Pourquoi Jésus est-il si provocateur avec les croyants de son époque ? [Stan]

Effectivement, Jésus a même été crucifié pour avoir à plusieurs reprises désobéi à la Loi religieuse, pour avoir dérogé aux obligations de sa culture, pour avoir dérangé les notables et autres spécialistes religieux. Beaucoup ont voulu voir en lui un être immoral, qui ne respecte pas le Sabbat, qui se prend pour Dieu, qui choisit la complaisance de se laisser toucher par des prostituées, etc. Bref, quelqu’un qui déplace les points de repères de la morale de son époque.
Disons qu’il était plus a-moral qu’im-moral : le jugement des autres, les bonnes mœurs n’étaient pas pour lui le fin mot de l’histoire.

Mais je ne dirais pas que c’était un provocateur au sens d’un trublion ou d’un insoumis. Il voulait pousser tout un chacun dans ses retranchements, notamment pour savoir si c’était vraiment Dieu qui était aux commandes de la vie de ses interlocuteurs. Il voulait provoquer la réflexion, et en choisissant de souvent poser des questions plutôt que de donner toujours des réponses, il souhaitait que ses vis-à-vis fassent un chemin intérieur de déplacement, que ce soit au niveau psychique ou au niveau spirituel. Son but était que les gens se déplacent et qu’ils changent de comportement (l’autre traduction de la repentance), qu’ils découvrent une autre façon de voir la réalité. Plus du point de vue de Dieu, avec un vrai recul.

Et dire que le christianisme est devenu une puissance inverse de conservatisme, de pharisaïsme, de religiosité sclérosante, avec quelques paradis pour les donneurs de leçons ! Les petits christs que sont les chrétiens devraient être assurément plus transgressifs qu’ils ne le sont si vraiment leur foi consiste à imiter leur maître.

Comment pourrions-nous réformer la synodalité dans l’EPUdF ? [Eliane]

Eliane, c’est un vaste sujet… d’actualité pour l’EPUdF. Alors sans doute qu’il faudrait reconnaître que la synodalité de l’EPUdF est en crise et nécessiterait une réforme. Pourquoi reprendre notre façon de « faire chemin ensemble », si nous (en particulier les personnes qui ont la charge de le faire vivre) ne reconnaissons pas qu’il y a des problèmes ?
Je ne pense pas que dans une courte réponse on puisse aller au-delà de 3 pas :
– d’abord, se placer devant Dieu ensemble en prière, pour discerner ce qu’Il a à nous dire sur la question, demander à son Esprit de nous éclairer. Cela passe aussi par la lecture de la Bible ensemble. Je suis persuadé que rien ne pourra se faire d’utile sans ce premier pas, qui devrait revenir à régulièrement à chaque étape de la réflexion.
– ensuite regarder la réalité du fonctionnement de notre synodalité en face et en faire une évaluation précise et approfondie.
– et enfin, il ne faudrait pas oublier ce qu’enseignent l’histoire et la théologie mais aussi la manière dont des Églises sœurs, en France comme à l’étranger, comprennent aujourd’hui cette façon d’organiser l’Église.

Les premiers huguenots étaient-ils opposés à célébrer Noël comme Cromwell et les puritains anglais ?

Il est vrai que les puritains, de part et d’autre de l’Atlantique, ont interdit la célébration de Noël à certains moments du XVIIème siècle, à l’image des colons du Nouveau monde ou d’Oliver Cromwell en Angleterre. De même, il est exact que Calvin, à Genève, a supprimé la célébration de Noël en 1550 ; elle y sera rétablie en 1788.
Pour les premiers hugenots, les protestants français des XVIème et XVIIème siècles, je ne sais ce qu’il en était. Il est vrai que sur une large partie de cette période, ils ont simplement cherché à vivre leur foi en temps de persécution.
Par la suite, XVIIIème et XIXème siècles, devant les excès des célébrations de Noël, y compris dans les lieux de culte, les autorités civiles et religieuses des « pays protestants » ont cherché à encadrer, parfois strictement, la célébration de cette fête, la rendant progressivement presque exclusivement un temps qui se vivait « en famille ».
En matière de pratique de notre foi, la question est : quel sens, au regard de la Bible et de la volonté de Dieu, nos usages et traditions prennent-ils ?

