J’aimerais en savoir plus sur l’héritage que Dieu me donne. Comment faire ? Qu’est ce que l’héritage dont parle la Bible ? [Eva]

Le mot « héritage » évoque l’idée d’un leg qu’un parent transmet à ses enfants. Ils reçoivent ses biens de plein droit, de par leur lien filial, même s’ils ne les ont pas acquis eux-mêmes par leur travail ou leurs ressources propres. Dans le premier Testament, ce terme d’héritage évoque pour les hébreux la terre que Dieu a promise à leur ancêtre Abraham, et où ils sont entrés au terme du séjour au désert qui suivit l’Exode. Notre terre promise, dont ce pays de Canaan est la préfiguration, c’est le Royaume de Dieu, et la vie nouvelle et éternelle dans laquelle nous entrons dès aujourd’hui par la foi, et qui sera pleinement nôtre par la Résurrection. Ce bien le plus précieux nous est donné par la Parole d’adoption que Dieu a prononcée sur nous, par Jésus-Christ : « tu es mon enfant » (et donc rien ne pourra te séparer de moi, le Dieu vivant). L’apôtre Pierre évoque ce cadeau inaliénable et indestructible au chapitre 1er de sa première Epitre (voir aussi Romains 8,17). Promesse à relire fréquemment ! Elle nous rappelle que nous sommes quand même de gros veinards…

C’est quoi le Royaume de Dieu ? Un état spirituel ? L’Evangile ? L’Eglise ? Le paradis/vie après le mort ? [Agathe]

Le Royaume de Dieu (ou Royaume des cieux, expression que l’on retrouve dans les Evangiles et qui a le même sens) désigne l’état des choses qui advient, lorsque c’est Dieu qui règne (et non pas le mal, et non pas les puissances de destruction, de division, de haine, de mort, etc). Le Royaume est là, ou proche, lorsque tout est conforme à la volonté, au projet du Seigneur. Jésus peut ainsi parler du Royaume de Dieu comme une réalité présente, « en nous », ou qui s’approche, lorsque des êtres humains laissent entrer Dieu dans leur vie, se laissent changer par son Esprit. Par l’obéissance et la communion totale de Jésus-Christ avec le Père, le Royaume a fait irruption en notre monde. Il n’est pas totalement instauré, il le sera lorsque le dernier ennemi -la mort- sera vaincu, à la résurrection. Mais dès à présent, nous pouvons en discerner et en poser des signes.

Pourquoi Dieu préférait Jacob à Esaü ? Je comprends que Dieu pardonne à Jacob tous ses terribles péchés- mais pourquoi haïr Esaü ? En échangeant son héritage contre de la soupe ? [Aurélie]

Certaines expressions propres à l’hébreu (les « sémitismes ») ne doivent pas nous tromper. Il faut traduire Malachie 1,3, « j’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü », texte auquel vous faites allusion, par : j’ai préféré Jacob à Esaü. Dieu choisit ainsi qui il veut, et Paul prend cet exemple dans l’épître aux Romains (ch.9) pour illustrer sa totale liberté, son absolue souveraineté. Le message est : Dieu ne nous doit rien, tout nous est donné par grâce. Ses critères ne sont pas les nôtres. Jacob n’était certainement pas « meilleur » que son aîné, comme vous le relevez vous-même ; constatons simplement qu’il tenait particulièrement à recevoir la bénédiction qui selon l’ordre « normal » des choses, était réservée à Esaü. Il s’est même « battu » avec Dieu pour la lui arracher, comme le montre l’extraordinaire récit de son combat nocturne en Genèse 32. C’est le combat de la confiance, de la foi.

