Que penser aujourd’hui de 1 Corinthiens 11-1-16 ? Je croyais que mon Maître- mon chef- était Jésus… En tant que femme- je ne sais pas ce que je dois apprendre de ce texte. [Marie]

Vous faites bien, Marie, de croire que votre maître, votre chef est Jésus. C’est bien le cas ! Dans le passage que vous mentionnez, Paul parle de la façon dont les Corinthiens doivent organiser leurs célébrations. Il s’agit de donner un cap, une référence. Il y a pleins de détails, dans ce texte, qui méritent un travail approfondi sur le texte grec d’origine pour être saisis dans toute leur richesse, que la traduction française a du mal à rendre. C’est pourquoi je n’entends pas ce passage comme un exposé parlant de l’essence de ce qu’est un homme ou de ce qu’est une femme, mais comme une direction à suivre pour rendre un témoignage qui honore Dieu dans une assemblée de chrétiens d’un temps et d’un lieu particulier. Le fond du problème pour Paul est que les Corinthiens soient « convenables » aux yeux des autres et entre eux. Comment, à notre époque et dans le lieu où nous nous trouvons, rendre un témoignage comparable ? Voilà, je crois ce que ce passage nous pose comme question. À nous de nous mettre à l’écoute de l’Esprit pour trouver une mise en œuvre pour aujourd’hui.

J’ai lu le livre de l’érudit chrétien Kirsten Birkett, ‘The Essence of Feminism’. Sa conclusion : le christianisme et le féminisme sont incompatibles. Êtes-vous d’accord ?

Tous les ——ismes sont un peu dangereux.
Jésus n’est pas venu pour nous proposer un nouvel ——isme.
Donc évidemment le féminisme, comme le machisme, sont incompatibles avec la spiritualité de Jésus.

Mais je crains aussi que le christianisme ait muté vers une certaine incompatibilité aussi…

Certains chrétiens trouvent que le port de vêtements un peu chic, de greffes chez les femmes et de quelques bijoux ou bracelets sont interdits par la Bible. Est-ce vrai ? [Dimitri]

Beaucoup de chrétiens confondent Evangile et moralisme.
En cela ils se comportent en nouveaux pharisiens bien plus qu’en chrétiens, finalement.

Sur ce sujet, la question c’est celle de la séduction. Le Seigneur nous a fait beaux (cf. le Psaume 139). Il n’y a pas de problème à vouloir être beaux, plaisants, etc. Mais après, si cette beauté devient une obsession et si tout ce qui est de l’ordre de l’apparence devient comme un esclavage, cela fera que nous aurons perdu notre liberté. L’embellissement ne sera pas pour glorifier Dieu mais pour nous valoriser nous-mêmes.

Ce qui importe ce sont nos intentions. Si je me fais beau pour séduire, pour détourner, pour multiplier les conquêtes… là ça questionne. Non ?

« Je ne permets pas à la femme d’enseigner- ni de dominer l’homme ; qu’elle demeure dans le silence. Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère (…). » 1Tim 2-12 et 15. Vraiment ? [RK]

Comme dans l’ensemble de ses épîtres, et notamment comme dans la 1ère lettre aux Corinthiens dans laquelle nous trouvons une exhortation du même type (1Corinthiens 14,34), Paul a pour souci principal d’amener d’anciens polythéistes à renoncer à l’idolâtrie (1Thessaloniciens 1,9) et ses conséquences éthiques (quand bien même elles se revendiqueraient de la Loi de Dieu, voir 1Timothée 1,7-8). Il ne faut pas perdre de vue que ces lettres sont envoyées dans des situations de relative urgence, pour traiter de problématiques spécifiques et localisées.

Nous ne savons pas clairement quels sont les enjeux derrière ce passage : Influence des cultes à mystère et des pratiques divinatoires dans lesquelles les femmes ont traditionnellement une grande place ? Influence d’une tendance culturelle qui tendrait à « émanciper » les femmes de leur mari ? Tendance, sous l’influence d’une manière plus grecque que juive de voir l’Homme, au mépris du corps et de ses réalités ?