Pourquoi les Eglises semblent vouloir « divertir » les chrétiens plutôt que de « convertir » les gens au Christ ? [Stella]

Stella, ni divertir, ni convertir !
Je crois qu’effectivement le rôle des Églises n’est pas de divertir les chrétiens, comme le monde d’ailleurs. Et je crois tout aussi fortement qu’elles n’ont pas à convertir.
Mais j’aime bien les guillemets que vous avez mis autour de ces deux verbes. Je comprends par « divertir » la volonté des Églises de présenter l’Évangile de manière plus douce, plus acceptable qu’il n’est en réalité, en essayant de gommer ce que l’Évangile a de radical : « Aimer ses ennemis » par exemple (Mt 5, 44). Et j’imagine que par « convertir » vous voulez dire annoncer l’Évangile.
Je ne sais dire les raisons pour lesquelles les Églises agissent ainsi. Cela traduit, en tous cas, le fait qu’elles sont pécheresses, à côté de ce que le Christ, leur chef, leur demande de faire. Et s’il en est ainsi, elles doivent se repentir, revenir à Dieu et mettre en pratique les enseignements de l’Évangile, en totalité.

Pourquoi le mal se trouvait il déjà en Eden ? Dieu parle de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gen 2:17) ? [Pascale]

« Connaître le bien et le mal » est une expression typiquement biblique qui désigne la totalité par l’opposition des contraires. Tout comme le premier verset de la Genèse, « Dieu créa les cieux et la terre » signifie que Dieu a tout créé, du haut (les cieux) en bas (la terre). Donc aussi la mer, les astres, les êtres vivants, etc.

En Genèse 24,50 « ne dire ni bien ni mal » signifie : ne rien dire. « Connaître bien et mal » signifie « tout connaître », c’est à dire être en capacité de tout choisir, tout décider par soi-même, être auto-nome, c’est à dire se donner à soi-même la loi à suivre, être juge et arbitre de ce qui est bien et mal. C’est le propre de l’adulte, à la différence de l’enfant, notamment (voir Deutéronome 1,39 ; Esaïe 7,15s). C’est la sagesse que Salomon demande à Dieu pour guider le peuple, lorsqu’il devient roi (1 Rois 3,9).

Si cet arbre et son fruit sont interdits à Adam et Eve, c’est parce qu’il revient à Dieu de les diriger, de leur indiquer comment mener leur vie. C’est dans la dépendance à leur Créateur et Seigneur qu’ils pouvaient trouver leur vraie liberté et le vrai bonheur. En voulant se prendre pour des dieux, ce que leur a fait miroiter le serpent, ils n’ont pu que se découvrir nus, c’est à dire éprouver leur fragilité et leur finitude.

Le mal n’était donc pas présent dès le départ ! Le mal et la mort, sa conséquence, découlent du refus de l’homme d’avoir confiance en la Parole de Dieu.

Quelle différence entre affection et amour ? [Jonathan]

Notre société aime parler d’amour. Encore est-il intéressant de réfléchir à ce que signifie vraiment aimer. Le grec ancien, langue du Nouveau Testament, emploie trois mots principaux pour désigner 3 types d’amour différents. Le premier terme est « philia » et désigne l’amour-amitié, qu’on pourrait peut-être rapprocher de l’affection. Le second mot est « eros » qui désigne l’amour romantique et l’attirance sexuelle. Le troisième terme est « agapè » qui désigne un engagement pour l’autre.
Lorsque le Nouveau Testament parle de l’amour de Dieu ou de l’amour que nous devons avoir pour les autres, il utilise le mot « Agapè ». Dieu est amour, il a montré son amour en s’engageant pour son peuple et l’humanité entière, jusqu’à la croix, et ce alors même que nous ne le méritions pas (Romains 5/6-8, Jean 3/16, 1 Jean 4/8). Cet amour de Dieu en Christ doit nous conduire à aimer les autres en nous engageant concrètement pour eux (1 Jean 3/17) et ce sans condition (Matthieu 5/44). Cet amour d’engagement est appelé à être vécu tout spécialement au sein du couple (Ephésiens 5/25).
Ainsi, l’affection, l’attachement que nous pouvons avoir avec nos proches, de même que le sentiment amoureux ne deviennent de l’amour, au sens biblique, que lorsqu’ils se doublent d’un engagement pour l’autre, qui ne dépend pas des sentiments.

