes comme étant une occupation malsaine, dirigeant les esprits de l’essentiel pour le tourner vers des choses futiles. Or les nombreuses découvertes pédagogiques faites depuis le 19ème siècle ont permis de mettre en valeur les nombreuses vertus éducatives, sociales du jeu. Sans compter la joie qui souvent s’y manifeste. L’un des aspects intéressants du jeu est qu’il s’inscrit dans un cadre limité, et qu’une fois terminé, chaque joueur peut retourner à la réelle.

C’est là que le bât blesse avec l’argent, qui a la triste tendance à faire éclater ce cadre. Tout le monde a pu expérimenter au moins une fois l’adrénaline libérée à l’occasion d’un pari, par exemple. Le problème, c’est qu’on perd vite la maîtrise du jeu. Et c’est le jeu, avec la perspective du gain, qui finit par nous maîtriser. Je parle d’une expérience commune, qui rejoint ce que l’Ecriture dit de l’argent quand elle la désigne comme une puissance agissante, et non seulement comme un moyen. Les jeux d’argent ont un avantage pour nous : ils nous révèlent la véritable nature de l’argent, une nature dévorante, qui obéit à la règle du « toujours plus » et prend tout l’espace

« Vous ne pouvez pas avoir deux maîtres, dit Jésus, Dieu et Mammon (l’argent) » (Matthieu 6, 24) Quand, pour envisager l’avenir, l’appât du gain devient plus important que la confiance en Dieu, il y a péril en la demeure, on ne joue plus vraiment. On pèche, effectivement. Et comme il est très difficile de résister à une telle puissance, mieux vaut se passer de la fréquenter.

Pourquoi Dieu le Père et Jésus n’ont pas la même position sur la vengeance ? Pourquoi « Œil pour œil- dent pour dent » a existé ? [Bianca]

Chère Bianca, c’est vrai, dans la langue courante, « œil pour œil, dent pour dent » sonne comme une incitation à la vengeance. On a envie de la prononcer en serrant les mâchoires et en pensant à son ennemi du moment.

L’expression est l’une des déclinaisons pratiques données aux Dix commandements confiés à Moïse pour le peuple d’Israël (Exode 21, 24). Elle se rattache donc à la Loi de Dieu, et, dans ce sens, comme toute loi, elle vise à limiter et à encadrer l’usage de la violence. Ce qu’elle propose, c’est une équivalence des blessures infligées et de la peine encourue, d’où son nom de « loi du Talion », du latin talis qui veut dire tel : telle est la blessure, telle sera la peine.

Cette loi se montre donc plutôt raisonnable, équilibrée. La peine est proportionnée à la faute, ce qui est le principe de la justice. Elle représente en tout cas un progrès par rapport à ce que Dieu préconise par exemple pour les éventuels meurtriers de Caïn, car son meurtre sera vengé 7 fois (Genèse 4, 15).

Jésus ne remet pas en cause la loi du Talion, mais il demande à ses disciples d’aller beaucoup plus loin que cela en tendant « l’autre joue » si quelqu’un s’en prend à eux (Matthieu 5, 39). Je ne parlerais pas de contradiction entre dans la position de Dieu et celle de Jésus, mais plutôt d’une progression dans la révélation de son amour. C’est d’ailleurs comme ça que nous lisons la Bible, qui est une révélation progressive dont le point final et central est le Christ.

Il est bon qu’une justice existe dans ce monde, mais il est meilleur encore que des disciples montrent la voie de l’amour qui libère de tout mal, y compris de celui d’une punition légitime.

Quand est-ce qu’on devient vraiment chrétien ? éducation ? conversion ? baptême ? [Hanta]

Votre question, Hanta, contient déjà une grande partie de la réponse que l’on peut y apporter. Les trois éléments que vous mentionnez ont effectivement leur place dans la vie chrétienne.

L’éducation comme préparation à une vie de disciple, comme transmission des éléments fondamentaux de la foi.

La conversion comme accueil de la grâce de Dieu qui change la disposition du cœur en l’ouvrant pleinement à Christ.

Le baptême comme manifestation visible de cette foi et entrée dans l’Eglise, famille des enfants de Dieu.

Tout cela construit bien un « devenir » chrétien.

