Est-il inconvenant ou critiquable pour un protestant de fleurir la tombe d’un proche ? [Antoine]

Chaque civilisation honore d’une façon ou d’une autre la mémoire de ses morts. Au matin de Pâques, des femmes sont allées porter des aromates au tombeau de Jésus (trop tard, il n’était plus là !). A Madagascar existe une cérémonie traditionnelle, au cours de laquelle on sort la dépouille mortelle du tombeau pour l’envelopper d’un nouveau linceul, au milieu d’autres rituels festifs (certaines Eglises malgaches sont critiques vis à vis de cette pratique motivée par le désir de rester en lien avec les ancêtres, comme s’ils pouvaient encore intervenir chez les vivants…). Chez nous, que ce soit au cimetière, voire sur le lieu d’un accident ou d’un attentat, la coutume est de déposer des fleurs.

Vous vous demandez donc, Antoine, s’il est convenable qu’un protestant le fasse. C’est vrai que sur certains faire-part annonçant un culte à l’occasion d’un décès, on lit la mention « ni fleurs ni couronnes » voire la suggestion d’un don à l’Eglise ou à telle oeuvre chrétienne, ou à la recherche contre telle maladie. J’ai parfois été perplexe devant le monceau de gerbes et de bouquets qui encombraient le choeur du temple lors d’un service funèbre, en me disant qu’il aurait mieux valu que l’argent dépensé chez les fleuristes soit mieux utilisé… Mais c’est précisément ce qu’on a reproché à cette femme qui avait versé, gaspillé tout un flacon de parfum de prix en le répandant sur la tête de Jésus. Elle a fait ce qu’elle a pu par amour pour lui, elle a (sans le savoir) célébré par avance son ensevelissement, a dit Jésus (voir Marc ch.14, v.2-9) !

Bref, dans la vie du chrétien, des pratiques et coutumes ne sont ni permises ni défendues en soi, car tout dépend dans quel esprit on agit et pourquoi on fleurit une tombe : si c’est par pur formalisme ou conformisme, voire par mauvaise conscience (par exemple dans le cas où l’on n’a pas pris soin du proche défunt quand il était encore en vie !), alors mieux vaut s’en abstenir. « Tout ce qui n’est pas le fruit d’une conviction est péché », écrit l’apôtre Paul sur un autre sujet pratique (Romains 14,23). A chacun de s’examiner lui-même. Il y a bien des manières, avec ou sans fleurs, de garder dans son coeur la mémoire de nos chers disparus. Dans la vérité et dans la liberté que nous donne notre Seigneur Jésus.

Pourquoi certains chrétiens prient-ils pour un défunt et d’autres pas ? [Isabelle]

À cela il peut y avoir une réponse de type psychologique. Nous avons tous besoin d’être rassurés quant à la vie et à la mort. Prier pour un défunt peut aider certaines personnes…

Mais pour nous protestants, qui savons l’amour inconditionnel de Dieu notre Père pour ses enfants, cela n’a guère de sens. Nous n’avons pas besoin d’être rassurés là-dessus, car cet amour de Dieu ne tient pas à nous (morts ou vivants), mais à la seule grâce de Dieu qui s’est manifestée par la mort victorieuse de Jésus pour nous qui ne le méritions pas.

Et puis, prier pour quelqu’un vivant en ce monde, cela a du sens et exprime devant Dieu notre souci de la personne, et dans la prière nous pouvons recevoir l’assurance de ce que Dieu peut faire pour elle (et même de ce que nous pouvons faire pour elle).

Mais prier pour quelqu’un qui, à vues humaines, n’existe plus, cela ne servirait à rien. C’est trop tard ! La personne défunte est désormais hors d’atteinte pour nous. Nous pouvons remercier Dieu pour elle, pour ce que nous avons reçu d’elle ou par elle, demander pardon pour nous qui n’avons pas été à la hauteur avec elle, et prier pour ceux qu’elle a laissés dans cette vie-ci.

D’autres chrétiens ont une vision différente, et pensent que la plupart des défunts attendent le jugement dans un lieu intermédiaire, le « purgatoire », totalement absent des Écritures ! Leurs prières et leurs bonnes œuvres peuvent, pensent-ils, limiter ce temps de prison pour leurs défunts… Cette vision, outre qu’elle n’est pas conforme à la Bible, ne prend pas en compte la mort du Christ qui donne la vie éternelle à tous ceux qui adhèrent à lui, ni la puissance de sa résurrection qui est bien capable de susciter à nouveau ceux qui sont morts en se faisant (re)connaître d’eux.

