A quoi ça sert d’intercéder ? Dieu n’est pas déjà au courant ? [Joe]

Il y a plus de cinquante ans, Jacques Ellul, célèbre penseur chrétien, publiait L’impossible prière, un ouvrage remarquable hélas épuisé qui énumérait notamment toutes les raisons que nous avons de ne pas prier ! Parmi elles, la question de son utilité. Si nous faisons de la prière un moyen, quelque chose qui peut « servir à » (informer Dieu, obtenir quelque chose de lui, etc), nous passons à côté de son sens et de son but. Car effectivement, comme le dit Jésus en Matthieu ch.6 v.32, notre Père céleste sait de quoi nous avons besoin (nous, comme ceux pour qui nous prions).

Mais nous aurions tort de penser que seul ce qui est utile, seul ce qui « sert à » quelque chose, a de la valeur. Dire « je t’aime » à son enfant ou à son conjoint, ça ne sert à rien, parce qu’il ou elle le sait déjà, mais pourtant c’est essentiel.

Dans le cas de la prière dite d’intercession, inter-céder nous déplace, nous « inter-cale » entre Dieu et le monde. Si je prie pour un malade, par exemple, je confie à Dieu mon inquiétude pour ce malade, et ainsi replacé devant lui, je deviens l’instrument de sa volonté auprès de ce malade. Comment prier pour lui en effet sans le visiter, l’accompagner dans son épreuve, contribuer à soulager sa souffrance ?

On peut se dire alors : « pas besoin de prier pour un malade, Dieu connaît son cas, et moi je sais ce que j’ai à faire ». Mais prier c’est aussi reconnaître notre dénuement, notre impuissance à sortir par nos propres forces de telle ou telle situation, de telle ou telle oppression. Aux disciples qui n’avaient pas pu libérer un enfant possédé d’un esprit qui le tourmentait, Jésus déclare : « cette sorte de démon ne peut sortir que par le jeûne et la prière » (Matthieu 17,21, voir Marc 9,29). Ils souhaitaient maitriser la bonne technique thérapeutique, mais Jésus leur recommande de s’abandonner à la confiance en Dieu : le jeûne, la prière sont des façons d’assumer notre faiblesse, de chercher la volonté de Dieu, mais aussi de nous emparer de la liberté qu’il nous donne, du privilège qui est le nôtre : lui parler comme des enfants à leur Père.

Car la seule raison ultime de prier… C’est que le Seigneur nous commande de le faire. « Demandez, et vous recevrez… Frappez, et l’on vous ouvrira », promet Jésus. Dieu a voulu faire de nous ses partenaires, ses vis à vis dans l’alliance qu’il conclut avec l’humanité et dans la préparation de son Règne. C’est ainsi que l’on voit Moïse supplier le Seigneur, lui demander de revenir sur sa décision d’anéantir son peuple rebelle (Exode 32,11-14). Et Dieu choisit d’écouter, de renoncer au mal qu’il voulait faire à son peuple !! La prière comme combat avec Dieu, il est vrai que c’est un acte risqué. Jacob en est ressorti béni, mais boiteux. En tout cas changé pour toujours, dans son corps comme dans son esprit (Genèse ch.32, v.25-33).

Pourquoi célébrer Noël tous les ans alors que ni Marc ni Jean n’évoquent cet événement comme si important que ça ? [Joël]

Pour commencer, précisons que la fête (ἑορτή en grec) de Noël n’est pas attestée dans le Nouveau Testament. Ce qui est raconté dans l’Evangile de Jésus-Christ selon Matthieu et celui selon Luc, c’est la naissance de Jésus.

Puisqu’une fête de Noël n’est pas mentionnée (dans les Actes des apôtres ou dans les lettres de Paul) il n’est bibliquement pas commandé de nous remémorer rituellement la naissance de Jésus en procédant de telle ou telle manière.

Cela étant, le peuple Juif et les chrétiens à sa suite, sont bibliquement encouragés à se remémorer la manière dont Dieu a agit dans le passé. Ainsi nous pouvons exprimer notre reconnaissance à Dieu, tenir ferme dans les tempêtes présentes de nos vies et enseigner les générations futures. Les fêtes entrent parfaitement dans ce cadre, qu’elles soient ordonnées par Dieu ou non.

