Quelles sont les conséquences du légalisme d’après la Bible- et comment en sortir concrètement ? [Luc]

On peut définir le légalisme comme l’attitude qui consiste à donner à la Loi une valeur salutaire (littéralement : source de salut). Cette attitude est largement débattue dans le Nouveau Testament, en particulier dans les épîtres pauliniennes. Paul s’adresse en effet à des communautés imprégnées de judaïsme, et donc héritières de la loi mosaïque.

Dans ce contexte, une des affirmations centrales de la nouveauté chrétienne est : « Personne ne sera reconnu juste devant Dieu pour avoir accompli ce qu’ordonne la loi […] Dieu rend les hommes justes à ses yeux par leur foi en Jésus-Christ » (Rm 3, 20 et 22).

Que se passe-t-il pour des chrétiens qui resteraient sous le joug de la loi ? Je vois essentiellement 4 possibilités, qui sont toutes lourdes de conséquences :

– Une situation de dépendance, ou d’esclavage, qui rend vaine la libération acquise par la mort et la résurrection du Christ (Ga 5, 1).

– Une mort spirituelle (Rm 7, 5). Jésus compare ceux qui ont une position légaliste, scribes et pharisiens à des « sépulcres blanchis » (Mt 23, 27).

– L’anathème, autrement dit la séparation du Christ.

– Le jugement, puisque Dieu nous jugera selon la mesure avec laquelle nous avons nous-mêmes jugé (Mt 7, 2)

Alors, comment en sortir ? Voici 3 pistes :

– En accueillant pleinement l’Esprit du Seigneur ressuscité, car la loi de l’Esprit a remplacé la loi écrite, et que « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17).

– En cherchant la sanctification, une vie où tout est permis, mais tout n’est pas souhaitable, ni utile à la communauté.

– En s’efforçant de faire émerger des compromis sur des questions de discipline et de vie commune, en fonction du contexte, à l’image de l’accord trouvé lors du concile de Jérusalem (Actes 15).

Une question à creuser encore, sans aucun doute !

Pourquoi beaucoup de réformés sont par défaut zwingliens ? Alors que les confessions et liturgies réformées déboutent le point de vue zwinglien sur la Sainte-Cène. [Kany]

Je partage votre constat sur la compréhension de la Sainte-Cène par une majorité de chrétiens se disant « réformés ». Je pense d’ailleurs qu’il serait possible de l’étendre à bon nombre d’assemblées évangéliques, pour lesquelles la pratique de la Cène relève plus du symbole que de la présence réelle du Christ, puisque c’est la grande différence à souligner dans les deux approches.

J’ajoute quand même que si ce constat me paraît vrai quand on considère la conception ordinaire du sacrement, il ne se vérifie pas dans les textes théologiques qui ont été rédigés souvent dans une perspective œcuménique, dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Ceux-là témoignent plutôt chez les réformés d’une valorisation de la Sainte-Cène et de l’affirmation de la présence du Christ dans sa célébration (Thèses de Lyon, Concorde de Leuenberg). On tend à revenir à ce que confessait les Eglises françaises avec Calvin en 1559 (Confession dite de La Rochelle) où il est écrit que le Christ « nous nourrit et vivifie de la substance de son corps et de son sang ».

En réponse à votre question, je vois personnellement dans la faveur donnée à une conception très symbolique de la Cène une influence probable du libéralisme qui préfère retenir les principes et les idées (des choses immatérielles) sans trop considérer l’importance des pratiques en matière de vie spirituelle (et donc leur matérialité concrète).

Je peux aussi vous renvoyer utilement à plusieurs articles déjà présents sur ce site à ce sujet !

Si Dieu nous a choisis avant la création du monde- a-t-Il choisi des gens pour chuter ? Voir Ephésiens 1:4-5 [Blanche]

La question que vous posez, Blanche, concerne ce que l’on appelle traditionnellement la double-prédestination. Le passage que vous citez emploie bien le terme grec qui, en français, donne prédestination. Il est utilisé ici seulement à propos des croyants (les « saints »), et ne dit rien des personnes perdues pour le salut. C’est donc de simple prédestination (et non de double) qu’il s’agit ici.

