Comment se fait-il que les protestants n’osent plus dire qu’il y a un problème avec le célibat des prêtres ? [Elsa]

Bonjour Elsa, je ne sais pas sur quoi repose votre constat de mutisme des protestants sur le célibat des prêtres dans l’Eglise catholique, ni pourquoi ils se taisent, si c’est vraiment le cas, ni à quel problème vous pensez : la solitude affective et la souffrance qu’elle peut engendrer ? Un obstacle à la vocation de qui ne veut pas du célibat ?

Comme je ne dispose pas de sondage ou autres éléments statistiques pour vous répondre, faisons un pas de côté. Le célibat est imposé aux prêtres depuis le 11e siècle, cette mesure avait pour but à l’origine de les empêcher de s’enrichir au profit de leur descendance, et au détriment de leur paroisse. L’idée aussi était, face à certains abus, de leur permettre de se consacrer totalement à leur ministère. Mais ce qui était peut-être justifié dans un contexte précis ne l’est plus forcément aujourd’hui. L’Eglise doit toujours se réformer !

Ce célibat obligatoire pose un double problème du point de vue biblique :

Nous sommes tous prêtres (1 Pierre ch.2. v.5), en tant que membres de l’Eglise de Jésus-Christ, c’est à dire tous consacrés au service du Seigneur, avec les ministères divers auxquels nous sommes appelés, et en fonction des dons que nous avons reçus de l’Esprit Saint. Ce sacerdoce universel  amène à refuser qu’il y ait deux catégories de chrétiens avec des conditions distinctes, les clercs et les laïcs.

L’autre problème est que le célibat, tout comme le mariage, est une vocation. Paul en parle au ch.7 de la 1ère lettre aux Corinthiens : il a choisi le célibat et le conseille pour se consacrer prioritairement à l’annonce de l’Evangile, mais précise que chacun a reçu un don particulier : pour vivre à deux ou vivre seul. (1 Co 7, v.7).

Pourquoi Jésus oublie le « croissez et multipliez » ordonné aux humains à la base ? [Sam]

Il est vrai que lorsque Jésus aborde la question du mariage et du couple, par exemple en Marc ch.10, vv.6ss, il ne parle pas des enfants mais cite le ch.2 de la Genèse, qui donne comme sens et but à l’union de l’homme et de la femme de devenir « une seule chair », littéralement, comme un seul être. Par l’amour où chacun ne s’appartient plus, mais se donne à l’autre.

Je ne pense pas que Jésus oublie le mandat de fécondité donné par Dieu au ch.1 de la Genèse, que vous citez, Sam. Mais il répond à une question des pharisiens sur le divorce, qui, dans le Judaïsme, était toléré pour des motifs parfois très futiles. Jésus connaît le texte du Deutéronome permettant à l’homme de répudier sa femme, mais il insiste sur le fait que ce n’est pas le projet de Dieu, que c’est une concession à la dureté de nos coeurs, autrement dit à notre manque d’amour.  Bref, ce n’est pas la question des enfants qui est au coeur de ce débat où Jésus est impliqué. Ce n’est pas le sujet.

Quant au mandat de « remplir la terre » que le Créateur a donné aux hommes, il peut être considéré comme bien rempli, puisque nous avons dépassé le cap des 8 milliards d’êtres humains sur terre ! Et même un couple qui n’a pas la joie de mettre des enfants au monde est un couple à part entière, dont l’amour peut engendrer d’autres fruits.

Qui est Azazel dans le livre du Lévitique ? Est-ce un ange déchu ou une figure métaphorique ? [Auguste]

Azazel n’apparaît que dans le livre du Lévitique 16, 8-25, sans que l’on ait d’informations précises sur son identité. Il y a, en gros deux interprétation principales de ce nom :

-c’est un démon à part entière, ce que confirment des textes écrits un ou deux siècles avant notre ère (livre d’Hénoch, ou l’Apocalypse d’Abraham) qui finissent par l’identifier carrément à Satan.

-le mot Azazel désigne l’acte même de l’envoi du bouc dans le désert. C’est le bouc « pour éloigner » le péché. C’est comme ça que l’ont compris la traduction grecque de la Bible, et la traduction latine, qui parle d’un « bouc émissaire ».

