Le patriotisme est-il un péché ou une vertu selon la Bible ? Devrions-nous aimer notre pays ? [Pierre]

Comme les composantes de ce qu’on appelle le patriotisme sont plurielles, je vous propose, Pierre, de répondre à votre question sous trois angles différents. 

Sous un angle politique, la naissance d’Israël comme nation organisée, avec à sa tête un roi apparaît plutôt comme une concession de Dieu à son peuple qui veut ressembler aux autres peuples, comme si Dieu souscrivait à un principe de réalité. La patrie, c’est aussi une terre, qui est promise à Israël, mais seulement dans la perspective d’une obéissance aux commandements divins (Cf. Dt 30). L’histoire biblique montre que les fondements de la nation peuvent chanceler quand les autorités se détournent de ce projet initial. Sur la politique, Jésus se montre plus radical encore : c’est déjà trop d’avoir deux maîtres, Dieu et César : il faut donc choisir son obéissance prioritaire. 

Sous l’angle de l’appartenance, le patriotisme exprime un attachement des traditions, à une culture, et, dans le cas d’Israël, à une foi communes. Le psalmiste, dévitalisé par l’exil, se demande ainsi : “ Comment chanter sur une terre étrangère ? “. Israël a toujours compté en son sein des étrangers, considérés comme tels, non-assimilés aux israélites, mais que la loi ordonne de protéger. Dans la perspective de la fin des temps, la destinée messianique d’Israël implique toutes les nations, invitées à se rassembler autour de la ville lumière, Jérusalem. Enfin, dans le Nouveau Testament, le récit de la Pentecôte fait exploser les frontières nationales, quand des personnes venues de tout le pourtour méditerranéen entende l’Evangile dans leur langue (Ac 2).  

Sous l’angle de l’identité, une forte composante du patriotisme, il faut relire Ga 3, 27-28 : “ il n’y a plus ni juif, ni grec … vous êtes un en Jésus-Christ ”. En Christ, nos identités particulières ne sont pas effacées, mais elles deviennent secondaires. Nous ne saurions nous sentir coupables d’aimer notre pays. Mais si nous mettons là tout notre zèle, plutôt que dans le dépassement de nos affections naturelles que nous propose de vivre l’amour de Dieu, nous faisons sûrement fausse route. La fraternité commandée par le Christ peut advenir dans une logique nationale, mais celle-ci ne saurait l’enfermer. 

Nous sommes nés quelque part, nous participons à une destinée commune qui est celle de notre région, de notre pays. Voilà qui fait de nous qui nous sommes. Mais nous sommes surtout appelés à entrer dans un projet de fraternité qui dépasse nos identités, nos appartenances naturelles. Si nous y restons enfermés, nous risquons bien, en effet, de pécher en tournant le dos à Dieu dont l’alliance est universelle.  

La France est-elle vraiment conduite par la morale judéo-chrétienne ? [Nabil]

Cette bonne vieille morale judéo-chrétienne ! Certains voudraient la savoir morte et enterrée. D’autres voudraient au contraire qu’elle régente tout. Elle n’est en tout cas pas cette main invisible chère aux complotismes de tout bord qui conduirait à notre insu notre vie et celle de notre pays.

De quoi parle-t-on ? D’une façon plus ou moins inconsciente de penser et de se comporter. Une sorte d’arrière-plan mental qui influerait sur les relations sociales, familiales.

Ce qu’on appelle morale judéo-chrétienne renvoie à plusieurs aspects qui, effectivement, peuvent déterminer nos actions, et qui sont en partie tirées de l’enseignement biblique. Parmi eux notamment : l’attention aux plus faibles par des actions de charité ; un penchant à la culpabilisation ; un rapport complexe (et complexé) à l’argent, à la sexualité ; la valorisation d’une espérance dans l’au-delà.

En observant attentivement la vie politique et sociale française, on retrouvera certainement ici et là des traces de cette morale.

Toujours sur le devant de la scène, le système de Sécurité Sociale qui permet aux plus modestes de se faire soigner convenablement pourrait être porté à son compte. Il se trouve qu’il a été mis en place en 1945 sous l’influence des courants communistes très actifs pendant la Résistance. Difficile d’en tirer des leçons définitives sur ses origines …

Autre phénomène ayant le vent en poupe, l’aveu de culpabilité continue à marquer les esprits. La pensée woke en est un bon témoin, en proposant souvent une relecture à charge du passé.

