La question que vous posez est particulièrement délicate, car des situations comme celles que vous décrivez peuvent être de nature à mettre en cause notre foi. Je partagerai donc avec vous simplement ma lecture personnelle du passage biblique que vous citez. Depuis le verset 15 du chapitre 18 de l’évangile de Matthieu, Jésus parle de la réconciliation en cas de conflit. Cela me paraît essentiel à rappeler, car le verset que vous citez est souvent sorti de son contexte, ce qui ne permet pas de l’entendre pour ce qu’il dit. On en parle pour s’encourager quand on n’est pas nombreux lors d’un culte, ou pour affirmer que Dieu exécutera forcément ce que des personnes se mettent juste d’accord pour Lui demander. Cette question du pardon et de la réconciliation est pourtant essentielle dans la vie spirituelle : « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes. » (Matthieu 6. 14-15). Je ne veux bien sûr pas dire que la prière que vous avez adressée n’a pas été exaucée parce que vous auriez des conflits que vous n’avez pas réglé (je n’en sais rien en fait), mais que l’expérience difficile que vous avez traversé ne vient pas remettre en cause cette parole du Christ.
Catégorie : Foi
Une fille célibataire doit-elle se faire percer le nombril ou est-ce trop lascif ou érotique- puisque les hommes le voient ? [Jean]
Pas besoin d’être sexologue pour savoir que bien des parties du corps peuvent être « érotisées » ; que ce soit en les maquillant, en les ornant, en les dénudant ou au contraire en les cachant, avec la volonté de séduire, voire de provoquer. Une fille, célibataire ou pas, n’y est nullement obligée, pour reprendre la façon dont vous formulez votre question !
La Bible ne saurait nous donner des consignes strictes et intangibles en matière vestimentaire, puisque les codes évoluent en fonction des époques et des cultures, voire des lieux (un nombril dénudé attirera moins l’attention sur une plage que dans la rue). Ce qui est à interroger n’est donc pas le geste en lui même mais plutôt l’intention qui le conduit.
A ce sujet, des apôtres appellent les femmes à la prudence et à la retenue, que ce soit en matière de coiffure -Paul en 1 Corinthiens 11- ou plus généralement de parure -Pierre au ch.3 de sa première épître, dans ses recommandations aux épouses, valables a fortiori, me semble-t-il, pour les femmes célibataires. Comme leur maître Jésus, ils savaient bien qu’un homme peut commettre l’adultère par son seul regard, quand celui-ci ne se contente pas d’admirer une beauté mais la convoite (év. de Matthieu 5,28). Cela n’empêche pas le cantique des cantiques de célébrer le désir, les charmes et l’attirance des corps ! Et de nous inspirer une immense reconnaissance au Seigneur pour le don qu’il nous a fait de notre sexualité.
On m’a enseigné que bénir c’est « dire le bien ». Donc maudire c’est dire du mal ? [Ludo]
L’étymologie même de bénir, c’est « dire le bien » : bénédiction vient de bene (bien) et dicere (dire).
Maintenant vue la difficulté de comprendre ce qui est vraiment bien et ce qui est vraiment mal dans pas mal de situations, parfois c’est compliqué de trancher en mode tout-blanc-tout-noir.
Le livre de la Genèse nous raconte en son troisième chapitre que l’humain a voulu manger du fruit de l’arbre qui « permet de connaître ce qui est bien et ce qui est mal ». C’était le nom de cet arbre.
Ce désir de maîtriser le bien et le mal a été stimulé par le serpent, figure diabolique, afin d’éloigner l’humain de Dieu. La Genèse nous exprime donc que la recherche obsessionnelle de ce qui est bien et mal est la condition de l’humain sans Dieu, l’humain qui s’est éloigné de Dieu, qui a voulu être intelligent avec le serpent plutôt que vigilant avec Dieu.
Maudire, c’est donc « dire du mal », mais plus précisément encore, c’est « mal dire ». Cela signifie que l’on dit les choses autrement que comme Dieu (seul capable de dire les choses de façon parfaitement juste). C’est donc plus fin que juste prononcer des paroles mauvaises, ça concerne aussi les paroles imprécises, ambiguës, ambivalentes, approximatives, au sens où elle ne sont pas ajustées avec la parole qui sort de la bouche de Dieu.
Pourquoi fallait-il que Jésus soit à la fois vraiment Dieu et vraiment Homme ? [Gudrun]
Il y avait quatre solutions :
- Qu’il soit vraiment Dieu et pas vraiment Homme
Alors il aurait singé l’humanité, n’aurait pas traversé la souffrance, ni la mort (comme dans l’arianisme ou l’islam). Il serait beaucoup plus difficile pour nous de nous identifier à lui et le caractère sacrificiel de sa venue serait parodique et donc une vaste farce. - Qu’il soit vraiment Homme et pas vraiment Dieu
Ce serait un super prophète, il serait « l’inspiré » par excellence. Mais sa vie éternelle ne lui permettrait ni d’être présent au commencement du monde, ni d’être efficient après l’Ascension. Il serait un ènième fondateur de religion… - Qu’il soit un humain « demi-dieu » comme dans les mythologies
Sans reprendre les faiblesses des deux précédentes propositions, pour nous, la religion consisterait à passer notre temps à nous demander quand il est en « mode Dieu » ou en « mode Homme », et les batailles théologiques seraient interminables. - Il a été vrai-Dieu et vrai-Homme pour finir
Ce qui a permis de régler les problèmes des trois premières « solutions théologiques » évoquées ici.
