La croix était le moyen de supplice utilisé par les Romains, pour la mort la plus infamante. Elle était réservée aux rebelles politiques, aux criminels, aux voleurs, aux esclaves. A cause de son caractère indigne, les citoyens romains ne pouvaient pas subir ce châtiment. Pour les juifs, celui qui était pendu au bois était considéré comme maudit, porteur d’une malédiction (Deutéronome 21, 23). C’est pourquoi la croix était un symbole de honte, d’humiliation, de marginalisation, de condamnation, de souffrance et de mort. Porter sa croix, comme Jésus l’a fait littéralement, faisait partie du processus d’humiliation pré-crucifixion.
Vous faites sans doute référence à ces passages « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi » (Matthieu 10,38) et «Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il me suive » (Matthieu 16,24) pour ce qui est de la version de Matthieu.
Dans le premier épisode, Jésus préviens que le fait le suivre, de l’aimer plus que tout, conduit fatalement à se faire des ennemis, notamment au sein de sa famille… prendre sa croix, c’est sans doute ici avant tout accepter de subir l’humiliation, les conflits, le rejet, et la souffrance liée à cela.
La deuxième référence est en lien avec l’annonce par Jésus de sa propre mort. De même que Jésus a été crucifié, renonçant à sa vie, porter sa croix c’est « mourir à soi-même », ses sécurités, son confort, ses privilèges, pour accepter les difficultés qui se présentent sur le chemin de la foi.
Mais dans un contexte où cette notion était très importante, c’était à la honte (Hébreux 12, 2) que l’expression « porter sa croix »renvoyait avant tout. Cela signifie que suivre Jésus conduisait à renoncer à ce que la société dominée culturellement par l’Empire romain considérait comme le plus important : l’honneur. Ainsi, pour actualiser un peu encore cette idée de « porter sa croix », on pourrait dire que c’est accepter de sacrifier (et d’en assumer les conséquences), pour le service de Dieu, ce que notre société valorise le plus. La richesse ? Son image? La « bien-pensance » ? Le pouvoir ? Le bien-être ? La beauté ?