Pourquoi certains protestants sont-ils plus libéraux et d’autres plus fondamentalistes ? [Antonin]

Les libéraux ont besoin de remettre en question les dogmes, les certitudes toutes faites, les carcans religieux… Ils ont souvent été marqués, blessés ou insupportés par l’hypocrisie religieuse, le christianisme étroit d’esprit à tendance sectaire ou les attentes déséquilibrées et manipulatrices de manifestations surnaturelles. Souvent bien sûr, même inconsciemment, c’est aussi (et surtout ?) un astucieux positionnement intellectuel pour s’auto-justifier de ne pas se soumettre à Dieu et à Sa Parole.

De l’autre côté, les fondamentalistes ont besoin de certitudes, de bases morales et spirituelles solides dans un monde largement hostile à Dieu, relativiste et inconscient de sa futilité. Leur recherche de soumission à une Parole transcendante serait un témoignage d’humilité si cette recherche ne tournait pas à la névrose paranoïaque et orgueilleuse contre le reste du monde (et des chrétiens).

Pour tout vous dire, je suis un peu libéral et un peu fondamentaliste avec des phases de ma vie où je fus plus l’un que l’autre. Je crois que l’équilibre ne peut se vivre que dans une grande discipline de lecture de la Parole, associée à une très profonde vie de prière et une foi vécue intensément dans l’action.

Que signifie l’expression « être sous la loi » ? [Arnaud]

Avant d’être interpellé par le Christ, par pure grâce, sur le chemin de Damas (et de le choisir ensuite, par son baptême, comme Seigneur et Maître) l’apôtre Paul suivait scrupuleusement la loi de Moïse et toutes les coutumes et traditions juives.
L’appel de Dieu et sa clémence envers Paul ont été si immérités par l’apôtre qu’il a pris conscience qu’il était auparavant plus soumis (mis sous) à la Loi de Dieu qu’à Dieu lui-même. Il a saisi le réel intérêt de la Loi et que celle-ci, comme toute création, ne doit pas prendre la place du créateur.

A plusieurs reprises il va donc utiliser cette expression « être sous la loi » (par exemple Romains 3 et 6, 1 Corinthiens 9, Galates 4 et 5…) pour parler de ceux qui continuent d’être soumis à La loi et la manière dont elle rend compte de la justice de Dieu selon le principe du mérite.

La foi chrétienne commence par la reconnaissance que l’amour de Dieu en Christ est un cadeau et que nous n’avons rien accompli pour y avoir droit (bien au contraire !). Par cette conviction, nous ne sommes donc plus soumis au principe du mérite sous jacent à la Loi.

Pourquoi les huguenots ont-ils riposté dans les guerres de religion au lieu d’accepter la persécution passivement comme l’Église primitive ? [KL]

Moi aussi l’Église primitive me fascine ! Elle a brillé de son amour pour Christ de bien des manières et en particulier pendant les périodes de persécution. Les éléments historiques sont nombreux à témoigner d’une Église qui resta profondément et viscéralement non-violente durant plusieurs siècles, à l’exemple de son Seigneur Jésus.

Dans ces temps de terreur, des martyrs brillent de mille feux à la suite d’Étienne et les païens sont nombreux à être impressionnés par un tel amour et une telle foi ! Mais l’Église est aussi faite de chrétiens déboussolés qui ne savent plus quoi faire. Certains fuient, d’autres sacrifient aux idoles face aux menaces de mort, abjurent leur foi, ou payent pour avoir la vie sauve… Non, toute l’Église primitive n’a pas réagi exactement de la même façon à la persécution. Enfin, osons le dire, son rapport de force de l’époque n’incitait pas non plus à la résistance armée.

Et les huguenots ? Lesquels ? Le célèbre compositeur de cantiques Ruben Saillens chantait dans La Cevenole :

Les uns, traqués de cime en cime, en vrais lions surent lutter

D’autres, ceux-là furent sublimes, surent mourir sans résister.

Certains ont fui, certains ont abjuré et certains ont trahi leurs camarades. Certains ont protégé leur famille en usant de violence et certains ont sombré dans la soif de vengeance. Au milieu d’eux, il se tient quand même bon nombre de martyrs, des non-violents, des femmes, des hommes, des adolescents et des enfants aussi. Il y a des témoignages remarquables de personnes qui n’ont pas imaginé prendre une arme autrement qu’en travers de leur propre corps.

L’histoire est précieuse parce qu’elle nous montre des martyrs habités d’une force qu’on aurait pas pu inventer. Mais l’histoire témoigne aussi des limites de l’homme et de l’Église… Pour moi, pour toi, que Dieu nous donne Sa force.

La croyance dans le Karma est-elle compatible avec la foi chrétienne ? [Manu]

L’idée du Karma vient de l’hindouisme et du bouddhisme et elle part du principe que nos actions influencent le jeu de nos supposées réincarnations successives. Nos mauvaises actions nous font perdre des points et nos bonnes actions nous font gagner des points en quelque sorte. Pour pouvoir être dans une meilleure prochaine vie ou l’inverse.