Et donc nous pouvons être structurellement à l’image de Dieu, et en plus, comme Christ, à sa ressemblance ; ou encore pleinement terrestres avec notre corps et notre âme, et tout à fait célestes avec notre esprit.
Pourquoi certains chrétiens ne regardent que les questions morales dans leur choix pré-électoral ? [Caro]
Effectivement, une partie des électeurs chrétiens accordent beaucoup d’importance à des critères comportementaux, moraux ou éthiques pour choisir pour qui ils voteront. Et les candidats le savent bien : se positionner contre l’avortement, contre le mariage gay, contre la polygamie de certains, a un fort potentiel de séduction à l’égard de certains chrétiens, qui font de ces sujets des enjeux premiers.
C’est assez étonnant quand le ministère de Jésus proposait une toute autre posture, aider une femme (en Jean 8) à sortir de sa logique d’adultère plutôt que de la condamner, contribuer à réintégrer des exclus (en Luc 17) plutôt que de les stigmatiser, choisir le pardon plutôt que la condamnation (Jean 3,16-17).
Ce sont sur d’autres sujets éthiques que Jésus s’est fortement positionné. A la suite du Premier Testament, il plaçait la question de l’équité et de la justice au tout premier plan, à la fois côté politique, mais aussi en matière de justice économique. Sa préoccupation pour la liberté, la justice des jugements rendus, ou le soin aux plus petits était bien plus forte que ses préoccupations strictement morales.
Bref pour Jésus, la justice, le droit des plus faibles et l’équité économique étaient des sujets plus essentiels pour faire des choix que les questions comportementales ou de morale personnelle.
Comment les chrétiens doivent-ils commémorer la cène instituée par Jésus lors de son dernier repas ? [Clara]
Pour ce qui me concerne, Clara, la Sainte Cène est un moment extrêmement important du culte que la communauté chrétienne rend à Dieu. Cela doit donc se vivre comme un temps de prière et de communion profondes, avec Jésus et entre les participants. Je pense qu’il est légitime de soigner les éléments que l’on utilise. La piquette et le pain rassis, non merci ! C’est un vrai moment où nous recevons la présence du Christ parmi nous. Ce n’est clairement, pour moi, pas seulement un moment commémoratif. C’est pourquoi il me semble aussi absolument nécessaire de s’ouvrir, par la prière à l’action du Saint-Esprit. Lui seul nous permet de discerner dans le pain et le vin les signes du corps et du sang de Jésus, de sa présence parmi nous et de la communion que cela instaure entre lui et nous. Sans enfermer tout cela dans un déroulement rigide et intouchable, je crois quand même qu’un peu de solennité nous aide à mieux nous rendre compte de ce que nous vivons alors.
Peut-on lire des histoires de sorcières et de monstres à nos enfants ? [Anne]
Tout dépend de l’effet que ces histoires produisent sur eux. Il est toujours utile de rappeler à nos enfants que les personnages des contes de fées et autres histoires n’existent pas et que l’on peut avoir beaucoup plus confiance en l’amour de Jésus et en sa présence véritable en nous, par le Saint Esprit. Parfois, de telles histoires peuvent venir cristalliser des peurs ou des angoisses profondes. Il est toujours utile alors de dire à nos enfants que ces peurs qu’ils éprouvent, ils peuvent les remettre à Dieu en le priant, car l’amour chasse la peur.
Qu’est-ce qui fait le socle commun de toutes les Eglises de l’EPUdF au niveau de la confession de foi ? [Jules]
Bonjour Jules, votre question revient à se demander s’il est possible de confesser ensemble notre foi, c’est à dire d’exprimer des convictions communes au sujet de l’Evangile et du Dieu de Jésus-Christ, dans le cadre d’une union d’Eglises qui revendique par ailleurs une pluralité de théologies et de sensibilités. Historiquement, l’Eglise réformée de France en 1938 a réuni des Eglises locales de tendance orthodoxe (ou évangélique) et des Eglises de tendance libérale. La même question fut posée à l’époque. Finalement, les libéraux qui se méfiaient de toute formulation doctrinale acceptèrent l’idée d’une déclaration de foi commune, à laquelle tout pasteur devait adhérer, mais on leur concéda qu’il ne fallait pas s’attacher à la lettre des formules ! On se garda aussi de toute mention directe du dogme de la Trinité que les libéraux refusaient.