Qu’est ce qui est exprimé à Noël ? Qu’est ce que cela signifie dans le cadre du plan de salut de Dieu, de la Révélation ? En quoi était-ce important pour les évangélistes Matthieu et Luc ? En quoi était-ce important pour nos ancêtres dans la foi pour en faire une fête liturgique ? En quoi cela peut être important pour mes contemporains ? Et pour moi-même ?

Lorsque j’ai répondu sincèrement à ces questions, je peux décider en tout conscience si je veux ou non fêter Noël.
Pour ma part, je suis impressionné par l’abandon par le Fils de sa pleine gloire pour vivre de façon similaire à nous : cela me permet de me sentir compris par mon maître et d’oser lui confier tout ce qui me pèse.

Pourquoi ont reçoit des cadeaux à Noël, alors que de base c’est la naissance de Jésus ? [Nahum]

Mais c’est vrai ça, pourquoi est-ce que c’est nous qui recevons un cadeau alors que finalement c’est l’anniversaire de Jésus ? Merci Nahum de me donner la possibilité de réfléchir à ça.
J’ai le sentiment que c’est parce que cette fête met au centre l’importance du cadeau justement ! Comme si on voulait que les gens aient tous un cadeau, pour justement se demander pourquoi les cadeaux sont importants. Une fois réfléchi à ça, on peut se demander quel serait le plus beau cadeau.

Le plus beau cadeau c’est l’Amour, être en Paix, dans un monde devenu Juste, pouvoir être Bienheureux, etc…
Et ça, justement, il n’y a que Jésus qui puisse nous l’apporter vraiment.

Donc, je pense que si on se donne des cadeaux à Noël c’est pour réfléchir qu’il n’y a pas de plus beau cadeau que de recevoir un Sauveur. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tous ceux qui croient en lui ne meurent plus mais qu’ils puissent être vivants, et pour toujours ! » (Jean 3,16)

Énorme, le cadeau, non ?

Pourquoi fêter plus Noël (fête de la naissance-incarnation de Jésus) que le baptême de Jésus (où il naît à son ministère- à sa destinée ? [Pierre]

Au cours de l’année nous saisissons toutes sortes d’occasions pour nous réjouir, seul, en groupe, en communauté. Chrétiens, nous souhaitons également saisir ces occasions pour exprimer à Dieu notre reconnaissance, considérant qu’il a mis en place ces événements afin de signifier sa présence et son amour pour nous.

Aux premiers siècles de notre ère, l’Eglise s’est structurée et a mis en place des fêtes pour que le peuple chrétien se réjouisse ensemble du plan de Salut de Dieu qui a été pleinement accompli dans la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ, Fils unique de Dieu.

La plus ancienne de ces fêtes est Pâques puisque c’est le moment décisif du Salut : TOUT se joue à Pâques, du vendredi saint au dimanche de la résurrection. C’est ici la fête la plus importante pour les chrétiens.

Les autres fêtes sont apparus plus tardivement. Certaines avaient un objectif de remplacer des fêtes paiennes auquel le peuple chrétien se trouvait confronté (et dont il avait du mal à se défaire). Noël est ainsi la plus célèbre. D’autres avaient pour objectif de rythmer l’année. C’est ainsi que chaque année des chrétiens célèbrent l’Epiphanie, l’Ascension, la Pentecôte… mais aussi le baptême du Christ (le dimanche qui suit l’Epiphanie chez les catholiques romains et les luthériens). Toutes ces fêtes, en tout cas, cherchent à aider le peuple de Dieu à reconnaitre les actions du créateur dans le passé et à ainsi croire qu’il va continuer de prendre soin pour le présent et l’avenir.