« Heureux ceux qui auront cru sans avoir vu ». Doit-on mépriser d’avoir vu de grandes choses ? [Sophie]

Jésus adresse cette remarque à Thomas en Jean 20/29. Alors que Jésus ressuscité s’est montré aux autres disciples, Thomas était absent. C’est alors qu’il annonce qu’il ne croira pas tant qu’il n’aura pas vu Jésus de la même manière que les autres disciples l’ont vu. Huit jour plus tard, Jésus lui apparaît avant de déclarer : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! ».
Je ne pense pas que Jésus cherche ici à mépriser ce qu’il nous est donné de voir de l’œuvre de Dieu en Christ.
Tout d’abord, nous pouvons constater que la Bible donne un rôle particulier aux témoins oculaires de la vie de Jésus (Luc 1/2). En effet, le fondement de notre foi est historique. Dieu, en Jésus, est venu dans notre monde pour accomplir l’œuvre du salut. Nous avons besoin de le savoir afin de pouvoir l’accueillir. Le rôle des disciples, qui deviendront apôtres, sera de parler de ce qu’ils ont vu, y compris de la résurrection qui est un gage de sa victoire sur la mort.
Cependant, le fait de voir ne suffit pas à croire. Ainsi, beaucoup de ceux qui ont vu l’œuvre de Jésus ne l’ont pas cru. Matthieu 13/11-17 nous laisse entendre que c’est une grâce, un cadeau qui a été fait aux disciples non seulement de voir, mais aussi de croire ce qu’ils ont vu. C’est ce que nous montre l’épisode de Thomas doutant : Jésus lui fait la grâce de se montrer à lui. Aujourd’hui encore, certains ont la grâce de voir Jésus leur apparaître en rêve, par exemple. Il leur est alors fait la grâce de voir afin qu’ils puissent croire. A d’autres, il peut être donné de voir simplement son œuvre, à travers des guérisons, des miracles extraordinaires. Il n’y a rien de méprisable en ce qui est donné par Dieu pour notre salut.
Enfin, si le cadeau de la foi peut passer par le fait de voir, cela n’est pas nécessaire. C’est ce qu’exprime 1 Pierre 1/7-9, par exemple. Je pense que le but de l’interpellation de Jésus à Thomas en Jean 20 vise à encourager ceux qui, comme nous qui sommes nés si longtemps après Jésus, ne le verrons pas en chair, ni même sous forme de vision. Que nous l’ayons vu ou non, et même si nous ne sommes pas familiers des miracles, nous aussi, nous pouvons être heureux, comme Thomas et comme les disciples, parce qu’il est donné de croire en attendant le jour où, à la fin des temps, nous le rencontrerons face à face.
Pour résumer, ne méprisons pas ce que nous voyons, mais ne méprisons pas non plus ceux qui ne voient rien. Car ce qui compte, ce n’est pas de voir mais de croire. Et cette foi est un cadeau, une grâce qui ne peut que nous rendre heureux.

L’Homme existe depuis 2 millions d’années. Jésus venu il y a 2000 ans seulement. Pourquoi pas plus tôt ? [Michel]

Il faudra demander au Patron quand nous serons en sa présence ! Plus sérieusement, Michel, je crois que votre question pose un premier problème celui de la définition de l’être humain. Vous faites référence aux estimations scientifiques qui établissent que les premiers individus du genre « homo » (« habilis » de son petit prénom) : il y a environ 2,4 millions d’années. Mais l’homo habilis était-il un être humain au sens où la Bible comprend ce terme ? Je ne suis pas sûr que l’on puisse l’affirmer, d’autant que je ne considère pas la Bible comme un exposé scientifique. Penser que l’on peut faire coïncider ce qui nous est dit dans la Bible avec les recherches scientifiques relève de ce que l’on appelle le « concordisme ». Je ne partage pas ce point de vue. Il me semble que les humains principalement concernés par ce qui est raconté dans la Bible sont ceux qui ont appris à écrire et qui par conséquent ont une Histoire et une conscience que cette Histoire est impactée par Dieu, car c’est autour de Lui, et pas des humains que l’Histoire tourne. Or l’être humain semble avoir commencé à écrire il y a 3500-3000 ans. Par rapport à la venue de Jésus, c’est déjà un peu plus court, non ? Vous pouvez aussi relire le chapitre 11 de a lettre aux Hébreux qui donne un éclairage très intéressant sur les croyants nés avant Jésus.