A l’occasion de l’union entre Réformés et Luthériens qui a abouti à l’EPUdF, une nouvelle déclaration de foi commune a été mise en chantier, et a abouti en 2017 après bien des débats et des remaniements. Comme toute formulation humaine, elle n’est pas parfaite, elle est donc perfectible et contient -je n’engage que moi en l’écrivant- des lacunes, ou des ambiguités (tous accordent-ils la même signification au mot « ressuscité », par exemple ?), mais notre mouvement des Attestants, à travers ses membres, s’est associé à la réflexion des synodes. Je ne peux que vous encourager à lire cette déclaration de foi pour découvrir ce que notre Eglise pense pouvoir dire d’une même voix au monde d’aujourd’hui. Puisque toute confession de foi, par définition, est un témoignage.
Que pensez-vous des évangéliques qui sur la voie publique appellent à la conversion nos contemporains ? Méthode pertinente ? [Augustin]
Nous avons des exemples d’appels à croire au Dieu de Jésus-Christ formulés en public : les prophètes de l’Ancien Testament, Jésus lui-même prêchant aux foules la venue du Royaume, Paul s’adressant aux philosophes grecs à Athènes (en Actes 17). Ce dernier exemple est intéressant parce qu’il montre l’effort de l’apôtre pour rejoindre la culture et les centres d’intérêt de ceux à qui il s’adresse. Si on compare ce discours avec ceux de Paul destinés aux juifs des synagogues, la différence saute aux yeux.
Notre société est déchristianisée, les mots de « conversion », de « salut », de « péché » ne disent plus rien, ou, pire, sont compris de travers. En outre, elle est spirituellement et culturellement éclatée, extraordinairement mélangée. Nos contemporains ont des attentes très diverses, qui ne permettent plus de leur adresser un discours univoque. Ce qui parlera à l’un sera totalement incompris par l’autre, voire le prendra à « rebrousse-poil », tant, notamment en France, toute expression religieuse peut faire peur dès qu’elle est publique. Par ailleurs, il est vain de vouloir apporter des réponses à des questions que les gens ne se sont pas encore posées. On raconte qu’un chrétien avait tagué sur un mur « Jésus est la réponse ». Un petit malin avait ajouté : « quelle est la question ? ».
Même si quelqu’un peut être touché profondément par une proclamation dans la rue, ou un verset biblique affiché sur un stand au marché (le Saint-Esprit est libre d’agir dans les coeurs comme il veut !), je crois beaucoup plus pertinent, dans notre contexte, d’avoir un témoignage personnel, qui s’inscrit dans une démarche de rencontre de l’autre, d’écoute attentive de ses questions, et de ses besoins, qui peuvent être très divers ! (sur ce dernier point, l’armée du Salut a compris depuis longtemps qu’un ventre vide ne peut entendre l’Evangile). Les parcours alpha offrent un bon exemple d’évangélisation adaptée à nos contemporains. Ils mobilisent la communauté tout comme chacun de ses membres, appelés à y inviter un ou plusieurs amis à venir librement et en toute confiance découvrir la bonne nouvelle dans un cadre convivial.
Pourriez-vous m’expliquer un peu ce que signifie « strong theology » vs « weak theology » ? [Hana]
Effectivement, ces expressions sont apparues ces dernières années chez les défenseurs d’une « théologie faible », c’est à dire d’un discours qui renonce à une « théologie forte », laquelle conçoit Dieu comme tout-puissant. Dieu ne peut pas tout, puisqu’il ne peut pas empêcher le mal, la souffrance, la mort. Il faudrait même, selon un théologien américain récemment traduit en français, John Caputo, renoncer à parler de Dieu comme d’un être personnel, ce qui relèverait selon lui de la mythologie. Dieu ne serait que la force faible mais insistante d’une parole qui nous invite à changer, à pardonner, bref, Dieu n’existera que dans notre réponse à l’appel à oser, à risquer, à aimer, etc.
Bien que cette « théologie faible » se réclame de la croix de Jésus-Christ (conçue comme le lieu même de la faiblesse absolue, ce qui est fort contestable), elle ne me paraît pas conforme à ce que nous dit la Bible : sa plus grande erreur est d’être centrée sur l’homme ; tout dépend désormais de sa réponse, de sa capacité à aimer, partager, etc. Il n’y a rien à attendre du ciel.
Cette théologie semble aussi succomber à la tentation de vouloir en quelque sorte excuser Dieu du mal. Si Dieu n’est pas tout-puissant, ce n’est pas sa faute ! Or Dieu n’a pas besoin de défenseurs mais de témoins de son Salut, de son amour, et de l’espérance qu’il nous offre d’une création nouvelle, inagurée par la résurrection de Jésus-Christ. L’espérance est, au fond, absente de cette théologie décidément… bien faible. Recevons plutôt la promesse du Seigneur : « je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21,5).