En fait les protestants vous avez aussi une tradition- est-ce que vous l’assumez ? [Marie-Anne]

Chère Marie-Anne.
Vous avez raison de dire que nous avons aussi une tradition. Certaines traditions concernent les habitudes de vie et divergent selon les familles d’églises et les églises locales. Ainsi, dans certaines églises, on ne chante que des chants récents, dans d’autres, que des chants anciens. Dans certaines Eglises ont s’assoit sur des bancs, d’autres sur des chaises etc. Ces traditions ressemblent à des habitudes qu’il est souvent difficile de changer tant elles sont ancrées. Ce sont des questions secondaires, en ce qu’elles concernent la forme, la manière extérieure de vivre notre foi. Il est bon d’avoir conscience qu’il s’agit là de traditions afin de pouvoir les mettre à leurs justes places quand vient le temps de faire évoluer la forme de ce que nous vivons, ou quand il s’agit de reconnaître comme frères et soeurs des personnes qui ont des habitudes différentes des nôtres.


Mais je suppose que vous désignez ici la tradition qui concerne le fond plus que la forme : Les grandes affirmations de la foi, la manière de célébrer les sacrements et de vivre l’Eglise. Ainsi, la plupart des Eglises reconnaissent des confessions de foi qui mettent cela en forme et constituent leurs traditions confessionnelles. Les pasteurs doivent adhérer à ces confessions de foi qui sont présentées comme un fondement pour la vie des Eglises. Pour les luthériens, il s’agit de la Confession d’Augsbourg. Pour les réformées, de la confession de La Rochelle.

Cette tradition, parfaitement assumée, n’a néanmoins pas le rôle qu’a la tradition de l’Eglise catholique. Cette dernière a en effet une autorité équivalente à celle des écritures quant il s’agit de normer la foi et la vie de l’Eglise. L’autorité de la tradition protestante est en revanche soumise à celle de la Bible. Cela signifie que les confessions de foi sont bâties à partir de ce que confesse la Bible qui est le critère ultime de leur validité. En théologie, on dit que la Bible est la norme « normante » alors que que les confessions de foi sont des normes « normées » (par la Bible). Il s’ensuit que les traditions et les églises qui s’en réclament peuvent être réformées, c’est à dire transformées dans le sens d’une plus grand fidélité aux Saintes Ecritures.

N’est-ce pas de la pensée magique que d’ouvrir la Bible et penser que Dieu me parle immédiatement ? [Odile]

La magie laisse entendre à l’humain qu’il peut contrôler l’univers ou quelques uns de ses éléments afin d’obtenir ce qu’il désire de manière surnaturelle. Dans la Bible, la magie est considérée comme une manifestation du péché, qui en Genèse 3, nait du désir d’être « comme des dieux ». Ainsi, les pratiques occultes visent à contrôler le monde qui nous entoure, afin de nous laisser entendre que nous sommes des petits dieux.


Or, il y a un vrai Dieu qui a créé le ciel et la terre par sa Parole. Cette Parole est venue dans le monde en Jésus-Christ pour le restaurer, le réparer. Elle nous est offerte à travers la lecture de la Bible et les sacrements. Ainsi, aujourd’hui, par l’Esprit, nous pouvons entendre Dieu. C’est une chose magnifique car sa Parole n’est pas un discours vain ou poétique mais une parole qui transforme, qui agit comme aux premiers jours du monde.

Ainsi, si j’ouvre ma Bible après avoir prié, en m’attendant à entendre Dieu et ce que je lis me touche, me transforme, me vivifie, je ne suis pas face à de la magie, mais à un cadeau du Dieu vivant. Si en revanche, j’ouvre ma Bible avec le désir de conforter ce que je crois déjà ou en voulant forcer Dieu à me dire quelque chose, il se peut que je ne sois pas à l’écoute du vrai Dieu et que j’entretienne, en effet, une forme de pensée magique.

A quoi ça sert d’intercéder ? Dieu n’est pas déjà au courant ? [Joe]

Il y a plus de cinquante ans, Jacques Ellul, célèbre penseur chrétien, publiait L’impossible prière, un ouvrage remarquable hélas épuisé qui énumérait notamment toutes les raisons que nous avons de ne pas prier ! Parmi elles, la question de son utilité. Si nous faisons de la prière un moyen, quelque chose qui peut « servir à » (informer Dieu, obtenir quelque chose de lui, etc), nous passons à côté de son sens et de son but. Car effectivement, comme le dit Jésus en Matthieu ch.6 v.32, notre Père céleste sait de quoi nous avons besoin (nous, comme ceux pour qui nous prions).

