Les histoires les plus anciennes de la Bible sont-elles inspirées d’autres sources culturelles ou historiques ? [Dorothée]

Effectivement, on trouve dans la littérature du Proche-Orient ancien des textes qu’on a pu comparer aux récits bibliques, notamment ceux de la Genèse:  Le mythe babylonien d’Atrahasis évoque la création de l’homme par les dieux avec de l’argile. On retrouve un récit du déluge apportant des détails très proches de sa version biblique (Genèse ch. 6 et ss) dans la 11e tablette de la version akkadienne de l’épopée du roi sumérien Gilgamesh, autre grand texte. Outa-Napishtim, personnage qui fait penser à Noé, raconte à Gilgamesh comment il a été averti par un des dieux , Ea, du déluge et a construit un navire où il a recueilli les espèces vivantes, etc… .

Toutefois, quand on les compare, on constate des différences de point de vue entre les récits de l’Ancien Testament et leurs parallèles des autres civilisations proche-orientales anciennes. Dans le mythe d’Atrahasis, autre héros comparable à Noé, les dieux créent l’homme pour lui déléguer les travaux pénibles dont ils ne veulent plus ; le déluge, pour sa part, y survient comme le dernier des fléaux que le Dieu Enlil envoie aux hommes parce qu’ils dérangent son sommeil par leur vacarme ! Dans l’épopée de Gilgamesh de même, la destruction de l’humanité semble n’être qu’un caprice des dieux, seul l’un d’eux a le souci de la faire survivre. Les motivations de Dieu ne sont pas les mêmes dans la Bible.

Pour résumer, la Bible partage certaines traditions avec d’autres peuples quant aux origines du monde, mais pour les placer dans une perspective radicalement nouvelle : un Dieu unique qui fait alliance avec l’Homme, vient habiter son histoire dans un long compagnonnage, pour le sauver du mal et de la mort.

(tapez Gilgamesh dans l’onglet de recherche pour une autre analyse de ces parallèles littéraires).

 

 

 

Noé est-il basé sur Gilgamesh ? Jésus et Pierre parlent comme s’il était une personne réelle. [P]

Plusieurs cultures antiques ont dans leur patrimoine des récits de déluge. Certains pensent que la version biblique est plus récente que celle de l’Epopée de Gilgamesh car des spécialistes datent ce texte babylonien du XVIIe siècle av J.-C., ce qui n’est pas prouvé pour la version biblique. Le récit de Noé serait alors, pour certains, inspiré du texte babylonien.

Toutefois, il n’y a aucune preuve à cela. Il s’agit sans doute de versions différentes d’un même évènement, dont l’exacte historicité selon des critères occidentaux du XXIe siècle n’est pas la première préoccupation. Le texte babylonien sert d’apologie du pouvoir babylonien et de leurs dieux, celui de la Bible du pouvoir du Dieu unique. Les Ecritures servent en effet à enseigner, convaincre, corriger et instruire dans la justice (2Tim 3,16-17). Et il n’est pas impossible que le texte biblique soit écrit en polémique avec la version babylonienne, même s’il a des fondements historiques.

Si les points communs entre les deux récits sont évidents, les différences du texte biblique avec l’Epopée de Gilgamesh sont également très importantes :

  • ce n’est pas par inconvenance liée au bruit que Dieu suscite le déluge, mais le cœur peiné du mal accompli par les Hommes (Gn 6,5-7)
  • il n’y a pas conflit de volonté entre des divinités capricieuses et injustes : c’est le Dieu unique et qui veille à la justice qui est aux commandes des évènements
  • le déluge dure quarante jours, temps hautement symbolique
  • Dieu n’accorde pas l’immortalité à Noé, puisque le péché est encore présent dans la création