Je ressens un malaise avec la juxtaposition systématique de la figure de Marie sur celle de Jésus et son rôle supposé d’intercession. Dois-je en parler avec ceux qui y croient? ( Adèle)

La « vénération de Marie » encouragée par la doctrine catholique part du principe que Marie serait vivante dans les cieux, participant au ministère d’intercession du Christ. Théoriquement, ça va même plus loin : Marie est considérée comme la « nouvelle Eve », formant un couple symbolique carrément gênant avec Jésus… Dans ce cas-là elle est idéalisée voire divinisée. Dans la pratique, on voit souvent « Marie » être invoquée comme un nouvel intermédiaire entre le croyant et Dieu. Bibliquement, il apparaît que les morts sont dans l’attente de la résurrection finale, et rien ne dit qu’ils soient en état d’intercéder (1 Thessaloniciens 4, 13-14). Bibliquement toujours, on peut dire que Marie fut la « première chrétienne » et donc, elle mérite l’admiration. Mais elle avait aussi ses défauts de mère juive (Jésus la rabroue en Jean 2, 3-4 et Luc 8, 20); ses doutes (Marc 3, 21); et en passant, elle n’est pas restée éternellement jeune et belle! Enfin, la bible présente clairement Jésus comme le seul intermédiaire entre nous et le Père dans les cieux. Il est Dieu-le Fils incarné et est donc la seule personne « charnelle » qu’on puisse adorer (Matthieu 23, 8-10) sans pécher contre le premier commandement : « tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. »(Exode 20, 3). Dire que Marie est active dans les cieux, qu’elle intercède pour nous, ou qu’elle serait un intermédiaire, tout ça est un ajout à la parole biblique.

A mon avis, il faut faire attention à trois choses quand on veut entrer dans le débat sur cette question. 1/L’incompréhension ne doit pas virer à une sorte d’allergie qui fait perdre les pédales de la courtoisie élémentaire! 2/La piété mariale et celle liée aux saints suivent une logique spéculative sophistiquée tissée au fur et à mesure des siècles. Le débat avec un défenseur de cette piété crée parfois de la confusion et en tout cas n’est jamais facile émotionnellement: mieux vaut être préparé. 3/Les idolâtries de l’Eglise sont malheureusement nombreuses et variées selon les traditions, les confessions et les nations où elle est implantée. Les protestants ne sont pas dénués de leur propres casseroles dans leur relation au Seigneur. Quelques exemples : préférence de la raison humaniste à l’intelligence du Saint Esprit; suprématie du Mammon (argent) sur la mission de l’Eglise; introduction de spiritualités animistes ou bouddhistes dans la prière… Bref, repentons-nous avant de nous attaquer aux défauts des autres!

Peut-on croire en Dieu sans croire à Jésus ? [Christine]

Croire en Jésus est le marqueur minimum de ce qui fait de nous un chrétien. « Dieu » peut vouloir dire plein de choses. Un philosophe théiste, un musulman et un anthroposophe peuvent avoir en commun de « croire en Dieu » mais il ne s’agit clairement pas du même dieu.

L’option chrétienne, c’est de croire que Jésus est la révélation de l’intimité de Dieu. Tout simplement, il est Dieu, le Fils. Si on ne croit pas en Jésus, on loupe donc une donnée fondamentale de l’identité de Dieu. Jésus a lui-même affirmé « Nul ne peut aller au Père sans passer par moi » (Jean 14, 6).

Les chrétiens croient aussi en la première révélation de Dieu au peuple juif. C’est-à-dire que Dieu s’est manifesté à ce peuple dans la perspective d’accomplir au milieu de lui, et pour toutes les nations, son plan de salut par Jésus-Christ. Une lecture chrétienne de l’ancien testament révèle que Christ est présent pour le peuple d’Israël. C’est la compréhension de l’apôtre Paul (1 corinthiens 10, 1-4). L’enjeu pour les juifs, au temps de Jésus comme aujourd’hui, est de l’accepter comme la pleine révélation de ce que Dieu veut offrir : la Parole de Dieu faite chair, le Messie, Roi et Berger annoncé « Moi-même je paîtrai mes brebis, et les ferai reposer, dit le Seigneur l’Eternel » (Ezéchiel 34, 15).