En dehors de Pâques, est ce qu’il y a des fêtes plus importantes que d’autres ? Je pense qu’elles sont toutes précieuses pour découvrir l’amour de Dieu.
Est-ce que leur sens doit être redécouvert ? Certainement pour qu’elles ne deviennent pas une loi à laquelle on est soumis et par laquelle on juge les bons croyants des mauvais.
A mon avis, si une fête chrétienne (en dehors de Pâques) a peu de sens pour une communauté chrétienne malgré les enseignements de ses responsables il est préférable de la mettre de côté (qu’elle ne devienne pas une occasion de chute) et peut être qu’un jour plusieurs membres voudront la redécouvrir et l’utiliser pour se rappeler l’Amour de Dieu et annoncer à leurs contemporains la Bonne Nouvelle de Jésus.

Bien que créé à l’image de Dieu, l’humain a voulu encore plus… et il a chuté. N’en reviendra-t-il pas s’il identifie et élimine la cause de son erreur ? [Abel]

La réponse est bien sûr : oui !

Mais l’enjeu derrière cette réponse, c’est : comment ?
S’il suffisait d’identifier pour éliminer, ce serait simple.
Si l’on pouvait identifier puis agir pour éliminer, ce serait pratique.

L’Écriture biblique nous dit que seule l’œuvre de Christ a pu opérer cette justification, ce retour à une situation juste. « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Ephésiens 2,8-10). Autrement dit, vouloir réparer par nous mêmes, c’est encore vouloir ce mettre à la place de Dieu, faire des choses que Dieu seul peut faire…

Que signifie l’expression « être sous la loi » ? [Arnaud]

Avant d’être interpellé par le Christ, par pure grâce, sur le chemin de Damas (et de le choisir ensuite, par son baptême, comme Seigneur et Maître) l’apôtre Paul suivait scrupuleusement la loi de Moïse et toutes les coutumes et traditions juives.
L’appel de Dieu et sa clémence envers Paul ont été si immérités par l’apôtre qu’il a pris conscience qu’il était auparavant plus soumis (mis sous) à la Loi de Dieu qu’à Dieu lui-même. Il a saisi le réel intérêt de la Loi et que celle-ci, comme toute création, ne doit pas prendre la place du créateur.

A plusieurs reprises il va donc utiliser cette expression « être sous la loi » (par exemple Romains 3 et 6, 1 Corinthiens 9, Galates 4 et 5…) pour parler de ceux qui continuent d’être soumis à La loi et la manière dont elle rend compte de la justice de Dieu selon le principe du mérite.

La foi chrétienne commence par la reconnaissance que l’amour de Dieu en Christ est un cadeau et que nous n’avons rien accompli pour y avoir droit (bien au contraire !). Par cette conviction, nous ne sommes donc plus soumis au principe du mérite sous jacent à la Loi.

Mener « une guerre culturelle » fait-il partie du « Grand Mandat » que Jésus-Christ a confié à ses disciples ? [Nic]

Nic, par « Grand Mandat » vous entendez, j’imagine, ce qui est dit à la fin de l’évangile de Matthieu (28,16-20). Dans ces quelques versets il s’agit de faire des non-juifs des disciples du Christ ressuscité. Le verbe faire_des_disciples est un seul mot formé à partir du… mot disciple justement. Le « Grand Mandat » consiste donc à montrer aux non-chrétiens, qui est le Christ et comment ils peuvent le suivre, recevoir son enseignement et devenir à leur tour des disciples. Il faut noter qu’au verset 17 quand les disciples voient le Christ ils se prosternent devant lui : le disciple est celui qui se soumet au Christ, à son autorité.
Je ne vois là aucune « guerre culturelle » à mener. Et j’ajoute que même avec des « guillemets » le Christ n’a jamais envoyé ses disciples pour mener « une guerre ». Il les a même envoyés comme des agneaux au milieu des loups (Mt 10,16) : si des agneaux font la guerre aux loups, ils terminent en côtelettes, gigots… Et enfin dans les autres envois en mission des 4 évangiles, je ne vois pas non-plus d’engagement du Christ à mener une telle « guerre ».
Mais toujours est-il que ce « grand mandat » reste et ouvre à un engagement fort du chrétien dans le monde pour y témoigner du Christ.

