Quelle différence entre affection et amour ? [Jonathan]

Notre société aime parler d’amour. Encore est-il intéressant de réfléchir à ce que signifie vraiment aimer. Le grec ancien, langue du Nouveau Testament, emploie trois mots principaux pour désigner 3 types d’amour différents. Le premier terme est « philia » et désigne l’amour-amitié, qu’on pourrait peut-être rapprocher de l’affection. Le second mot est « eros » qui désigne l’amour romantique et l’attirance sexuelle. Le troisième terme est « agapè » qui désigne un engagement pour l’autre.
Lorsque le Nouveau Testament parle de l’amour de Dieu ou de l’amour que nous devons avoir pour les autres, il utilise le mot « Agapè ». Dieu est amour, il a montré son amour en s’engageant pour son peuple et l’humanité entière, jusqu’à la croix, et ce alors même que nous ne le méritions pas (Romains 5/6-8, Jean 3/16, 1 Jean 4/8). Cet amour de Dieu en Christ doit nous conduire à aimer les autres en nous engageant concrètement pour eux (1 Jean 3/17) et ce sans condition (Matthieu 5/44). Cet amour d’engagement est appelé à être vécu tout spécialement au sein du couple (Ephésiens 5/25).
Ainsi, l’affection, l’attachement que nous pouvons avoir avec nos proches, de même que le sentiment amoureux ne deviennent de l’amour, au sens biblique, que lorsqu’ils se doublent d’un engagement pour l’autre, qui ne dépend pas des sentiments.

« Heureux ceux qui auront cru sans avoir vu ». Doit-on mépriser d’avoir vu de grandes choses ? [Sophie]

Jésus adresse cette remarque à Thomas en Jean 20/29. Alors que Jésus ressuscité s’est montré aux autres disciples, Thomas était absent. C’est alors qu’il annonce qu’il ne croira pas tant qu’il n’aura pas vu Jésus de la même manière que les autres disciples l’ont vu. Huit jour plus tard, Jésus lui apparaît avant de déclarer : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! ».
Je ne pense pas que Jésus cherche ici à mépriser ce qu’il nous est donné de voir de l’œuvre de Dieu en Christ.
Tout d’abord, nous pouvons constater que la Bible donne un rôle particulier aux témoins oculaires de la vie de Jésus (Luc 1/2). En effet, le fondement de notre foi est historique. Dieu, en Jésus, est venu dans notre monde pour accomplir l’œuvre du salut. Nous avons besoin de le savoir afin de pouvoir l’accueillir. Le rôle des disciples, qui deviendront apôtres, sera de parler de ce qu’ils ont vu, y compris de la résurrection qui est un gage de sa victoire sur la mort.
Cependant, le fait de voir ne suffit pas à croire. Ainsi, beaucoup de ceux qui ont vu l’œuvre de Jésus ne l’ont pas cru. Matthieu 13/11-17 nous laisse entendre que c’est une grâce, un cadeau qui a été fait aux disciples non seulement de voir, mais aussi de croire ce qu’ils ont vu. C’est ce que nous montre l’épisode de Thomas doutant : Jésus lui fait la grâce de se montrer à lui. Aujourd’hui encore, certains ont la grâce de voir Jésus leur apparaître en rêve, par exemple. Il leur est alors fait la grâce de voir afin qu’ils puissent croire. A d’autres, il peut être donné de voir simplement son œuvre, à travers des guérisons, des miracles extraordinaires. Il n’y a rien de méprisable en ce qui est donné par Dieu pour notre salut.
Enfin, si le cadeau de la foi peut passer par le fait de voir, cela n’est pas nécessaire. C’est ce qu’exprime 1 Pierre 1/7-9, par exemple. Je pense que le but de l’interpellation de Jésus à Thomas en Jean 20 vise à encourager ceux qui, comme nous qui sommes nés si longtemps après Jésus, ne le verrons pas en chair, ni même sous forme de vision. Que nous l’ayons vu ou non, et même si nous ne sommes pas familiers des miracles, nous aussi, nous pouvons être heureux, comme Thomas et comme les disciples, parce qu’il est donné de croire en attendant le jour où, à la fin des temps, nous le rencontrerons face à face.
Pour résumer, ne méprisons pas ce que nous voyons, mais ne méprisons pas non plus ceux qui ne voient rien. Car ce qui compte, ce n’est pas de voir mais de croire. Et cette foi est un cadeau, une grâce qui ne peut que nous rendre heureux.