Mais nous aurions tort de penser que seul ce qui est utile, seul ce qui « sert à » quelque chose, a de la valeur. Dire « je t’aime » à son enfant ou à son conjoint, ça ne sert à rien, parce qu’il ou elle le sait déjà, mais pourtant c’est essentiel.

Dans le cas de la prière dite d’intercession, inter-céder nous déplace, nous « inter-cale » entre Dieu et le monde. Si je prie pour un malade, par exemple, je confie à Dieu mon inquiétude pour ce malade, et ainsi replacé devant lui, je deviens l’instrument de sa volonté auprès de ce malade. Comment prier pour lui en effet sans le visiter, l’accompagner dans son épreuve, contribuer à soulager sa souffrance ?

On peut se dire alors : « pas besoin de prier pour un malade, Dieu connaît son cas, et moi je sais ce que j’ai à faire ». Mais prier c’est aussi reconnaître notre dénuement, notre impuissance à sortir par nos propres forces de telle ou telle situation, de telle ou telle oppression. Aux disciples qui n’avaient pas pu libérer un enfant possédé d’un esprit qui le tourmentait, Jésus déclare : « cette sorte de démon ne peut sortir que par le jeûne et la prière » (Matthieu 17,21, voir Marc 9,29). Ils souhaitaient maitriser la bonne technique thérapeutique, mais Jésus leur recommande de s’abandonner à la confiance en Dieu : le jeûne, la prière sont des façons d’assumer notre faiblesse, de chercher la volonté de Dieu, mais aussi de nous emparer de la liberté qu’il nous donne, du privilège qui est le nôtre : lui parler comme des enfants à leur Père.

Car la seule raison ultime de prier… C’est que le Seigneur nous commande de le faire. « Demandez, et vous recevrez… Frappez, et l’on vous ouvrira », promet Jésus. Dieu a voulu faire de nous ses partenaires, ses vis à vis dans l’alliance qu’il conclut avec l’humanité et dans la préparation de son Règne. C’est ainsi que l’on voit Moïse supplier le Seigneur, lui demander de revenir sur sa décision d’anéantir son peuple rebelle (Exode 32,11-14). Et Dieu choisit d’écouter, de renoncer au mal qu’il voulait faire à son peuple !! La prière comme combat avec Dieu, il est vrai que c’est un acte risqué. Jacob en est ressorti béni, mais boiteux. En tout cas changé pour toujours, dans son corps comme dans son esprit (Genèse ch.32, v.25-33).

Pourquoi célébrer Noël tous les ans alors que ni Marc ni Jean n’évoquent cet événement comme si important que ça ? [Joël]

Pour commencer, précisons que la fête (ἑορτή en grec) de Noël n’est pas attestée dans le Nouveau Testament. Ce qui est raconté dans l’Evangile de Jésus-Christ selon Matthieu et celui selon Luc, c’est la naissance de Jésus.

Puisqu’une fête de Noël n’est pas mentionnée (dans les Actes des apôtres ou dans les lettres de Paul) il n’est bibliquement pas commandé de nous remémorer rituellement la naissance de Jésus en procédant de telle ou telle manière.

Cela étant, le peuple Juif et les chrétiens à sa suite, sont bibliquement encouragés à se remémorer la manière dont Dieu a agit dans le passé. Ainsi nous pouvons exprimer notre reconnaissance à Dieu, tenir ferme dans les tempêtes présentes de nos vies et enseigner les générations futures. Les fêtes entrent parfaitement dans ce cadre, qu’elles soient ordonnées par Dieu ou non.

Qu’est ce qui est exprimé à Noël ? Qu’est ce que cela signifie dans le cadre du plan de salut de Dieu, de la Révélation ? En quoi était-ce important pour les évangélistes Matthieu et Luc ? En quoi était-ce important pour nos ancêtres dans la foi pour en faire une fête liturgique ? En quoi cela peut être important pour mes contemporains ? Et pour moi-même ?

Lorsque j’ai répondu sincèrement à ces questions, je peux décider en tout conscience si je veux ou non fêter Noël.
Pour ma part, je suis impressionné par l’abandon par le Fils de sa pleine gloire pour vivre de façon similaire à nous : cela me permet de me sentir compris par mon maître et d’oser lui confier tout ce qui me pèse.