Si l’influence des Eglises a fortement diminué à la fin du siècle dernier, on peut donc penser qu’il reste de bonnes traces de cette morale … qui n’en font pas une direction générale !

Au fond, ce n’est pas si grave. La morale est à l’Evangile ce que la glace est à l’eau vive. Elle est faite de la même matière, mais figée. Ce que nous voulons savoir du Christ, c’est d’abord l’eau vive !

Pourquoi certains chrétiens ne regardent que les questions morales dans leur choix pré-électoral ? [Caro]

Effectivement, une partie des électeurs chrétiens accordent beaucoup d’importance à des critères comportementaux, moraux ou éthiques pour choisir pour qui ils voteront. Et les candidats le savent bien : se positionner contre l’avortement, contre le mariage gay, contre la polygamie de certains, a un fort potentiel de séduction à l’égard de certains chrétiens, qui font de ces sujets des enjeux premiers.

C’est assez étonnant quand le ministère de Jésus proposait une toute autre posture, aider une femme (en Jean 8) à sortir de sa logique d’adultère plutôt que de la condamner, contribuer à réintégrer des exclus (en Luc 17) plutôt que de les stigmatiser, choisir le pardon plutôt que la condamnation (Jean 3,16-17).

Ce sont sur d’autres sujets éthiques que Jésus s’est fortement positionné. A la suite du Premier Testament, il plaçait la question de l’équité et de la justice au tout premier plan, à la fois côté politique, mais aussi en matière de justice économique. Sa préoccupation pour la liberté, la justice des jugements rendus, ou le soin aux plus petits était bien plus forte que ses préoccupations strictement morales.

Bref pour Jésus, la justice, le droit des plus faibles et l’équité économique étaient des sujets plus essentiels pour faire des choix que les questions comportementales ou de morale personnelle.

Comment discuter avec quelqu’un qui pense que Trump était un Cyrus moderne ? – [Stephie]

La comparaison du précédent président des Etats-Unis d’Amérique avec le roi de Perse Cyrus a été faite par des chrétiens qui voulaient justifier leur préférence pour sa candidature à l’élection présidentielle. Tout en admettant qu’à l’instar de Cyrus qui n’adorait pas le Dieu d’Israël, Trump n’affichait pas un comportement ou des propos correspondant à des convictions chrétiennes, ces chrétiens américains estimaient que certaines de ses prises de position (par exemple contre l’avortement) montraient qu’il exécutait la volonté de Dieu. De même que, sans le savoir, Cyrus, en permettant aux juifs de revenir de leur exil dans leur pays et de rebâtir Jérusalem et son temple, fut serviteur du Seigneur, aux dires du prophète Esaïe (voir 44,28, 45,1,13, etc).

Il n’y a pas lieu ici d’évaluer le mandat et l’action politique de Donald Trump. Je note seulement qu’il a consciemment voulu rallier les voix de l’électorat chrétien, et en particulier évangélique, dont le poids est important aux USA. Jusqu’à se faire photographier Bible en main devant le panneau d’une Eglise, au nom de sa conception de la loi et de l’ordre (les responsables de ladite Eglise n’ont pas apprécié cette instrumentalisation symbolique et l’ont fait savoir). Cyrus pour sa part n’avait pas conscience de la portée de ses décisions pour le peuple de Dieu. Il ne cherchait à séduire personne à coups de fake-news ou autres « faits alternatifs », ni à gagner des suffrages, il avait déjà tout pouvoir.

Quant au résultat de la dernière élection présidentielle, ceux qui avaient prophétisé le choix de Dieu en faveur de « son élu Donald-Cyrus » s’en sont repentis, et pour cause !

La foi et le fait d’entrer en politique sont-ils compatibles ? [Françoise]

La comptabilité avec la foi chrétienne se pose dans nombre de nos engagements et passions et pas seulement sur l’engagement en politique.