L’Homme existe depuis 2 millions d’années. Jésus venu il y a 2000 ans seulement. Pourquoi pas plus tôt ? [Michel]

Il faudra demander au Patron quand nous serons en sa présence ! Plus sérieusement, Michel, je crois que votre question pose un premier problème celui de la définition de l’être humain. Vous faites référence aux estimations scientifiques qui établissent que les premiers individus du genre « homo » (« habilis » de son petit prénom) : il y a environ 2,4 millions d’années. Mais l’homo habilis était-il un être humain au sens où la Bible comprend ce terme ? Je ne suis pas sûr que l’on puisse l’affirmer, d’autant que je ne considère pas la Bible comme un exposé scientifique. Penser que l’on peut faire coïncider ce qui nous est dit dans la Bible avec les recherches scientifiques relève de ce que l’on appelle le « concordisme ». Je ne partage pas ce point de vue. Il me semble que les humains principalement concernés par ce qui est raconté dans la Bible sont ceux qui ont appris à écrire et qui par conséquent ont une Histoire et une conscience que cette Histoire est impactée par Dieu, car c’est autour de Lui, et pas des humains que l’Histoire tourne. Or l’être humain semble avoir commencé à écrire il y a 3500-3000 ans. Par rapport à la venue de Jésus, c’est déjà un peu plus court, non ? Vous pouvez aussi relire le chapitre 11 de a lettre aux Hébreux qui donne un éclairage très intéressant sur les croyants nés avant Jésus.

Est-ce que la théologie, ce n’est pas en fait du pinaillage, souvent ? [Eloïse]

La théologie, comme son nom l’indique, c’est un discours sur Dieu.
Et comme personne n’a jamais vu Dieu (c’est dit en Jean 1,18 et 1Jean 4,12) il est assez compliqué d’envisager un discours 100% scientifique et objectif sur Dieu.

Pour les chrétiens protestants que nous sommes, le critère de référence, qui va permettre de trancher certains débats théologiques, c’est la Bible. Souvent elle est assez claire et radicale, comme par exemple avec le fameux aimez vos ennemis de Jésus en Matthieu 5,44 et Luc 6,27 ou 6,35. Mais parfois c’est plus complexe, parce qu’il y a des formulations imagées, ou des traductions hasardeuses pour rendre le propos initial compréhensible, ou encore des sujets sur lesquels il peut y avoir une absence de textes ou des contradictions d’un livre à l’autre qui sont difficiles à résoudre.

Le débat théologique est bon, car c’est dans la confrontation avec le texte biblique et la lecture qu’en font mes sœurs et mes frères que peut s’activer l’Esprit Saint qui va inspirer en nous une conviction théologique. Mais quand la motivation est d’abord de persuader, de briller intellectuellement, de croiser le fer avec d’autres chrétiens d’autres Eglises, alors là, ça se gâte, et effectivement, il se peut que ce ne soit plus l’Esprit de Dieu qui motive les discussion et qu’on tombe dans le pinaillage, le débat futile, la violence complaisante.

Tout est donc affaire de motivation.
Et la question restera : par quel esprit vivons-nous ces choses ?
Si c’est l’Esprit du Christ, ça se passera mieux.

Comment de grandes Eglises réformées européennes peuvent laisser dire n’importe quoi à certains de leurs pasteurs ? [Hervé]

Votre question, Hervé, n’est pas claire du tout ! De quelles « grandes Eglises », de quels pasteurs parlez-vous ? Et pour vous, qu’est-ce que « n’importe quoi ? »

Néanmoins, vous y abordez un sujet qui vous tient sans doute à coeur, celui des limites de la liberté d’expression dans l’Eglise. Je parlerai d’où je suis, pour tenter de répondre. Quand j’ai été reconnu Pasteur de l’Eglise Réformée de France, devenue il y a 10 ans l’Eglise protestante Unie, il m’a été rappelé au sujet de la déclaration de foi : « sans vous attacher à la lettre de ses formules vous proclamerez le message d’amour qu’elles expriment ».

Cette formulation laisse beaucoup de liberté aux ministres de l’EPUdF, peut-être même un peu trop de par la survalorisation du pluralisme (qui peut hélas déboucher sur le relativisme et la dissolution des convictions). Toutefois, notre Eglise trace les contours de sa fidélité à l’Evangile par ses confessions de foi (confession de foi de la Rochelle pour les Réformés, Confession d’Augsbourg pour les Luthériens, concorde de Leuenberg pour tous, sans oublier les symboles universels comme le credo), et dans une version plus courte par sa déclaration de foi (adoptée par le synode national, et pas par les seuls pasteurs, bien sûr). Si leur contenu trouve un de ses pasteurs en désaccord profond, le voilà en conflit de loyautés : loyauté envers l’Eglise qu’il sert d’une part, et loyauté vis à vis de sa conscience d’autre part.