Pourquoi ont reçoit des cadeaux à Noël, alors que de base c’est la naissance de Jésus ? [Nahum]

Mais c’est vrai ça, pourquoi est-ce que c’est nous qui recevons un cadeau alors que finalement c’est l’anniversaire de Jésus ? Merci Nahum de me donner la possibilité de réfléchir à ça.
J’ai le sentiment que c’est parce que cette fête met au centre l’importance du cadeau justement ! Comme si on voulait que les gens aient tous un cadeau, pour justement se demander pourquoi les cadeaux sont importants. Une fois réfléchi à ça, on peut se demander quel serait le plus beau cadeau.

Le plus beau cadeau c’est l’Amour, être en Paix, dans un monde devenu Juste, pouvoir être Bienheureux, etc…
Et ça, justement, il n’y a que Jésus qui puisse nous l’apporter vraiment.

Donc, je pense que si on se donne des cadeaux à Noël c’est pour réfléchir qu’il n’y a pas de plus beau cadeau que de recevoir un Sauveur. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tous ceux qui croient en lui ne meurent plus mais qu’ils puissent être vivants, et pour toujours ! » (Jean 3,16)

Énorme, le cadeau, non ?

Pourquoi fêter plus Noël (fête de la naissance-incarnation de Jésus) que le baptême de Jésus (où il naît à son ministère- à sa destinée ? [Pierre]

Au cours de l’année nous saisissons toutes sortes d’occasions pour nous réjouir, seul, en groupe, en communauté. Chrétiens, nous souhaitons également saisir ces occasions pour exprimer à Dieu notre reconnaissance, considérant qu’il a mis en place ces événements afin de signifier sa présence et son amour pour nous.

Aux premiers siècles de notre ère, l’Eglise s’est structurée et a mis en place des fêtes pour que le peuple chrétien se réjouisse ensemble du plan de Salut de Dieu qui a été pleinement accompli dans la personne et l’oeuvre de Jésus-Christ, Fils unique de Dieu.

La plus ancienne de ces fêtes est Pâques puisque c’est le moment décisif du Salut : TOUT se joue à Pâques, du vendredi saint au dimanche de la résurrection. C’est ici la fête la plus importante pour les chrétiens.

Les autres fêtes sont apparus plus tardivement. Certaines avaient un objectif de remplacer des fêtes paiennes auquel le peuple chrétien se trouvait confronté (et dont il avait du mal à se défaire). Noël est ainsi la plus célèbre. D’autres avaient pour objectif de rythmer l’année. C’est ainsi que chaque année des chrétiens célèbrent l’Epiphanie, l’Ascension, la Pentecôte… mais aussi le baptême du Christ (le dimanche qui suit l’Epiphanie chez les catholiques romains et les luthériens). Toutes ces fêtes, en tout cas, cherchent à aider le peuple de Dieu à reconnaitre les actions du créateur dans le passé et à ainsi croire qu’il va continuer de prendre soin pour le présent et l’avenir.

En dehors de Pâques, est ce qu’il y a des fêtes plus importantes que d’autres ? Je pense qu’elles sont toutes précieuses pour découvrir l’amour de Dieu.
Est-ce que leur sens doit être redécouvert ? Certainement pour qu’elles ne deviennent pas une loi à laquelle on est soumis et par laquelle on juge les bons croyants des mauvais.
A mon avis, si une fête chrétienne (en dehors de Pâques) a peu de sens pour une communauté chrétienne malgré les enseignements de ses responsables il est préférable de la mettre de côté (qu’elle ne devienne pas une occasion de chute) et peut être qu’un jour plusieurs membres voudront la redécouvrir et l’utiliser pour se rappeler l’Amour de Dieu et annoncer à leurs contemporains la Bonne Nouvelle de Jésus.

Peut on parler de péché sans loi ? Devons-nous observer la loi alors que nous sommes sous la grâce ? [Arnaud]

C’est effectivement, comme le souligne Paul dans l’épître aux Romains, par la loi que vient la connaissance du péché (Romains 3,20 ; 5,13,20 ; 7,7ss). Puisque le péché est transgression de la loi. Même les païens qui ne connaissent pas la loi révélée par Dieu à Moïse, écrit-il, ont conscience d’une loi (du bien et du mal, par exemple) que parfois ils transgressent (Romains 2,12-16).