Y a-t-il des péchés associés à la période de l’été ? [Olaf]

Les péchés sont de toutes les saisons, car même si nous savons que nous sommes sauvés par le sang de Jésus, le « vieil homme » en nous continue de s’agiter et de faire des siennes ! Et il ne s’arrête pas à cause de la saison ou des vacances…

Ceci dit, Olaf, voyez vous-même dans votre vie, dans votre corps, dans votre esprit, s’il y a de tentations particulières pour vous à cause de la saison. La chaleur, la rencontre avec des gens inhabituels, l’éloignement du travail ou même de la famille, etc., suscitent-ils en vous des désirs contraires à la volonté de Dieu pour vous et à la liberté de ses enfants, dont vous êtes ? Tentations sexuelles, envie de se désintéresser du monde et des autres, de laisser libre cours à vos comportements égoïstes, de tout envoyer balader, d’être en vacances d’Église, que sais-je encore…

Que faire alors ? Tâchez de ne pas céder au tentateur, mais « revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable. » (Épître aux Éphésiens, ch. 6, v. 11) En été ou en toutes saisons ! Car si le tentateur ne chôme pas, ne prend pas de vacances, Dieu non plus : assurez-vous en lui.

Pourquoi beaucoup de réformés considèrent que les évangéliques sont peu intelligents ? [David]

David, si un réformé était dans l’état d’esprit que vous décrivez, il serait dans la même situation que le pharisien de la parabole de Luc 18. 9-14. Il ne serait pas reconnu juste aux yeux de Dieu, par la bouche même de Jésus. Mais si un réformé était dans le même état d’esprit que le collecteur d’impôts de cette même parabole, il le serait.
Que je sois réformé, luthérien, évangélique, catholique, orthodoxe, anglican, pentecôtiste… que le Seigneur m’aide à dire devant son Fils : « Mon Dieu, prends pitié de moi, qui suis un pécheur. »

Quelles sont les principales différences entre protestantisme libéral et conservateur ? [Pierre]

Pierre, on est toujours le libéral ou le conservateur de quelqu’un. Mais au fond, être libéral ou être conservateur, cela me semble bien éloigné du Christ, car il ne demande ni d’être l’un, ni d’être l’autre, il nous demande de le suivre : cela suffit. En effet il n’a pas posé le débat en termes de bien ou mal, en rapport à des systèmes de valeurs, mais en termes de vie et de mort. Le suivre, c’est recevoir la vie comme il le dit à Marthe (Jn 11. 25 et suivants)
Alors pour moi la question est bien plutôt : qui a autorité sur moi et donc relativise mon système de valeurs ? Pour un chrétien et donc pour un protestant , cela ne devrait être ni le monde et ses valeurs, ni moi-même et mes valeurs, mon intelligence, ma culture…, mais le Christ. Le seul exercice à faire est de discerner ce qui, dans ma foi, qu’elle s’exprime de manière libérale ou conservatrice, relève du Christ ou relève d’autres choses. C’est salutaire, à faire très régulièrement, en demandant l’aide de l’Esprit du Seigneur.

D’où venait la femme de Caïn ? [Rose]

Il est vrai que dès après le récit du meurtre d’Abel par son frère et de l’exil de Caïn à l’est d’Eden, il nous est dit que Caïn a eu un fils, Hénoch, de son épouse, donnant naissance a une lignée que la Genèse distinguera de la lignée de Seth, un autre fils d’Adam (Genèse ch.5). Cette lignée de Caïn sera marquée par l’essor des techniques, de la ville, des civilisations humaines mais aussi de la violence et du meurtre (voir Lémek, en 4,23-24), annonçant déjà le déluge (Gn 6 à 9).

Cette épouse est donc présentée comme la mère des civilisations, tout comme Eve a été la mère de tous les vivants (Gn 3,20).  Considérer le texte comme une chronique historique au sens moderne du texte (donc prendre le récit de la création d’Adam et d’Eve, puis de leurs enfants au pied de la lettre) mènerait à la difficulté que vous relevez. L’intention des auteurs de la Genèse, notamment des chapitres 1 à 11, n’est pas de nous livrer une biographie de la famille d’Adam mais une réflexion sur l’homme et sa condition de créature révoltée contre Dieu, et d’éclairer l’origine de toute vie, comme celle du mal et de la mort. Pour cela, ils se sont servis de traditions littéraires du Proche-Orient ancien (par exemple le déluge, attesté également à Babylone et ailleurs), et notamment de généalogies pour rappeler qu’il est bien question de l’histoire des hommes et pas d’un arrière-monde mythologique !

