Pourquoi Dieu le Père et Jésus n’ont pas la même position sur la vengeance ? Pourquoi « Œil pour œil- dent pour dent » a existé ? [Bianca]

Chère Bianca, c’est vrai, dans la langue courante, « œil pour œil, dent pour dent » sonne comme une incitation à la vengeance. On a envie de la prononcer en serrant les mâchoires et en pensant à son ennemi du moment.

L’expression est l’une des déclinaisons pratiques données aux Dix commandements confiés à Moïse pour le peuple d’Israël (Exode 21, 24). Elle se rattache donc à la Loi de Dieu, et, dans ce sens, comme toute loi, elle vise à limiter et à encadrer l’usage de la violence. Ce qu’elle propose, c’est une équivalence des blessures infligées et de la peine encourue, d’où son nom de « loi du Talion », du latin talis qui veut dire tel : telle est la blessure, telle sera la peine.

Cette loi se montre donc plutôt raisonnable, équilibrée. La peine est proportionnée à la faute, ce qui est le principe de la justice. Elle représente en tout cas un progrès par rapport à ce que Dieu préconise par exemple pour les éventuels meurtriers de Caïn, car son meurtre sera vengé 7 fois (Genèse 4, 15).

Jésus ne remet pas en cause la loi du Talion, mais il demande à ses disciples d’aller beaucoup plus loin que cela en tendant « l’autre joue » si quelqu’un s’en prend à eux (Matthieu 5, 39). Je ne parlerais pas de contradiction entre dans la position de Dieu et celle de Jésus, mais plutôt d’une progression dans la révélation de son amour. C’est d’ailleurs comme ça que nous lisons la Bible, qui est une révélation progressive dont le point final et central est le Christ.

Il est bon qu’une justice existe dans ce monde, mais il est meilleur encore que des disciples montrent la voie de l’amour qui libère de tout mal, y compris de celui d’une punition légitime.

Quand est-ce qu’on devient vraiment chrétien ? éducation ? conversion ? baptême ? [Hanta]

Votre question, Hanta, contient déjà une grande partie de la réponse que l’on peut y apporter. Les trois éléments que vous mentionnez ont effectivement leur place dans la vie chrétienne.

L’éducation comme préparation à une vie de disciple, comme transmission des éléments fondamentaux de la foi.

La conversion comme accueil de la grâce de Dieu qui change la disposition du cœur en l’ouvrant pleinement à Christ.

Le baptême comme manifestation visible de cette foi et entrée dans l’Eglise, famille des enfants de Dieu.

Tout cela construit bien un « devenir » chrétien.

Les chrétiens portent le nom du Christ. Un nom qu’ils confessent du cœur et des lèvres (Romains 10, 10). C’est cette confession de foi en Jésus ressuscité, Seigneur et Sauveur, qui pose le véritable fondement d’une vie chrétienne (1 Corinthiens 3, 11). Elle est cette adhésion qui nous lie à Dieu sur la terre et au ciel. L’éducation peut la préparer, la conversion du cœur lui est nécessaire pour lui donner une assise sérieuse, le baptême la rend publique et lui donne ses témoins. Ces trois choses lui sont donc indispensables, mais ne la contiennent pas tout entière.

On devient chrétien en mettant aussi en pratique les enseignements du Christ et des apôtres. Mais même si nos actes font défaut. Et ils font toujours partiellement défaut, nous sommes donc toujours en devenir. La foi confessée continue à nous lier au Christ, et à nous faire avancer dans la bonne direction, vers une vie sanctifiée.

Pourquoi Jésus a-t-il choisi Judas comme disciple ? Il devait se douter que ça finirait mal non ? [Anne-Marie]

Si nous partons ensemble, Anne-Marie, de l’idée que Jésus n’a pas choisi comme disciples ni les plus capables, ni les plus savants, ni même les plus honnêtes des hommes, alors Judas avait sa place dans la troupe. Les raisons qui conduisent Dieu à appeler certaines personnes en particulier pour le servir échappent souvent à nos critères de bienséance !

Même si Jésus voit arriver la trahison de Judas et l’annonce (Jean 13, 26), nous n’avons pas d’indice dans les évangiles pour dire qu’il savait, au moment où il le choisit comme disciple, quel rôle aurait Judas lors de la Passion. D’ailleurs il se passe dans la vie de cet homme un évènement décisif qui le conduit vers les prêtres pour livrer son maître : « Satan entra en Judas » (Jean 13, 27 ; Luc 22, 6). Tout n’était donc pas joué d’avance. Dieu ne se lie pas aux êtres humains par connaissance, mais par amour, et l’amour implique le risque de les voir basculer « du côté obscur ».

