Pasteur n’est-il pas un métier aussi ? Comment être sûr de la vocation ? [Eliane]

Pasteur est un métier, c’est vrai, au sens où chaque Eglise donne à son pasteur un cahier des charges avec des tâches et des objectifs. Pour autant l’Etat considère qu’il ne s’agit pas d’un métier puisque, suite à une décision de justice, les pasteurs n’ont pas été intégrés au droit du travail.

Pour pouvoir être pasteur il faut deux choses : la vocation et la convocation.
La vocation, c’est que la personne se sente appelée par Dieu à exercer ce ministère, d’autant plus dans une période où cette fonction peut être assez difficile, peu rémunératrice dans certaines dénominations, et ayant perdu pas mal de satisfaction personnelle depuis que le pasteur n’est plus un notable. La vocation, c’est l’appel d’en haut.
La convocation, c’est le fait que les humains, l’Eglise, reconnaissent aussi que vous êtes fait.e pour le ministère pastoral. C’est la reconnaissance du ministère.
La convocation est donc la confirmation de la vocation.

Il peut donc y avoir quelques grosses difficultés parmi lesquelles :
– des pasteurs sans vocation, qui ont été là juste par intérêt pour la théologie. Mais si tout pasteur doit être un peu théologien, tout théologien n’est pas fait pour être pasteur, avec le sens du soin délivré par le berger.
– des pasteurs qui ne le sont que par convocation : la projection qu’on a fait sur eux, le désir d’une mère, ou le fait de vouloir poursuivre l’œuvre d’un grand-père pasteur, ou encore des motivations qui sont hors de l’appel de Dieu .
– des pasteurs qui n’ont qu’une vocation mais pas de convocation, c’est-à-dire concrètement des personnes qui ont pensé entendre l’appel de Dieu, mais l’Eglise n’a pas le même discernement.

Dans tout ça sont nécessaires beaucoup de patience, beaucoup d’écoute, de l’amour, du respect, et une bonne dose de pragmatisme.

Comment pourrions-nous réformer la synodalité dans l’EPUdF ? [Eliane]

Eliane, c’est un vaste sujet… d’actualité pour l’EPUdF. Alors sans doute qu’il faudrait reconnaître que la synodalité de l’EPUdF est en crise et nécessiterait une réforme. Pourquoi reprendre notre façon de « faire chemin ensemble », si nous (en particulier les personnes qui ont la charge de le faire vivre) ne reconnaissons pas qu’il y a des problèmes ?
Je ne pense pas que dans une courte réponse on puisse aller au-delà de 3 pas :
– d’abord, se placer devant Dieu ensemble en prière, pour discerner ce qu’Il a à nous dire sur la question, demander à son Esprit de nous éclairer. Cela passe aussi par la lecture de la Bible ensemble. Je suis persuadé que rien ne pourra se faire d’utile sans ce premier pas, qui devrait revenir à régulièrement à chaque étape de la réflexion.
– ensuite regarder la réalité du fonctionnement de notre synodalité en face et en faire une évaluation précise et approfondie.
– et enfin, il ne faudrait pas oublier ce qu’enseignent l’histoire et la théologie mais aussi la manière dont des Églises sœurs, en France comme à l’étranger, comprennent aujourd’hui cette façon d’organiser l’Église.

Est-ce que la théologie, ce n’est pas en fait du pinaillage, souvent ? [Eloïse]

La théologie, comme son nom l’indique, c’est un discours sur Dieu.
Et comme personne n’a jamais vu Dieu (c’est dit en Jean 1,18 et 1Jean 4,12) il est assez compliqué d’envisager un discours 100% scientifique et objectif sur Dieu.

Pour les chrétiens protestants que nous sommes, le critère de référence, qui va permettre de trancher certains débats théologiques, c’est la Bible. Souvent elle est assez claire et radicale, comme par exemple avec le fameux aimez vos ennemis de Jésus en Matthieu 5,44 et Luc 6,27 ou 6,35. Mais parfois c’est plus complexe, parce qu’il y a des formulations imagées, ou des traductions hasardeuses pour rendre le propos initial compréhensible, ou encore des sujets sur lesquels il peut y avoir une absence de textes ou des contradictions d’un livre à l’autre qui sont difficiles à résoudre.

Le débat théologique est bon, car c’est dans la confrontation avec le texte biblique et la lecture qu’en font mes sœurs et mes frères que peut s’activer l’Esprit Saint qui va inspirer en nous une conviction théologique. Mais quand la motivation est d’abord de persuader, de briller intellectuellement, de croiser le fer avec d’autres chrétiens d’autres Eglises, alors là, ça se gâte, et effectivement, il se peut que ce ne soit plus l’Esprit de Dieu qui motive les discussion et qu’on tombe dans le pinaillage, le débat futile, la violence complaisante.

