Pour les protestants réformés, est-ce que Jésus offre son corps et son sang dans la Sainte Cène sous les signes du pain et du vin ? [Kanye]

La réponse est oui ! Mais il convient de l’expliciter. Pour les réformés, le pain et le vin restent d’un bout à l’autre pain et vin, à la différence de nos frères et soeurs catholiques qui confessent que les « espèces » (du latin species, apparence) que sont le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang du Christ. Donc peu importe pour les réformés ce que deviennent le pain et le vin après la communion, alors que dans l’Eglise catholique, une fois consacrés, ils doivent être soit consommés soit pieusement conservés.

Mais par la foi, et parce que le Christ est présent comme il l’a promis dans le don du Saint-Esprit, nous croyons que nous avons réellement part à ce que le pain et le vin nous représentent lorsque nous participons à la Sainte-Cène. Nous sommes unis à Jésus, à sa mort et à sa vie, aussi vrai que nous mangeons de ce pain, et que nous buvons de cette coupe. Et donc unis les uns aux autres qui mangeons de ce même pain et buvons à cette même coupe (ce qui reste vrai même si nous buvons dans des gobelets individuels pour éviter toute contagion).

Une remarque au sujet des récits bibliques d’institution de la Cène par Jésus. Quand il déclare « ceci est mon corps, faites ceci en mémoire de moi », le « ceci » ne renvoie pas au pain lui-même, mais au geste de la fraction du pain qui représente le don par le Christ de sa vie pour nous tous. Il faudrait traduire : « mon corps, c’est ceci » pour éviter l’ambigüité.

Pourquoi on représente les anges avec des ailes ? La Bible ne le mentionne pas — sauf pour les séraphins — et il s’agit de visions. [Alain]

Vous avez tout à fait raison : dans la Bible, la plupart du temps, les anges nous sont décrits comme de messagers (c’est le sens même du mot ange traduit du grec angelos) ayant l’apparence de personnes humaines. C’est le cas notamment des trois voyageurs qui viennent annoncer à Abraham qu’il va avoir un fils ; ou bien, dans l’évangile de Marc, du jeune homme qui se tient à l’entrée du tombeau pour annoncer la résurrection aux femmes. Seuls les chérubins et les séraphins, dans les visions d’Ésaïe et d’Ézechiel ou dans la description de l’arche de l’alliance au livre de l’Exode, sont décrits avec des ailes, afin de souligner la gloire de Dieu. Les premières peintures chrétiennes que nous connaissons, notamment dans les catacombes, suivent fidèlement le texte biblique en représentant les anges comme des humains. Sans doute que les premiers chrétiens se méfiaient de la confusion possible avec les divinités païennes ailées (comme les Victoires). Ce n’est qu’à partir du Vème siècle, quand le paganisme a cessé de représenter une menace, qu’on a commencé à représenter les anges avec des ailes. Quoi qu’il en soit, on s’accorde pour dire que les ailes sont de l’ordre du détail et de la spéculation : ce ne sont pas elles qui font l’ange, mais bien le message que celui-ci porte de la part de Dieu !

Comment la compassion peut-elle être à géométrie variable ? Cf. Israël/Palestine [Élie]

La compassion est à géométrie variable parce que le péché a invariablement corrompu le cœur des humains créés à la ressemblance de Dieu… Dès lors, je vois plusieurs raisons qui expliquent pourquoi nous sommes capables de déployer notre injustice jusque dans notre capacité à compatir. 

Premièrement, nous nous émouvons de manière inégale pour la cause des uns et des autres parce que nous sommes mal informés. Nous avons les images, les cris de détresse, la plainte de ceux qui souffrent qui montent jusqu’à nous. Alors nous prenons parti et, dès lors, nos oreilles ont du mal à s’ouvrir à la souffrance de « ceux d’en face ». Par le jeu des algorithmes et des biais médiatiques, plus nous nous informons, plus nous sommes confirmés dans notre vision… En fait, il n’est pas possible d’être en permanence bien informé, mais c’est de notre responsabilité d’en connaître le biais sur notre capacité à discerner. 

Deuxièmement, nous avons du mal à considérer la complexité des responsabilités, des torts, des culpabilités individuelles et collectives. Nous avons aussi du mal à accepter le scandale de l’innocent souffrant ou du bourreau victime. Alors nous avons des schémas simplificateurs en tête qui opèrent pour nous une classification outrancière du réel. On cherche « qui souffre le plus » et « qui est le plus coupable dans l’histoire ». Notre parti pris, nous compatissons pour les uns et souhaitons la capitulation des autres.