Tout ça pour dire que je crois qu’il faut rester très prudent par rapport à ce que l’on peut dire des démons, mais aussi des anges, sur la base du texte biblique. L’origines des noms, les rôles et la hiérarchie des ces puissances ne sont pas décrites de façon exhaustive dans la Bible. Par contre, nous comprenons clairement que Jésus est venu pour assumer pour nous le rôle de ce bouc émissaire, car c’est lui qui porte les péchés du monde, ceux de chacun de nous encore aujourd’hui, si nous mettons notre foi en lui.

Y-a-t-il au moins une famille équilibrée dans la Bible ? [Ida]

C’est vrai. On pense aux frères ennemis Caïn et Abel (Genèse 4), à la rivalité de Jacob et d’Esaü largement orchestrée par leur mère, Rebecca (Genèse 27), où même à l’esprit de famille contesté par Jésus : la question est légitime !

Fondamentalement, on peut même se demander si famille doit rimer avec équilibre, puisqu’une vie de famille, c’est un changement perpétuel.

D’ailleurs dans la Bible les familles se présentent d’abord comme des histoires racontées. Dans ce sens, elles ne sont pas des modèles, mais le terreau naturel, humain pour l’annonce de l’amour de Dieu et de sa parole de salut. La famille relève d’un donné, du « créé ». Elle se révèle donc ambivalente.

La Torah s’intéresse quand même de près aux relations familiales. Elle prononce des interdits sexuels (Lévitique 20), des recommandations cultuelles familiales, comme le Sabbat.  L’exemple le plus remarquable est le 5ème commandement : « Honore ton père et ta mère » (Exode 20, 12). Ces règles énoncent des équilibres essentiels.

Dans le Nouveau Testament, la famille apparaît surtout comme le lieu où la foi est vécue et transmise. Parfois cela bouscule, voire bouleverse les relations. Nous avons quand même au moins deux exemples positifs : la famille de Jésus, malgré les propos sévères de celui-ci sur sa « mère » et ses « frères », l’a suivi dans le discipulat, et a fait partie de la première Eglise ; et Timothée, qui a reçu la foi en famille, de sa grand-mère et de sa mère (2Timothée 1, 5). Quant à Paul, il s’est efforcé dans ses lettres de promouvoir des relations les plus équilibrées possibles dans les familles des chrétiens (1Corinthiens 7), pour que Dieu y soit honoré malgré la complexité des situations. Un défi qui reste d’actualité pour nous !

Pourquoi sur les réseaux sociaux les gens sont passionnés par les versets courts ? [Sabine]

Ce sont les normes des supports qui fixent la longueur des textes.
Depuis toujours !

Les dix commandements étaient assez courts, forcément, sur des tablettes d’argile ou de pierre.
Quand on a pu avoir des parchemins, on a pu avoir tout un livre écrit.
Et quand on est passé au papyrus et au codex, c’était carrément toute la Bible qui pouvait être éditée ! Formidable.

L’électronique est régressive : certes nous avons vingt versions de la Bible dans notre smartphone, mais le format que notre écran impose est un format court. Les prédicateurs sont influencés par cela. Ils prêchent souvent sur un seul verset. Et résultat il en découle de nombreux biais cognitifs : sortie du contexte, focalisation sur les mots en français alors qu’il s’agit d’une traduction depuis le grec et/ou l’hébreu, etc.

Bref, les citations brèves de la Bible sont monnaie courante, mais elles instrumentalisent le propos et souvent le tronquent. Acceptons-le, mais promouvons aussi une lecture plus profonde, plus approfondie, aussi !

Pourquoi Paul dit que la nature nous enseigne que c’est une honte pour l’homme de porter des cheveux longs ? [Alain]

« La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas qu’il est déshonorant pour l’homme de porter des cheveux longs, alors que pour la femme c’est une gloire ? » (1 Corinthiens 11, 14)

Attention, terrain glissant ! L’argument de la nature demande à être manié avec précaution, non par peur des représailles, mais parce que distinguer le naturel du culturel et du spirituel n’est pas toujours facile, tant les choses sont liées dans la réalité.