Il faut ajouter que notre conscience personnelle a autorité, mais en tant qu’elle est éclairée par la Parole de Dieu, et donc soumise à cette seule Parole (et non pas au magistère et à la tradition de l’Eglise comme c’est le cas dans le catholicisme). Il m’arrive d’être dérangé, gêné par tel ou tel texte biblique. Et pourtant, il constitue un message inspiré par l’Esprit Saint. A moi de réformer ma façon de penser et de proclamer le plus fidèlement possible, avec l’aide de l’Esprit Saint, ce que l’auteur humain et l’Auteur divin veulent nous y dire.

Il est vital que la Parole de Dieu soit droitement, fidèlement prêchée. Je me souviens avec reconnaissance d’un conseiller presbytéral qui un jour, à la sortie du culte, est venu me voir pour contester fraternellement un passage de mon sermon. Et il n’avait pas tort ! Mais cela exige des conseillers, comme de tous les membres de l’assemblée, qu’ils se forment eux-mêmes et soient des lecteurs assidus et attentifs de la Bible. S’il y a défaillance à ce niveau, alors oui, des pasteurs pourront dire « n’importe quoi » sans se faire reprendre !

Pour les protestants réformés, est-ce que Jésus offre son corps et son sang dans la Sainte Cène sous les signes du pain et du vin ? [Kanye]

La réponse est oui ! Mais il convient de l’expliciter. Pour les réformés, le pain et le vin restent d’un bout à l’autre pain et vin, à la différence de nos frères et soeurs catholiques qui confessent que les « espèces » (du latin species, apparence) que sont le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang du Christ. Donc peu importe pour les réformés ce que deviennent le pain et le vin après la communion, alors que dans l’Eglise catholique, une fois consacrés, ils doivent être soit consommés soit pieusement conservés.

Mais par la foi, et parce que le Christ est présent comme il l’a promis dans le don du Saint-Esprit, nous croyons que nous avons réellement part à ce que le pain et le vin nous représentent lorsque nous participons à la Sainte-Cène. Nous sommes unis à Jésus, à sa mort et à sa vie, aussi vrai que nous mangeons de ce pain, et que nous buvons de cette coupe. Et donc unis les uns aux autres qui mangeons de ce même pain et buvons à cette même coupe (ce qui reste vrai même si nous buvons dans des gobelets individuels pour éviter toute contagion).

Une remarque au sujet des récits bibliques d’institution de la Cène par Jésus. Quand il déclare « ceci est mon corps, faites ceci en mémoire de moi », le « ceci » ne renvoie pas au pain lui-même, mais au geste de la fraction du pain qui représente le don par le Christ de sa vie pour nous tous. Il faudrait traduire : « mon corps, c’est ceci » pour éviter l’ambigüité.

Pourquoi on représente les anges avec des ailes ? La Bible ne le mentionne pas — sauf pour les séraphins — et il s’agit de visions. [Alain]

Vous avez tout à fait raison : dans la Bible, la plupart du temps, les anges nous sont décrits comme de messagers (c’est le sens même du mot ange traduit du grec angelos) ayant l’apparence de personnes humaines. C’est le cas notamment des trois voyageurs qui viennent annoncer à Abraham qu’il va avoir un fils ; ou bien, dans l’évangile de Marc, du jeune homme qui se tient à l’entrée du tombeau pour annoncer la résurrection aux femmes. Seuls les chérubins et les séraphins, dans les visions d’Ésaïe et d’Ézechiel ou dans la description de l’arche de l’alliance au livre de l’Exode, sont décrits avec des ailes, afin de souligner la gloire de Dieu. Les premières peintures chrétiennes que nous connaissons, notamment dans les catacombes, suivent fidèlement le texte biblique en représentant les anges comme des humains. Sans doute que les premiers chrétiens se méfiaient de la confusion possible avec les divinités païennes ailées (comme les Victoires). Ce n’est qu’à partir du Vème siècle, quand le paganisme a cessé de représenter une menace, qu’on a commencé à représenter les anges avec des ailes. Quoi qu’il en soit, on s’accorde pour dire que les ailes sont de l’ordre du détail et de la spéculation : ce ne sont pas elles qui font l’ange, mais bien le message que celui-ci porte de la part de Dieu !

Comment la compassion peut-elle être à géométrie variable ? Cf. Israël/Palestine [Élie]

La compassion est à géométrie variable parce que le péché a invariablement corrompu le cœur des humains créés à la ressemblance de Dieu… Dès lors, je vois plusieurs raisons qui expliquent pourquoi nous sommes capables de déployer notre injustice jusque dans notre capacité à compatir. 