Troisièmement, un autre biais très important désoriente notre jugement, c’est que nous compatissons davantage pour des personnes proches de nous. Ce serait une bonne chose si ça nous mettait en action pour aider le proche prochain plutôt que pleurer vainement sur le prochain lointain pour qui on ne peut rien faire. Mais en vérité, notre égocentrisme nous pousse à nous émouvoir pour des bébés qui ressemblent aux nôtres, des populations auxquelles on peut s’identifier, des problématiques que nous pouvons comprendre. Ce biais terrible analysé en sciences humaines rejoint un effroyable constat théologique : il n’y a rien en nous qui ne soit indemne de corruption. Pas même notre compassion… 

Alors veillons sur notre âme, repentons-nous et implorons en permanence le secours de Celui qui a tant aimé le monde, tout le monde !

D’après la Bible, que se passe-t-il pour ceux qui meurent, en attendant la « fin des temps » ? [Véronique]

Cette question, Véronique, les chrétiens Thessaloniciens se la posaient déjà vers l’an 50. Plusieurs d’entre eux étaient morts sans avoir vu le retour de Jésus-Christ, et ceux qui restaient se demandaient avec tristesse et angoisse ce qu’ils deviendraient. Paul, dans la première lettre qu’il leur adresse, les rassure au sujet de ceux « qui se sont endormis » (= qui sont morts). Ils ne sont pas perdus, au retour du Christ, ils ressusciteront. Voir 1 Thess. ch.4, v.13-18.

Quant à savoir ce qu’il advient des morts en attendant cette Résurrection à la fin des temps, les Ecritures sont assez sobres voire quasi muettes à ce sujet, loin des représentations traditionnelles de ce que l’on appelle le paradis. Un indice se trouve pourtant dans la lettre de Paul aux Philippiens : même si son espérance ultime est la Résurrection à la fin des temps (Phil 3,20s), l’apôtre confie à ses destinataires que mourir lui serait un « gain », qu’il aimerait bien « s’en aller », quitter l’existence terrestre, pour être avec le Christ (Phil 1,23). Nous pouvons donc affirmer que ceux des croyants qui nous ont précédés dans la mort sont d’ores et déjà dans la présence du Seigneur ! Ce que Jésus lui-même a assuré au brigand crucifié avec lui : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23,43).

Mais ce paradis, répétons-le, n’est pas notre « destination finale ». Dans l’Evangile de Jean, le Christ déclare à ses apôtres qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père et qu’il s’en va « leur préparer une place » (Jean 14,2). Or le mot grec Monè, traduit par « demeure » désigne une habitation provisoire, un séjour temporaire. Notre ultime destinée, c’est la résurrection, dans une création renouvelée de fond en comble lors du retour du Christ. Et nous l’attendons avec impatience !

Devons-nous croire avec E. Renan que le Dieu des armées est toujours pour la nation qui a la meilleure artillerie ? [Elisa]

L’expression « Eternel des armées » est la traduction de l’hébreu « YHWH Elohim Sebaot » qui est utilisé dans les livres de Samuel, des Rois, des Chroniques, la plupart des livres prophétiques et de nombreux psaumes. Le mot « Sebaot » désigne en hébreu une totalité organisée, obéissant à un même chef. Dans la Bible c’est donc aussi bien une organisation militaire que les astres, des messagers de Dieu, des serviteurs du culte ou des êtres remplissant la création. L’expression vient donc surtout traduire la souveraineté de Dieu sur ce qu’il a créé, et même sur ce que els autres nations prennent pour des dieux. On peut choisir de ne retenir que la compréhension militaire de ce terme, mais je trouve que cela réduit singulièrement sa pluralité de sens.

En fait les protestants vous avez aussi une tradition- est-ce que vous l’assumez ? [Marie-Anne]

Chère Marie-Anne.
Vous avez raison de dire que nous avons aussi une tradition. Certaines traditions concernent les habitudes de vie et divergent selon les familles d’églises et les églises locales. Ainsi, dans certaines églises, on ne chante que des chants récents, dans d’autres, que des chants anciens. Dans certaines Eglises ont s’assoit sur des bancs, d’autres sur des chaises etc. Ces traditions ressemblent à des habitudes qu’il est souvent difficile de changer tant elles sont ancrées. Ce sont des questions secondaires, en ce qu’elles concernent la forme, la manière extérieure de vivre notre foi. Il est bon d’avoir conscience qu’il s’agit là de traditions afin de pouvoir les mettre à leurs justes places quand vient le temps de faire évoluer la forme de ce que nous vivons, ou quand il s’agit de reconnaître comme frères et soeurs des personnes qui ont des habitudes différentes des nôtres.