Il y a peut-être un peu de tout ça à la fois. Paul s’appuie sur l’enseignement de la Loi juive (1Timothée 2,13-14) comme en 1Corinthiens 14,34 (voir aussi 1Corinthiens 11, 7-11). Bien que par ailleurs Paul ne conteste pas la légitimité pour les femmes de parler et prophétiser publiquement (1Corinthiens 11,5), il refuse l’idée selon laquelle la femme pourrait dominer l’homme, et renvoie à l’ordre social du père comme chef de famille, qu’il ne remet pas en question. Paul invite finalement les femmes à faire le choix de la maternité, s’attaquant peut-être ainsi à un certain mépris du corps et de la sexualité.

Il me semble difficile d’absolutiser un passage qui parait si contextuel. Toutefois, il me semble évident qu’il peut interpeller aujourd’hui un certain féminisme méprisant la masculinité et assumant un certain (et très gnostique) mépris du corps et de l’appartenance sexuelle.

Dans 1 Corinthiens 11, Paul indique que par signe de respect la femme qui prie ou prophétise doit se « couvrir la tête ». Comment comprendre ce passage ? [Marianne]

D’abord en le bien lisant : comme dans beaucoup de passages de cette lettre, Paul répond à des questions que lui ont posées les chrétiens de Corinthe. Le relatif mélange d’arguments au début du chapitre en témoigne, mais surtout le renversement dans l’argumentation de Paul au verset 11, marqué par le « toutefois » et par « dans le Seigneur ». Ensuite, il souligne que ses interlocuteurs utilisent des arguments tirés de « la nature » (et justement pas « du Seigneur », d’autant que par ailleurs leur pratique – prier la tête découverte, pour les hommes – est l’inverse de celle du judaïsme, donc aussi d’autres chrétiens), et que si lui aussi parle à partir de « la nature », les arguments pourront se contredire, comme les versets 14-15 contredisent les versets 5-6.

Mais surtout, sa conclusion, sa réponse pastorale à la demande des chrétiens de Corinthe, se trouve bien dans ce verset 15 : « En effet la chevelure lui a été donnée en guise de voile. » Il n’y a donc pas de rejet formel des a priori implicites de la question corinthienne, mais une conclusion qui s’impose : oui, les femmes qui « prient ou prophétisent » doivent être voilées, mais Dieu y a pourvu en leur donnant des cheveux ! Il n’y a donc pas lieu d’en rajouter… Ce qu’indique le verset suivant qui signifie la fin définitive de la discussion.

Comme dans beaucoup de textes bibliques, la réponse aux questions que pose l’Écriture se trouve dans l’Écriture elle-même, et en l’occurrence dans le même passage, qui nous révèle accessoirement que dans l’Église de Corinthe des femmes pouvaient présider le culte, ou à tout le moins la prière publique. Le souci de Paul dans cette épître est de ne pas choquer (ni ses interlocuteurs ni la société), sans rien renier de l’Évangile (en Christ « il n’y a plus ni homme ni femme », Galates 3 / 28). Nous devons, quant à nous, bien lire le texte, sans le ramener à nos a priori : que dit-il vraiment ?

Est-ce qu’il est permis de prendre deux femmes ? [Jean-René]

Si la question est « est-ce qu’il est permis ? », la réponse est « non » ! Mais si la question est « qu’est-ce que c’est, l’amour conjugal ? », alors on peut aller un peu plus loin…

Car aussi bien l’Ancien Testament (Genèse 2 / 18. 23-24) que le Nouveau (Matthieu 19 / 3-10 ; 1 Corinthiens 7 / 2-5 ; Éphésiens 5 / 21…) soulignent que l’union selon Dieu d’un homme et d’une femme font d’eux un seul être, chacun appartenant à l’autre et soumis à l’autre. Il n’est donc aucunement question de « prendre femme », mais de se reconnaître comme voués l’un à l’autre, ce qui implique clairement la durée, le pardon mutuel et la fidélité, et donc la monogamie. Car comment appartenir (c’est-à-dire à 100 %) à deux personnes différentes ?! Et qu’en penseraient les femmes en question (car cette question est une question d’homme, or « Dieu a créé l’être humain à son image, mâle et femelle », dit la Bible) ?