Pour faire un parallèle biblique, on peut passer au 1er roi d’Israël, Saül, qui avait lui aussi été choisi par Dieu, avant que celui-ci ne se retire de lui en raison de ses fautes. Comme Judas, Saül a fini sa vie dans bien des tourments !

D’ailleurs, si la fin de Judas n’a rien d’enviable et si on peut dire avec l’Ecriture qu’il s’est perdu (Jean 17, 12), la Passion aurait eu lieu sans lui. Les autorités n’avaient pas besoin de lui pour trouver Jésus et l’arrêter. Son malheur est surtout de s’être compromis avec le mal.

La France est-elle vraiment conduite par la morale judéo-chrétienne ? [Nabil]

Cette bonne vieille morale judéo-chrétienne ! Certains voudraient la savoir morte et enterrée. D’autres voudraient au contraire qu’elle régente tout. Elle n’est en tout cas pas cette main invisible chère aux complotismes de tout bord qui conduirait à notre insu notre vie et celle de notre pays.

De quoi parle-t-on ? D’une façon plus ou moins inconsciente de penser et de se comporter. Une sorte d’arrière-plan mental qui influerait sur les relations sociales, familiales.

Ce qu’on appelle morale judéo-chrétienne renvoie à plusieurs aspects qui, effectivement, peuvent déterminer nos actions, et qui sont en partie tirées de l’enseignement biblique. Parmi eux notamment : l’attention aux plus faibles par des actions de charité ; un penchant à la culpabilisation ; un rapport complexe (et complexé) à l’argent, à la sexualité ; la valorisation d’une espérance dans l’au-delà.

En observant attentivement la vie politique et sociale française, on retrouvera certainement ici et là des traces de cette morale.

Toujours sur le devant de la scène, le système de Sécurité Sociale qui permet aux plus modestes de se faire soigner convenablement pourrait être porté à son compte. Il se trouve qu’il a été mis en place en 1945 sous l’influence des courants communistes très actifs pendant la Résistance. Difficile d’en tirer des leçons définitives sur ses origines …

Autre phénomène ayant le vent en poupe, l’aveu de culpabilité continue à marquer les esprits. La pensée woke en est un bon témoin, en proposant souvent une relecture à charge du passé.

Si l’influence des Eglises a fortement diminué à la fin du siècle dernier, on peut donc penser qu’il reste de bonnes traces de cette morale … qui n’en font pas une direction générale !

Au fond, ce n’est pas si grave. La morale est à l’Evangile ce que la glace est à l’eau vive. Elle est faite de la même matière, mais figée. Ce que nous voulons savoir du Christ, c’est d’abord l’eau vive !

Pourquoi Jean- dans l’Apocalypse- n’écrit pas directement aux Églises- mais aux anges des Églises ? [Hana]

Le livre de l’Apocalypse, Hana, est un livre chargé de symboles, ce qui rend sa compréhension parfois difficile, pour ne pas dire obscure, si on ne prend pas le temps de les interpréter.

Le nombre d’Eglises auxquelles les fameuses lettres sont envoyées (Ch. 2 et 3) est lui-même très symbolique. Le chiffre 7 représente une totalité, une plénitude, on peut donc penser que ces Eglises, les plus importantes d’Asie Mineure au moment de la rédaction du livre (vers l’an 100 de notre ère), représentent l’Eglise universelle.

Pourquoi écrire aux anges de ces Eglises ? Une explication est donnée au Ch. 1. Dans cette vision inaugurale du livre apparaît le Christ dans sa gloire au milieu de sept chandeliers et tenant dans sa main droite sept étoiles représentant les sept Eglises. Le verset 20 en donne une explication : les étoiles sont les anges des Eglises, les chandeliers sont les Eglises.

Etoiles et chandeliers pourraient symboliser deux aspects de l’Eglise : l’Eglise comme réalité céleste (les étoiles brillent dans le ciel) ; l’Eglise comme réalité terrestre (les chandeliers brillent sur terre).

Or toutes les lettres aux Eglises sont tournées vers la fin des temps – l’eschatologie. Elles s’adressent donc plutôt à la réalité céleste de l’Eglise, à son devenir final. C’est une des manières de comprendre l’intermédiaire des anges.

Il y a plus de 60 mentions des anges dans le livre de l’Apocalypse, ce qui en fait le champion du Nouveau Testament en la matière ! Il est toutefois précisé à la fin que, bien qu’un ange ait été envoyé pour apporter cette révélation à Jean, seul Jésus est « l’étoile resplendissante du matin » (22, 16). Le seul à être à la fois le message et le messager.