Jésus est le seul qui ait affirmé être Dieu, qui ait parlé avec l’autorité de Dieu, et dont les miracles accompagnaient le ministère. Aujourd’hui comme hier, les subtilités sont nombreuses en matière de croyances (Jésus comme prophète, guérisseur ou réincarnation d’Elie…), et nous sommes appelés à prendre position de la même manière que les premiers disciples, avec tous les indices bibliques et le Saint-Esprit pour nous décider.

Juste quelques mots sur Matthieu 5:38-48 (aimez vos ennemis, tendez l’autre joue etc …) ? Qu’est-ce que çà vous inspire ? 1 ou 2 exemples concrets ? [JMR]

Ce passage me dit que Dieu, en Jésus est venu réconcilier les hommes avec Dieu et les hommes entre eux. Nous sommes invités à entrer dans son sillage en refusant de perpétuer le cycle de la violence et en désirant pour l’autre la réconciliation que Dieu est venue apporter aux humains. Des exemples ? Ma collègue a manœuvré pour que je perde mon travail, parce qu’elle ne m’appréciait pas…au lieu de la traiter de méchante et de l’enfermer dans ce rôle, je décide de faire l’effort de prier pour que Dieu la touche et la conduise. Quelqu’un que je voulais aider a profité de mon aide pour me voler un objet auquel je tenais…au lieu de le détester, de chercher vengeance et de décider que je n’aiderais plus personne, je cherche la meilleure solution pour lui même si cela me coûte, en espérant qu’il se repentira et je continue d’offrir mon aide à ceux qui me le demanderont…Ces exemples fictifs, bien quotidiens et assez anodins, ne sont rien comparés aux témoignages de ceux qui se sont laissé emprisonner maltraiter et même tuer au nom de leur foi chrétienne. Nous en trouvons quelques témoignages dans le livre des Actes, comme dans l’histoire de l’Eglise…Le film qui s’appelle « Mission » traite assez bien, je pense, de ce sujet…

Comment peut-on lier le mystère de la création, force surpuissante, avec l’histoire terrestre de Jésus à laquelle je ne crois pas ? Cela me bloque dans ma foi. [Christine]

En Genèse 1 Dieu crée en disant, en parlant. C’est par sa Parole puissante qu’il fait advenir dans l’univers l’ordre nécessaire à la vie, à partir de la mort d chaos. Le chapître 3 de la Genèse, nous montre comment l’homme voulant bâtir sa propre vie rejette la vie bonne que Dieu avait prévue pour lui. Il se trouve alors livré au péché et à la mort. L’Evangile de Jean, au chapître premier, nous dit que Jésus est la Parole créatrice de Dieu, devenue chair. La suite du récit nous montre Jésus oeuvrer, avec la puissance de Dieu, pour relever l’humain, par ce que Jean appelle des « signes », des miracles. Ces signes nous disent qu’au milieu du chaos de la mort et du péché, Jésus vient remettre les choses dans leur ordre originel, en rétablissant la connexion vitale de l’humain avec Dieu. Il s’agit là d’une oeuvre de recréation qui se manifeste puissament lors de la résurrection, victoire décisive de Dieu contre les forces de mort, offre pour les humains d’une vie nouvelle, libérée de la mort et du péché.
Peut-être votre blocage vient-il de ce que vous trouvez incroyable ce que Jésus a accompli ? Regardez au péché du monde, aux forces qui séparent les humains de leur créateur comme de leurs semblables…ne pensez-vous pas nécessaire que le Dieu créateur vienne lui-même s’en charger ?

