Peut il y avoir un rapprochement théologique et en faits entre « Les Attestants » et l’UNEPREF ? [PIerre]

Comme vous vous en doutez, Pierre, je ne peux pas parler aux nom de tous les Attestants, même si je fais partie de ce mouvement. Je ne vous donnerai donc que mon petit point de vue, en priant le Seigneur qu’il vous aide dans votre propre interrogation. Il est important de rappeler que les Attestants ne sont pas une Eglise. C’est un mouvement interne à l’Eglise Protestante Unie de France. L’UNEPREF est une union d’Eglises, avec une confession de foi affirmée depuis 1870. Il est donc sans doute difficile de comparer les deux. Je pense que l’on peut quand même dire que les Attestants ont avec l’ensemble des Eglises confessantes une vue commune quant à l’autorité des Ecritures pour orienter les questions relatives au culte et la vie quotidienne. Il y a donc ici un point commun fort avec l’UNEPREF, entre autres. Mais le mouvement des Attestants est composé de personnes dont les sensibilités théologiques sont très variées. Il y a ainsi des calvinistes orthodoxes, des piétistes ou des croyants de sensibilité charismatique. L’UNEPREF se définit assez clairement, si je comprends bien, comme une union d’Eglises non charismatiques. Il y a donc peut-être là une différence qui ferait que tous les Attestants ne seraient sans doute pas prêts à rejoindre l’UNEPREF s’il le fallait, ni que l’UNEPREF ne serait prête à accueillir tous les Attestants en cas de besoin.

Qu’est-ce que le culte antoiniste ? Est-ce un culte d’inspiration chrétienne ? [Augustin]

Bonjour Augustin, et merci pour cette question qui m’a appris des choses ! Je suis allé chercher ce qu’était le culte Antoiniste, que je ne connaissais pas. Il s’agit d’un syncrétisme, c’est-à-dire un mouvement religieux mélangeant plusieurs influences. Dans ce cas précis, ce culte mélange des éléments de doctrine catholique avec du spiritisme et des pratiques de guérisons. Il est apparu à la fin du XIXe siècle et s’est développé au début du XXe en France et en Belgique. L’influence du christianisme y est, à mon sens très faible, car le fondateur a rompu avec le catholicisme avant de fonder son propre mouvement. Même s’il n’est pas considéré comme une secte, il ne me semble pas que l’on puisse approfondir sa foi chrétienne en se laissant influencer par les affirmations de ce groupe.

Quelles différences entre luthériens- réformés et baptistes ? [Lulu]

Luthériens, réformés et baptistes font ensemble partie de la même famille protestante. Comme vous le savez sans doute déjà, il y a pas mal de nuances en son sein, qui en fait une sorte de kaléidoscope.  

En l’occurrence, la différence entre ceux qu’on peut nommer les luthero-réformés et les baptistes est loin d’être négligeable, puisqu’il s’agit de la question du baptême. Autrement dit de l’entrée dans la vie chrétienne. A ma gauche, les luthéro-réformés reconnaissant la validité du geste consistant à baptiser les enfants ; à ma droite les baptistes ne prenant en compte comme vrai baptême qu’un baptême choisi et accompli par une personne d’âge mûr, en son âme et conscience. Au coeur du débat se trouve le rôle des croyants dans l’oeuvre de salut. A ma gauche, on insiste sur la force irrésistible de la grâce ; à ma droite, sur la nécessaire profession de foi du baptisé. 

Cette différence est ancienne, puisqu’elle remonte au 16ème siècle, c’est-à-dire à la naissance même du protestantisme. En héritier de Saint Augustin, Martin Luther avait une très haute idée de la grâce de Dieu, et beaucoup de réserve quant au bien-fondé des décisions humaines. Il était soucieux aussi de changer l’Eglise de l’intérieur, en en conservant des fondements, en particulier les sacrements du baptême et de la Sainte-Cène. Sa position favorable au baptême des enfants peut s’expliquer par ces deux éléments. A la même époque se dessina une réforme plus radicale, menée par des chrétiens anabaptistes, rejetant la tradition du baptême des enfants, et mettant en en avant la nécessité de la nouvelle naissance des croyants dans le baptême. C’est de cette branche que viennent les baptistes, dont les premières communautés apparaissent en Angleterre et aux Pays-Bas au début du 17ème siècle. 

Pourquoi dit-on des protestants qu’ils sont des hérétiques ? [Véronique]

Pour répondre à votre question Véronique, il serait utile de savoir qui est le « on » qui traite les protestants d’hérétiques.