Dans sa version « simple », la prédestination est déjà une idée difficilement compatible avec l’idée qu’il puisse exister une réelle liberté humaine. Mais encore plus avec celle d’une foi qui passe par un chemin de conversion, de changement intérieur impliquant repentance et accueil de la grâce divine. Si tout est écrit d’avance, pourquoi se mettre en souci de son salut ?

Ce souci augmente d’autant plus si, vis-à-vis de certaines personnes, Dieu ne manifeste pas seulement de l’indifférence, ou son oubli, mais une condamnation écrite d’avance. Comment comprendre alors tout ce que Dieu a mis en place dans son plan de salut, et notamment la loi qui entraîne que « toute bouche soit fermée et que le monde entier soit coupable devant Dieu » (Rm 3, 19) ?

Il me semble que l’Ecriture penche plutôt dans son ensemble vers un Dieu qui donne sa chance à l’humanité. Un Dieu dont il faut entendre avant tout la volonté de sauver les croyants (1 Tim 2, 15), tous les hommes (1 Tim 2, 4) et même la création entière (Rm 8, 21).

Cette volonté n’exclut pas un jugement que, parmi d’autres textes, certaines paraboles professées par le Christ invitent à prendre très au sérieux.

Je ferai encore deux remarques sur cette question difficile et souvent débattue.

Dans le passage d’Ephésiens, il est frappant de constater la centralité du Christ dans le choix de Dieu. Tout se fait en lui, par lui et pour lui. Or ce Christ, il est folie de Dieu plus sage que la sagesse humaine. Il ne peut que nous inciter à une certaine prudence concernant la connaissance des fins dernières.

Enfin, dans « prédestination », nous entendons « destin », mais nous pouvons entendre aussi « destination » : c’est en vue de certaines œuvres de louange à Dieu et d’amour que nous avons été choisis. Nous pouvons débattre de l’ampleur de ce choix. Mais ce que nous ne pouvons surtout pas faire, c’est passer à côté de ce pourquoi nous avons été appelés :  répondre à son adoption en « célébrant la gloire de sa grâce » (Ephésiens 1, 6) avec tout ce que nous sommes. Il importe moins de savoir comment nous avons été choisis, que de savoir en vue de quoi nous l’avons été.

Comment se sortir d’une situation où on a menti et où on est coincé ? [Steph]

Jésus nous promet dans l’Evangile de Jean : « vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jean 8,32). Dans la situation que vous décrivez, quelqu’un connaissait une vérité qu’il a délibérément cachée, écartée, parce qu’elle lui était défavorable, ou risquait de lui porter préjudice. Et il ne peut plus la dissimuler, elle apparaît au grand jour. Alors il peut être tenté de jouer avec les mots, de tout relativiser, comme quelqu’un qui, au sujet des fake news, ces fausses informations qui inondent internet et les média, les qualifiait de « faits alternatifs ».  Ou bien, il peut s’obstiner dans son mensonge et s’y enferrer davantage.

Dans ce cas-là, la promesse de Jésus ouvre un chemin de liberté : reconnaître la vérité, demander pardon à ceux à qui on l’a cachée, c’est sortir de l’impasse où le mensonge nous enfermait.

« Connaître », dans cette parole de Jésus, ce n’est pas simplement savoir de façon abstraite, c’est expérimenter, nouer une relation vécue avec celui ou ce que l’on connaît. La vérité, c’est Jésus lui-même. Refuser le mensonge, c’est lui faire confiance, nous abandonner à lui et à son amour.

Y a-t-il des péchés associés à la période de l’été ? [Olaf]

Les péchés sont de toutes les saisons, car même si nous savons que nous sommes sauvés par le sang de Jésus, le « vieil homme » en nous continue de s’agiter et de faire des siennes ! Et il ne s’arrête pas à cause de la saison ou des vacances…

Ceci dit, Olaf, voyez vous-même dans votre vie, dans votre corps, dans votre esprit, s’il y a de tentations particulières pour vous à cause de la saison. La chaleur, la rencontre avec des gens inhabituels, l’éloignement du travail ou même de la famille, etc., suscitent-ils en vous des désirs contraires à la volonté de Dieu pour vous et à la liberté de ses enfants, dont vous êtes ? Tentations sexuelles, envie de se désintéresser du monde et des autres, de laisser libre cours à vos comportements égoïstes, de tout envoyer balader, d’être en vacances d’Église, que sais-je encore…

Que faire alors ? Tâchez de ne pas céder au tentateur, mais « revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable. » (Épître aux Éphésiens, ch. 6, v. 11) En été ou en toutes saisons ! Car si le tentateur ne chôme pas, ne prend pas de vacances, Dieu non plus : assurez-vous en lui.

