Peut-on croire en la Trinité- en l’Esprit-Saint- et ne pas croire à la présence réelle du corps et du sang du Christ dans la Cène- comme Zwingli ? [Elan]

La position de Zwingli est respectable (et puisque Zwingli a pensé comme ça, je ne peux que répondre « oui » à la question que vous posez, de la façon dont vous la posez), mais ce n’est pas la mienne.

Je crois que le Christ est réellement présent au cours de la Cène, et pas que cet acte est un simple mémorial (auquel cas, il faudrait, au mieux, ne la faire qu’une fois par an, le jeudi saint, pour vraiment commémorer, comme le président de la République avec le tombeau du soldat inconnu le 8 mai et le 11 novembre). Je ne suis pas un ancien combattant (avec tout le respect que je leur dois) de la foi. Le combat de ma foi et de ma vie pour Christ est toujours actuel et intense, et j’ai bien besoin de sa grâce signifiée réellement dans la Cène, pour reprendre force et courage. C’est bien par son Esprit qu’il se rend présent, mais sa présence est pour moi bien réelle.

« Je ne permets pas à la femme d’enseigner- ni de dominer l’homme ; qu’elle demeure dans le silence. Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère (…). » 1Tim 2-12 et 15. Vraiment ? [RK]

Comme dans l’ensemble de ses épîtres, et notamment comme dans la 1ère lettre aux Corinthiens dans laquelle nous trouvons une exhortation du même type (1Corinthiens 14,34), Paul a pour souci principal d’amener d’anciens polythéistes à renoncer à l’idolâtrie (1Thessaloniciens 1,9) et ses conséquences éthiques (quand bien même elles se revendiqueraient de la Loi de Dieu, voir 1Timothée 1,7-8). Il ne faut pas perdre de vue que ces lettres sont envoyées dans des situations de relative urgence, pour traiter de problématiques spécifiques et localisées.

Nous ne savons pas clairement quels sont les enjeux derrière ce passage : Influence des cultes à mystère et des pratiques divinatoires dans lesquelles les femmes ont traditionnellement une grande place ? Influence d’une tendance culturelle qui tendrait à « émanciper » les femmes de leur mari ? Tendance, sous l’influence d’une manière plus grecque que juive de voir l’Homme, au mépris du corps et de ses réalités ?

Il y a peut-être un peu de tout ça à la fois. Paul s’appuie sur l’enseignement de la Loi juive (1Timothée 2,13-14) comme en 1Corinthiens 14,34 (voir aussi 1Corinthiens 11, 7-11). Bien que par ailleurs Paul ne conteste pas la légitimité pour les femmes de parler et prophétiser publiquement (1Corinthiens 11,5), il refuse l’idée selon laquelle la femme pourrait dominer l’homme, et renvoie à l’ordre social du père comme chef de famille, qu’il ne remet pas en question. Paul invite finalement les femmes à faire le choix de la maternité, s’attaquant peut-être ainsi à un certain mépris du corps et de la sexualité.

Il me semble difficile d’absolutiser un passage qui parait si contextuel. Toutefois, il me semble évident qu’il peut interpeller aujourd’hui un certain féminisme méprisant la masculinité et assumant un certain (et très gnostique) mépris du corps et de l’appartenance sexuelle.

Paul en 1 Corinthiens 10-11 demande aux femmes de se voiler dans l’église. Un verset à prendre au sens littéral ou à considérer dans son contexte culturel ? [Emma]

Avec beaucoup de textes il faut choisir où nous allons mettre le curseur :

  • normativité haute : le texte est reçu comme une parole de Dieu et donc ces consignes s’imposent à tout un chacun au-delà des siècles,
  • normativité basse : le texte a été dit par un humain (il ne dit pas nécessairement que Dieu ordonne ceci ou cela, il exprime un point de vue), et surtout comme dans ce cas d’une lettre, il a écrit à des personnes dans un contexte particulier.

C’est ce qui est intéressant avec les épîtres de Paul, c’est qu’il a une approche pragmatique et sur mesure. Il écrit d’abord pour régler des problèmes spécifiques.

Et à Corinthe, le problème ce sont les religions pré-chrétiennes qui donnent notamment à la femme « en cheveux » comme on a dit à certaines époques (par opposition à voilée) le statut de prostituée, ou, là-bas et en ce temps-là, le rôle de prostituée sacrée, ou de voyante pratiquant la divination, ou de prophétesse d’un autre esprit que l’Esprit de Dieu. D’où son conseil.