Un peu d’explication s’impose. Hérésie vient d’une racine grecque signifiant « prendre », « saisir ». C’est étymologiquement l’adoption d’une doctrine, d’un système de pensée particulier, en opposition à d’autres.  Sans connotation forcement négative, il peut s’agir donc d’un parti  religieux notamment (voir Actes 15,5 pour les pharisiens, 5,17 pour les sadducéens par exemple. Il est intéressant que le mouvement de Jésus est appelé dans les Actes non un parti ou secte, mais la « voie », un chemin qui mène vers Dieu et non un enfermement dans un cadre doctrinal étroit).

Paul met en garde contre les hérésies : « il faut des dissensions (hérésies) parmi vous », écrit-il aux Corinthiens tentés par l’esprit sectaire et diviseur, « pour que ceux d’entre vous qui résistent à l’épreuve puissent se manifester » (1 Corinthiens 11,19). Autrement dit l’hérésie est ici synonyme d’une déviance par rapport aux vérités essentielles de l’Evangile.

Dans l’histoire de l’Eglise, des doctrines fausses sont apparues et réapparaissent régulièrement, comme l’arianisme qui niait la divinité de Jésus-Christ. Hérésie, au sens négatif cette foi, qui a été condamnée par le concile de Nicée-Constantinople (dont nous célèbrerons en 2025 les 1700 ans). L’Eglise catholique a condamné à partir du 16e siècle les « hérésies » du Protestantisme parce qu’il s’éloignait en certains points de la doctrine officielle de Rome. Sauf que la référence, pour distinguer le vrai du faux, n’était plus le seul enseignement biblique vers lequel les Réformateurs ont voulu revenir, mais la tradition de l’Eglise Romaine, qui s’en était éloignée en plusieurs points importants.

Je pense que depuis le concile Vatican II, seuls des catholiques intégristes ou traditionnalistes nous appliquent encore ce terme péjoratif et méprisant.

Puis je perdre mon salut si je vis hors mariage ? Je suis née de nouveau et mon compagnon refuse le mariage. [Déborah]

D’abord, traitons la question de la perte du salut.
Comment votre salut s’est-il mis en place ? Vous dites que vous êtes née de nouveau. Quelqu’un maîtrise-t-il sa naissance ? Personne.

Pour la nouvelle naissance, c’est juste la réception du message de la grâce de Dieu en Jésus-Christ qui nous ouvre la possibilité de dire : « Oui Père céleste, j’accepte d’être ton enfant, d’être sauvé.e et de naître de nouveau ».
Votre salut a été proposé et, une fois accepté, garanti et scellé par le sang de Christ.
Qui peut détruire quelque chose que Christ a construit ?
Le salut n’est pas quelque chose que l’on peu perdre à cause du péché, car Christ sait bien que nous demeurons des créatures marquées par le péché. La différence avec notre vie d’avant, c’est que, par l’accès au Père que nous garantit Jésus, à cause justement du salut qu’il nous a donné, nous pouvons demander pardon pour notre péché et en être lavés.

On ne peut donc « perdre son salut », en aucun cas.
On peut le refuser, mais ce serait un acte de rébellion consciente et frontale qui ressemblera de près à ce que Jésus appelle « blasphème contre le Saint-Esprit », quand on maudit Dieu en face droit dans les yeux, si j’ose dire.

Donc, vous ne pouvez pas perdre votre salut pour une question de statut conjugal.

1 Corinthiens 7:12-14 nous dit : « Si un frère a une femme non croyante, et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la répudie point ; et si une femme a un mari non croyant, et qu’il consente à habiter avec elle, qu’elle ne répudie point son mari. Car le mari non croyant est sanctifié par la femme, et la femme non croyante est sanctifiée par le frère. »

Il faut donc plutôt intercéder pour votre conjoint. Il a peut-être dans sa tête l’idée qu’il y a de « bonnes raisons » de ne pas se marier :
– peut-être est-il insécurisé et inapte à prendre des engagements durables ; un accompagnement spirituel lui serait d’un plus grand bien,
– peut-être a-t-il eu de mauvaises images de la conjugalité, des expériences fâcheuses, à commencer par le couple de ses parents ou dans la famille ; il doit vivre une guérison intérieure.
– peut-être trouve-t-il que la pression que met l’Eglise, la famille, la société, et sa fiancée, est très étrange ; vous avez besoin de parler plus de l’intérêt d’être mariés.
– ou bien d’autres possibles encore…

Quoi qu’il en soit, dialoguez, et ne le « coincez » pas dans vos raisonnements, vos craintes, et vos discussions. Priez et Dieu fera le reste.

