Pourquoi fallait-il que Jésus soit à la fois vraiment Dieu et vraiment Homme ? [Gudrun]

Il y avait quatre solutions :

  1. Qu’il soit vraiment Dieu et pas vraiment Homme
    Alors il aurait singé l’humanité, n’aurait pas traversé la souffrance, ni la mort (comme dans l’arianisme ou l’islam). Il serait beaucoup plus difficile pour nous de nous identifier à lui et le caractère sacrificiel de sa venue serait parodique et donc une vaste farce.
  2. Qu’il soit vraiment Homme et pas vraiment Dieu
    Ce serait un super prophète, il serait « l’inspiré » par excellence. Mais sa vie éternelle ne lui permettrait ni d’être présent au commencement du monde, ni d’être efficient après l’Ascension. Il serait un ènième fondateur de religion…
  3. Qu’il soit un humain « demi-dieu » comme dans les mythologies
    Sans reprendre les faiblesses des deux précédentes propositions, pour nous, la religion consisterait à passer notre temps à nous demander quand il est en « mode Dieu » ou en « mode Homme », et les batailles théologiques seraient interminables.
  4. Il a été vrai-Dieu et vrai-Homme pour finir
    Ce qui a permis de régler les problèmes des trois premières « solutions théologiques » évoquées ici.
    Et donc nous pouvons être structurellement à l’image de Dieu, et en plus, comme Christ, à sa ressemblance ; ou encore pleinement terrestres avec notre corps et notre âme, et tout à fait célestes avec notre esprit.

Pourquoi certains chrétiens ne regardent que les questions morales dans leur choix pré-électoral ? [Caro]

Effectivement, une partie des électeurs chrétiens accordent beaucoup d’importance à des critères comportementaux, moraux ou éthiques pour choisir pour qui ils voteront. Et les candidats le savent bien : se positionner contre l’avortement, contre le mariage gay, contre la polygamie de certains, a un fort potentiel de séduction à l’égard de certains chrétiens, qui font de ces sujets des enjeux premiers.

C’est assez étonnant quand le ministère de Jésus proposait une toute autre posture, aider une femme (en Jean 8) à sortir de sa logique d’adultère plutôt que de la condamner, contribuer à réintégrer des exclus (en Luc 17) plutôt que de les stigmatiser, choisir le pardon plutôt que la condamnation (Jean 3,16-17).

Ce sont sur d’autres sujets éthiques que Jésus s’est fortement positionné. A la suite du Premier Testament, il plaçait la question de l’équité et de la justice au tout premier plan, à la fois côté politique, mais aussi en matière de justice économique. Sa préoccupation pour la liberté, la justice des jugements rendus, ou le soin aux plus petits était bien plus forte que ses préoccupations strictement morales.

Bref pour Jésus, la justice, le droit des plus faibles et l’équité économique étaient des sujets plus essentiels pour faire des choix que les questions comportementales ou de morale personnelle.

L’Apocalypse parle-t-elle de l’époque que nous sommes en train de traverser ? [Jonas]

L’Apocalypse est le dernier livre de la Bible.
Mais dans toute la Bible il y a des récits de type apocalyptique. Dans les livres de Daniel ou l’évangile de Matthieu par exemple. Parce que « apocalypse » ne veut pas dire catastrophe finale, comme on le croit souvent en français, mais ça vient d’un verbe grec qui veut dire « lever le voile » : l’apocalypse c’est donc le dé-voilement, la ré-vélation.

Le livre de l’Apocalypse est un livre de type prophétique, c’est-à-dire qu’il se présente comme une vision anticipée d’une situation qui va avoir lieu.
Mais plus encore, les récits de type prophétique ou apocalyptique parlent toujours à plusieurs niveaux :
1. Ce sont des récits imagés, souvent, pour parler de la situation présente du peuple de Dieu quand il traverse des difficultés.
2. Ce sont des récits qui peuvent aussi être lus comme pertinents à d’autres époques qu’au moment où ils sont écrits.
3. Ce sont des récits qui ont, quoi qu’il arrive, un intérêt pour comprendre notre « aujourd’hui ».

Quand Ésaïe présente son récit prophétique/apocalyptique de la fin des temps où le loup pourra enfin habiter avec l’agneau, sans danger (Ésaïe 11,6 et 65,25) il parle dans les trois niveaux présentés à l’instant :
1. A l’époque de rédaction, c’est une réflexion sur la cohabitation en exil des israélites et des babyloniens.
2. A l’époque de Jésus, ça a pu être entendu comme une annonce de la fin des temps et de Jésus seul réconciliateur possible entre les ennemis (loup/agneau).
3. De nos jours nous pouvons entendre ça comme une description de ce que nous vivons en Église (d’anciens « loups » devenus végans 😉 et d’anciens « agneaux » ayant vaincu la peur).