Pourquoi les Églises sont souvent tristes alors que la Bonne Nouvelle est joyeuse ? [Esther]

Esther, ce ne sont pas les Églises qui sont tristes, mais ceux qui en font partie ! Une Église fidèle, qui prêche à ses membres et annonce à l’extérieur la joie du salut en Jésus-Christ mort et ressuscité, ne peut pas être triste !

Par contre, nous autres les chrétiens, nous sommes certes déjà sauvés, mais toujours pécheurs, même si Dieu ne considère plus notre péché. Et c’est ce péché qui nous rend tristes, sans doute, déçus de ne pas être à la hauteur des attentes du Seigneur à l’égard de ceux qu’il aime, déçus de nos propres incohérences, de nos rechutes, de nos faiblesses. Nous avons souvent besoin de réentendre l’annonce joyeuse de cet amour, de cette grâce, de ce pardon gratuit sur nos vies pécheresses.

Peut-être quelques-uns sont-ils aussi tristes, toujours à cause de cet état de pécheurs, en pensant qu’alors ils ne sont pas ou pas encore sauvés, et qu’ils ne méritent pas la vie éternelle. Ce serait faire peu de cas de ce que le Christ a réalisé en mourant sur la croix et en étant vainqueur de la mort à notre bénéfice. Car on n’est pas sauvés par nos œuvres, belles ou pas, mais par Jésus seul. « En ceci, Dieu prouve son amour envers nous : lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous. À bien plus forte raison, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère. » (Épître aux Romains, ch. 5, v. 8-9)

Dès lors que nous aurons bien intégré les merveilles de Dieu pour nous et compris qu’on n’est pas sauvés par nos mérites, mais par l’amour de Dieu, nul doute que nos Églises seront plus joyeuses, quelles que soient leurs musiques, leurs théologies, leurs piétés !

Pourquoi beaucoup de réformés considèrent que les évangéliques sont peu intelligents ? [David]

David, si un réformé était dans l’état d’esprit que vous décrivez, il serait dans la même situation que le pharisien de la parabole de Luc 18. 9-14. Il ne serait pas reconnu juste aux yeux de Dieu, par la bouche même de Jésus. Mais si un réformé était dans le même état d’esprit que le collecteur d’impôts de cette même parabole, il le serait.
Que je sois réformé, luthérien, évangélique, catholique, orthodoxe, anglican, pentecôtiste… que le Seigneur m’aide à dire devant son Fils : « Mon Dieu, prends pitié de moi, qui suis un pécheur. »

Quelles sont les principales différences entre protestantisme libéral et conservateur ? [Pierre]

Pierre, on est toujours le libéral ou le conservateur de quelqu’un. Mais au fond, être libéral ou être conservateur, cela me semble bien éloigné du Christ, car il ne demande ni d’être l’un, ni d’être l’autre, il nous demande de le suivre : cela suffit. En effet il n’a pas posé le débat en termes de bien ou mal, en rapport à des systèmes de valeurs, mais en termes de vie et de mort. Le suivre, c’est recevoir la vie comme il le dit à Marthe (Jn 11. 25 et suivants)
Alors pour moi la question est bien plutôt : qui a autorité sur moi et donc relativise mon système de valeurs ? Pour un chrétien et donc pour un protestant , cela ne devrait être ni le monde et ses valeurs, ni moi-même et mes valeurs, mon intelligence, ma culture…, mais le Christ. Le seul exercice à faire est de discerner ce qui, dans ma foi, qu’elle s’exprime de manière libérale ou conservatrice, relève du Christ ou relève d’autres choses. C’est salutaire, à faire très régulièrement, en demandant l’aide de l’Esprit du Seigneur.

Pourquoi, lorsqu’on referme une porte, l’ennemi tente-t-il de revenir encore et encore ? [Ludivine]

Hélas, Ludivine, c’est son « travail »… Lorsque la Bible parle du « satan », c’est en tant qu’accusateur au tribunal de Dieu. Or elle nous dit aussi (Zacharie, ch. 3, v. 2 ; Évangile selon Luc, ch. 10, v. 18) que Dieu n’écoute plus cet accusateur, qui continue son œuvre, dévoyée, sur la terre, auprès de nous qui l’écoutons encore.