La polygamie, tout comme l’adultère, appartiennent à une autre conception de la sexualité, dans laquelle celle-ci ne fonde pas un nouvel être, mais se contente d’être une fonction vitale qu’il s’agit d’assouvir pour son propre plaisir (sexuel ou social). La Bible montre que telle était la réalité, que ce soit à l’époque des Patriarches ou pour les rois d’Israël, mais aussi (peut-être marginalement) à l’époque de Jésus. Ce qui ne le légitime en rien !

Enfin, je dois dire que la question de ce qui est permis ou défendu est dépassée dans le christianisme. Puisque je ne puis être justifié par l’observance de quelque commandement que ce soit, mais par la seule grâce de Dieu manifestée dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ et saisie dans la foi, alors c’est l’œuvre de l’Esprit que de conformer ma vie à la volonté bonne de Dieu, malgré et à travers les résistances du « vieil homme » en moi. L’apôtre Paul a écrit à ce sujet de belles choses sur « tout est permis, mais… » (1 Corinthiens 6 / 12 ; 10 / 23)

Dieu aime-t-il vraiment les femmes ? Je ne parle pas de chaque femme dans son individualité, mais de la femme en général, et du rôle qu’on semble lui avoir imparti, dans l’Église en particulier. [Isaloup]

Dieu aime tout être humain dans son individualité. Comment peut-on aimer « en général » ?… « Dieu a créé l’être humain à son image, il les a créés mâle et femelle » (Genèse 1 / 27). C’est le péché originel, la faute de l’humanité envers Dieu, qui a entraîné des relations perverses entre les sexes, ainsi d’ailleurs que dans le travail (Genèse 3 / 16-18).

La formulation de votre question suggère que l’Église (laquelle ?) serait le porte-parole direct et fidèle de Dieu à travers sa propre organisation et ses propres valeurs. Il suffit de comparer chaque Église avec l’Évangile de Jésus-Christ pour s’apercevoir que ce n’est pas vrai. C’est pourquoi, tout au long de l’histoire des Églises chrétiennes, il y a eu besoin de réformes, de réveils, etc. Bref, que Dieu secoue suffisamment une Église pour qu’elle abandonne ses errements les plus grossiers et se rapproche de sa mission : annoncer tout l’Évangile à tout être humain et à l’être humain tout entier.

Les Églises ont souvent épousé en partie les valeurs des sociétés dans lesquelles elles étaient dressées. Chacun de nous n’en fait-il pas autant sans même s’en rendre compte ? Et lorsque la société est sexiste ou esclavagiste, l’Église peine à prendre de la distance… même si elle est souvent pionnière dans la libération des gens. À ma connaissance, c’est quand même en terreau chrétien que l’égale dignité des hommes et des femmes a été proclamée et a commencé à prendre racine, tout comme l’abolition de l’esclavage. Même s’il a fallu y revenir plusieurs fois, et s’il reste du travail. Et aujourd’hui, beaucoup d’Églises reconnaissent le ministère pastoral féminin, dans nos sociétés qui sont censées accepter la parole publique des femmes aussi bien que celle des hommes.

Mais peut-être voudrez-vous préciser votre question ?

Qu’en est-il de l’enseignement féminin à un auditoire mixte ? Les protestants évangéliques admettent qu’une femme enseigne à des femmes mais très rarement à des hommes (sauf petits garçons). [Jo]

Tout d’abord, « les protestants évangéliques », c’est une réalité diverse, certaines Églises évangéliques (libristes, baptistes, etc.) ont des pasteurs femmes, d’autres (Foursquare) ont des couples pastoraux ; d’une manière ou d’une autre, il y a donc dans ces Églises-ci des femmes qui enseignent ou prêchent à tous, donc aussi aux hommes adultes !