Le livre de l’Apocalypse parle ainsi :
1. De l’empire Romain avec sa Bête qu’est César, qui veut marquer tout le monde.
2. Des angoisses de la chrétienté autour de l’an Mille avec la peur de la fin du monde comme étant possible à tout instant.
3. De notre crainte que le réchauffement climatique ou que le gouvernement mondial armé de la bombe atomique conduise à la destruction de la Terre.

Donc l’Apocalypse parle toujours au moins de : 1. l’histoire ancienne, 2. l’avenir, 3. aujourd’hui.

Que veut dire « se séduire soi-même » en 1 Jean 1,8 ?

Le début de la première épître de Jean concerne le rapport à la vérité, et la façon dont le chrétien peut se replacer dans la justice de Dieu en étant réaliste quant à ce qu’il vit vraiment intérieurement.
Dans ce registre, Jean insiste sur l’illusion que nous pouvons avoir d’être « sans péché ». Au sens du classique « Moi, Monsieur, je n’ai pas tué, je n’ai pas volé ». Se mentir à soi-même est une illusion. C’est ce que Jésus a pointé en maximisant les dix commandements dans son Sermon sur la montagne, et en montrant qu’une parole pouvait être un meurtre, qu’un regard pouvait être un adultère. Jésus ne voulais pas dire qu’il fallait lapider les gens pour un regard (ce qui pourrait être le désir de certains extrémistes), mais il veut nous aider à creuser toujours plus profond du côté des racines de notre péché.

Le péché est un acte. Mais il est plus profondément un projet, et plus profondément encore une intention, et plus profondément une frustration…
Se séduire soi-même c’est donc imaginer que notre gestion des apparences, notre image sociale de personne « bien sur soi », suffit à ne pas être un pécheur. Quelle hypocrisie ! Et c’est vraiment une séduction où nous sommes dans un marché de dupes, car nous créons un mensonge et nous croyons au mensonge qu’on a créé. Bref, c’est de la bonne conscience pour pas cher, et c’est ce qu’on appelle, techniquement la « mauvaise-foi ».

Pourquoi l’argent serait-il l’unique racine de tous les maux ? [Anne]

Vous évoquez un verset de 1 Timothée 6,10.
Mais il ne dit pas que l’argent est la racine de tous les maux, mais que c’est l’Amour de l’Argent qui est la racine de tous les maux.
Bref, c’est dans notre rapport à l’argent que peut se nicher le péché.
Car pour ce qui est de l’argent (monétaire ou métallique) ou de l’or, ils appartiennent à Dieu d’après Aggée 2,8 dans le Premier Testament.

Beaucoup de choses ne sont pas intrinsèquement mauvaises mais c’est notre rapport à elles qui peut le devenir. A nous de considérer si nous sommes bien calés, et comme on le dit de façon proverbiale, que l’argent reste un bon serviteur, car sinon il risque de devenir un mauvais maître !

Maintenant, on peut agrée au fait qu’il soit racine de la quasi totalité des maux en référence aux dix commandements :

  1. Il peut prendre la place de Dieu
  2. Il est un attribut visible de pouvoir
  3. Il peut être objet d’idolâtrie
  4. Il peut nous faire travailler le dimanche 😉
  5. Il peut nous faire laisser dépérir nos parents
  6. Il occasionne beaucoup de meurtres
  7. Il est le coeur de la problématique du vol
  8. Il contribue à l’adultère
  9. Il nous pousse à mentir
  10. Il est la base de la convoitise…

Pourquoi le complotisme marche si bien dans certains milieux chrétiens ? [A.]

L’idée que les puissants puissent faire des complots est simplement de l’ordre du bon sens ; toute l’histoire de l’humanité le montre. Et beaucoup d’histoires bibliques confirment cela. Par exemple, le complot de David pour voler Bethsabé à son époux Urie est tout de même assez outrancier.

Le livre de l’Apocalypse renforce aussi l’idée qu’il puisse y avoir des choses qui se passent dans l’invisible, qui modifient le cours de l’Histoire, et ne soient pas immédiatement compréhensibles.

Mais entre accepter que des complots puissent exister et voir des complots partout, il y a un pas gigantesque à ne pas franchir.
Car les complotistes réduisent tout à des complots. Pourquoi ?

L’accès massif à l’information avec Internet semble avoir rendu presque impossible la tâche qui consiste à comprendre « ce qui est en train de se passer ». L’accumulation des vraies et fausses nouvelles, la surinformation, et l’hyper sollicitation des écrans avec la puissance des images auxquelles ils nous exposent ont rendu le monde très stressant. Beaucoup sont addicts aux réseaux sociaux pour se donner le sentiment d’être bien informés et deviennent comme des junkies face à leur smartphone.