La croyance dans le Karma est indissociable de la croyance en la réincarnation, qui est elle-même totalement incompatible avec la foi en la résurrection, qui se trouve être le centre de la spiritualité chrétienne. Ainsi l’épitre aux Hébreux 9,27 (PDV) affirme : « Les êtres humains meurent une seule fois, ensuite Dieu les juge. » Sur cette terre on ne meurt qu’une fois, on ne se réincarne pas. La résurrection se joue à la fin des temps, quand la grâce de Dieu nous ouvre à une vie éternelle par le salut que donne Jésus le Christ. L’épitre aux Ephésiens 2,8-9 (NFC) poursuit en affirmant : « C’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il n’est pas le résultat de vos efforts, et ainsi personne ne peut faire le fier. » Nous n’avons donc aucun impact par nos œuvres sur ce qu’il adviendra pour nous après la mort.

Le Karma est donc une projection de l’humain qui aspire à se sauver lui-même.

Mener « une guerre culturelle » fait-il partie du « Grand Mandat » que Jésus-Christ a confié à ses disciples ? [Nic]

Nic, par « Grand Mandat » vous entendez, j’imagine, ce qui est dit à la fin de l’évangile de Matthieu (28,16-20). Dans ces quelques versets il s’agit de faire des non-juifs des disciples du Christ ressuscité. Le verbe faire_des_disciples est un seul mot formé à partir du… mot disciple justement. Le « Grand Mandat » consiste donc à montrer aux non-chrétiens, qui est le Christ et comment ils peuvent le suivre, recevoir son enseignement et devenir à leur tour des disciples. Il faut noter qu’au verset 17 quand les disciples voient le Christ ils se prosternent devant lui : le disciple est celui qui se soumet au Christ, à son autorité.
Je ne vois là aucune « guerre culturelle » à mener. Et j’ajoute que même avec des « guillemets » le Christ n’a jamais envoyé ses disciples pour mener « une guerre ». Il les a même envoyés comme des agneaux au milieu des loups (Mt 10,16) : si des agneaux font la guerre aux loups, ils terminent en côtelettes, gigots… Et enfin dans les autres envois en mission des 4 évangiles, je ne vois pas non-plus d’engagement du Christ à mener une telle « guerre ».
Mais toujours est-il que ce « grand mandat » reste et ouvre à un engagement fort du chrétien dans le monde pour y témoigner du Christ.

Quand j’entends Israël dans l’actualité, j’ai souvent l’impression que ce n’est pas la même chose qu’Israël dans la Bible. Qu’en penser finalement ? [Ben]

Effectivement, Israël dans l’actualité c’est l’état d’Israël, créé au milieu du XXème siècle après la deuxième guerre mondiale et la Shoah. Cet état a été créé pour (re)donner une terre au peuple que l’Occident n’a pas su protéger de la folie hitlérienne. L’état d’Israël a été fondé essentiellement sur la base du sionisme politique et de ses leaders qui souhaitaient un état laïc, pour différencier cet état du « peuple d’Israël » qui est plutôt l’appellation du Premier et du Nouveau Testaments.

Ainsi, appliquer les vérités bibliques terme à terme qui parlent d’Israël sur l’état actuel d’Israël est faux. Car Israël est d’abord le nom donné par Dieu à Jacob après qu’il se soit battu avec Dieu (ce qui est le sens de ce nom en hébreu). Les « fils (et filles) de Jacob » sont donc d’abord une filiation non seulement du sang mais aussi et surtout spirituelle, liée à la fidélité au Dieu biblique.

Que penser du concept de « parent spirituel » pour désigner le lien entre un chrétien et une personne qui l’aurait amené à la foi et l’accompagnerait ensuite ? [Ed]

Je pense que ce concept a toute sa légitimité. L’apôtre Paul n’hésite pas à appeler son jeune collaborateur Timothée, son « enfant bien aimé » (2 Tim 1,1) et Tite, même, son « enfant véritable selon notre foi commune »(Tite 1,4, voir aussi 1 Timothée 1,2). Ce lien de filiation spirituelle que Paul souligne avec les destinataires de ses lettres suggère bien que, tout comme la vie, l’éducation, se transmettent de parent à enfant, la foi vient de ce que l’on entend d’un autre : un témoignage. Elle ne nous « tombe pas dessus » sans une ou plusieurs personnes qui nous ont amenés à Jésus-Christ par leurs paroles, leurs actes.