En ce qui concerne l’engagement que vous nommez précisément, quatre textes me viennent en tête (mais il y en a évidemment beaucoup plus).
1/ Paul a demandé à Timothée de prier pour les autorités. Cela signifie que la foi inclus un engagement (sous forme de prière) pour les personnalités et institutions politiques.
2/ Paul rappelle aux Éphésiens que Dieu nous a créé pour des projets précis, afin que nous les fassions ! Cela signifie que les projets que Dieu a prévu pour nous sont de différentes natures et que l’engagement en politique en est peut être un.
3/ Le roi Salomon a demandé de la sagesse pour gouverner le peuple de Dieu. Cela signifie que Dieu peut donner son esprit pour gouverner dans le monde séculier…afin d’agir conformément à ses projets à lui.
4/ Jésus nous a rappelé (en parlant de l’argent, mais je crois qu’on peut élargir à tout ce qui peut devenir l’essentiel de nos vies) que nous ne pouvions servir deux maître en même temps. Cela signifie que le service en politique peut venir concurrencer Dieu… si nous laissons ce service devenir notre maître.

Si Dieu vous appelle à vous engager politiquement, je vous encourage à prier très souvent pour rester humble, à l’écoute de vos concitoyens, à l’écoute de la parole biblique et protégé des tentations liées à cette autorité conférée. Je vous assure de ma prière pour vous !

Lors d’une élection- si un candidat déclare qu’il est chrétien et que son rival politique est athée- les chrétiens devraient-ils voter pour le chrétien ? [Glen]

Donner son vote à un candidat qui fait état de sa foi chrétienne supposerait: 1) qu’il dit vrai ! Et qu’il ne cherche pas simplement à gagner la confiance d’une partie de l’électorat (cela s’est vu en bien des lieux du monde). 2) qu’il existe une politique chrétienne, autrement dit une façon chrétienne de gouverner, des choix chrétiens en matière économique, sociale, écologique, éthique… Or on trouve des chrétiens engagés dans des formations politiques aux options presque diamétralement opposées. Et ceux qui proclament que l’Evangile est « de gauche » ou « de droite » me paraissent bien téméraires.

Disons plutôt qu’il y a une manière chrétienne de faire de la politique : refus d’exercer le pouvoir à son profit, respect des règles et de la vérité, sens du service et du bien commun, souci des plus faibles… à l’image de Jésus qui a refusé le pouvoir qui lui était offert par les hommes (et le Diable!), et a choisi de régner dans l’abaissement de la croix, les chrétiens ont un rôle essentiel à jouer : rester vigilants à l’égard de toutes les dérives auxquelles le pouvoir peut conduire.

Bref, il vaut mieux voter pour un programme qui correspond à ses idéaux qu’en fonction de la foi ou de la non-foi de celui qui le porte, et s’assurer qu’une fois élu il respectera ses engagements !

Pensez-vous qu’en étant chrétien- on puisse défiler aux cotés des Gilets Jaunes ? [André]

La question d’actualité que vous posez, André, pourrait se généraliser à celle de l’engagement politique du chrétien. Y a-t-il un vote chrétien, une politique chrétienne? Je ne le pense pas. En fait, tous les chrétiens n’ont pas la même sensibilité ni les mêmes choix en politique. Certains appuieront le mouvement que vous citez, d’autres non. L’Evangile n’est ni « de gauche » ni « de droite », le message et la personne de Jésus ne sont pas récupérables par une idéologie humaine, quelle que soit… sa couleur.

Ce que l’on peut dire en revanche, c’est que notre foi et notre témoignage ne nous invitent pas à nous retirer de la société dans une sorte de bulle spirituelle, mais au contraire à témoigner de l’Evangile dans tous les domaines, social, culturel, économique… et aussi, pourquoi pas, dans l’action politique, comprise non pas comme l’art de prendre le pouvoir et de le garder, mais comme le service rendu au bien commun, à l’intérêt collectif, à la « polis », c’est à dire la cité où nous vivons. Donc, pourquoi ne pas défiler avec les gilets jaunes, comme d’autres citoyens, si vous estimez que leurs revendications sont justes et leur action bénéfique ? Les chrétiens peuvent même jouer un rôle précieux en politique, celui de la vigilance contre tous les excès du pouvoir, dans lesquels les hommes sont toujours tentés de tomber. Le pouvoir corrompt, divise, aveugle, fanatise si facilement ! Le roi que nous reconnaissons, Jésus, a choisi de venir parmi nous comme serviteur et non pas comme un tyran. Nous sommes aussi, en tant que ses disciples, « citoyens des cieux », c’est à dire d’une patrie qui ne fonctionne pas selon les règles de ce monde.