Est-ce que la théologie, ce n’est pas en fait du pinaillage, souvent ? [Eloïse]

La théologie, comme son nom l’indique, c’est un discours sur Dieu.
Et comme personne n’a jamais vu Dieu (c’est dit en Jean 1,18 et 1Jean 4,12) il est assez compliqué d’envisager un discours 100% scientifique et objectif sur Dieu.

Pour les chrétiens protestants que nous sommes, le critère de référence, qui va permettre de trancher certains débats théologiques, c’est la Bible. Souvent elle est assez claire et radicale, comme par exemple avec le fameux aimez vos ennemis de Jésus en Matthieu 5,44 et Luc 6,27 ou 6,35. Mais parfois c’est plus complexe, parce qu’il y a des formulations imagées, ou des traductions hasardeuses pour rendre le propos initial compréhensible, ou encore des sujets sur lesquels il peut y avoir une absence de textes ou des contradictions d’un livre à l’autre qui sont difficiles à résoudre.

Le débat théologique est bon, car c’est dans la confrontation avec le texte biblique et la lecture qu’en font mes sœurs et mes frères que peut s’activer l’Esprit Saint qui va inspirer en nous une conviction théologique. Mais quand la motivation est d’abord de persuader, de briller intellectuellement, de croiser le fer avec d’autres chrétiens d’autres Eglises, alors là, ça se gâte, et effectivement, il se peut que ce ne soit plus l’Esprit de Dieu qui motive les discussion et qu’on tombe dans le pinaillage, le débat futile, la violence complaisante.

Tout est donc affaire de motivation.
Et la question restera : par quel esprit vivons-nous ces choses ?
Si c’est l’Esprit du Christ, ça se passera mieux.

Comment de grandes Eglises réformées européennes peuvent laisser dire n’importe quoi à certains de leurs pasteurs ? [Hervé]

Votre question, Hervé, n’est pas claire du tout ! De quelles « grandes Eglises », de quels pasteurs parlez-vous ? Et pour vous, qu’est-ce que « n’importe quoi ? »

Néanmoins, vous y abordez un sujet qui vous tient sans doute à coeur, celui des limites de la liberté d’expression dans l’Eglise. Je parlerai d’où je suis, pour tenter de répondre. Quand j’ai été reconnu Pasteur de l’Eglise Réformée de France, devenue il y a 10 ans l’Eglise protestante Unie, il m’a été rappelé au sujet de la déclaration de foi : « sans vous attacher à la lettre de ses formules vous proclamerez le message d’amour qu’elles expriment ».

Cette formulation laisse beaucoup de liberté aux ministres de l’EPUdF, peut-être même un peu trop de par la survalorisation du pluralisme (qui peut hélas déboucher sur le relativisme et la dissolution des convictions). Toutefois, notre Eglise trace les contours de sa fidélité à l’Evangile par ses confessions de foi (confession de foi de la Rochelle pour les Réformés, Confession d’Augsbourg pour les Luthériens, concorde de Leuenberg pour tous, sans oublier les symboles universels comme le credo), et dans une version plus courte par sa déclaration de foi (adoptée par le synode national, et pas par les seuls pasteurs, bien sûr). Si leur contenu trouve un de ses pasteurs en désaccord profond, le voilà en conflit de loyautés : loyauté envers l’Eglise qu’il sert d’une part, et loyauté vis à vis de sa conscience d’autre part.

Il faut ajouter que notre conscience personnelle a autorité, mais en tant qu’elle est éclairée par la Parole de Dieu, et donc soumise à cette seule Parole (et non pas au magistère et à la tradition de l’Eglise comme c’est le cas dans le catholicisme). Il m’arrive d’être dérangé, gêné par tel ou tel texte biblique. Et pourtant, il constitue un message inspiré par l’Esprit Saint. A moi de réformer ma façon de penser et de proclamer le plus fidèlement possible, avec l’aide de l’Esprit Saint, ce que l’auteur humain et l’Auteur divin veulent nous y dire.

Il est vital que la Parole de Dieu soit droitement, fidèlement prêchée. Je me souviens avec reconnaissance d’un conseiller presbytéral qui un jour, à la sortie du culte, est venu me voir pour contester fraternellement un passage de mon sermon. Et il n’avait pas tort ! Mais cela exige des conseillers, comme de tous les membres de l’assemblée, qu’ils se forment eux-mêmes et soient des lecteurs assidus et attentifs de la Bible. S’il y a défaillance à ce niveau, alors oui, des pasteurs pourront dire « n’importe quoi » sans se faire reprendre !