Tout l’Ancien Testament est-il une prophétie qui pointe vers Jésus ? [Armand]

On trouve dans l’Ancien Testament des genres littéraires très divers et d’époques diverses également : des récits historiques, des maximes de sagesse, des prières des Psaumes, louanges ou appels au secours, chants de victoires ou hymnes liturgiques, des prescriptions relatives au culte d’Israël ou plus généralement au comportement que Dieu attend de l’homme, et bien entendu des textes prophétiques, qui interviennent généralement en temps de crise, pour rappeler l’Alliance, ses promesses et ses exigences, etc. Il est évident que ces textes ne se rapportent pas tous à Jésus-Christ, en tout cas pas directement. Même si l’on a vraiment l’impression qu’un passage comme Esaïe ch.53 aurait pu être écrit au pied de la croix, et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, il faut éviter de « chercher Jésus » dans tous les coins de versets du premier Testament !

Ceci étant, le fil conducteur de l’Ancien Testament et de son message, c’est le thème de la promesse : depuis l’appel adressé à Abram jusqu’au retour de l’exil à Babylone, Dieu annonce à Israël une bénédiction qui rejaillira sur tous les peuples de la terre. Et nous croyons que c’est en Jésus, ce « Fils de David » qui devait venir et régner pour toujours, conformément à ce que Dieu dit au roi David en 2 Samuel ch.7., que cette promesse se réalise. Dès lors, beaucoup de récits, prophéties ou visions de l’Ancien Testament sont reçues par les auteurs du Nouveau Testament comme annonçant Jésus-Christ. Par exemple, 1 Corinthiens 10,1-4 compare le baptême donné en son nom au passage de la Mer Rouge par le peuple hébreu libéré d’Egypte. Pour l’épître aux hébreux, les sacrifices prescrits par la loi de Moïse préfigurent le sacrifice unique, parfait et définitif de Jésus sur la croix, etc.

Pourquoi les protestants ne se confessent-ils pas à un prêtre ? Cela semble biblique (Jacques 5:16). [René]

Non seulement se confesser est « biblique », René, mais aussi hautement important, puisque ce passage de l’épître de Jacques y voit un chemin de guérison personnelle et communautaire (délivrance du poids pesant sur la conscience, réconciliation, etc). Mais le protestantisme, dans la perspective du sacerdoce universel, conteste que le pardon de Dieu ne puisse être accordé que par l’intermédiaire d’un prêtre ou autre ministre consacré.

A la lumière du texte que vous citez ou d’autres (év. selon Matthieu 18,18) on peut affirmer que le Seigneur remet ce pouvoir de pardonner et d’attester la grâce et la miséricorde de Dieu entre les mains de chaque disciple. Même si, bien entendu, tout chrétien n’a pas forcément le charisme ou la compétence nécessaire pour écouter un récit de vie avec empathie et discernement. Un tel accompagnement, que l’on appelle parfois la « cure d’âme », ne s’improvise pas et exige équilibre personnel, mâturité spirituelle et bien sûr confidentialité absolue. Il fait normalement partie de la formation des pasteurs.

Puisque les protestants rejettent la transsubstantiation- comment comprenez-vous l’eucharistie ? Est-ce un mémorial de Jésus- symbolique- ou le Christ est-il vraiment présent d’une manière autre ? [René]

Vieille question qui soulève depuis le siècle des Réformes d’innombrables polémiques, y compris entre les Réformateurs ! Luther estimait qu’au moment où les paroles de Jésus sont rappelées, le pain et le vin de la Cène quoique toujours pain et vin, deviennent aussi corps et sang du Christ. Zwingli n’y voyait qu’un mémorial, le Christ étant au ciel. Calvin aurait pu peut-être les réconcilier en expliquant qu’en mangeant le pain et en buvant la coupe, nous avons réellement communication par l’Esprit Saint, à ce qu’ils nous représentent, et sommes unis au Christ. Jésus nous a promis que là ou deux ou trois sont réunis en son nom, il est au milieu d’eux.