A vous de choisir, donc, entre normativité haute et basse !

Les chrétiens prient Jésus et le Père. Est-il juste de prier l’Esprit-Saint ? [Simon]

Non seulement cela me paraît juste, mais même hautement recommandable ! Je laisse l’apôtre Paul vous répondre mieux que moi : « De même, l’Esprit Saint aussi nous vient en aide, parce que nous sommes faibles. En effet, nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même prie Dieu en notre faveur avec des supplications qu’aucune parole ne peut exprimer. Et Dieu qui voit dans les cœurs comprend ce que l’Esprit Saint veut demander, car l’Esprit prie en faveur des croyants, comme Dieu le désire. Nous savons que toutes choses contribuent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qu’il a appelés selon son plan. » (Romains 8. 26-28). Jésus-Christ nous a envoyé son Esprit pour venir à notre secours. Ne refusons pas un tel allié dans la prière !

Comment Jésus peut-il endosser tous les péchés de la race humaine sur lui (au moins 7 milliards d’âmes avant sa mort et peut être plus que cela jusqu’à son retour) ? [Mark]

En effet, la question paraît impossible à résoudre, tant que l’on pense que Jésus est un homme et rien de plus. Pire, il me semble que dans ce cas, c’est épouvantable ! Comment imaginer que Dieu ait pu choisir une de ses créatures pour payer pour toutes les autres, alors même que cette créature n’a rien fait ? Seulement voilà, en tant que chrétien, je reconnais qu’en Jésus-Christ, c’est Dieu lui-même qui est venu prendre sur lui le poids de tout ce qui m’empêchait d’être dans une relation pleinement vivante avec lui. Et dès lors, non seulement il peut endosser tous les péchés de la race humaine sur lui, non seulement ceux qui sont morts avant lui mais aussi ceux qui viendront après lui… donc moi aussi ! Il va même plus loin, puisque, comme Jean le Baptiste l’a reconnu, il est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jean 1. 29), donc de toute la création. Dieu seul peut faire cela, et il le fait pour moi quand je place ma confiance en lui et lui seul.

Pourquoi Dieu a-t-il essayé de tuer Moïse (Exode 4:24-26) et pourquoi est-il sauvé par la circoncision de son fils ? [Laura]

Merci pour cette question que je me suis souvent posée sans jamais prendre la peine d’y chercher une réponse précise.

Genèse 17/9-14 explique le sens de la circoncision. C’est le signe de l’appartenance d’un individu au peuple avec lequel Dieu a fait alliance par l’intermédiaire d’Abraham.  Sans circoncision, l’individu est exclu de l’alliance et de ses promesses.
Bien longtemps après ce commandement,donné à Abraham Moïse est né dans le peuple de l’alliance. Puisque rien n’est précisé à ce sujet dans le livre de l’Exode, nous pouvons croire qu’il a été circoncis, comme tous les enfants de son peuple à 8 jours, malgré les persécutions et le danger qui devait peser sur lui (Josué 5/5). L’histoire nous laisse ensuite entendre que Moïse fut tiraillé entre son appartenant au peuple hébreu (Exode 2/11-13) et les cultures diverses de ceux qui l’ont pour ainsi dire « adopté » pour lui sauver la vie : la fille du pharaon (Exode 2/10) puis le madianite Réuel dont il épousa la fille et le mode de vie sans vraiment avoir l’impression d’appartenir pleinement à ce peuple (Exode 2/21-22).
Exode 4 est le moment où Moïse qui vient d’accepter l’appel de Dieu doit se ranger définitivement du coté du peuple de l’alliance. Il me semble qu’il doit donc, en quelques sortes, mourir aux différentes identités entre lesquelles il a navigué pour accepter l’identité que Dieu lui donne. Cela passe certainement par la circoncision de son fils, qui avait dû être négligée, vue la situation flottante de l’identité de Moïse. C’est ainsi que nous pouvons penser que Séphora accomplit à la place de son mari ce qu’il aurait dû faire, en rangeant la famille entière dans l’alliance de Dieu (ce que peux signifier l’expression « époux de sang » ). En acceptant le geste de sa femme, Moïse renonce  aux vieilles identités qui l’ont jusque là protégées, pour entrer dans la mission que Dieu lui donne. Il devra dorrémavant mettre sa confiance en Dieu seul.
Pourquoi tant de violence, me direz-vous ? Peut-être pour nous dire que la vie avec Dieu nécessité, un jour et chaque jour quelque chose de l’ordre du renoncement à nos fausses sécurités, aux histoires et aux actions que nous inventons pour nous en tirer par nous-mêmes. Paul nous dira qu’en Jésus, il nous est donné d’apprendre à mourir à nous-mêmes. L’appel est sérieux, le chemin, est celui de la vie et de la liberté promises.
Romains 6:4 « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. »