Ce verset intervient dans une argumentation de Paul sur la tenue qui convient aux hommes et aux femmes dans les assemblées chrétiennes. Il faut ajouter : en Grèce, à Corinthe, vers l’an 50 de notre ère ! Car la façon de se vêtir, les coupes de cheveux sont des faits très culturels. D’ailleurs, si le monde gréco-romain – celui de Corinthe – voit d’un mauvais œil les hommes aux cheveux longs, on trouve l’inverse dans le Premier Testament et donc dans le judaïsme avec le cas des nazirs, ou encore celui d’Absalom (2 Samuel 14, 26).

Il n’en est pas moins vrai que, pour des raisons hormonales – naturelles, donc -, les cheveux des femmes poussent plus que ceux des hommes. Paul, comme d’autres anciens l’a observé, et la science peut le confirmer aujourd’hui.

Une autre dimension se greffe encore là-dessus, spirituelle celle-là. D’abord parce que s’accorder à la nature signifie pour l’apôtre s’accorder au Créateur. Ensuite parce qu’il soutient l’importance de reconnaître la différenciation sexuée, ce qui implique dans le cas précis de Corinthe une discussion sur l’exercice de l’autorité des unes et des autres.

Tous les versets de la Bible ont-ils le même poids- la même valeur ? [Steph]

Si nous partons de ce que nous dit la 2e épître de Paul à Timothée à ce sujet, toute parole inspirée de Dieu est utile pour enseigner, redresser, nous faire entrer dans une vie conforme à sa volonté (ch.3 v.16).

Il est vrai que nous trouvons moins matière à méditer et à vivre au ch.4 et au v.13 de cette même lettre de Paul (il y demande à Timothée de lui rapporter son manteau et des livres laissés à Troas) que dans les Béatitudes qui ouvrent le sermon sur la montagne (Matthieu 5), pour ne prendre qu’un exemple ! Mais cela n’enlève rien à la vérité du verset cité auparavant.  Donc, pour vous répondre, tous les versets de la Bible n’ont pas la même importance, même si nous devons leur accorder la même valeur : ils sont tous inspirés, voulus par l’Esprit de Dieu pour nous révéler son dessein.

Encore faut-il aller chercher le trésor que contient le texte en le fouillant, en le remâchant, en persévérant dans sa méditation. Avec l’aide de l’Esprit Saint, il sera pour nous lumière et nourriture. Il est frappant d’ailleurs de constater qu’un même passage biblique (une promesse, une mise en garde, etc) prendra plus de poids, de sens, pour une personne, bref pourra lui parler particulièrement, en fonction des circonstances qu’elle traverse. A titre personnel, je suis tombé un soir, il y a des années, sur le v.5 du Psaume 37 dans un moment de désarroi et de doute assez profond. Quelle bénédiction !

Pourquoi ne traduit-on l’AT à partir de la Septante ? [Michel]

Il est vrai que nos versions françaises de l’Ancien Testament (Segond, Tob, Français Courant, Jérusalem, etc..). se réfèrent au texte hébreu (dit « massorétique », ci-après TM, conservé et annoté par des savants juifs, les massorètes, au cours du Moyen-âge).  Tout simplement parce que la Septante (ci-après LXX) est-elle même une traduction ! Une traduction de traduction serait donc a priori moins proche du texte original.

Il existe une version de la LXX en Français, aux éditions du Cerf. Depuis 1986, plusieurs livres bibliques ont déjà été publiés avec notes à partir de La Bible d’Alexandrie (titre de la collection).  L’intérêt d’étudier la LXX, comme d’autres versions (par exemple syriaques) de l’AT c’est de mieux connaître en les comparant l’histoire de la transmission du texte, tâche -éminemment complexe- de la critique textuelle. Le texte grec en effet diffère parfois de l’hébreu (dans certains cas, la LXX s’accorde avec le texte hébreu attesté par les manuscrits découverts à Qumrân, par ex. pour l Samuel, contre le TM). La version grecque du livre de Jérémie est nettement plus courte, et présente un ordre des chapitres différents du TM, il y aurait donc eu deux éditions du livre de Jérémie, etc.

Cette version grecque fut réalisée au cours du 3e siècle av. JC à l’usage des juifs qui, notamment en Egypte, ne comprenaient plus l’hébreu et parlaient le grec dit de la koinè, langue commune en usage dans tout le bassin méditerranéen depuis les conquêtes d’Alexandre.  Et dans laquelle d’ailleurs ont été rédigés les écrits du Nouveau Testament, qui, lorsqu’ils citent l’Ancien Testament, le font d’après le texte de la LXX et pas à partir de l’hébreu.