Pourquoi les chrétiens se chamaillent-ils autant ? [Reuben]

Se chamailler, c’est bien le propre des frères et des sœurs, le propre de ceux que tout rapproche, mais qui s’efforcent de souligner leurs différences !

C’est vrai, il arrive que les chrétiens se chamaillent, pour des broutilles du genre : « qui a la plus grande Eglise ? » ou « qui gardera l’entrée du Saint Sépulcre ? » ! Pauvres de nous …

Plus souvent, et depuis toujours, les chrétiens se disputent – un mot à entendre dans son sens originel : ils débattent – et ces discussions théologiques prennent vite un caractère très sérieux, parce qu’elles sont liées à la vérité de ce qu’ils croient. Elles les ont conduits et les conduisent encore à avancer des convictions, des affirmations de foi différentes, par exemple sur l’interprétation des Ecritures, la pratique et le sens des sacrements, la nature des ministères, etc … Certaines différences entraînent des séparations (des schismes), d’autres des distinctions sans pour autant diviser le corps du Christ.

On peut considérer à juste titre, comme vous semblez le faire, Reuben, que les débats et les divisions ont un caractère scandaleux et qu’elles blessent Dieu, puisqu’il n’y a qu’ « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ephésiens 4, 5).

Le temps de l’unité n’est pas encore venu, pourtant elle progresse chaque jour. Un mouvement est en marche, qui contribue au rapprochement des chrétiens. Le dialogue œcuménique a permis de lever beaucoup de condamnations et de malentendus que l’histoire des Eglises avait accumulés. C’est la prière du Christ que nous essayons d’accomplir en son nom et avec son aide : « Qu’ils soient un, comme toi et moi nous sommes un ! » (Jean 17, 11).

Comment puis-je être sûr d’être sauvé ? [Alain]

Sous un angle chrétien protestant, la réponse à cette question ne peut se trouver que du côté de la foi. Car la foi est la seule réalité de ce monde qui peut nous assurer du salut que Dieu offre en Jésus-Christ : « La foi, c’est la réalité de ce qu’on espère, l’assurance de choses qu’on ne voit pas » (Hébreux 11, 1). Le salut, précisément, nous est donné en espérance, et on ne le voit pas.

A ce sujet, le catéchisme de Heidelberg (1562) demande à sa question 21 : « Qu’est-ce qu’une vraie foi ? ». Je cite deux éléments de réponses qui peuvent nous éclairer, cher Alain : d’abord la foi est une connaissance de la vérité, une connaissance du Christ Sauveur qui ne se limite pas à une action de notre intelligence, mais qui est validée par l’adhésion de tout notre être. Autrement dit, elle est « confessée » explicitement.

Mais cette connaissance court le risque de se muer en orgueil ou en certitude mortifère, qui consisterait à se rendre maître du salut, à prétendre savoir qui est sauvé, et qui ne l’est pas. Pensons à la surprise des « bénis de mon Père » au ch. 25 de l’évangile de Matthieu : elle nous rappelle que seul Dieu est maître du salut, et que celui-ci ne vient que par pure grâce. Même un cœur limpide ne saurait s’en emparer !

C’est pourquoi (2ème élément de réponse) la seule assurance que nous avons vient de l’action du Saint Esprit en nous. Il nous conduit dans la repentance et nous ouvre au pardon divin. Ses dons et ses fruits témoignent de la présence de Dieu dans notre vie, et ce sont de bons indices pour nous, tout comme l’amour que nous mettons en pratique. Mais le premier des signes qui nous sont donnés du salut est sans doute celui d’un cœur reconnaissant de se savoir aimé et justifié par Dieu dans la personne de Jésus.

Comment expliquer simplement à mon fils ce qu’est la trinité ? [Boris]

Cher Boris, pour parler de la Trinité, que ce soit à des jeunes ou à des moins jeunes, je dirais que la simplicité a d’abord besoin d’humilité. Nous parlons de Dieu, dont nous n’aurons jamais fini de découvrir « la profondeur de la richesse, de la sagesse et de la connaissance » (Romains 11, 33). Et nous restons dans l’attente de ce jour où nous connaîtrons Dieu comme nous sommes connus de Lui ! (1Corinthiens 13, 12)

Parler de la Trinité revient à considérer un seul Dieu mais en trois « personnes » différentes. Si Dieu était une donnée mathématique, on écrirait donc l’équation suivante : 1+1+1 = 1. D’ailleurs, comme les mathématiques, la Trinité relève d’une certaine abstraction. C’est une idée, un concept.

Cette idée traduit cependant fidèlement la manière dont Dieu se révèle dans l’Ecriture. Elle témoigne de l’histoire du salut qui se déploie dans les textes. La clé de cette révélation est le Christ, le Fils qui révèle Dieu comme Père (Jean 14, 9) et qui annonce l’envoi de l’Esprit Saint aux apôtres (Actes 1, 8).