Tout est donc affaire de motivation.
Et la question restera : par quel esprit vivons-nous ces choses ?
Si c’est l’Esprit du Christ, ça se passera mieux.

Comment de grandes Eglises réformées européennes peuvent laisser dire n’importe quoi à certains de leurs pasteurs ? [Hervé]

Votre question, Hervé, n’est pas claire du tout ! De quelles « grandes Eglises », de quels pasteurs parlez-vous ? Et pour vous, qu’est-ce que « n’importe quoi ? »

Néanmoins, vous y abordez un sujet qui vous tient sans doute à coeur, celui des limites de la liberté d’expression dans l’Eglise. Je parlerai d’où je suis, pour tenter de répondre. Quand j’ai été reconnu Pasteur de l’Eglise Réformée de France, devenue il y a 10 ans l’Eglise protestante Unie, il m’a été rappelé au sujet de la déclaration de foi : « sans vous attacher à la lettre de ses formules vous proclamerez le message d’amour qu’elles expriment ».

Cette formulation laisse beaucoup de liberté aux ministres de l’EPUdF, peut-être même un peu trop de par la survalorisation du pluralisme (qui peut hélas déboucher sur le relativisme et la dissolution des convictions). Toutefois, notre Eglise trace les contours de sa fidélité à l’Evangile par ses confessions de foi (confession de foi de la Rochelle pour les Réformés, Confession d’Augsbourg pour les Luthériens, concorde de Leuenberg pour tous, sans oublier les symboles universels comme le credo), et dans une version plus courte par sa déclaration de foi (adoptée par le synode national, et pas par les seuls pasteurs, bien sûr). Si leur contenu trouve un de ses pasteurs en désaccord profond, le voilà en conflit de loyautés : loyauté envers l’Eglise qu’il sert d’une part, et loyauté vis à vis de sa conscience d’autre part.

Il faut ajouter que notre conscience personnelle a autorité, mais en tant qu’elle est éclairée par la Parole de Dieu, et donc soumise à cette seule Parole (et non pas au magistère et à la tradition de l’Eglise comme c’est le cas dans le catholicisme). Il m’arrive d’être dérangé, gêné par tel ou tel texte biblique. Et pourtant, il constitue un message inspiré par l’Esprit Saint. A moi de réformer ma façon de penser et de proclamer le plus fidèlement possible, avec l’aide de l’Esprit Saint, ce que l’auteur humain et l’Auteur divin veulent nous y dire.

Il est vital que la Parole de Dieu soit droitement, fidèlement prêchée. Je me souviens avec reconnaissance d’un conseiller presbytéral qui un jour, à la sortie du culte, est venu me voir pour contester fraternellement un passage de mon sermon. Et il n’avait pas tort ! Mais cela exige des conseillers, comme de tous les membres de l’assemblée, qu’ils se forment eux-mêmes et soient des lecteurs assidus et attentifs de la Bible. S’il y a défaillance à ce niveau, alors oui, des pasteurs pourront dire « n’importe quoi » sans se faire reprendre !

Pour les protestants réformés, est-ce que Jésus offre son corps et son sang dans la Sainte Cène sous les signes du pain et du vin ? [Kanye]

La réponse est oui ! Mais il convient de l’expliciter. Pour les réformés, le pain et le vin restent d’un bout à l’autre pain et vin, à la différence de nos frères et soeurs catholiques qui confessent que les « espèces » (du latin species, apparence) que sont le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang du Christ. Donc peu importe pour les réformés ce que deviennent le pain et le vin après la communion, alors que dans l’Eglise catholique, une fois consacrés, ils doivent être soit consommés soit pieusement conservés.

Mais par la foi, et parce que le Christ est présent comme il l’a promis dans le don du Saint-Esprit, nous croyons que nous avons réellement part à ce que le pain et le vin nous représentent lorsque nous participons à la Sainte-Cène. Nous sommes unis à Jésus, à sa mort et à sa vie, aussi vrai que nous mangeons de ce pain, et que nous buvons de cette coupe. Et donc unis les uns aux autres qui mangeons de ce même pain et buvons à cette même coupe (ce qui reste vrai même si nous buvons dans des gobelets individuels pour éviter toute contagion).

Une remarque au sujet des récits bibliques d’institution de la Cène par Jésus. Quand il déclare « ceci est mon corps, faites ceci en mémoire de moi », le « ceci » ne renvoie pas au pain lui-même, mais au geste de la fraction du pain qui représente le don par le Christ de sa vie pour nous tous. Il faudrait traduire : « mon corps, c’est ceci » pour éviter l’ambigüité.