Mais je suppose que vous désignez ici la tradition qui concerne le fond plus que la forme : Les grandes affirmations de la foi, la manière de célébrer les sacrements et de vivre l’Eglise. Ainsi, la plupart des Eglises reconnaissent des confessions de foi qui mettent cela en forme et constituent leurs traditions confessionnelles. Les pasteurs doivent adhérer à ces confessions de foi qui sont présentées comme un fondement pour la vie des Eglises. Pour les luthériens, il s’agit de la Confession d’Augsbourg. Pour les réformées, de la confession de La Rochelle.

Cette tradition, parfaitement assumée, n’a néanmoins pas le rôle qu’a la tradition de l’Eglise catholique. Cette dernière a en effet une autorité équivalente à celle des écritures quant il s’agit de normer la foi et la vie de l’Eglise. L’autorité de la tradition protestante est en revanche soumise à celle de la Bible. Cela signifie que les confessions de foi sont bâties à partir de ce que confesse la Bible qui est le critère ultime de leur validité. En théologie, on dit que la Bible est la norme « normante » alors que que les confessions de foi sont des normes « normées » (par la Bible). Il s’ensuit que les traditions et les églises qui s’en réclament peuvent être réformées, c’est à dire transformées dans le sens d’une plus grand fidélité aux Saintes Ecritures.

N’est-ce pas de la pensée magique que d’ouvrir la Bible et penser que Dieu me parle immédiatement ? [Odile]

La magie laisse entendre à l’humain qu’il peut contrôler l’univers ou quelques uns de ses éléments afin d’obtenir ce qu’il désire de manière surnaturelle. Dans la Bible, la magie est considérée comme une manifestation du péché, qui en Genèse 3, nait du désir d’être « comme des dieux ». Ainsi, les pratiques occultes visent à contrôler le monde qui nous entoure, afin de nous laisser entendre que nous sommes des petits dieux.


Or, il y a un vrai Dieu qui a créé le ciel et la terre par sa Parole. Cette Parole est venue dans le monde en Jésus-Christ pour le restaurer, le réparer. Elle nous est offerte à travers la lecture de la Bible et les sacrements. Ainsi, aujourd’hui, par l’Esprit, nous pouvons entendre Dieu. C’est une chose magnifique car sa Parole n’est pas un discours vain ou poétique mais une parole qui transforme, qui agit comme aux premiers jours du monde.

Ainsi, si j’ouvre ma Bible après avoir prié, en m’attendant à entendre Dieu et ce que je lis me touche, me transforme, me vivifie, je ne suis pas face à de la magie, mais à un cadeau du Dieu vivant. Si en revanche, j’ouvre ma Bible avec le désir de conforter ce que je crois déjà ou en voulant forcer Dieu à me dire quelque chose, il se peut que je ne sois pas à l’écoute du vrai Dieu et que j’entretienne, en effet, une forme de pensée magique.

A quoi ça sert d’intercéder ? Dieu n’est pas déjà au courant ? [Joe]

Il y a plus de cinquante ans, Jacques Ellul, célèbre penseur chrétien, publiait L’impossible prière, un ouvrage remarquable hélas épuisé qui énumérait notamment toutes les raisons que nous avons de ne pas prier ! Parmi elles, la question de son utilité. Si nous faisons de la prière un moyen, quelque chose qui peut « servir à » (informer Dieu, obtenir quelque chose de lui, etc), nous passons à côté de son sens et de son but. Car effectivement, comme le dit Jésus en Matthieu ch.6 v.32, notre Père céleste sait de quoi nous avons besoin (nous, comme ceux pour qui nous prions).

Mais nous aurions tort de penser que seul ce qui est utile, seul ce qui « sert à » quelque chose, a de la valeur. Dire « je t’aime » à son enfant ou à son conjoint, ça ne sert à rien, parce qu’il ou elle le sait déjà, mais pourtant c’est essentiel.

Dans le cas de la prière dite d’intercession, inter-céder nous déplace, nous « inter-cale » entre Dieu et le monde. Si je prie pour un malade, par exemple, je confie à Dieu mon inquiétude pour ce malade, et ainsi replacé devant lui, je deviens l’instrument de sa volonté auprès de ce malade. Comment prier pour lui en effet sans le visiter, l’accompagner dans son épreuve, contribuer à soulager sa souffrance ?