Est-ce que l’IA ne va pas devenir une divinité pour certains ? [Joëlle]

L’intelligence artificielle (IA) se développe d’une façon exponentielle, et d’un mois à l’autre, des progrès fulgurants sont faits au niveau technique.

Il est saisissant de tester qu’effectivement, sur ChatGPT par exemple, on peut poser des questions, notamment sur la Bible, qui peuvent trouver réponse très rapidement : « Trouve moi des versets sur le rapport à l’argent et l’idolâtrie qui peut naître autour des richesses ».

Les résultats sont spectaculaires, intéressants, et je note très peu d’erreurs.

Là où cela devient plus compliqué, c’est quand on pose une question dans un registre de foi, de théologie, ou de la Bible, et que notre attente est existentiellement ou spirituellement très (trop ?) intense. Oui, il y a là le danger de penser que l’aspect fascinant d’une réponse faite par une puissance de calcul bien au-delà de nos capacités, puisse être prise pour une réponse vraie et parfaitement vraie, et que cette fascination et cette intensité confinent au domaine de la foi. C’est bien formulé. C’est vérifiable. C’est efficace. C’est la vérité.
Il n’y aurait qu’un pas pour que nous nous mettions à dire : « Le Saint-Esprit m’a parlé au travers d’une réponse de ChatGPT », ce qui est encore correct. Mais ça deviendrait plus compliqué dès lors que le constat se formulerait de la façon suivante : « ChatGPT me guide vraiment pour comprendre la volonté de Dieu ». On sent que dans cette dernière formule il y a une confusion entre un outil qui brasse de l’information, et la pertinence que seul le vrai Saint-Esprit peut apporter dans une réponse de la part de Dieu.

A terme donc, il est fort probable, comme le dit Y. Hariri dans « Nexus », que l’IA crée de vraies religions… et — c’est moi qui rajoute — que pas mal de chrétiens mettent leur foi plus en ChatGPT qu’en Dieu, simplement parce que l’outil informatique semble plus intelligible et ne nécessite pas la patience et l’attention que requiert la prière.

Peut-on se dire chrétien alors qu’on réfute la résurrection physique de Jésus ? Doit-on prendre au mot près la Bible ou l’interpréter ? [Patrick]

Dès le moment où nous ouvrons la Bible, nous allons l’interpréter. Dire le contraire serait mentir. Les lecteurs les plus littéralistes l’interprèteront aussi, en choisissant un verset plutôt qu’un autre pour répondre la question qui les taraudent. Choisir, c’est déjà interpréter. La lecture des Ecritures, geste vital pour les chrétiens, consiste à s’approprier une parole qui nous a précédée, et qui nous succèdera. Nous la lisons avec ce que nous sommes. Nous l’interprétons, ce qui ne veut pas dire que nous ne la prenons pas au sérieux, et que nous ne considérons pas attentivement ses détails.

En l’occurrence, la résurrection n’est pas un détail ! Tant les évangiles que les lettres de Paul insistent sur la dimension corporelle de la résurrection. Thomas est invité à mettre ses doigts dans les stigmates du Ressuscité. Paul combat dans les Eglises les spiritualistes gnostiques qui pensaient que les corps ne prennent pas part au salut, et il livre aux Corinthiens une profonde méditation sur le sujet (1 Corinthiens 15). Il est bien sûr possible de vouloir déconstruire ces textes pour en faire de simples symboles du don que Dieu nous fait de la vie, des théologiens renommés l’ont fait en intellectualisant ou en spiritualisant la résurrection.

Pour autant, l’interprétation qui a prévalu au cours des siècles et que les Eglises n’ont cessé de confesser à travers le symbole de apôtres reste bien « la résurrection de la chair ». Cette promesse dépasse notre entendement et résiste à notre intelligence, c’est certain, mais y renoncer signifie bien tourner le dos à un point essentiel de la foi chrétienne et à la rendre vaine, selon les mots de l’apôtre Paul.