Premièrement, nous nous émouvons de manière inégale pour la cause des uns et des autres parce que nous sommes mal informés. Nous avons les images, les cris de détresse, la plainte de ceux qui souffrent qui montent jusqu’à nous. Alors nous prenons parti et, dès lors, nos oreilles ont du mal à s’ouvrir à la souffrance de « ceux d’en face ». Par le jeu des algorithmes et des biais médiatiques, plus nous nous informons, plus nous sommes confirmés dans notre vision… En fait, il n’est pas possible d’être en permanence bien informé, mais c’est de notre responsabilité d’en connaître le biais sur notre capacité à discerner. 

Deuxièmement, nous avons du mal à considérer la complexité des responsabilités, des torts, des culpabilités individuelles et collectives. Nous avons aussi du mal à accepter le scandale de l’innocent souffrant ou du bourreau victime. Alors nous avons des schémas simplificateurs en tête qui opèrent pour nous une classification outrancière du réel. On cherche « qui souffre le plus » et « qui est le plus coupable dans l’histoire ». Notre parti pris, nous compatissons pour les uns et souhaitons la capitulation des autres.

Troisièmement, un autre biais très important désoriente notre jugement, c’est que nous compatissons davantage pour des personnes proches de nous. Ce serait une bonne chose si ça nous mettait en action pour aider le proche prochain plutôt que pleurer vainement sur le prochain lointain pour qui on ne peut rien faire. Mais en vérité, notre égocentrisme nous pousse à nous émouvoir pour des bébés qui ressemblent aux nôtres, des populations auxquelles on peut s’identifier, des problématiques que nous pouvons comprendre. Ce biais terrible analysé en sciences humaines rejoint un effroyable constat théologique : il n’y a rien en nous qui ne soit indemne de corruption. Pas même notre compassion… 

Alors veillons sur notre âme, repentons-nous et implorons en permanence le secours de Celui qui a tant aimé le monde, tout le monde !

D’après la Bible, que se passe-t-il pour ceux qui meurent, en attendant la « fin des temps » ? [Véronique]

Cette question, Véronique, les chrétiens Thessaloniciens se la posaient déjà vers l’an 50. Plusieurs d’entre eux étaient morts sans avoir vu le retour de Jésus-Christ, et ceux qui restaient se demandaient avec tristesse et angoisse ce qu’ils deviendraient. Paul, dans la première lettre qu’il leur adresse, les rassure au sujet de ceux « qui se sont endormis » (= qui sont morts). Ils ne sont pas perdus, au retour du Christ, ils ressusciteront. Voir 1 Thess. ch.4, v.13-18.

Quant à savoir ce qu’il advient des morts en attendant cette Résurrection à la fin des temps, les Ecritures sont assez sobres voire quasi muettes à ce sujet, loin des représentations traditionnelles de ce que l’on appelle le paradis. Un indice se trouve pourtant dans la lettre de Paul aux Philippiens : même si son espérance ultime est la Résurrection à la fin des temps (Phil 3,20s), l’apôtre confie à ses destinataires que mourir lui serait un « gain », qu’il aimerait bien « s’en aller », quitter l’existence terrestre, pour être avec le Christ (Phil 1,23). Nous pouvons donc affirmer que ceux des croyants qui nous ont précédés dans la mort sont d’ores et déjà dans la présence du Seigneur ! Ce que Jésus lui-même a assuré au brigand crucifié avec lui : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23,43).

Mais ce paradis, répétons-le, n’est pas notre « destination finale ». Dans l’Evangile de Jean, le Christ déclare à ses apôtres qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père et qu’il s’en va « leur préparer une place » (Jean 14,2). Or le mot grec Monè, traduit par « demeure » désigne une habitation provisoire, un séjour temporaire. Notre ultime destinée, c’est la résurrection, dans une création renouvelée de fond en comble lors du retour du Christ. Et nous l’attendons avec impatience !

Devons-nous croire avec E. Renan que le Dieu des armées est toujours pour la nation qui a la meilleure artillerie ? [Elisa]

L’expression « Eternel des armées » est la traduction de l’hébreu « YHWH Elohim Sebaot » qui est utilisé dans les livres de Samuel, des Rois, des Chroniques, la plupart des livres prophétiques et de nombreux psaumes. Le mot « Sebaot » désigne en hébreu une totalité organisée, obéissant à un même chef. Dans la Bible c’est donc aussi bien une organisation militaire que les astres, des messagers de Dieu, des serviteurs du culte ou des êtres remplissant la création. L’expression vient donc surtout traduire la souveraineté de Dieu sur ce qu’il a créé, et même sur ce que els autres nations prennent pour des dieux. On peut choisir de ne retenir que la compréhension militaire de ce terme, mais je trouve que cela réduit singulièrement sa pluralité de sens.