On peut se dire alors : « pas besoin de prier pour un malade, Dieu connaît son cas, et moi je sais ce que j’ai à faire ». Mais prier c’est aussi reconnaître notre dénuement, notre impuissance à sortir par nos propres forces de telle ou telle situation, de telle ou telle oppression. Aux disciples qui n’avaient pas pu libérer un enfant possédé d’un esprit qui le tourmentait, Jésus déclare : « cette sorte de démon ne peut sortir que par le jeûne et la prière » (Matthieu 17,21, voir Marc 9,29). Ils souhaitaient maitriser la bonne technique thérapeutique, mais Jésus leur recommande de s’abandonner à la confiance en Dieu : le jeûne, la prière sont des façons d’assumer notre faiblesse, de chercher la volonté de Dieu, mais aussi de nous emparer de la liberté qu’il nous donne, du privilège qui est le nôtre : lui parler comme des enfants à leur Père.

Car la seule raison ultime de prier… C’est que le Seigneur nous commande de le faire. « Demandez, et vous recevrez… Frappez, et l’on vous ouvrira », promet Jésus. Dieu a voulu faire de nous ses partenaires, ses vis à vis dans l’alliance qu’il conclut avec l’humanité et dans la préparation de son Règne. C’est ainsi que l’on voit Moïse supplier le Seigneur, lui demander de revenir sur sa décision d’anéantir son peuple rebelle (Exode 32,11-14). Et Dieu choisit d’écouter, de renoncer au mal qu’il voulait faire à son peuple !! La prière comme combat avec Dieu, il est vrai que c’est un acte risqué. Jacob en est ressorti béni, mais boiteux. En tout cas changé pour toujours, dans son corps comme dans son esprit (Genèse ch.32, v.25-33).

Pourquoi célébrer Noël tous les ans alors que ni Marc ni Jean n’évoquent cet événement comme si important que ça ? [Joël]

Pour commencer, précisons que la fête (ἑορτή en grec) de Noël n’est pas attestée dans le Nouveau Testament. Ce qui est raconté dans l’Evangile de Jésus-Christ selon Matthieu et celui selon Luc, c’est la naissance de Jésus.

Puisqu’une fête de Noël n’est pas mentionnée (dans les Actes des apôtres ou dans les lettres de Paul) il n’est bibliquement pas commandé de nous remémorer rituellement la naissance de Jésus en procédant de telle ou telle manière.

Cela étant, le peuple Juif et les chrétiens à sa suite, sont bibliquement encouragés à se remémorer la manière dont Dieu a agit dans le passé. Ainsi nous pouvons exprimer notre reconnaissance à Dieu, tenir ferme dans les tempêtes présentes de nos vies et enseigner les générations futures. Les fêtes entrent parfaitement dans ce cadre, qu’elles soient ordonnées par Dieu ou non.

Qu’est ce qui est exprimé à Noël ? Qu’est ce que cela signifie dans le cadre du plan de salut de Dieu, de la Révélation ? En quoi était-ce important pour les évangélistes Matthieu et Luc ? En quoi était-ce important pour nos ancêtres dans la foi pour en faire une fête liturgique ? En quoi cela peut être important pour mes contemporains ? Et pour moi-même ?

Lorsque j’ai répondu sincèrement à ces questions, je peux décider en tout conscience si je veux ou non fêter Noël.
Pour ma part, je suis impressionné par l’abandon par le Fils de sa pleine gloire pour vivre de façon similaire à nous : cela me permet de me sentir compris par mon maître et d’oser lui confier tout ce qui me pèse.

Pourquoi ont reçoit des cadeaux à Noël, alors que de base c’est la naissance de Jésus ? [Nahum]

Mais c’est vrai ça, pourquoi est-ce que c’est nous qui recevons un cadeau alors que finalement c’est l’anniversaire de Jésus ? Merci Nahum de me donner la possibilité de réfléchir à ça.
J’ai le sentiment que c’est parce que cette fête met au centre l’importance du cadeau justement ! Comme si on voulait que les gens aient tous un cadeau, pour justement se demander pourquoi les cadeaux sont importants. Une fois réfléchi à ça, on peut se demander quel serait le plus beau cadeau.

Le plus beau cadeau c’est l’Amour, être en Paix, dans un monde devenu Juste, pouvoir être Bienheureux, etc…
Et ça, justement, il n’y a que Jésus qui puisse nous l’apporter vraiment.

Donc, je pense que si on se donne des cadeaux à Noël c’est pour réfléchir qu’il n’y a pas de plus beau cadeau que de recevoir un Sauveur. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tous ceux qui croient en lui ne meurent plus mais qu’ils puissent être vivants, et pour toujours ! » (Jean 3,16)

Énorme, le cadeau, non ?