En Jésus le Dieu créateur est venu dans le monde, c’est une Bonne Nouvelle, l’Evangile qui est « est puisance de Dieu, pour celui qui croit » alors croyons  ! (Romains 1/18)

Sauvés… mais de quoi ? [Mireille]

La Bible, ainsi que notre expérience quotidienne à tous, croyants, nous disent la rupture profonde (l’aliénation) entre Dieu et nous, et par suite la rupture entre nous et les autres, et entre nous et nous-mêmes. C’est de cette aliénation que Jésus-Christ nous sauve, à travers la foi, c’est-à-dire la confiance que nous accordons à ce salut. Par la mort et la résurrection de Jésus, nous sommes restaurés dans la communion avec le Père, réunis à nous-mêmes et trouvons des frères et sœurs dans nos prochains.

On peut dire les choses autrement (la Bible tente plusieurs approches pour mieux cerner la question).

On peut dire qu’à cause de cette rupture, nous sommes en dette à l’égard du Dieu juste, nous qui « transgressons tous les jours et de plusieurs manières ses saints commandements, attirant sur nous, par son juste jugement, la condamnation et la mort » (confession des péchés de Calvin et Bèze). Dans cette manière de dire, c’est donc de cette condamnation, et même de ce jugement, que nous sommes sauvés.

On peut dire aussi que par cette rupture nous appartenons au mal / aux ténèbres / au diable qui se met en travers de nous-mêmes, de nous et des autres, de nous et de Dieu. C’est alors de cet « esclavage du péché » que nous sommes sauvés, « rachetés à grand prix », tout comme les Hébreux avaient été sauvés de leur esclavage en Égypte.

Dans toutes ces manières de dire, et quelle que soit votre propre manière de dire cette aliénation, c’est d’elle que nous sommes sauvés, c’est donc quelque part de nous-mêmes en tant que nous vivons sans Dieu ou contre lui. En Christ, nous sommes devenus libres, et c’est son Esprit qui nous fait vivre cette liberté au quotidien.

 

Qui est sauvé ? [Monique]

Il y a plusieurs interprétations du salut dans le christianisme, que je résumerai comme suit :

universel : tous sont sauvés parce que Dieu l’a voulu,
très large : Dieu veut sauver tout le monde, mais certains refusent, et il ne cherche pas à les sauver contre leur gré,
large : Dieu sauve selon certaines modalités, ceux qui croient en Christ étant sauvé par grâce (leur foi est le signe qu’ils ont accueilli le salut, justement), et ceux qui n’y croient pas sont sauvés selon le critère de l’obéissance à la loi, les autres ne sont pas sauvés,
restrictif : seul un petit nombre serait sauvé, soit parce que Dieu l’aurait décidé ainsi, soit parce que les humains ne voudraient pas vivre jusqu’au bout le plan de salut.

C’est à dessein que je donne ces quatre alternatives, simplifiées ; car l’ensemble de ces positions peut être étayé par des textes bibliques et de façon assez cohérente, si on veut bien être honnête intellectuellement. Il y a à l’intérieur même de la Bible plusieurs conceptions, mais une même certitude : Jésus-Christ est venu pour ouvrir le salut aux humains, et tous en ont besoin ! “C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.” (Ephésiens 2,8).

Personnellement, je pense que Dieu veut en sauver un maximum. Mais j’attends là-haut de voir… Ce dont je suis sûr c’est que la foi, c’est l’assurance du salut, la certitude d’être déjà sauvé par Dieu en Christ !