Le point essentiel, qui a été souvent débattu et combattu, est de considérer chacune des trois personnes comme étant pleinement Dieu : Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint Esprit, et de ne diminuer l’importance d’aucune des trois : ne pas réduire le Père à une idée, le Fils à un homme (seulement), et l’Esprit à n’importe quelle inspiration.

L’équation de La Trinité, loin d’obéir à une stricte logique, nous fait connaître Dieu comme le « Vivant ». Elle nous montre la vie divine, à travers les relations entre le Père, le Fils, et l’Esprit. Le baptême de Jésus en est peut-être le témoignage le plus parlant (Marc 1, 9-11). Cette vie est une communion, elle se réalise dans l’amour de ces trois personnes, avec en son centre le mystère de la croix. Dans ce sens, elle est un modèle pour nos propres relations. Et c’est aussi une richesse pour nous de pouvoir nous adresser plus spécialement à l’une ou l’autre dans notre prière.

Y-a-t-il au moins une famille équilibrée dans la Bible ? [Ida]

C’est vrai. On pense aux frères ennemis Caïn et Abel (Genèse 4), à la rivalité de Jacob et d’Esaü largement orchestrée par leur mère, Rebecca (Genèse 27), où même à l’esprit de famille contesté par Jésus : la question est légitime !

Fondamentalement, on peut même se demander si famille doit rimer avec équilibre, puisqu’une vie de famille, c’est un changement perpétuel.

D’ailleurs dans la Bible les familles se présentent d’abord comme des histoires racontées. Dans ce sens, elles ne sont pas des modèles, mais le terreau naturel, humain pour l’annonce de l’amour de Dieu et de sa parole de salut. La famille relève d’un donné, du « créé ». Elle se révèle donc ambivalente.

La Torah s’intéresse quand même de près aux relations familiales. Elle prononce des interdits sexuels (Lévitique 20), des recommandations cultuelles familiales, comme le Sabbat.  L’exemple le plus remarquable est le 5ème commandement : « Honore ton père et ta mère » (Exode 20, 12). Ces règles énoncent des équilibres essentiels.

Dans le Nouveau Testament, la famille apparaît surtout comme le lieu où la foi est vécue et transmise. Parfois cela bouscule, voire bouleverse les relations. Nous avons quand même au moins deux exemples positifs : la famille de Jésus, malgré les propos sévères de celui-ci sur sa « mère » et ses « frères », l’a suivi dans le discipulat, et a fait partie de la première Eglise ; et Timothée, qui a reçu la foi en famille, de sa grand-mère et de sa mère (2Timothée 1, 5). Quant à Paul, il s’est efforcé dans ses lettres de promouvoir des relations les plus équilibrées possibles dans les familles des chrétiens (1Corinthiens 7), pour que Dieu y soit honoré malgré la complexité des situations. Un défi qui reste d’actualité pour nous !

Pourquoi Paul dit que la nature nous enseigne que c’est une honte pour l’homme de porter des cheveux longs ? [Alain]

« La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas qu’il est déshonorant pour l’homme de porter des cheveux longs, alors que pour la femme c’est une gloire ? » (1 Corinthiens 11, 14)

Attention, terrain glissant ! L’argument de la nature demande à être manié avec précaution, non par peur des représailles, mais parce que distinguer le naturel du culturel et du spirituel n’est pas toujours facile, tant les choses sont liées dans la réalité.

Ce verset intervient dans une argumentation de Paul sur la tenue qui convient aux hommes et aux femmes dans les assemblées chrétiennes. Il faut ajouter : en Grèce, à Corinthe, vers l’an 50 de notre ère ! Car la façon de se vêtir, les coupes de cheveux sont des faits très culturels. D’ailleurs, si le monde gréco-romain – celui de Corinthe – voit d’un mauvais œil les hommes aux cheveux longs, on trouve l’inverse dans le Premier Testament et donc dans le judaïsme avec le cas des nazirs, ou encore celui d’Absalom (2 Samuel 14, 26).

Il n’en est pas moins vrai que, pour des raisons hormonales – naturelles, donc -, les cheveux des femmes poussent plus que ceux des hommes. Paul, comme d’autres anciens l’a observé, et la science peut le confirmer aujourd’hui.

Une autre dimension se greffe encore là-dessus, spirituelle celle-là. D’abord parce que s’accorder à la nature signifie pour l’apôtre s’accorder au Créateur. Ensuite parce qu’il soutient l’importance de reconnaître la différenciation sexuée, ce qui implique dans le cas précis de Corinthe une discussion sur l’exercice de l’autorité des unes et des autres.