Le complotisme réduit le réel à une explication qui va paraître vraisemblable, plausible. Mais surtout, il réduit le réel à des équations qui vont donner aux complotistes le sentiment d’avoir une clé de lecture simple, qui permet de tout expliquer à bon compte : « on nous cache tout on nous dit rien » (et ceci à l’heure à où ne nous a jamais autant informés).

Par cette réduction de la complexité du réel à quelques mécanismes paranoïaques, guidés par la peur, le complotisme constitue ce que certains analystes nord-américains appellent « la revanche des loosers ». L’expression est assez méprisante pour qualifier les distanciés de la société de l’information, mais nous pourrions la rendre plus audible en l’appelant la revanche des simples. La frustration de ne pas comprendre est en quelque sorte réglée par un système d’explication simple, voire même plutôt simpliste.

Alors que le Seigneur nous assure que toutes choses seront révélées (pour ce qu’elles sont), la pastorale de Jésus montre qu’il fait droit à la complexité du réel, en nous invitant à accepter que Dieu le Père, seul, puisse tout maîtriser et tout expliquer.

N’est-ce pas désobéir à un commandement majeur que de ne pas célébrer le sabbat le samedi ? [Olivier]

Ne peut-on pas considérer que désormais le dimanche nous célébrons la résurrection du Maître du Sabbat, Jésus, justement parce qu’il en est le maître, en assumant de ne pas nous reposer exactement sur le jour du samedi à proprement parler ?
C’est très bien que certains chrétiens préfèrent le samedi, d’autres le dimanche, mais que surtout le Seigneur soit honoré par le fait qu’on ait sanctifié Son jour.

Si j’étais plus insolent, je dirais que j’espère que ceux qui sont « choqués » par le repos du dimanche respectent aussi le commandement de ne pas porter de tissu avec un mélange de fibres de différentes origines (Lévitique 19:19 et Deutéronome 22:11).

Face aux crises majeures qui seront la conséquence du réchauffement climatique- comment se positionner en tant que chrétiens ? Faut-il envisager une rupture de mode de vie radicale ? [Marion]

Si c’est en tant que chrétiens qu’on aborde les questions écologiques, il faudrait savoir quelle est la part qui est pour nous une obligation par rapport à la nature (ou la Création), quelle est la part que nous devons à la société, voire à la génération suivante. Mais tout ça est de notre devoir de citoyens finalement. Donc ce qui ferait notre particularité chrétienne, c’est ce qu’on fait par rapport à cela pour le Seigneur…

Je crois que nous ne faisons rien de plus que les autres, et que nous avons strictement les mêmes devoirs. La différence tient surtout dans le fait de ne pas idolâtrer la nature, de ne pas nous comporter par rapport à la création comme si elle était le Créateur (Terre-Mère et tutti quanti), car là on tombe dans l’idolâtrie (lire Romains 1,25). Et dans le même ordre d’idée, refusons le concept de sauver la planète, ceci pour deux raisons : d’une part nous ne sommes pas le Sauveur, et d’autre part, la Bible nous explique qu’à la fin des temps, ce n’est pas une Jérusalem terrestre toute rénovée par la main de l’homme qui sera magnifiée, mais une Jérusalem céleste qui descendra d’en-haut.

Bref pas le fruit de nos efforts.

Dieu aime le monde (Jean 3,16) et nous dit de ne pas l’aimer (1 Jean 2,15). On fait quoi de ça ? [Pierre-Henry]

Effectivement, il peut y avoir un paradoxe quand il nous est dit dans les Écritures à la fois :
– « N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, il n’aime pas Dieu le Père. » (1 Jean 2,15) et…
– « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » (Jean 3,16).

Dans la théologie johannique (les écrits attribués à Jean), le monde représente non pas la Création, mais cette Création en tant qu’elle a chuté, dans l’expérience du péché. Le monde est régi par le Prince de ce monde, ce diable qui n’est pas le Roi des Rois, ou le Créateur de l’Univers.

Aimer le monde, pour les humains, c’est adhérer aux appétits d’une vie d’abord physique et psychique, pulsionnelle, libidineuse, ou cupide. Quand les humains aiment le monde, ils le font dans l’ordre du péché, dans l’ordre de la convoitise coupable.

Aimer le monde, pour Dieu, c’est spirituel. Et c’est vouloir le racheter, le reprendre en mains, lui offrir la possibilité du pardon, d’une opportunité nouvelle. C’est un amour qui se donne et qui est tout à fait beau, pur, et indemne du péché.

L’enjeu serait donc pour nous d’arriver, un jour, à aimer le monde avec le cœur et le regard de Dieu, et non pas avec nos envies et nos lubies.
À ce moment-là, nous pourrions aimer le monde comme Dieu l’aime…