Fides qua doit être la foi personnelle par laquelle on croit (en quête de sens) et fides quae (la croyance) le contenu de la foi structurée. Mais en français courant c’est l’inverse ? [Jean-Marc]

Dans la Bible, Jacques rappelle que les démons croient effectivement que Dieu existe mais qu’ils tremblent… (Jacques 2,19). Pour l’apôtre, la foi vivante dépasse la connaissance et les déclarations d’intention et doit engager l’homme dans une relation avec Dieu où son existence est transformée. La vraie foi produit du fruit. Mais on trouve aussi dans la bouche du prophète Osée, cette parole de Dieu : « Mon peuple périt faute de connaissance » (Osée 4,6). Il est clair que le Saint-Esprit ne s’est pas décarcassé à transmettre une si grosse Bible pour que nous balayions la connaissance et l’étude en disant que notre sincère relation à Dieu suffit… La foi vivante et vivifiante commence donc par un cœur à cœur avec Dieu mais se nourrit d’une intelligence renouvelée qui cherche à comprendre qui est Dieu, qui nous sommes pour lui et ce qu’il attend de nous.

La distinction entre fides qua et fides quae creditur dont vous parlez est classique en théologie chrétienne et permet de distinguer l’élan du cœur et le contenu du catéchisme. Soyons clair que c’est une distinction conceptuelle qui aide à comprendre des choses, mais que justement l’emploi biblique du mot « foi » ne connaît pas de distinction aussi nette. En français courant, on a l’usage de distinguer entre croire « en » et croire « que » : Je crois en Dieu et je crois qu’il est tout-puissant, créateur, etc… Mais si notre foi est d’abord une relation de sujet à sujet (dimension subjective), elle a un objet bien réel qui ne peut pas en être séparé car le vrai Dieu n’est pas une projection ou fantasme de notre part (dimension objective).

Finalement, la création est parfaite, ou pas ? D’où vient le bug ? [Steph]

Une création parfaite ? C’est vrai. Mais c’est encore plus compliqué que ça je crois…
« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. » (Genèse 1,1-2).
L’expression informe et vide est le mot hébreu Tohu-(w)Bohu qu’on utilise en français pour dire un grand bazar. Donc la création telle que l’humain la découvre doit être qualifiée d’autre chose que « parfaite » à mon sens. Elle est plutôt mise en ordre. Dieu dit à la lumière de se distinguer de la ténèbre, et ça arrive (v. 3), et tout ce qui est confusion, brouillon, mélangé, est mis en ordre. Ce n’est pas la perfection au sens premier du terme, c’est-à-dire sans aucune ombre. C’est l’ombre d’un côté et la lumière de l’autre. Reste la part de l’ombre, le « mauvais côté de la force », mais il n’est plus question que ce soit mélangé, c’est soit l’ombre, soit la lumière. Et le Serpent, futur prince du mensonge, est du côté de l’ombre…

Du temple/tabernacle, des rituels sacrificiels, à Jesus, l’accès à Dieu semble s’être dématérialisé, simplifié, « déreligieusé ». Pourquoi ces débuts si complexes, alors que tout est si simple ? [Simon]

Oui, il semble que ça se dématérialise.
Mais disons que vous omettez la première étape. Avant la fixation du culte au Temple de Jérusalem, il y a quand même eu le sanctuaire mobile dans le désert, la Tente de la Rencontre ou Tente d’Assignation. C’était au moins une solution nomade.

Avez-vous noté que pour ce qui est des modalités du culte au Temple avec son système de prêtrise, il y ait au bout du compte peu d’insistance sur le fait que ce soit Dieu qui l’ait désiré de tout son cœur. C’est moins prégnant mais c’est un peu comme la Royauté : un pis-aller pour imiter d’autres peuples, en somme. L’humain a besoin de religieux, de religion, et il aime installer des systèmes légaux.

Jésus, c’est le Temple qui retourne au nomadisme (Jean 2,21), afin qu’à notre tour nous devenions des temples (1 Corinthiens 3,16). C’est vrai, c’est plus léger, c’est réjouissant. Mais ce sont de vraies responsabilités. En tout cas, merci à Dieu d’avoir eu l’idée d’envoyer Jésus !