Que faire de la prédestination aujourd’hui ? [Aline]

Dans une culture occidentale qui présuppose que les Hommes sont naturellement libres et autonomes, ce n’est effectivement pas une doctrine facile.

L’idée (développée en Romains 9-11) selon laquelle Dieu choisit certaines personnes (Romains 9,14), pour leur donner la foi et qui auront la vie éternelle, tandis que les autres n’ont pas cette chance, est difficilement compatible avec l’esprit moderne.

Je crois qu’il faut appréhender cette doctrine avec deux manières de vivre la réalité :

  • ce qui est de notre ressort
  • ce qui nous dépasse et appartient aux impénétrables voies du Seigneur

Ce qui est de notre ressort est de répondre aux appels de Dieu, lui obéir avec effort (Luc 13,24) et persévérance (Actes 14,22), être exemplaires avec tout le monde (Matthieu 5,13-16) et témoigner de notre foi (Romains 10,14), car le salut est destiné à toute la création (Jean 3,16-18).

Mais, afin de ne pas s’enorgueillir, être surpris ou découragés, il faut garder en tête que Dieu a un plan, des projets et des manières d’opérer qui nous dépassent. Même si le croyant doit s’efforcer de marcher avec Dieu, c’est en fait Dieu lui-même qui opérera (Romains 9,16 ; 1Thessaloniciens 5,23-24). Même si le croyant progresse dans la sanctification, il connaîtra des épreuves (1Pierre 1, 6-7) et des oppositions. Même si le croyant témoigne avec talent, certaines personnes demeureront sourdes à la Parole (Romains 9,18).

Que faire de la prédestination ? Comme l’apôtre Paul, méditer ce mystère et conclure :

« Quelle profondeur ont la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu! Que Ses jugements sont insondables, et Ses voies impénétrables! En effet, qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été Son conseiller? Qui Lui a donné le premier, pour être payé en retour?  C’est de Lui, par Lui et pour Lui que sont toutes choses. A Lui la gloire dans tous les siècles! Amen! » (Romains 11,33-36)

Un chrétien peut-il faire la guerre ? Et si oui- comment peut-on aimer ses ennemis et les tuer ? [Jean-Philippe]

La guerre est un des nombreux symptômes du mal qui a envahi le monde en conséquence de la rupture entre Dieu et l’homme. On peut même la considérer comme une fatalité si l’on tient compte que depuis les origines, hélas, l’humanité n’a jamais connu de paix totale et en tout lieu. Si l’interdit du meurtre (le 6e commandement) et l’appel à aimer son prochain concernent d’abord les relations personnelles, la guerre nous plonge dans une réalité collective. Et face à cette réalité, deux attitudes se rencontrent de la part des chrétiens :

Tout d’abord, le choix du refus de porter les armes, l’objection de conscience, qui peut porter des fruits (voir le film « tu ne tueras point », sorti l’an passé, qui raconte le témoignage courageux d’un jeune chrétien adventiste non-violent pendant la dernière guerre).

L’autre choix est de participer par les armes à la défense de son pays ou des populations menacées par une agression, quand toutes les autres solutions (diplomatiques, politiques) ont été épuisées. Que fallait-il faire face à Hitler ? Que faut-il faire face à la menace terroriste, autre forme de guerre qui nous est imposée ? Les exemples abondent. Encore une fois, nous sommes solidaires de ce monde et de ses réalités, même si nous sommes en route vers une autre patrie. Et même si nous devons préparer la paix et non la guerre, si nous voulons la paix, contrairement à ce que voudrait nous faire croire un vieil adage. C’est à dire, nous interroger sur les causes profondes de tous ces conflits pour mieux participer à leur prévention.

