Bonjour An, votre question est restée un certain temps en souffrance car il ne se compte guère d’historiens qualifiés parmi notre équipe de pasteurs ! Je vous réponds après avoir consulté notamment l’Histoire Générale du Protestantisme d’E.G. Léonard (vol 3 p.143ss). Dans leur ensemble, les protestants en France ont accueilli favorablement la Révolution car elle devenait pour eux, après la période de clandestinité et de persécution ouverte par la Révocation de l’Edit de Nantes, synonyme de liberté de conscience, et d’égalité retrouvée pour les droits civiques. C’est cette liberté que réclama notamment Rabaut-St-Etienne, pasteur Nîmois député à la convention, et pas seulement la « tolérance » du culte non-catholique décrétée par Louis XVI en 1787. La déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen l’accorda. Mais la Terreur, instaurée en 1793 par les révolutionnaires les plus radicaux fut aussi une offensive contre le Christianisme en général, et pas seulement le catholicisme. L’instauration du calendrier républicain amena la suppression du dimanche, des fêtes chrétiennes et l’interdiction des services religieux au profit du culte (athée) de la Raison. Alors beaucoup de protestants ont retrouvé le culte clandestin, en famille… D’autres, et quelques pasteurs, ont abjuré leur foi et adopté la nouvelle « religion ». Par ailleurs, 16 députés protestants membres de la Convention avaient voté la mort du Roi Louis XVI en 1791.
Que penser de la profusion des témoignages- depuis des siècles- sur l’apparition de la vierge Marie ? Que doit-on penser des faits historiques sur lesquels reposent ces témoignages ? [Benn]
Dieu est souverain. Il lui est possible de se révéler à des êtres humains de toutes cultures, de toutes traditions, et donc même à des personnes pétries de culture catholique, pour qui la vierge est une figure centrale. Cela ne me semble pas vouloir dire que Marie soit toujours vivante, car je ne lis nulle part dans la Bible qu’elle soit ressuscitée. Lorsque l’officier romain Corneille a eu la vision d’un ange de Dieu, il ne s’est pas mis a adorer cet ange ou à lui rendre un culte. Il a obéit à ce qu’il entendait car il a compris que cette vision venait de Dieu. On ne nous dit rien de la forme que cet ange avait pour Corneille. Dans le même ordre d’idée, à la Pentecôte, l’Esprit de Dieu a permis aux apôtres de parler dans des langues qu’ils ne connaissaient pas, car Dieu est souverain sur toutes les langues humaines, il n’y en a pas une qui soit plus divine qu’une autre.
Dans Jean 3:16 est-ce que « le monde » veut dire tout le monde ou juste les élus / prédestinés ? [Claude]
Je crois bien que cela veut dire tout le monde. Si je reprends tout le verset : « En effet, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle », je comprends que l’amour de Dieu concerne tout le monde, mais que tout le monde ne le reçoit pas. Pour ne pas périr et avoir la vie éternelle, il faut croire dans le Fils unique, Jésus-Christ. Dire que Dieu aime le monde, tout le monde, ne veut pas dire que tout le monde est sauvé, juste comme ça. La foi, réponse au don gratuit de réconciliation que Dieu nous fait en Jésus-Christ, ouvre au salut.
J’ai entendu cela récemment. Est-ce un bon résumé de l’Evangile ? « Il a fallu la crèche pour amener Dieu à l’homme mais la croix pour élever l’homme à Dieu. » [Anonyme]
Je ne pense pas, même si le mouvement de ce texte est assez beau, à mon point de vue. Mais le résumé de l’Évangile, c’est que c’est Dieu (et lui seul) qui est venu jusqu’à nous, comme un homme, en Jésus-Christ (donc depuis sa naissance jusqu’à sa mort et sa résurrection, en passant par son ministère) pour rétablir, entre Lui et nous, la relation brisée par le péché. Je ne veux pas oublier la résurrection du Christ, car c’est elle qui valide le pardon de Dieu (I Corinthiens 15. 17). En fait, pour essayer de reprendre les termes de la phrase que vous citez, je dirais plutôt : « Il a fallu Jésus-Christ pour amener Dieu à l’homme et pour élever l’homme à Dieu. »
Pourquoi le sang est-il un élément clé- que ce soit celui d’un homme ou d’une femme ? Pourquoi le sang lie-t-il deux personnes ? [Eva]
Je crois que l’on peut résumer la réponse à votre question avec Lévitique 17,11 : le sang (ici celui des animaux), que Dieu a, dans l’ancienne alliance, donné pour servir de sacrifice, est une représentation de la vie (voir aussi Genèse 9,5-6, et Psaume 9,13 pour le sang des humains).
