Les chrétiens « non juifs » de l’église primitive fêtaient-ils les « fêtes de l’Eternel » avec les chrétiens « juifs » ? [Nico]

Le livre des Actes des Apôtres, principal document dont nous disposons sur la vie de l’Eglise primitive, n’évoque pas de co-célébration des fêtes juives par judéo-chrétiens et pagano-chrétiens. A Jérusalem, tous les disciples de Jésus étaient juifs (de langue grecque ou araméenne) et continuaient à célébrer leur foi en tant que tels (on les voit se rendre au temple pour la prière, en Actes 2,46 ou 3,1). On peut donc supposer qu’ils participaient aussi aux fêtes du Judaïsme. Paul par exemple tient par exemple à être de retour à Jérusalem pour Pentecôte (Actes 20,16).

L’arrivée des païens dans la communauté des disciples de Jésus, comme Corneille (Actes 10) a posé le problème de leur observance des règles de vie du judaïsme (fallait-il leur imposer la circoncision, les interdits alimentaires et toutes les marques identitaires que le judaïsme de l’époque avait durcies pour bien distinguer, séparer Israël en tant que peuple élu de Dieu des autres nations ?). Cela a provoqué un débat que le « concile » de Jérusalem a tranché (voir Actes 15, et aussi le témoignage de Paul en Galates 2) par le compromis : pas de circoncision, parce qu’en Christ le Salut est offert à tous, juifs ou pas, mais ni pratique idolâtre ni rien qui choque les frères et soeurs juifs, voir Actes 15,29).

Ce débat axé sur les pratiques et interdits religieux n’a pas abordé la question des fêtes. Tout d’abord, parce que certaines avaient un caractère très national (Hanouka, Pourim), et excluaient par principe les non-juifs. Et aussi sans doute parce que les fêtes juives prenaient déjà une signification nouvelle pour l’Eglise, qui rassemblait pagano-chrétiens et judéo-chrétiens à l’écart du judaïsme et de la synagogue. Jésus en célébrant la Pâque juive (Pessah) avec ses apôtres l’avait rapportée à sa propre mort. La Pentecôte à Jérusalem, Shavouot, fêtant le don de la loi par Moïse, était devenue pour ses disciples l’événement de l’irruption de l’Esprit Saint, inaugurant la nouvelle alliance de Dieu avec un Israël élargi à tous les peuples de la terre. Quant au Yom Kippour, jour des expiations, le Christ l’a aboli par son sacrifice unique et définitif (voir l’épître aux Hébreux).

Que dire de la religion juive lorsque l’on est chrétien ? Ne sont-ils pas ceux qui ont refusé de reconnaître le Messie dans la personne de Jésus ? Et qu’attendent-ils au juste ? [Rémy]

Les Juifs ne sont pas les seuls à ne pas reconnaître le Messie dans la personne de Jésus ! Il y a aussi les musulmans, les croyants des traditions religieuses non chrétiennes, et les athées ! Une récente déclaration de la Fédération Protestante de France a fait le point sur cette question du point de vue protestant. Je vous invite à consulter le livret publié à cette occasion : http://www.protestants2017.org/wp-content/uploads/2017/12/Cette-memoire-qui-engage-livret.pdf

J’ai pour ma part un immense respect et intérêt profond pour la religion juive, car j’y vois une de mes racines spirituelles les plus fortes en tant que chrétien. Jésus était Juif ! Le fait que beaucoup de ses frères et sœurs dans la foi ne l’aient pas reconnu est un mystère, une question douloureuse, mais je m’en tiens aussi à ce que Paul dit dans la lettre aux Romains (11. 16-18) : « si la première part de pain est sainte, tout le pain l’est aussi; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. Mais si quelques-unes des branches ont été coupées et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes et tu es devenu participant de la racine et de la sève de l’olivier, ne te vante pas aux dépens de ces branches. Si tu te vantes, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte. »

Le peuple juif n’a-t-il pas fait retomber la malédiction sur lui- avec la condamnation de Jésus par le Sanhédrin et la réponse à Pilate : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! »? Mt 27, 25 [Aglaë]

La responsabilité du peuple d’Israël (il s’agit de la descendance génétique de Jacob) dans la mort de Jésus est claire : ce peuple a été particulièrement béni par Dieu (Rm 9,4-6), mais par sa révolte contre Dieu malgré toutes les bénédictions reçues, il a manifesté, en crucifiant son Messie, qu’il était sous l’emprise de la puissance du péché comme les autres peuples (Rm 3, 9-18) et qu’il avait besoin de la médiation de Jésus-Christ et du Saint-Esprit pour obéir fidèlement à Dieu.
Dans la Bible, la bénédiction de Dieu traverse les générations, et il en est de même pour une malédiction (Ex 34,7) : les enfants pâtissent des conséquences des péchés de leurs parents.
Mais pour un juif comme pour un non-juif, le pardon et une vie nouvelle, prometteuse de bénédiction, est possible : « il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rm 8,1 ; voir Jr 31,29).
De plus, concernant le peuple juif, l’infidélité de certains membres du peuple (« ceux qui sont issus d’Israël ne sont pas tous Israël », Rm 9,6) n’annule pas la fidélité de Dieu à Ses promesses pour le peuple d’Israël : Dieu, dans le cadre de son plan mystérieux, pardonnera les fautes d’Israël, quand Il mettra fin à sa période d’endurcissement (Rm 11, 25-26).