Jésus lui-même n’aurait peut être pas compris grand chose aux considérations sur la « substance » et les « espèces », catégories philosophiques plus grecques que juives. Quand Jésus déclare « ceci est mon corps… faites ceci (en mémoire de moi) », le pronom ceci renvoie non au pain en lui-même mais au geste que Jésus a accompli en le rompant. Jésus a voulu dire : mon corps, mon sang, bref ma vie, ils sont rompus, brisés, donnés pour vous.

Pensez-vous qu’en étant chrétien- on puisse défiler aux cotés des Gilets Jaunes ? [André]

La question d’actualité que vous posez, André, pourrait se généraliser à celle de l’engagement politique du chrétien. Y a-t-il un vote chrétien, une politique chrétienne? Je ne le pense pas. En fait, tous les chrétiens n’ont pas la même sensibilité ni les mêmes choix en politique. Certains appuieront le mouvement que vous citez, d’autres non. L’Evangile n’est ni « de gauche » ni « de droite », le message et la personne de Jésus ne sont pas récupérables par une idéologie humaine, quelle que soit… sa couleur.

Ce que l’on peut dire en revanche, c’est que notre foi et notre témoignage ne nous invitent pas à nous retirer de la société dans une sorte de bulle spirituelle, mais au contraire à témoigner de l’Evangile dans tous les domaines, social, culturel, économique… et aussi, pourquoi pas, dans l’action politique, comprise non pas comme l’art de prendre le pouvoir et de le garder, mais comme le service rendu au bien commun, à l’intérêt collectif, à la « polis », c’est à dire la cité où nous vivons. Donc, pourquoi ne pas défiler avec les gilets jaunes, comme d’autres citoyens, si vous estimez que leurs revendications sont justes et leur action bénéfique ? Les chrétiens peuvent même jouer un rôle précieux en politique, celui de la vigilance contre tous les excès du pouvoir, dans lesquels les hommes sont toujours tentés de tomber. Le pouvoir corrompt, divise, aveugle, fanatise si facilement ! Le roi que nous reconnaissons, Jésus, a choisi de venir parmi nous comme serviteur et non pas comme un tyran. Nous sommes aussi, en tant que ses disciples, « citoyens des cieux », c’est à dire d’une patrie qui ne fonctionne pas selon les règles de ce monde.

Jean-Baptiste était-il précurseur de la culture d’austérité protestante- lorsque parallèlement la Bible condamne l’ascèse (Colossiens 2,16-20; 1 Timothée 4-3)? [Dan]

Attention, Dan, à ne pas mélanger des notions différentes. L’ascèse est une discipline personnelle visant à maîtriser et conduire au mieux sa vie, et l’apôtre Paul la pratique d’une certaine manière en écrivant en 1 Corinthiens 9,27 : « je traite durement mon corps » (comme l’athlète qui suit un régime, un entraînement, dans le but d’améliorer ses performances). Mais ce n’est pas par mépris du corps, comme chez certains philosophes grecs (notamment stoïciens) qui n’y voyaient que l’enveloppe, voire la prison de l’âme). Paul veut plutôt mettre son corps (sa vie, ses forces) au service du Seigneur et de la mission qu’il lui a confiée. C’est peut-être là une des sources de la fameuse « austérité protestante » : l’amour de Dieu et son Salut gratuit me rendent responsable de le glorifier par toute ma vie, notamment par mon travail. Plutôt que le régime frugal de Jean-Baptiste (év. de Marc 1,6) imposé par le fait qu’il vivait au désert, mais qui était surtout un signe donné à ses contemporains pour qu’ils changent de vie, et se préparent à accueillir le Sauveur.