ChatGPT va-t-il finir par remplacer les répondants de « 1001 questions » ? [Nico]

Bonjour Nico. Votre question suppose peut-être que les réponses que vous lisez sur notre site sont à ce point stéréotypée qu’un outil conversationnel comme Chat GPT pourrait faire le boulot. Je crois que le meilleur critère que vous pourrez appliquer pour être sûr que la réponse ne vient pas d’un robot, ce sont les blagues à deux balles qui émaillent un certain nombre de réponse (souvent les miennes d’ailleurs!) Chat GPT a soit un humour beaucoup plus fin, soit pas d’humour du tout. Mais il ne sait pas faire des blagues aussi nases (même mon correcteur orthographique ne connaît pas le mot « nase » !) Seul un pauvre pécheur qui sait que Dieu l’a justifié en Jésus peut oser répondre comme il le fait sur 1001 questions !

Des protestants disent que la lecture individuelle de la Bible prime. N’est-ce pas plutôt la lecture collective ? [Christophe]

Christophe, votre question met le doigt sur un risque de dérive de la spiritualité protestante. A force de rappeler que l’on appartient à l’Eglise parce que l’on a une relation personnelle (la foi), avec le Seigneur, et non le contraire… A force d’insister sur la primauté de cette relation individuelle avec le Christ, qui peut certes se vivre dans la méditation personnelle de la Bible, on peut oublier que nous sommes chacun, chacune membre d’un même corps, dont le Christ est la tête, et qui s’appelle l’Eglise. On peut oublier que si nous croyons en Jésus-Christ, c’est parce que d’autres nous ont parlé de lui. Qu’il s’agisse de notre entourage (parents, amis..), ou de ceux qui nous ont précédés dans la foi. Ne dit-on pas, par exemple, que nous sommes vis à vis des Pères de l’Eglise comme des nains montés sur des épaules de géants ?

La Parole de Dieu n’est pas donnée à des individus isolés seulement, mais d’abord à une communauté qu’elle rassemble. Dans le livre des Actes, au chapitre 8, un éthiopien lisait seul le livre d’Esaïe et Philippe est monté dans son char pour l’aider à comprendre ce qui y était annoncé au sujet de Jésus-Christ. Notons également que l’éclairage des Ecritures, que seul permet ultimement le Saint-Esprit, n’est pas toujours à sens unique. Ainsi, ne pensons pas qu’une assemblée ne peut comprendre un texte que si le pasteur ou autre théologien de service en donne l’interprétation. En tant que pasteur, il m’arrive plus que souvent, lors d’une réunion autour d’un texte de la Bible que j’ai pourtant bien étudié, d’y découvrir une richesse de sens jusqu’alors inconnue de moi, grâce aux remarques, voire aux questions des autres participants.

Pourquoi les gens aiment-ils tant chanter des cantiques pleins d’approximations théologiques ? (Sylvie)

Il n’est pas sûr que l’attachement que nous portons à tel ou tel cantique soit lié à son contenu théologique, encore moins au fait que ce contenu soit doctrinalement suspect. Mais parce que sa mélodie nous berce depuis notre jeunesse, réveille des souvenirs, parce qu’il crée en nous, comme tout ce qui atteint nos sens, une émotion d’ordre esthétique, nous aimons l’entonner. Un chant, une musique ne nous rejoint pas seulement au niveau du cortex, siège de la pensée raisonnante, mais aussi et d’abord au niveau de notre sensibilité profonde ! Et ce n’est pas un mal en soi. Le Psaume 150 nous invite à louer Dieu et à le chanter avec tous les instruments possibles ; le chant, la musique rendent gloire à Dieu dans la grandeur, et la beauté de sa création, reflets de sa propre beauté, de sa propre grandeur… Et en concluant « que tout ce qui respire loue le Seigneur », le psalmiste rappelle que la louange n’est pas seulement cérébrale.

Voilà pourquoi nous pouvons entonner sans sourciller des contre-vérités bibliques, inscrites noir sur blanc dans des recueils aussi honorables qu’Arc-en-Ciel, Alléluia !, ou Jeunesse en Mission qui nous feraient réagir si elles étaient formulées dans un discours. Un chant de louange à Jésus-Christ prétend lui « apporter la couronne », tout en reconnaissant, heureusement, qu’il l’a conquise lui-même sur la croix… La Cévenole, fameux cantique de Ruben Saillens par ailleurs fort édifiant, commence ainsi : « Salut montagnes bien-aimées, pays sacré de nos aïeux »… et semble oublier que rien n’est sacré en dehors de Dieu lui-même.

C’est d’autant plus gênant que les paroles d’un chant, voire une mélodie, peuvent avoir, précisément de par l’émotion que la musique suscite, beaucoup plus d’impact sur notre théologie, sur notre conception de la foi et de la vie chrétienne qu’un précis de doctrine ou un sermon même percutant. Le philosophe athée et nihiliste Cioran, lui-même, reconnaissait que la musique de Jean-Sébastien Bach le faisait douter de son athéisme !

Alors oui, peut-être, serait-il bon de modifier les paroles de certains cantiques, voire de les éviter si ce n’est pas possible pour des raisons de rythme ou de rime. Pasteur en terre cévenole, j’ai osé demander à l’assemblée de chanter le cantique de Ruben Saillens en remplaçant « sacré » par « chéri ». Je ne me suis pas fait lyncher …