Toujours concernant les règles rituelles de l’ancienne alliance, des dispositions sont prises en lien avec l’écoulement de sang menstruel et celui lié à l’accouchement (Lévitique 12; 15,19s; 18.19), renvoyant ainsi Israël à la sacralité de la vie.
Enfin, c’est sans doute parce qu’il représente la vie que le sang est utilisé pour sceller des alliances : il symbolise l’engagement à la vie à la mort des différents partis, le fait qu’on ne puisse pas revenir sur l’engagement pris à l’alliance. C’est dire la profondeur de la fidélité et de l’amour de Dieu qui a offert son Fils pour une alliance en son sang (Matthieu 26,28) !
1 Chroniques 22: 8 est-il la plus ancienne déclaration pacifiste de l’histoire ? [DLS]
Le livre des Chroniques daterait de la fin du IVe siècle avant Jésus-Christ. Certains passages de la Genèse, comme le récit de Caïn et Abel (dans lequel Dieu s’oppose clairement au meurtre d’Abel par son frère) ou les motifs du Déluge (la violence) sont certainement plus anciens. L’Exode, avec les dix commandements (« tu ne tueras point ») daterait du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Je ne pense donc pas qu’on puisse dire que 1 Chroniques 22: 8 est la plus ancienne déclaration pacifiste de l’histoire, même si ça n’enlève rien à la valeur de ce texte.
Peut-on dire que l’on sert Dieu sans toutefois jamais aller à l’église ? [Jessie]
Il est fréquent d’entendre dire : « Je n’ai pas besoin de l’Eglise pour prier, avoir ma relation avec mon Dieu et puis, je peux servir sans l’église, sur mon lieu de travail etc ». Ce genre de réflexion dit quelque chose de vrai : l’église n’est pas le seul lieu où nous devons aimer et servir Dieu. Elle témoigne pourtant aussi d’une attitude mal ajustée à la Parole puisqu’elle laisse croire que nous pouvons servir Dieu par nous-même sans avoir besoin des autres.
Or, la Bible dit que nous avons besoin du conseil, de l’interpellation, de l’enseignement des autres pour croire et servir justement. Ainsi est-il question de cela, Matthieu 28/20, en Hébreux 10/24-25 ou Hébreux 3/13-17. En effet, la Parole de Dieu est extérieure à nous. Nous avons besoin qu’elle nous soit rappelée par d’autres, ce sans quoi nous risquons de nous fourvoyer. Nous sommes donc invités à rester dans l’Eglise, et à accueillir ce qui nous y est dit, même si cela peut déranger, nous déplacer, nous déplaire.
De la même manière, le service ne vient pas de nos capacités personnelles mais des dons de l’Esprit. Ceux-ci sont données pour le service, dans le cadre de l’Eglise où nous sommes invités à recevoir et à donner. (1 Corinthiens 12, Romains 12).
Allez, courage, la vie d’Eglise n’est pas facile, souvent blessante, parfois désespérante, fréquemment fatigante mais par la grâce de son Seigneur, toujours édifiante !
Une amie m’a dit : « Je suis protestante mais je ne crois pas en Dieu ». Peut-on se revendiquer protestant sans croire en Dieu ? [Alex]
Certaines personnes qui sont issues d’une famille protestante en ont été marquées par l’éducation qu’elles ont reçue, en ont gardé un certain héritage culturel et moral. Sur le plan culturel, une connaissance de la Bible, un esprit volontiers critique, notamment vis à vis de toute autorité humaine prétendant posséder la vérité. Sur le plan moral, la mise en avant et la défense de certaines valeurs dont les protestants n’ont pas forcément l’exclusivité, mais auxquelles il tiennent pour des raisons historiques et théologiques: la liberté de conscience, la tolérance et le respect des minorités, le sens de la responsabilité personnelle et donc une certaine rigueur, etc.