Ce que Paul vise dans les passages que vous citez, ce n’est pas cette discipline, mais un certain légalisme religieux qui impose des privations, des règles alimentaires, (voire le renoncement au mariage !), et prétend qu’en leur obéissant on se rapproche de Dieu. Tout ce que Dieu a créé est bon ! Rappelle Paul à Timothée (1 Tim 4,4). Et l’important, c’est la foi en Christ (Col 2,19).

J’aimerais en savoir plus sur l’héritage que Dieu me donne. Comment faire ? Qu’est ce que l’héritage dont parle la Bible ? [Eva]

Le mot « héritage » évoque l’idée d’un leg qu’un parent transmet à ses enfants. Ils reçoivent ses biens de plein droit, de par leur lien filial, même s’ils ne les ont pas acquis eux-mêmes par leur travail ou leurs ressources propres. Dans le premier Testament, ce terme d’héritage évoque pour les hébreux la terre que Dieu a promise à leur ancêtre Abraham, et où ils sont entrés au terme du séjour au désert qui suivit l’Exode. Notre terre promise, dont ce pays de Canaan est la préfiguration, c’est le Royaume de Dieu, et la vie nouvelle et éternelle dans laquelle nous entrons dès aujourd’hui par la foi, et qui sera pleinement nôtre par la Résurrection. Ce bien le plus précieux nous est donné par la Parole d’adoption que Dieu a prononcée sur nous, par Jésus-Christ : « tu es mon enfant » (et donc rien ne pourra te séparer de moi, le Dieu vivant). L’apôtre Pierre évoque ce cadeau inaliénable et indestructible au chapitre 1er de sa première Epitre (voir aussi Romains 8,17). Promesse à relire fréquemment ! Elle nous rappelle que nous sommes quand même de gros veinards…

C’est quoi le Royaume de Dieu ? Un état spirituel ? L’Evangile ? L’Eglise ? Le paradis/vie après le mort ? [Agathe]

Le Royaume de Dieu (ou Royaume des cieux, expression que l’on retrouve dans les Evangiles et qui a le même sens) désigne l’état des choses qui advient, lorsque c’est Dieu qui règne (et non pas le mal, et non pas les puissances de destruction, de division, de haine, de mort, etc). Le Royaume est là, ou proche, lorsque tout est conforme à la volonté, au projet du Seigneur. Jésus peut ainsi parler du Royaume de Dieu comme une réalité présente, « en nous », ou qui s’approche, lorsque des êtres humains laissent entrer Dieu dans leur vie, se laissent changer par son Esprit. Par l’obéissance et la communion totale de Jésus-Christ avec le Père, le Royaume a fait irruption en notre monde. Il n’est pas totalement instauré, il le sera lorsque le dernier ennemi -la mort- sera vaincu, à la résurrection. Mais dès à présent, nous pouvons en discerner et en poser des signes.

Pourquoi Dieu préférait Jacob à Esaü ? Je comprends que Dieu pardonne à Jacob tous ses terribles péchés- mais pourquoi haïr Esaü ? En échangeant son héritage contre de la soupe ? [Aurélie]

Certaines expressions propres à l’hébreu (les « sémitismes ») ne doivent pas nous tromper. Il faut traduire Malachie 1,3, « j’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü », texte auquel vous faites allusion, par : j’ai préféré Jacob à Esaü. Dieu choisit ainsi qui il veut, et Paul prend cet exemple dans l’épître aux Romains (ch.9) pour illustrer sa totale liberté, son absolue souveraineté. Le message est : Dieu ne nous doit rien, tout nous est donné par grâce. Ses critères ne sont pas les nôtres. Jacob n’était certainement pas « meilleur » que son aîné, comme vous le relevez vous-même ; constatons simplement qu’il tenait particulièrement à recevoir la bénédiction qui selon l’ordre « normal » des choses, était réservée à Esaü. Il s’est même « battu » avec Dieu pour la lui arracher, comme le montre l’extraordinaire récit de son combat nocturne en Genèse 32. C’est le combat de la confiance, de la foi.