 

 

Créés à l’image de Dieu, et celui-ci ne peut être tenté. Comment cela se fait-il que nous l’ayons été ? [Bianca]

Vous faites référence, Bianca, à l’épître de Jacques. Au ch.1 v.12 et ss, nous lisons (version  TOB) : Heureux l’homme qui endure l’épreuve (même mot que celui que l’on traduit par « tentation ») …. Que nul quand il est tenté, , ne dise : « ma tentation vient de Dieu ». Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. Chacun est entraîné par sa propre convoitise…. 

Nous avons été créés à l’image, à la ressemblance de Dieu, le tout est de savoir en quoi consiste cette image. Vaste et vieille question, aux multiples réponses. En voici quelques unes : Tout d’abord chacun(e) de nous est unique, tout comme Dieu est unique. Ensuite, nous sommes des êtres de relation, appelés à vivre avec l’autre, en vis-à-vis, c’est aussi un fait constitutif de notre statut humain qui nous rapproche de Dieu. Car c’est en tant qu’homme et femme, que Dieu a créé l’homme comme son image (Genèse 1,27). Enfin, nous sommes doués d’un esprit qui fait de nous des êtres de raison et de parole, ce qui nous permet de nommer les êtres et les choses, signe d’une autorité sur ce monde que Dieu nous délègue en nous confiant sa gestion et sa conservation.

Mais la Bible ne suggère pas que cette image nous confèrerait une sorte d’invulnérabilité, d’insensibilité à tout ce qui peut nous tenter, c’est à dire nous détourner de la relation de confiance et d’attachement filial à notre Père céleste que l’on appelle la foi. Car la tentation, depuis le récit du drame en Eden, c’est de vouloir nous passer de Dieu, voire devenir  notre propre « dieu » en convoitant ce statut. C’est ce que le Diable propose à Jésus au début de son ministère, et que l’on peut résumer ainsi :  « Puisque tu es Fils de Dieu… utilise ta toute-puissance divine. » Jésus y a résisté victorieusement, et ce encore jusqu’à l’ultime moment de la croix (où on le mettra au défi de se sauver lui-même). Car l’enjeu était précisément que Dieu, en lui, assume pleinement notre statut d’humains et que le Christ soit le nouvel Adam, comme l’écrit Paul, le premier-né d’une humanité nouvelle. C’est d’ailleurs l’Esprit Saint qui a poussé Jésus au désert, précisément pour qu’il y affronte l’épreuve, la tentation (Matthieu ch.4 v.1) Seul celui ou celle qui a mis sa confiance en Dieu est à proprement parler tenté de s’en détourner. C’est même inévitable, et fait pleinement partie du combat de la vie chrétienne. Heureusement, le Seigneur nous donne des armes pour remporter ce combat, et je vous laisse en redécouvrir la panoplie en Ephésiens ch. 6, versets 10 à 17 !

 

 

La fête d’Ésaïe 25 est-elle une vision eschatologique d’une fête littérale- une vision de l’au-delà ou est-ce une métaphore ? [Daniel]

Au ch.25 et aux versets 6 à 8, le prophète Esaïe dépeint effectivement un monde réconcilié, sous les traits d’un délicieux banquet arrosé des meilleurs crus, offert par Dieu à tous les peuples. Toute larme, tout deuil est effacé. La mort a disparu de l’horizon de l’humanité. Cette vision d’espérance sera reprise dans l’Apocalypse, au ch.21, v.1 à 5, à la lumière de Jésus-Christ, mort et ressuscité.

Il ne nous est guère possible de saisir cette réalité à venir, pris comme nous le sommes dans les griffes du mal et de la mort encore présents. Il  semble clair que sa description comme un festin est métaphorique. Mais cette image du Règne de Dieu n’est pas prise au hasard : quoi de plus joyeux, quoi de plus rassembleur, qu’un bon repas pris en famille ou entre amis ? Il y a plus de repas dans la Bible que de prières, paraît-il ! (je n’ai pas compté). Et si Jésus a voulu que nous ses disciples partagions un repas en mémoire de lui, c’est pour annoncer et comme anticiper sa venue, qui établira définitivement le Royaume de Dieu.