La Bible d’Alexandrie contient des livres rédigés tardivement, absents de la bible hébraïque (Tobit, Judith, le Siracide, les livres des Maccabées, la version grecque du livre d’Esther, Baruc…) voire des suppléments aux livres déjà existants en hébreu (pour Daniel).  Au 3e siècle avant J.C., en effet, le canon de l’Ancien Testament (la liste des ouvrages reconnus inspirés) n’était pas encore totalement fixé. Les livres sont d’ailleurs répartis différemment (la version TOB présente la liste des livres de l’A.T. dans l’ordre hébraïque, la Segond dans l’ordre de la LXX). L’Eglise catholique reconnaît ces livres grecs comme deutéro-canoniques (donc inspirés, quoiqu’à moindre titre que ceux de la Bible hébraïque), les Eglises protestantes les considèrent comme « apocryphes » (douteux) : à connaître, certes, mais sans l’autorité des textes inspirés.

Est-ce que Matthieu, Marc, Luc et Jean se connaissaient ? [Eva]

Rien ne permet d’affirmer d’après le témoignage du Nouveau Testament que les auteurs des quatre Evangiles aient eu l’occasion de se rencontrer ou de se connaître personnellement.

C’est en fait peu probable, parce que chaque évangéliste écrit des décennies après le ministère terrestre de Jésus, en fait ressortir des aspects particuliers, en  fonction du contexte qui est le sien : L’Evangile selon Matthieu, par exemple contient énormément de citations de l’Ancien Testament et aurait plutôt été destiné à des lecteurs juifs. Luc écrit pour sa part à l’intention d’un lectorat de culture gréco-romaine : par exemple, le toit en terrasse (architecture typique de la Palestine) dans lequel on creusa un trou pour y faire passer le paralytique de Capernaüm (Marc 2,4) devient chez Luc un toit de tuiles (Luc 5,19).

La proximité des trois premiers évangiles que l’on appelle « synoptiques » (littéralement « vus ensemble »;  puisqu’ils présentent une série de récits et de paroles de Jésus que l’on peut lire de façon parallèle) s’explique non par le fait qu’ils en auraient été des témoins directs (et qui, donc, se seraient forcément connus !) mais par leur usage de traditions communes. L’hypothèse classique est que Marc est l’écrit plus ancien, Matthieu et Luc auraient puisé chez lui ces traditions et auraient eu recours à un autre document, la source des Logia (paroles, en grec) pour toutes les paroles de Jésus qu’ils rapportent conjointement. Certains exégètes penchent pour l’antériorité d’un prototype de l’évangile de Matthieu en araméen, plutôt que pour celle de Marc. Il existe encore d’autres théories, plus ou moins complexes, mais aucune à ce jour ne permet d’expliquer de façon totalement satisfaisante les similitudes et les différences entre les trois écrits. La question est très complexe !

Est-ce que jésus est la même personne que le Dieu de l’Ancien Testament ? [Kevin]

Jésus-Christ, Dieu le Fils est une des trois personnes du Dieu unique révélé dans le Premier et le Nouveau Testaments. Un exemple ? En Genèse 15. 1, nous lisons : « Après ces événements, la parole de l’Eternel fut adressée à Abram dans une vision. Il dit : ». Littéralement, on peut lire : « Après ces choses,  la parole de l’Eternel fut vers Abram dans la vision en disant ». Et Abram identifié cette parole à lui adressée dans la vision comme étant Dieu lui-même (verset 2).  C’est comme si la parole de Dieu s’était déplacée vers Abram pour lui parler par le moyen d’une vision, comme une personne pleine et entière. Au verset 4, cette même parole est à nouveau vers Abram et le fait sortir pour contempler les étoiles. Or le premier verset de l’évangile de Jean pour décrire la parole de Dieu venue jusqu’à nous en Jésus-Christ nous dit : « Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu », comme si, là aussi, la Parole était en quelque sorte, identique et différente à la fois de Dieu le Père.

Il y a encore beaucoup d’autres situations comparables à celle-là dans le Premier Testament, qui peuvent être comprises à la lumière de ce que le Nouveau Testament nous dit de Dieu, trois personnes en un être.