Qui était Ashera ? J’ai vu des sources affirmer qu’elle était la femme de Dieu dans la première religion sémitique ! Cela dérange ma foi. [Marg]

Ashéra est une divinité cananéenne plusieurs fois mentionnée dans l’Ancien Testament, souvent représentée symboliquement par un poteau sacré (qui se dit aussi Ashéra en hébreu), vénéré sur des hauts-lieux. Son culte, auquel se sont prêtés les israélites au cours des siècles (comme le culte de Baal), est vigoureusement dénoncé par les livres historiques ou prophétiques de la Bible, en tant qu’abandon de l’alliance avec Yahvé, le seul vrai Dieu. Voir par exemple 2 Rois 21. Or, des inscriptions hébraïques des 8e ou 7e siècle avant notre ère, retrouvées dans le Sinaï ou le désert de Juda présentent Ashéra comme « l’épouse » du Dieu Yahvé, comme vous le signalez !

Cela peut nous déranger si nous en déduisons avec certains historiens que ce polythéisme serait la plus ancienne religion d’Israël, et non pas une dérive postérieure, un abandon de la foi des pères résultant de l’influence des populations païennes qui entouraient Israël et Juda, ce qu’affirment les textes bibliques. Des auteurs (à la mode) propagent ces thèses en estimant que les annales de l’Ancien Testament n’ont pas de réelle valeur historique et sont de la propagande politico-religieuse, notamment l’archéologue I. Finkelstein, très connu du grand public, mais dont les hypothèses ne font pas l’unanimité parmi ses pairs.

Quelle est la relation idéale entre l’Eglise et l’Etat ? Laïcité ? (Rom 13- 1 Pie 2- Tit 3- Psa 28). Qu’est-ce que cela signifie pour l’Etat de porter l’épée si nous nous opposons à guerre/militaire ? [Dan]

Les passages bibliques que vous citez insistent sur l’exigence de se soumettre aux autorités humaines, dans la mesure où elles remplissent leur office, qui est celui d’encourager le bien, et de réprimer le mal. Celui qui exerce le pouvoir, qu’il soit empereur au 1er siècle ou président de la République de nos jours, d’après ces textes, a reçu du Seigneur une délégation d’autorité pour faire respecter le droit indispensable pour que nous vivions ensemble (cette affirmation est tout à fait compatible avec le principe de laïcité qui ne reconnaît à aucune religion le droit d’exercer le pouvoir politique, et laisse à chacun le soin de croire ou de ne pas croire).

Donc il ne s’agit pas d’une obéissance servile et inconditionnelle, mais, en fait, d’une soumission libre et consciente à l’ordre voulu par le Seigneur. Voilà pourquoi Paul, quand il parle de ce que nous devons à l’Etat (le paiement de l’impôt par exemple), ajoute en Romains 13,8 : « ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres ». Si nous payons nos impôts et respectons les autorités, ce ne doit pas être par peur de la répression, mais librement, en conscience, et par amour du Seigneur et du prochain.

Reste la question délicate de l’obéissance à l’Etat quand il nous ordonne ce qui nous semble contraire à la volonté de Dieu. Dans ce cas, « il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes », comme l’ont déclaré Pierre et Jean devant la plus haute instance des juifs (Actes 4,19). On sait que dans l’antiquité des chrétiens ont payé de leur vie le refus d’adorer l’empereur comme « Seigneur ». Pour ce qui concerne la participation à la guerre, donc à l’ordre de porter les armes et de tuer, les chrétiens débattent depuis toujours, et ce débat n’est pas prêt d’être clos. Certains s’y refusent en conscience. D’autres estiment que parfois la guerre est inévitable, et qu’il n’y a pas d’autre moyen humain que la force face à un pouvoir conquérant, dictatorial, etc.. J’écris au moment où le dernier bastion de l’Etat islamique vient de tomber. Fallait-il ne pas s’opposer par les armes à cette entreprise totalitaire et terroriste ?