Mais tout cela n’est pas l’essentiel. Le protestantisme affirme avant tout qu’en dehors de Dieu rien n’est sacré, et qu’à lui seul revient toute la Gloire. Seule sa Parole, dont la Bible est le dépôt, fait ultimement autorité ; seule sa Grâce manifestée en Christ nous donne notre dignité et notre valeur ; en lui seul est notre confiance. Reprendre à son compte ces grands principes chrétiens remis en avant par la Réforme protestante, c’est donc d’abord se tenir devant Dieu, vivre en sa présence et dans son amour. Tout le reste, culture, valeurs et engagements, en découle. Si s’affirmer protestant c’était simplement brandir fièrement un étendard, affirmer une appartenance identitaire, ce serait aussi vain que de bâtir une maison sans poser de fondations. Je me sentirais beaucoup plus proche d’un catholique qui confesse Jésus-Christ (même s’il est vrai que nous avons des désaccords et une manière différente de vivre notre foi), que d’un protestant indifférent, agnostique ou athée.
Comment expliquer la Trinité à un enfant- un ado… ? [KFé]
Votre question sous-entend que même pour un adulte, la Trinité est aussi un mystère ! Quel que soit notre âge en effet, c’est une énorme difficulté de concevoir 1+1+1=1 ! Et que Dieu se révèle à la fois comme un seul être et trois « personnes » ! Père (Créateur, Dieu radicalement différent de nous), Fils (Sauveur, Dieu venant vers nous), Esprit (Seigneur, Dieu en nous). Donc, il ne s’agit en fait pas d’expliquer qui est Dieu, mais de saisir que Dieu est connu comme incompréhensible, hors d’atteinte.
Nous ne pouvons donc utiliser, pour parler de Dieu avec nos mots humains bien imparfaits, que raisonner par analogie, par images et comparaisons, sans prétendre y réduire l’Etre de Dieu qui nous est connu comme le Tout-Autre.
La meilleure analogie que je connaisse (parce qu’elle reprend des analogies biblique) est la suivante : Si je parle à quelqu’un, les mots naissent dans mon esprit, ma pensée. Je les transmets dans une parole. Et cette parole, articulée par ma bouche, devient une onde sonore, qui atteint les oreilles de mon auditeur en faisant vibrer l’air autour de nous. Donc : pensée, parole, souffle sont à la fois bien distincts et constituent pourtant un même acte de communication. De même, Dieu est la source, l’origine (Père) que nous révèle le Fils (la Parole faite chair, logos, voir év. de Jean ch.1) qui vient à nous par l’Esprit (le souffle, pneuma en grec, ruah en hébreu). Essayez cette « explication ». Si votre enfant ne comprend toujours pas… Dites-le, on essaiera autre chose !
La politique de la laïcité a-t-elle encouragé l’athéisme ? [Eric]
La laïcité consiste à séparer « les Eglises et l’Etat » : à partir de là, la foi est reléguée au domaine du privé. Alors que pour le chrétien tous les domaines de l’existence ont Christ pour autorité ultime (Colossiens 1,15-20), la laïcité implique que la foi n’a pas sa place dans tous les domaines. Par nature, la laïcité limite l’autorité qui revient à Dieu et ne Lui rend pas témoignage et gloire. De plus, s’il y a différentes formes de laïcité, il y a notamment en France une tendance qui consiste à éliminer les traces de christianisme dans les valeurs et dans la culture. Ainsi, la marginalisation de la foi inhérente au mouvement laïc contribue forcément à ce que Dieu perde de l’importance dans la vie et le cœur des gens.
Pour autant, peut-on attribuer à la laïcité la montée de l’athéisme ? Les Eglises n’ont sans doute pas rendu le meilleur des témoignages : si des Etats laïcs ont émergé, c’est au moins en partie parce que, s’agissant de l’Europe occidentale, protestants et catholiques étaient incapables de vivre côte à côte. Et malgré la séparation des Eglises et de l’Etat, les Eglises et les chrétiens ont encore la possibilité de témoigner de leur foi en paroles et en actes : à eux de saisir les occasions qui leur sont données.