Qui était Ashera ? J’ai vu des sources affirmer qu’elle était la femme de Dieu dans la première religion sémitique ! Cela dérange ma foi. [Marg]

Ashéra est une divinité cananéenne plusieurs fois mentionnée dans l’Ancien Testament, souvent représentée symboliquement par un poteau sacré (qui se dit aussi Ashéra en hébreu), vénéré sur des hauts-lieux. Son culte, auquel se sont prêtés les israélites au cours des siècles (comme le culte de Baal), est vigoureusement dénoncé par les livres historiques ou prophétiques de la Bible, en tant qu’abandon de l’alliance avec Yahvé, le seul vrai Dieu. Voir par exemple 2 Rois 21. Or, des inscriptions hébraïques des 8e ou 7e siècle avant notre ère, retrouvées dans le Sinaï ou le désert de Juda présentent Ashéra comme « l’épouse » du Dieu Yahvé, comme vous le signalez !

Cela peut nous déranger si nous en déduisons avec certains historiens que ce polythéisme serait la plus ancienne religion d’Israël, et non pas une dérive postérieure, un abandon de la foi des pères résultant de l’influence des populations païennes qui entouraient Israël et Juda, ce qu’affirment les textes bibliques. Des auteurs (à la mode) propagent ces thèses en estimant que les annales de l’Ancien Testament n’ont pas de réelle valeur historique et sont de la propagande politico-religieuse, notamment l’archéologue I. Finkelstein, très connu du grand public, mais dont les hypothèses ne font pas l’unanimité parmi ses pairs.

Quelle est la relation idéale entre l’Eglise et l’Etat ? Laïcité ? (Rom 13- 1 Pie 2- Tit 3- Psa 28). Qu’est-ce que cela signifie pour l’Etat de porter l’épée si nous nous opposons à guerre/militaire ? [Dan]

Les passages bibliques que vous citez insistent sur l’exigence de se soumettre aux autorités humaines, dans la mesure où elles remplissent leur office, qui est celui d’encourager le bien, et de réprimer le mal. Celui qui exerce le pouvoir, qu’il soit empereur au 1er siècle ou président de la République de nos jours, d’après ces textes, a reçu du Seigneur une délégation d’autorité pour faire respecter le droit indispensable pour que nous vivions ensemble (cette affirmation est tout à fait compatible avec le principe de laïcité qui ne reconnaît à aucune religion le droit d’exercer le pouvoir politique, et laisse à chacun le soin de croire ou de ne pas croire).

Donc il ne s’agit pas d’une obéissance servile et inconditionnelle, mais, en fait, d’une soumission libre et consciente à l’ordre voulu par le Seigneur. Voilà pourquoi Paul, quand il parle de ce que nous devons à l’Etat (le paiement de l’impôt par exemple), ajoute en Romains 13,8 : « ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres ». Si nous payons nos impôts et respectons les autorités, ce ne doit pas être par peur de la répression, mais librement, en conscience, et par amour du Seigneur et du prochain.

Reste la question délicate de l’obéissance à l’Etat quand il nous ordonne ce qui nous semble contraire à la volonté de Dieu. Dans ce cas, « il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes », comme l’ont déclaré Pierre et Jean devant la plus haute instance des juifs (Actes 4,19). On sait que dans l’antiquité des chrétiens ont payé de leur vie le refus d’adorer l’empereur comme « Seigneur ». Pour ce qui concerne la participation à la guerre, donc à l’ordre de porter les armes et de tuer, les chrétiens débattent depuis toujours, et ce débat n’est pas prêt d’être clos. Certains s’y refusent en conscience. D’autres estiment que parfois la guerre est inévitable, et qu’il n’y a pas d’autre moyen humain que la force face à un pouvoir conquérant, dictatorial, etc.. J’écris au moment où le dernier bastion de l’Etat islamique vient de tomber. Fallait-il ne pas s’opposer par les armes à cette entreprise totalitaire et terroriste ?

Faut-il être diplômée de théologie pour animer une étude biblique ? Apparemment- il y a beaucoup d’incohérences dans la Bible ? Jusqu’à quel point pouvons-nous compter sur le Saint-Esprit ? [Mima]

Votre triple question, Mima, revient finalement à la suivante : Le sens d’un texte biblique est-il toujours immédiatement accessible ?