Je vous avoue que je n’arrive pas à dire qu’une de ces deux attitudes serait la seule juste, et l’autre fausse. Tous nos choix éthiques restent marqués par l’ambiguïté, l’imperfection, parce que nous sommes pécheurs. Mais ce qui est certain, c’est que tout chrétien, là où il se trouve, peut être sel de la terre ou lumière du monde, en rendant témoignage à Jésus-Christ. Lui seul est notre paix, lui seul nous apporte la paix définitive.

L’Evangile de la grâce à bon marché est-il une #fakenews ? [Henry]

« Depuis le prophète jusqu’au prêtre,
Tous usent de tromperie. […]
Paix ! paix ! disent-ils ;
Et il n’y a point de paix. » (Jérémie 6,13-14)

Il n’y a pas que les politiques qui sont des trompeurs. Les théologiens le sont aussi souvent. On prétend même méchamment que le saint patron des théologiens est le Serpent de la Genèse. Car il est le premier à avoir enclenché la sacro-sainte « pensée critique » avec son : « Mais… Dieu a-t-il vraiment dit… ? » (Genèse 3,1).

Une fausse prophétie est une fausse information.
Une parabole tordue pour la mettre à notre service est une fausse information, un mensonge.
Une prédication de la grâce qui ne conduit pas à la repentance, à l’humilité, à fuir le péché et à changer de vie est une fausse information, une grâce qui n’est pas donnée par Dieu.

« Si un prophète prophétise la paix, c’est par l’accomplissement de ce qu’il prophétise qu’il sera reconnu comme véritablement envoyé par l’Eternel. » (Jérémie 28,9)

« Parce que vous affligez le coeur du juste par des mensonges,
Quand moi-même je ne l’ai point attristé,
Et parce que vous fortifiez les mains du méchant
Pour l’empêcher de quitter sa mauvaise voie et pour le faire vivre,

Vous n’aurez plus de vaines visions,
Et vous ne prononcerez plus d’oracles ;
Je délivrerai de vos mains mon peuple.
Et vous saurez que je suis l’Éternel. » (Ezéchiel 13,22-23)

Que signifie le terme « onction » que les Eglises charismatiques d’aujourd’hui emploient sans cesse ? [Andry]

L’onction des descendants d’Aaron pour être prêtres pour Israël est définie en Exode 40,14-15 : « Tu feras approcher ses fils, tu les revêtiras des tuniques, et tu les oindras comme tu auras oint leur père, pour qu’ils soient à mon service dans le sacerdoce. Cette onction leur assurera à perpétuité le sacerdoce parmi leurs descendants. »

Etaient oints (aspergés d’une huile ou d’un parfum), les prêtres, les prophètes et les rois. D’où l’idée d’une onction sacerdotale, d’une onction prophétique et d’une onction royale. « Oint » en hébreu a donné le mot Messie en français, et « oint » en grec a donné le mot Christ. Jésus est celui qui est « oint » par excellence, il est le Christ et le Messie, celui qui a reçu sur une seule et même personne la triple onction sacerdotale, prophétique et royale.

Ceux qui sont chrétiens sont donc de « petits oints ». C’est aussi ce que suggère 1 Jean 2,27 : « Pour vous, l’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous, et vous n’avez pas besoin qu’on vous enseigne; mais comme son onction vous enseigne toutes choses, et qu’elle est véritable et qu’elle n’est point un mensonge, demeurez en lui selon les enseignements qu’elle vous a donnés. »

Dans certaines théologies néo-pentecôtistes, l’onction fait référence à l’expérience du baptême du Saint-Esprit, où l’Esprit Saint descend pour oindre ses présents apôtres. Mais un abus de ce qui est depuis Jésus une image (Jésus n’a pas été oint d’huile), fait que les leaders se désignent parfois comme spécialement inspirés, spécifiquement choisis et revêtus d’une autorité sacerdotale, prophétique ou de leadership. Ainsi ils doivent, pour certains, passer l’essentiel de leur temps à essayer de manifester ou signifier qu’ils auraient plus d’onction, plus de puissance, plus d’Esprit-Saint que les autres.

Comme si l’Esprit n’était pas souverain, entre les mains du Père, pour se donner lui-même, et nous conduire dans l’humilité du service.