Quand j’entends Israël dans l’actualité, j’ai souvent l’impression que ce n’est pas la même chose qu’Israël dans la Bible. Qu’en penser finalement ? [Ben]

Effectivement, Israël dans l’actualité c’est l’état d’Israël, créé au milieu du XXème siècle après la deuxième guerre mondiale et la Shoah. Cet état a été créé pour (re)donner une terre au peuple que l’Occident n’a pas su protéger de la folie hitlérienne. L’état d’Israël a été fondé essentiellement sur la base du sionisme politique et de ses leaders qui souhaitaient un état laïc, pour différencier cet état du « peuple d’Israël » qui est plutôt l’appellation du Premier et du Nouveau Testaments.

Ainsi, appliquer les vérités bibliques terme à terme qui parlent d’Israël sur l’état actuel d’Israël est faux. Car Israël est d’abord le nom donné par Dieu à Jacob après qu’il se soit battu avec Dieu (ce qui est le sens de ce nom en hébreu). Les « fils (et filles) de Jacob » sont donc d’abord une filiation non seulement du sang mais aussi et surtout spirituelle, liée à la fidélité au Dieu biblique.

Des protestants disent que la lecture individuelle de la Bible prime. N’est-ce pas plutôt la lecture collective ? [Christophe]

Christophe, votre question met le doigt sur un risque de dérive de la spiritualité protestante. A force de rappeler que l’on appartient à l’Eglise parce que l’on a une relation personnelle (la foi), avec le Seigneur, et non le contraire… A force d’insister sur la primauté de cette relation individuelle avec le Christ, qui peut certes se vivre dans la méditation personnelle de la Bible, on peut oublier que nous sommes chacun, chacune membre d’un même corps, dont le Christ est la tête, et qui s’appelle l’Eglise. On peut oublier que si nous croyons en Jésus-Christ, c’est parce que d’autres nous ont parlé de lui. Qu’il s’agisse de notre entourage (parents, amis..), ou de ceux qui nous ont précédés dans la foi. Ne dit-on pas, par exemple, que nous sommes vis à vis des Pères de l’Eglise comme des nains montés sur des épaules de géants ?

La Parole de Dieu n’est pas donnée à des individus isolés seulement, mais d’abord à une communauté qu’elle rassemble. Dans le livre des Actes, au chapitre 8, un éthiopien lisait seul le livre d’Esaïe et Philippe est monté dans son char pour l’aider à comprendre ce qui y était annoncé au sujet de Jésus-Christ. Notons également que l’éclairage des Ecritures, que seul permet ultimement le Saint-Esprit, n’est pas toujours à sens unique. Ainsi, ne pensons pas qu’une assemblée ne peut comprendre un texte que si le pasteur ou autre théologien de service en donne l’interprétation. En tant que pasteur, il m’arrive plus que souvent, lors d’une réunion autour d’un texte de la Bible que j’ai pourtant bien étudié, d’y découvrir une richesse de sens jusqu’alors inconnue de moi, grâce aux remarques, voire aux questions des autres participants.

Pourquoi Jésus dit-il de prendre sa croix- avant même qu’il ne soit crucifié ? [Gilles]

Effectivement, Jésus invite chacun de ses disciples à se « charger de sa croix » pour le suivre (voir par exemple Marc 8,34-35). Se charger de sa croix est une image pour évoquer la condition de celui ou celle qui croit en lui. Elle signifie se mettre à son écoute, renoncer à nous centrer sur nous-mêmes, laisser mourir notre vie ancienne pour renaître à une vie nouvelle. Bref « perdre » notre vie… pour la sauver ! Une des histoires de la Jungle du Docteur White l’illustre bien : c’est un jeune singe qui essaie d’extirper des cacahuètes du fond d’une bouteille au goulot étroit, piège installé par un braconnier. Il ne veut pas écouter le conseils du vieux singe qui l’accompagne : lâcher les arachides pour pouvoir extraire sa main de la bouteille…. il y laissera sa vie.

Cela n’implique nullement que Jésus invite ses disciples à le devancer sur ce chemin-là. Jésus a accepté que la croix soit l’aboutissement de toute son oeuvre, de tout son ministère, bien avant que ses disciples ne l’aient même compris. Par amour pour nous, il s’est totalement décentré de lui-même, dépouillé de tout en se faisant obéissant jusqu’à la mort sur la croix (Philippiens 2,8).