Est-ce un péché pour un pasteur de faire faire sa prédication par ChatGPT ? [Emile]

Le fait de savoir si c’est un péché, c’est demander si c’est conforme à la loi de Dieu. Et je ne crois pas qu’aucun des dix commandements soient transgressés par le pasteur qui fait faire sa prédication à ChatGPT.

Maintenant, si ce n’est pas à proprement parler un péché, je pense que c’est une grave bêtise, et ceci pour plusieurs raisons :
1.- la prédication est un exercice de prière et d’inspiration qui nécessite non seulement de travailler le texte bibliques, d’essayer de donner un message audible, intelligent et surtout édifiant. ChatGPT ne prie pas et ne cherche pas d’inspiration, il fait une synthèse des millions de prédications qui sont sur le net.
2.- étant un outil d’écriture générative, ChatGPT produit un discours sur un texte biblique, mais souvent le ton de ce discours est synthétique, moyen, voire médiocre, et pas très original ni édifiant. C’est dommage, car l’Ecriture doit être présentée comme édifiante, si on écoute les épîtres de Paul.
3.- enfin un pasteur a pour mission de prêcher, c’est le cœur de son appel, et on attend de lui ou d’elle justement qu’il produise un message en se laissant utiliser par Dieu. On ne lui demande pas de faire un blabla mais une prédication, et ChatGPT en plus d’être assez ennuyeux du point de vue du style, n’a pas d’intention spirituelle. Le ou la pasteur.e abandonnerait donc le cœur de son ministère.

Finalement, après avoir composé ces lignes (sans ChatGPT !) je me dis que faire faire sa prédication, c’est quand même pécher contre les commandements numéro… 1. pas d’autre dieu, 2. pas de reflet, 3. pas d’utilisation du nom de Dieu en vain, 4. le sabbat (Deutéronome 5) comme célébration du Dieu vivant et de la liberté, 7. c’est du vol des prédications des autres, 8. c’est un adultère spirituel puisque c’est une autre instance qui « parle », 9. c’est pas loin du faux-témoignage puisqu’on ne fait pas son boulot, et 10. puisque c’est la convoitise d’une prédication qu’on espère bonne et qui est un mélange du travail de prochains…
Ça fait beaucoup quand même !

Adam a-t-il vraiment vécu 930 ans où ce nombre est-il symbolique ? Idem pour les autres personnages de la Genèse ? Comment comprendre ces chiffres ? [Guillaume]

Votre question, Guillaume, renvoie au ch. 5 de la Genèse, qui commence par une énumération des descendants d’Adam, liste de 10 noms jusqu’à Noé. Comme Adam, ils ont vécu effectivement très vieux. Ce n’est pas inédit dans la littérature antique. Une liste de rois sumériens, dans ce même contexte du proche-Orient Ancien, indiquait même que certains avaient vécu jusqu’à 30.000 ans ! Il s’agissait de souligner, en l’exagérant, la vitalité des ancêtres, dans la période mythique des origines..

Pour en rester au texte biblique, il n’est pas exclu que ces grands nombres, à ne pas prendre à la lettre, aient eu une signification symbolique, voire astronomique (vous avez sans doute remarqué qu’Hénoch vécut 365 ans avant d’être enlevé, ce qui renverrait au calendrier solaire). Sens difficile à retrouver malgré tous les calculs savants auxquels on s’est livré. D’autant plus que les versions grecque et samaritaine de l’Ancien Testament donnent d’autres chiffres ! Le nombre total d’années qui séparent la création d’Adam du déluge serait de 1656 dans le texte massorétique (hébreu), 1307 dans le Samaritain, 2242 dans la Septante !

Il faut aussi noter que la durée de la vie, globalement (avec des exceptions, comme celle de Mathusalem dont la vie fut proverbialement longue !), décroit d’une génération à l’autre. C’est à rapprocher de Genèse 6,3, où Dieu décide de limiter la vie des hommes à 120 ans, conséquence du péché et de ses progrès ravageurs qui accompagnent le développement de la civilisation dans les premiers chapitres de la Genèse.

Dernier élément plausible d’explication, suggéré par un commentateur de la Genèse, Claus Westermann : ces vies démesurément longues aux origines rappellent que l’histoire humaine remonte très loin dans le passé et que ce passé n’a que peu à voir avec le présent… (C’est en centaine de milliers, voire en millions d’années que l’on date désormais l’apparition des premiers hominidés sur terre !).