Je ne vois rien dans la Bible qui parle du Millenium. Et pourtant que de débats. Qu’en penser ? [Véronique]

Eh bien si, Véronique ! La Bible évoque un règne de 1000 ans du Christ avec ses élus, au ch. 20 de l’Apocalypse. Cette question nous fait entrer dans l’eschatologie, c’est à dire tout ce qui concerne les fins dernières. Si tous les chrétiens s’accordent sur l’espérance d’un retour du Christ en gloire, inaugurant son règne éternel, il existe une grande variété de « scénarios » et d’interprétation de ces fameux 1000 ans ! Résumons-en (à très grands traits, le sujet étant complexe) les trois principaux :

  • Le pré-millénarisme interprète le plus littéralement ce passage d’Ap. 20 et d’autres textes bibliques. Quand le Christ reviendra, les croyants règneront avec lui pendant 1000 ans, au cours desquels justice et paix prévaudront sur terre, puisque Satan sera lié ((Ap 20,2). Il se révoltera au bout des 1000 ans pour être définitivement vaincu, et alors viendra le jugement dernier, prélude pour les incroyants à la damnation et pour les croyants à l’éternité.
  • Le post-millénarisme  prévoit un retour du Christ après le millénium. Cette période de 1000 ans désigne un temps au cours duquel l’Evangile  progressera parmi les humains, répandant justice et paix et rendant le monde meilleur. Il précèdera la résurrection de tous, le jugement dernier, et l’établissement d’une nouvelle création (cf 2 Pierre 3,13).
  • L’a-millénarisme ne prend pas à la lettre ce règne de 1000 ans. Il voit dans ce nombre le symbole de l’âge où nous vivons depuis la fin du ministère terrestre du Christ, celui de l’Eglise (rappelons que l’Apocalypse fourmille de chiffres, de couleurs et autres figures symboliques), Christ règne déjà en effet comme l’atteste Matthieu 28,18. Cet âge durera jusqu’à son retour.

Entre ces trois grandes options, dont la dernière est la plus simple, il existe une multitude de points de discussions secondaires. Par exemple, le Christ reviendra-t-il soudainement, par surprise, ou bien devons-nous rester attentifs aux signes des temps ? Les deux sans doute ! Quoi qu’il en soit,  et quel  que soit notre choix de doctrine eschatologique, l’essentiel est d’attendre le Règne de Dieu activement, en « tenant notre lampe allumée », en nous y préparant !

A-t-on vraiment besoin de l’Eglise à l’heure de Youtube et Insta ? [Christelle]

La crise sanitaire en 2020 nous a brutalement coupés les uns des autres. Il n’était plus possible de se réunir physiquement, et beaucoup d’Eglises, de communautés locales, ont développé des moyens de communiquer, voire de se « réunir » virtuellement (cultes enregistrés ou diffusés en direct sur des chaines youtube, notamment). C’est une bonne chose en soi, mais un effet a été que beaucoup de chrétiens, une fois la crise passée, ont gardé l’habitude de se rendre au culte… en pyjama. Sans sortir de chez eux !

Mais l’Eglise reste une famille. Imaginerait-on des membres d’une famille humaine qui ne se verraient plus que par écrans interposés ? Les réseaux sociaux (vous en citez un) et autres géants de l’internet, de par leurs algorithmes de plus en plus puissants, tendent à nous isoler et nous enfermer dans nos choix de vie, nos préférences et nos goûts en terme de culture, de distraction, de consommation, voire d’idées et d’opinions. Ils nous orientent subtilement mais très efficacement vers les contenus qui nous plaisent (pour des raisons commerciales), érodant ainsi notre esprit critique,  restreignant notre capacité d’ouverture, notre sensibilité aux autres et à tout ce qui est autre. Je suis persuadé que la fréquentation de la communauté chrétienne, l’accueil et le partage fraternel (qui incluent aussi le débat), la communion dans la prière, la participation au repas du Seigneur, et l’écoute de la Parole de Dieu sont de puissants antidotes à cette vaste entreprise de formatage générée par l’intelligence artificielle.

Où c’est écrit qu’il faut des parrains et marraines dans la Bible ? [Steeve]

Euh… Nulle part ! La mise en place des parrains et des marraines remonte au deuxième siècle, quand la pratique de baptême des petits enfants est devenue plus importante. Il s’agissait de donner à l’enfant baptisé un ou deux adultes référents supplémentaires pour son chemin spirituel et les différents actes qui allaient le jalonner (notamment la première communion ou la confirmation). La mortalité était forte dans ces temps là, et l’on pouvait se retrouver orphelin assez tôt dans la vie. Les parrain/marraine ont donc pu aussi avoir un rôle de parents de « substitution ». Ce n’est donc pas biblique, mais plutôt lié à l’historie de l’Eglise comme institution. Les Eglises qui baptisent seulement les adultes n’ont pas recours à des parrains. Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas biblique que c’est obligatoirement mauvais. Ce peut être très utile pour un jeune d’avoir un adulte qui ne soit pas un de ses parents, comme vis-à-vis pour parler de certaines questions, notamment spirituelles.