Quand Paul écrit que nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce, il signifie que par Jésus-Christ, nous ne tombons plus sous la condamnation de la Loi.

Mais la grâce, c’est à dire le pardon de nos péchés accordé indépendamment de notre capacité à accomplir ce que la loi de Dieu ordonne, donc à nous justifier devant Dieu par la loi, ne rend pas la loi de Dieu inutile et caduque pour notre vie ! Elle reste un don par lequel Dieu nous invite à vivre, par la puissance de l’Esprit Saint, libres de la violence, du mensonge, de la tromperie, de l’adultère, de la convoitise…et à redécouvrir ce que sont les dix commandements et leur résumé, la double-loi de l’amour de Dieu et l’amour du prochain : une promesse de liberté. C’est le chemin de la vie chrétienne, ce que Paul appelle la « sanctification ». Le thème de la « loi de l’Esprit », de la vie nouvelle du Chrétien dans et par l’Esprit Saint, est abordé à partir du ch.8 de la lettre aux Romains.

Bien que créé à l’image de Dieu, l’humain a voulu encore plus… et il a chuté. N’en reviendra-t-il pas s’il identifie et élimine la cause de son erreur ? [Abel]

La réponse est bien sûr : oui !

Mais l’enjeu derrière cette réponse, c’est : comment ?
S’il suffisait d’identifier pour éliminer, ce serait simple.
Si l’on pouvait identifier puis agir pour éliminer, ce serait pratique.

L’Écriture biblique nous dit que seule l’œuvre de Christ a pu opérer cette justification, ce retour à une situation juste. « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Ephésiens 2,8-10). Autrement dit, vouloir réparer par nous mêmes, c’est encore vouloir ce mettre à la place de Dieu, faire des choses que Dieu seul peut faire…

Pourquoi certains protestants sont-ils plus libéraux et d’autres plus fondamentalistes ? [Antonin]

Les libéraux ont besoin de remettre en question les dogmes, les certitudes toutes faites, les carcans religieux… Ils ont souvent été marqués, blessés ou insupportés par l’hypocrisie religieuse, le christianisme étroit d’esprit à tendance sectaire ou les attentes déséquilibrées et manipulatrices de manifestations surnaturelles. Souvent bien sûr, même inconsciemment, c’est aussi (et surtout ?) un astucieux positionnement intellectuel pour s’auto-justifier de ne pas se soumettre à Dieu et à Sa Parole.

De l’autre côté, les fondamentalistes ont besoin de certitudes, de bases morales et spirituelles solides dans un monde largement hostile à Dieu, relativiste et inconscient de sa futilité. Leur recherche de soumission à une Parole transcendante serait un témoignage d’humilité si cette recherche ne tournait pas à la névrose paranoïaque et orgueilleuse contre le reste du monde (et des chrétiens).

Pour tout vous dire, je suis un peu libéral et un peu fondamentaliste avec des phases de ma vie où je fus plus l’un que l’autre. Je crois que l’équilibre ne peut se vivre que dans une grande discipline de lecture de la Parole, associée à une très profonde vie de prière et une foi vécue intensément dans l’action.

Que signifie l’expression « être sous la loi » ? [Arnaud]

Avant d’être interpellé par le Christ, par pure grâce, sur le chemin de Damas (et de le choisir ensuite, par son baptême, comme Seigneur et Maître) l’apôtre Paul suivait scrupuleusement la loi de Moïse et toutes les coutumes et traditions juives.
L’appel de Dieu et sa clémence envers Paul ont été si immérités par l’apôtre qu’il a pris conscience qu’il était auparavant plus soumis (mis sous) à la Loi de Dieu qu’à Dieu lui-même. Il a saisi le réel intérêt de la Loi et que celle-ci, comme toute création, ne doit pas prendre la place du créateur.

A plusieurs reprises il va donc utiliser cette expression « être sous la loi » (par exemple Romains 3 et 6, 1 Corinthiens 9, Galates 4 et 5…) pour parler de ceux qui continuent d’être soumis à La loi et la manière dont elle rend compte de la justice de Dieu selon le principe du mérite.

La foi chrétienne commence par la reconnaissance que l’amour de Dieu en Christ est un cadeau et que nous n’avons rien accompli pour y avoir droit (bien au contraire !). Par cette conviction, nous ne sommes donc plus soumis au principe du mérite sous jacent à la Loi.