Que faut-il changer- quand un pays va mal ? Le peuple ou son dirigeant ? [Dod]

Dans l’Ancien Testament, la raison qui conduit le peuple de Dieu à aller mal est la désobéissance. Ainsi, les problèmes politiques et sociaux adviennent quand le peuple se détourne de Dieu pour suivre ses faux dieux, idoles, désirs, principes. Ainsi, Jérémie 5/23 : « Ce peuple a un coeur rebelle et désobéissant ». Les dirigeants qui conduisent mal le peuple, sont tout aussi impliqués que ceux qui les suivent ou les attaquent pour établir un autre pouvoir humain à leur place. Cela vient du péché, cette inclinaison humaine qui veut que nous voulions faire aller les choses selon nous-mêmes, en nous prenant pour des dieux, qui forcément, vont se tromper et se disputer, chacun allant selon une dynamique qu’il croit juste. Au problème du cœur qui ne cherche pas Dieu, une solution cardiaque doit être trouvée. Ainsi, Dieu promet-il en Jérémie 31/33 : « Je mettrai ma loi à l’intérieur d’eux, je l’écrirai sur leur coeur, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. » (Voir aussi Ezéchiel 36/26). La solution pour changer un pays ne vient pas de ce que nous ferions de l’extérieur. Il ne vient ni de la politique, ni de la guerre, ni d’une morale imposée. Il vient de ce qu’il se produit à l’intérieur du coeur des gens. Il vient de ce que Dieu peut produire en nous pour nous donner de cesser de poursuivre nos politiques illusoires pour nous laisser conduire par Dieu. Ainsi, au lieu de nous demander comment changer les autres, les pays et ses dirigeants, nous devrions d’abord laisser Dieu changer nos propres coeurs en nous convertissant chaque jour, en nous détournant chaque jour de notre manière humaine de vivre selon le péché, pour apprendre à aimer Dieu et notre prochain, dans le concret de nos vies. Nous devons aussi, dans cette perspective, prier pour que ce changement se produise dans le coeur de ceux qui nous entourent, et en particulier dans le coeur de nos dirigeant.

La question n’est donc pas : « Que faire pour changer le mal en bien ? »  mais « qui peut changer le mal en bien ? ». La réponse est Dieu, en Christ, par son Esprit. Le chemin le voici : « Convertissez-vous et croyez en l’Evangile ! » Marc 1/14

1 Timothée 2:1-4
« J’exhorte donc, avant toutes choses, à faire des prières, des supplications, des requêtes, des actions de grâces, pour tous les hommes, pour les rois et pour tous ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et honnêteté. Cela est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. »

Un chrétien est-il invité à faire de la politique ? [Valentina]

Tout dépend de ce que l’on appelle politique. Il me semble que décider de se rassembler tous les dimanches matins avec des hommes et des femmes d’origines, de conditions sociales et économiques différentes et de s’unir dans un même groupe est déjà en soi un acte politique, très fort à notre époque. Après, s’engager dans un parti quel qu’il soit, peut aussi faire partie de la vie d’un chrétien, à partir du moment où la ligne du parti ne prend pas le pas sur la foi au Christ et si le chrétien demeure libre de témoigner de ses convictions dans son attitude au sein même du parti, par exemple en refusant les critiques injustes à l’égard des membres d’autres partis politiques.

Est-ce dans l’esprit biblique et de l’enseignement du Christ que de dénoncer régulièrement- au détour d’une prédication- les impôts (« racket légal »)- la sécu (« produit l’assistanat »)- l’Etat….? [Pep’s]

Je suppose que votre question évoque des prédications que vous avez entendues. Je ne prétends pas juger le prédicateur qui a tenu les propos que vous rapportez ici, mais il me semble en effet problématique d’exprimer des convictions socio-politiques, surtout de façon régulière, dans une prédication. Ceci dit, entendons nous bien : la prédication, en tant qu’annonce du royaume de Dieu et appel à la repentance et à la conversion, ne peut pas ne pas avoir de répercussions sociales, voire politiques, sur les fidèles. Mais c’est à chacun de mesurer, à l’aune de ce qu’il lit dans la Bible et de la cohérence avec le message qu’il a reçu, ce qu’il convient de faire dans sa vie pour rendre témoignage à la Seigneurie du Christ.