La réponse est non. Tout d’abord, il doit nous être traduit dans notre langue (à moins que vous parliez et lisiez couramment l’hébreu ou le grec anciens). Puis replacé dans son contexte historique, littéraire, pour cerner l’intention de son auteur, et ce qu’il pouvait signifier pour ses premiers lecteurs. Les incohérences que vous avez relevées tiennent parfois à des situations différentes, des angles de vue divers et complémentaires sur un sujet donné… Enfin, il nous faut l’interpréter, c’est à dire accueillir ce que le texte veut me dire , dans ma situation particulière, bref quelle parole de Dieu il m’adresse aujourd’hui… ou nous adresse, devrais-je dire, car il est bon de la lire avec d’autres !

Pour toutes ces étapes : observer, puis comprendre, pour enfin, et c’est le but, mettre en pratique ce que nous dit la Bible, le Saint-Esprit nous est nécessaire d’un bout à l’autre. Mais le Saint-Esprit ne court-circuite pas ni ne remplace notre intelligence, nos connaissances, bien au contraire, il s’en sert et les éclaire. Avec ou sans diplôme, il est donc bon d’avoir un bagage théologique et quelques notions de méthode de lecture d’un texte avant d’aider les autres à explorer cet univers fantastique et parfois surprenant qu’est le monde de la Bible !

Lors du retour du Seigneur- la terre sera-t-elle régénérée ou bien complètement détruite- puis remplacée par la Jérusalem céleste ? [Joël]

Certains passages de l’Ecriture abordant la fin des temps décrivent une sorte de destruction totale, effectivement, comme dans la 2e lettre de Pierre, au chapitre 3, qui rappelle le précédent du déluge. Mais ce qui disparaîtra, est-il précisé au v.10, ce sont les éléments célestes (les astres etc), qui désignent, dans ce langage codé qu’est le style dit « apocalyptique », l’ordre actuel du monde. Les astres y figurent les puissances spirituelles qui prétendent le régenter à la place de Dieu (comparer Marc 13,24-25). La terre et ce qu’elle contient sera, pour sa part, jugée, toujours selon le même verset. Ce passage de l’épître se termine par le célèbre « nous attendons de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habitera », au v.13. L’adjectif utilisé dans le texte grec original pour « nouveau » est kainos, ce qui est « renouvelé », et non neos, ce qui est neuf, au sens d’inédit. Autrement dit, ce n’est pas un autre monde que le Seigneur prépare par son règne à venir, c’est ce monde abîmé, blessé, en souffrance, marqué par le mal et la mort, mais qu’il vient totalement relever, purifier, transformer, délivrer… Le jugement du monde ancien est intervenu à Golgotha, à la mort de Jésus (ce que signifient les ténèbres qui ont régné à ce moment-là, voir Matthieu 27,45) et la nouvelle création a commencé le 3e jour après, au matin de sa Résurrection.

Votre question en tout cas est très pertinente, et sa réponse a des conséquences pratiques très importantes. Car si ce monde où nous vivons était déclaré irrémédiablement perdu, la tentation des croyants pourrait être grande de s’en désintéresser, de se désinvestir de la préparation du règne de Dieu dans tous les domaines : social, économique, politique, écologique, etc…. et de se replier dans une « bulle spirituelle », un peu comme Jonas, à l’abri de son arbuste, attendant la destruction de Ninive !

Luc 17:34 sonne comme un cauchemar avec les familles divisées et un envoyé en enfer. Qu’est-ce que ça veut dire ? [Marguerite]

Je ne sais pas pour vous, Marguerite, mais ce qui me met le plus mal à l’aise quand j’ai un cauchemar, c’est l’impression d’assister à une scène menaçante, pénible, sans pouvoir réagir, rester prisonnier d’une réalité qui m’enferme. Et alors le réveil sonne comme une libération : « ouf ! ce n’était qu’un rêve ». Les paroles de Jésus concernant son retour et le jugement, à la fin des temps, ont pour but précisément de nous tenir éveillés, de nous mettre en garde. Il est urgent de nous préparer au retour du Maître, qui nous surprendra tous. Le verset que vous citez fait partie de ces paroles (« deux personnes seront dans le même lit, l’une sera prise (sous-entendu dans le Royaume de Dieu), l’autre laissée ».