Cette œuvre est multiforme. Il accuse Dieu à nos oreilles, et il nous accuse nous, nous convaincant que Dieu ne nous aime pas à cause de ce que nous avons fait de mal ou pas fait de bien, et nous tentant de toutes sortes de manières. Il manipule des « démons » et autres forces spirituelles qui, sans lui, nous seraient soumis à cause de Jésus. Ainsi, nous avons à lutter contre ces forces adverses, nous qui appartenons à Jésus-Christ et qui apprenons à lutter avec les armes de Dieu, comme Paul l’exposait notamment aux chrétiens d’Éphèse (ch. 6, v. 10 à 18).

Nous gagnons par l’Esprit de Dieu bien des batailles (« lorsqu’on referme une porte », dites-vous). L’Ennemi pour autant ne s’en satisfait pas, et il revient à la charge, par la même porte, la fenêtre ou tout autre accès, et sous la même forme ou sous une autre… Et si nous ne sommes plus des pécheurs aux yeux de Dieu, qui ne regarde que la croix de son Fils à travers laquelle il nous voit justes, néanmoins le péché continue d’agir dans nos membres, en nous, jusqu’à la fin. Il ne faut pas s’en étonner, mais pas non plus s’en satisfaire ! Et si nous tombons, nous savons qu’à cause de Christ nous ne tombons que par terre, et que par la foi nous pouvons nous relever sans sombrer.

Bon courage, donc, et sans désespérer. Car Dieu nous y aide, y compris à travers les frères et sœurs en Église !

Un chrétien qui choisit l’assistance médicale à mourir risque-t-il de compromettre son entrée dans la vie éternelle ? [Lvet]

Votre question, Lvet (seriez vous helvète ?) a été posée récemment par un responsable évangélique français qui suit de près les travaux de l’Assemblée Nationale autour du projet de loi relatif à l’aide à mourir. Il écrivait : « Face au don de Christ sur la croix, la question de l’impact d’un suicide assisté sur le salut du chrétien se pose ». Mais il a eu la prudence d’ajouter : « Au moment où j’écris ces lignes, je n’ai pas de réponse spirituelle universelle à cette « rupture éthique » dans notre société française ».

Les rares mentions de suicide dans la Bible, assisté ou pas (Ahitophel, Achab, Judas…) sont le fait d’hommes désespérés par l’impasse où leurs choix les ont conduits, et fermés au pardon et à la grâce de Dieu. Mais si nos actes malheureux, y compris ultimes, devaient nous priver du Salut, alors, qui pourrait être sauvé ? J’ai connu des chrétiens sincères qui, dans un moment de désespoir, de dépression ou de solitude, ne supportaient plus de vivre et ont commis ce geste fatal. Comment oser les juger ou leur dénier le statut d’enfant de Dieu ?

Ma conviction est que notre Salut éternel ne se joue pas dans nos actes, nos décisions et comportements, même si certains textes bibliques trop vite lus pourraient nous faire penser le contraire (comme : « sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie », Apocalypse 2,10).  Le Salut m’a été accordé une fois pour toutes par la croix de Jésus-Christ. Il ne dépend pas de la qualité de mes oeuvres, de mes choix, mais de l’amour de Dieu qui m’a précédé et élu de toute éternité (Ephésiens 1,5-7). Et c’est dans la confiance, dans la foi, que j’entends son appel, et reconnais ce cadeau de la grâce, dont je suis appelé à vivre.

C’est ici que commence la réflexion éthique qui doit, semble-t-il, dans une perspective chrétienne, nous faire préférer le développement des soins palliatifs, l’accompagnement de la vie et la prise en charge des plus fragiles jusqu’au bout, à une légalisation de l’euthanasie. Elle autorisera malgré les « garde-fous » promis tous les dérapages : pressions économiques, sociales, psychologiques, directes ou insidieuses, sur ceux et celles qui arrivent aux limites de la vie…  Le même responsable évangélique que j’évoquais ci-dessus cite à ce sujet Albert Schweitzer : « À certains moments de notre vie, notre propre lumière s’éteint et se rallume par l’étincelle d’une autre personne. Chacun de nous a des raisons d’éprouver une profonde gratitude pour ceux qui ont rallumé la flamme en nous. »