Bibliquement, je voudrais souligner deux versets (parmi d’autres). Le principe est posé par l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates (3 / 28) : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni mâle ni femelle, car vous tous, vous êtes un en Christ Jésus. » C’est-à-dire qu’en Christ, devant Dieu, les distinctions sociales, y compris celles qui sont de l’ordre de la création, ne pèsent plus rien. Ça ne veut pas dire qu’il y a confusion, mais que Dieu regarde chacun quel qu’il soit à travers Christ. On n’est pas pasteur homme ou pasteur femme, mais pasteur, point.

Les ministères ecclésiastiques seront donc fondés sur les dons de l’Esprit, qui sont évidemment liés au contexte dans lequel il les donne : sauf exception prophétique, l’Esprit ne va pas envoyer enseigner ou prêcher quelqu’un qui, dans une société donnée, ne sera pas écouté à cause de ce qu’il est ! En France, c’est lorsque les femmes ont investi la vie publique entre les deux guerres (les hommes ayant disparu dans la Première) que l’Esprit saint en a aussi appelé au ministère pastoral… ce que les Églises ont mis du temps à reconnaître !

Le second verset vient de la première lettre à Timothée (2 / 12) : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre autorité sur l’homme mais qu’elle demeure dans le silence. » Soit on prend cette phrase (et les versets environnants : 11-15) au pied de la lettre, et il faut bien voir qu’ils disent le contraire d’autres versets dont celui de Galates. Soit on considère que l’Écriture ne peut pas se contredire, mais qu’elle doit s’éclairer elle-même, et alors il faut essayer de comprendre autrement ce passage. Tout s’éclaire si l’on considère que « l’homme » figure le Christ nouvel Adam (1 Cor. 15 / 45), et « la femme » son épouse, l’Église (Éph. 5 / 24. 27. 29-30). Alors évidemment, l’auteur de l’épître ne permet pas à l’Église de se placer au-dessus du Christ, ni d’inventer quoi que ce soit en-dehors de lui : la place de l’Église est celle de Marie aux pieds de Jésus pour recevoir sa parole (Luc 10 / 39), pas ailleurs. C’est pourquoi nous confessons « l’autorité souveraine des Saintes Écritures » et « reconna[issons] en elles la régle de la foi et de la vie » !

« La soumission des femmes », pourquoi tant de messages sans la fin du passage ??? [e-Za]

C’est clair ! Je veux dire : « Paul est au clair ! » et contrairement à ce qu’on dit souvent, à l’intérieur du système hyper patriarcal dans lequel il vit il n’est pas machiste, voire parfois, il est plutôt égalitariste. Souvenez-vous de 1 Corinthiens 7:4 : « La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. » Un propos totalement révolutionnaire pour l’époque.

La citation que vous évoquez est la suivante : « Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur […] Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle […] » (Ephésiens 5*). Et sous une autre forme quasi équivalente en Colossiens 3,18-19**.

Sincèrement, la barre est mise beaucoup plus haute pour les maris que pour les femmes si on réalise à quel point Christ a aimé l’Eglise : il est mort pour elle… Qui sont les maris prêts à mourir pour leurs femmes.

Alors oui, e-Za, si on entend 8 prédications sur la soumission des femmes aux maris, et 2 sur les devoirs des maris, c’est juste à cause du machisme… de Paul ? Non. Des prédicateurs.
Point barre. Que l’Eglise entière, mais en particulier ses enseignants, se repentent.

 

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* Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l’Église, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l’Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leurs maris en toutes choses. Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l’avoir purifiée par le baptême d’eau, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. C’est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Car jamais personne n’a haï sa propre chair; mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps. (Ephésiens 5,22-30)

** Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il convient dans le Seigneur. Maris, aimez vos femmes, et ne vous aigrissez pas contre elles. (Colossiens 3,18-19)