Ce texte nous dit que l’appartenance à la famille de Dieu va au-delà des solidarités humaines les plus étroites (comme celle de la famille). Elle dépend non seulement de l’appel de Dieu, mais de la réponse que je lui donne aujourd’hui, dans la foi, quelles que soient mes origines, mes liens et mes relations. Un peu plus loin dans le même évangile, Jésus pose la question : quand je reviendrai, est-ce que je trouverai la foi sur la terre ? (Luc 18,8)

Est-ce que Dieu a toute notre vie tracée pour nous (Jér 1-5) ? C’est une pensée réconfortante. [Cecelie]

Oui Cécélie, on peut trouver bien des passages des Ecritures qui nous attestent que nos chemins sont dans la main de Dieu, voulus, tracés par lui. Non seulement dans le récit de la vocation de Jérémie, mais aussi dans les Psaumes (31,16; 139,16a, etc), dans l’épître aux Romains (ch.9,à partir du v.11), ou aux Ephésiens (1,4ss)… C’est ce que l’on appelle l’élection, ou la prédestination. Mais ce n’est pas à confondre avec le fatalisme, qui entraînerait une sorte de résignation passive (du genre « c’est mon destin »), ou d’attente béate que tout nous tombe « tout cuit dans le bec ». Car Dieu qui trace notre vie nous appelle, ce qui suppose de notre part une réponse. Autrement dit, Dieu entre en alliance avec nous, nous rend co-responsables de notre vie, de nos choix, de nos actes. Et partenaires de son projet. Pour signer un contrat, il faut être deux. Paradoxalement (la vérité dans la Bible est toujours paradoxale), c’est cette souveraineté absolue de Dieu qui fonde notre liberté ! C’est réconfortant, certes, mais pas toujours confortable… Demandez à Jérémie (voir sa réponse peu enthousiaste, au verset qui suit celui que vous citez).

Actes 5: 15-16 (la silhouette de Pierre guérissant les gens) confère-t-il une validité à l’idée catholique que les reliques de saints peuvent guérir ? Que faisons-nous de cette histoire biblique ? [Pierre]

Si vous lisez de près ce récit du livre des Actes, notez que l’on plaçait les malades sur le passage de l’apôtre Pierre dans l’espoir que son ombre seule suffirait à les guérir (l’ombre représentait dans l’antiquité l’énergie vitale de la personne). Un peu comme cette femme qui voulait guérir en touchant simplement le vêtement de Jésus (év. de Luc 8,43-48). Ce qui est étonnant… c’est qu’elle a été vraiment guérie ! Mais pas par magie. Parce que Dieu a répondu à sa confiance, sa foi (même naïve et superstitieuse) en Jésus. Le Seigneur n’attend pas pour agir et répondre que notre foi soit parfaitement informée ou mâture. Un manuscrit ancien du Nouveau Testament, le codex de Bèze, ajoute même dans le texte des Actes que tous ceux que l’ombre de Pierre couvraient étaient guéris de toute maladie. Il se peut que ce soit la version du texte original des Actes. On peut faire à ce sujet la même remarque que pour le récit de l’Evangile. Ce n’est pas l’ombre de Pierre qui était porteuse en soi de puissance, pas plus que le manteau de Jésus. Tout comme son Maître qui l’a envoyé, Pierre est témoin de l’amour de Dieu qui seul relève et guérit. Les miracles des apôtres accompagnent le message qu’ils proclament.

De là à penser qu’une Eglise, en conservant des reliques (supposées authentiques) de saints ou d’apôtres, pourrait contrôler et dispenser à ses fidèles la guérison que Dieu accorde librement, par sa Grâce, il y a un grand pas… pour ne pas dire un fossé.