En fait les protestants vous avez aussi une tradition- est-ce que vous l’assumez ? [Marie-Anne]

Chère Marie-Anne.
Vous avez raison de dire que nous avons aussi une tradition. Certaines traditions concernent les habitudes de vie et divergent selon les familles d’églises et les églises locales. Ainsi, dans certaines églises, on ne chante que des chants récents, dans d’autres, que des chants anciens. Dans certaines Eglises ont s’assoit sur des bancs, d’autres sur des chaises etc. Ces traditions ressemblent à des habitudes qu’il est souvent difficile de changer tant elles sont ancrées. Ce sont des questions secondaires, en ce qu’elles concernent la forme, la manière extérieure de vivre notre foi. Il est bon d’avoir conscience qu’il s’agit là de traditions afin de pouvoir les mettre à leurs justes places quand vient le temps de faire évoluer la forme de ce que nous vivons, ou quand il s’agit de reconnaître comme frères et soeurs des personnes qui ont des habitudes différentes des nôtres.


Mais je suppose que vous désignez ici la tradition qui concerne le fond plus que la forme : Les grandes affirmations de la foi, la manière de célébrer les sacrements et de vivre l’Eglise. Ainsi, la plupart des Eglises reconnaissent des confessions de foi qui mettent cela en forme et constituent leurs traditions confessionnelles. Les pasteurs doivent adhérer à ces confessions de foi qui sont présentées comme un fondement pour la vie des Eglises. Pour les luthériens, il s’agit de la Confession d’Augsbourg. Pour les réformées, de la confession de La Rochelle.

Cette tradition, parfaitement assumée, n’a néanmoins pas le rôle qu’a la tradition de l’Eglise catholique. Cette dernière a en effet une autorité équivalente à celle des écritures quant il s’agit de normer la foi et la vie de l’Eglise. L’autorité de la tradition protestante est en revanche soumise à celle de la Bible. Cela signifie que les confessions de foi sont bâties à partir de ce que confesse la Bible qui est le critère ultime de leur validité. En théologie, on dit que la Bible est la norme « normante » alors que que les confessions de foi sont des normes « normées » (par la Bible). Il s’ensuit que les traditions et les églises qui s’en réclament peuvent être réformées, c’est à dire transformées dans le sens d’une plus grand fidélité aux Saintes Ecritures.

Pourquoi fêter plus Noël (fête de la naissance-incarnation de Jésus) que le baptême de Jésus (où il naît à son ministère- à sa destinée ? [Pierre]

Au cours de l’année nous saisissons toutes sortes d’occasions pour nous réjouir, seul, en groupe, en communauté. Chrétiens, nous souhaitons également saisir ces occasions pour exprimer à Dieu notre reconnaissance, considérant qu’il a mis en place ces événements afin de signifier sa présence et son amour pour nous.

Aux premiers siècles de notre ère, l’Eglise s’est structurée et a mis en place des fêtes pour que le peuple chrétien se réjouisse ensemble du plan de Salut de Dieu qui a été pleinement accompli dans la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ, Fils unique de Dieu.

La plus ancienne de ces fêtes est Pâques puisque c’est le moment décisif du Salut : TOUT se joue à Pâques, du vendredi saint au dimanche de la résurrection. C’est ici la fête la plus importante pour les chrétiens.

Les autres fêtes sont apparus plus tardivement. Certaines avaient un objectif de remplacer des fêtes paiennes auquel le peuple chrétien se trouvait confronté (et dont il avait du mal à se défaire). Noël est ainsi la plus célèbre. D’autres avaient pour objectif de rythmer l’année. C’est ainsi que chaque année des chrétiens célèbrent l’Epiphanie, l’Ascension, la Pentecôte… mais aussi le baptême du Christ (le dimanche qui suit l’Epiphanie chez les catholiques romains et les luthériens). Toutes ces fêtes, en tout cas, cherchent à aider le peuple de Dieu à reconnaitre les actions du créateur dans le passé et à ainsi croire qu’il va continuer de prendre soin pour le présent et l’avenir.

En dehors de Pâques, est ce qu’il y a des fêtes plus importantes que d’autres ? Je pense qu’elles sont toutes précieuses pour découvrir l’amour de Dieu.
Est-ce que leur sens doit être redécouvert ? Certainement pour qu’elles ne deviennent pas une loi à laquelle on est soumis et par laquelle on juge les bons croyants des mauvais.
A mon avis, si une fête chrétienne (en dehors de Pâques) a peu de sens pour une communauté chrétienne malgré les enseignements de ses responsables il est préférable de la mettre de côté (qu’elle ne devienne pas une occasion de chute) et peut être qu’un jour plusieurs membres voudront la redécouvrir et l’utiliser pour se rappeler l’Amour de Dieu et annoncer à leurs contemporains la Bonne Nouvelle de Jésus.