Les chrétiens portent le nom du Christ. Un nom qu’ils confessent du cœur et des lèvres (Romains 10, 10). C’est cette confession de foi en Jésus ressuscité, Seigneur et Sauveur, qui pose le véritable fondement d’une vie chrétienne (1 Corinthiens 3, 11). Elle est cette adhésion qui nous lie à Dieu sur la terre et au ciel. L’éducation peut la préparer, la conversion du cœur lui est nécessaire pour lui donner une assise sérieuse, le baptême la rend publique et lui donne ses témoins. Ces trois choses lui sont donc indispensables, mais ne la contiennent pas tout entière.

On devient chrétien en mettant aussi en pratique les enseignements du Christ et des apôtres. Mais même si nos actes font défaut. Et ils font toujours partiellement défaut, nous sommes donc toujours en devenir. La foi confessée continue à nous lier au Christ, et à nous faire avancer dans la bonne direction, vers une vie sanctifiée.

Pourquoi Jésus a-t-il choisi Judas comme disciple ? Il devait se douter que ça finirait mal non ? [Anne-Marie]

Si nous partons ensemble, Anne-Marie, de l’idée que Jésus n’a pas choisi comme disciples ni les plus capables, ni les plus savants, ni même les plus honnêtes des hommes, alors Judas avait sa place dans la troupe. Les raisons qui conduisent Dieu à appeler certaines personnes en particulier pour le servir échappent souvent à nos critères de bienséance !

Même si Jésus voit arriver la trahison de Judas et l’annonce (Jean 13, 26), nous n’avons pas d’indice dans les évangiles pour dire qu’il savait, au moment où il le choisit comme disciple, quel rôle aurait Judas lors de la Passion. D’ailleurs il se passe dans la vie de cet homme un évènement décisif qui le conduit vers les prêtres pour livrer son maître : « Satan entra en Judas » (Jean 13, 27 ; Luc 22, 6). Tout n’était donc pas joué d’avance. Dieu ne se lie pas aux êtres humains par connaissance, mais par amour, et l’amour implique le risque de les voir basculer « du côté obscur ».

Pour faire un parallèle biblique, on peut passer au 1er roi d’Israël, Saül, qui avait lui aussi été choisi par Dieu, avant que celui-ci ne se retire de lui en raison de ses fautes. Comme Judas, Saül a fini sa vie dans bien des tourments !

D’ailleurs, si la fin de Judas n’a rien d’enviable et si on peut dire avec l’Ecriture qu’il s’est perdu (Jean 17, 12), la Passion aurait eu lieu sans lui. Les autorités n’avaient pas besoin de lui pour trouver Jésus et l’arrêter. Son malheur est surtout de s’être compromis avec le mal.

La France est-elle vraiment conduite par la morale judéo-chrétienne ? [Nabil]

Cette bonne vieille morale judéo-chrétienne ! Certains voudraient la savoir morte et enterrée. D’autres voudraient au contraire qu’elle régente tout. Elle n’est en tout cas pas cette main invisible chère aux complotismes de tout bord qui conduirait à notre insu notre vie et celle de notre pays.

De quoi parle-t-on ? D’une façon plus ou moins inconsciente de penser et de se comporter. Une sorte d’arrière-plan mental qui influerait sur les relations sociales, familiales.

Ce qu’on appelle morale judéo-chrétienne renvoie à plusieurs aspects qui, effectivement, peuvent déterminer nos actions, et qui sont en partie tirées de l’enseignement biblique. Parmi eux notamment : l’attention aux plus faibles par des actions de charité ; un penchant à la culpabilisation ; un rapport complexe (et complexé) à l’argent, à la sexualité ; la valorisation d’une espérance dans l’au-delà.

En observant attentivement la vie politique et sociale française, on retrouvera certainement ici et là des traces de cette morale.

Toujours sur le devant de la scène, le système de Sécurité Sociale qui permet aux plus modestes de se faire soigner convenablement pourrait être porté à son compte. Il se trouve qu’il a été mis en place en 1945 sous l’influence des courants communistes très actifs pendant la Résistance. Difficile d’en tirer des leçons définitives sur ses origines …

Autre phénomène ayant le vent en poupe, l’aveu de culpabilité continue à marquer les esprits. La pensée woke en est un bon témoin, en proposant souvent une relecture à charge du passé.

Si l’influence des Eglises a fortement diminué à la fin du siècle dernier, on peut donc penser qu’il reste de bonnes traces de cette morale … qui n’en font pas une direction générale !

Au fond, ce n’est pas si grave. La morale est à l’Evangile ce que la glace est à l’eau vive. Elle est faite de la même matière, mais figée. Ce que nous voulons savoir du Christ, c’est d’abord l’eau vive !