Quand j’entends Israël dans l’actualité, j’ai souvent l’impression que ce n’est pas la même chose qu’Israël dans la Bible. Qu’en penser finalement ? [Ben]

Effectivement, Israël dans l’actualité c’est l’état d’Israël, créé au milieu du XXème siècle après la deuxième guerre mondiale et la Shoah. Cet état a été créé pour (re)donner une terre au peuple que l’Occident n’a pas su protéger de la folie hitlérienne. L’état d’Israël a été fondé essentiellement sur la base du sionisme politique et de ses leaders qui souhaitaient un état laïc, pour différencier cet état du « peuple d’Israël » qui est plutôt l’appellation du Premier et du Nouveau Testaments.

Ainsi, appliquer les vérités bibliques terme à terme qui parlent d’Israël sur l’état actuel d’Israël est faux. Car Israël est d’abord le nom donné par Dieu à Jacob après qu’il se soit battu avec Dieu (ce qui est le sens de ce nom en hébreu). Les « fils (et filles) de Jacob » sont donc d’abord une filiation non seulement du sang mais aussi et surtout spirituelle, liée à la fidélité au Dieu biblique.

Des protestants disent que la lecture individuelle de la Bible prime. N’est-ce pas plutôt la lecture collective ? [Christophe]

Christophe, votre question met le doigt sur un risque de dérive de la spiritualité protestante. A force de rappeler que l’on appartient à l’Eglise parce que l’on a une relation personnelle (la foi), avec le Seigneur, et non le contraire… A force d’insister sur la primauté de cette relation individuelle avec le Christ, qui peut certes se vivre dans la méditation personnelle de la Bible, on peut oublier que nous sommes chacun, chacune membre d’un même corps, dont le Christ est la tête, et qui s’appelle l’Eglise. On peut oublier que si nous croyons en Jésus-Christ, c’est parce que d’autres nous ont parlé de lui. Qu’il s’agisse de notre entourage (parents, amis..), ou de ceux qui nous ont précédés dans la foi. Ne dit-on pas, par exemple, que nous sommes vis à vis des Pères de l’Eglise comme des nains montés sur des épaules de géants ?

La Parole de Dieu n’est pas donnée à des individus isolés seulement, mais d’abord à une communauté qu’elle rassemble. Dans le livre des Actes, au chapitre 8, un éthiopien lisait seul le livre d’Esaïe et Philippe est monté dans son char pour l’aider à comprendre ce qui y était annoncé au sujet de Jésus-Christ. Notons également que l’éclairage des Ecritures, que seul permet ultimement le Saint-Esprit, n’est pas toujours à sens unique. Ainsi, ne pensons pas qu’une assemblée ne peut comprendre un texte que si le pasteur ou autre théologien de service en donne l’interprétation. En tant que pasteur, il m’arrive plus que souvent, lors d’une réunion autour d’un texte de la Bible que j’ai pourtant bien étudié, d’y découvrir une richesse de sens jusqu’alors inconnue de moi, grâce aux remarques, voire aux questions des autres participants.

Un.e chrétien.ne fête ou ne fête pas la Saint-Valentin ? [Val]

Déjà, Valentin était un chrétien et c’était même un martyr qui s’est fait couper la tête pour la radicalité de sa foi. Ce qui n’est pas le cas de la fête du même nom qui se joue le 14 février, date dans la religion romaine païenne préchrétienne des Lupercales, fêtes où l’on célèbre la nature et notamment l’accouplement des oiseaux. Bref, pas besoin de vous dire que c’est d’abord une fête païenne.

D’ailleurs si l’on en juge aux contenus sur les réseaux sociaux, il est assez clair qu’il y a là une célébration de l’accouplement bien plus qu’un éloge de l’amour chrétien 😉
Alors ce n’est pas parce que nos frères et soeurs catholiques mentionnent Valentin, le martyr, à cette date, que spirituellement il s’agit d’une fête chrétienne. On vous laisse en juger.

En revanche c’est un jour certainement où l’on peut méditer que Valentin, le prêtre, contre la religion romaine, a voulu garder sa foi en Christ coûte que coûte, jusqu’au martyr et la décapitation. Ce qui refroidit sérieusement l’érotisme au programme de ce jour.

Et n’oubliez pas de googliser Saint Valentin pour voir sa… tête.