Pourquoi Dieu préfère-t-il les Juifs ? [Muriel]

Je ne peux pas dire que Dieu préfère les Juifs. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jean 3. 16) . Dieu aime le monde, tout le monde ! Le peuple juif a été choisi pour recevoir une Première alliance avec le seul vrai Dieu, afin de témoigner de la vérité et de la vie que l’on trouve dans ce Dieu, en l’écoutant et en vivant selon ses indications. Cette alliance n’est pas rompue par la venue de Jésus-Christ (Romains 11. 29), mais elle ne signifie pas une préférence de la part de Dieu.

Pouvons-nous déduire de l’histoire d’Esaü et Jacob que Dieu voulait que nous quittions le mode de vie des chasseurs-cueilleurs (Esaü) et encourage les gens à adopter un mode de vie agraire/domestique (Jacob) ? [Virginie]

Votre question cherche la clef de lecture d’un récit biblique : serait-il l’écho d’une évolution culturelle, du passage de la préhistoire à l’histoire ? Pour répondre à cette première question, considérons une autre histoire de rivalité entre frères, le ch.4 de la Genèse. Dieu agrée l’offrande d’Abel (éleveur !) plus que celle de Caïn (agriculteur !). Donc il ne s’agit sans doute pas, pour ce qui concerne l’histoire de Jacob et Esaü en Genèse ch. 27, d’un récit visant à encourager un mode de vie sédentaire. Les activités propres d’Esaü qui aimait vadrouiller et chasser et de Jacob qui préférait rester en famille sont surtout rappelées pour expliquer dans quelles circonstances l’un ravit à l’autre ce qui lui revenait normalement de droit. Sur le plan « étiologique » (c’est à dire pour expliquer l’origine et la transmission d’un récit), tout au plus pourrait-on souligner qu’Esaü fut l’ancêtre d’Edom, un peuple sémite souvent hostile à Israël.

D’autre part, indirectement, vous interrogez l’attitude mystérieuse de Dieu, qui choisit l’un des fils d’Isaac pour hériter de sa bénédiction plutôt que l’autre. Jacob, au comportement moral parfois discutable (c’est un habitué des « coups tordus ») ne semblait pas mériter plus qu’Esaü la bénédiction promise, sauf qu’il la désirait ardemment (alors qu’Esaü la vendit pour un plat de lentilles). Enfin, notons que dans ces deux cas, le cadet passe avant l’aîné, ce qui est contraire à l’usage. Dieu renverse les préséances et les hiérarchies établies par les hommes. Pourquoi choisit-il David pour régner alors qu’il est le bon dernier de la fratrie ? Pourquoi choisit-il le fils né de Bath-Schéba, la femme dont il a fait tuer le mari, pour lui succéder ? Allons plus loin : Pourquoi s’est-il révélé au peuple d’Israël et pas aux gaulois ou aux papous ? L’explication que donne de ce choix Deutéronome 7,7-8 n’en est pas vraiment une : Dieu l’a choisi non pas du fait qu’il serait le plus grand peuple, c’est loin d’être le cas. Mais parce qu’il l’aime. Et il ne nous est pas dit pourquoi. L’amour ne s’explique pas. (cf la réponse à une question concernant Jacob et Esaü publiée le 2 avril sur ce site).

Ce qu’il faut souligner, c’est qu’à travers son alliance avec Israël, Dieu s’adresse à tous les peuples de la terre. La bénédiction promise à Abraham rejaillit sur tous, par Jésus-Christ. L’élection n’est pas synonyme d’exclusion.

Comment un chrétien peut-il concilier le Dieu manifesté en Jésus Christ avec le Dieu décrit en Deutéronome 20:10-18 ? [Uowis]

Le passage du Deutéronome que vous citez, pris tel quel apparaît comme une autorisation à commettre pillage et autres exactions, ce qui semble en effet très éloigné de ce qu’annonce Jésus. Mais je crois important de remettre ce passage dans son contexte général qui est celui de la conquête par Israël de la « Terre Promise » par laquelle Dieu a éprouvé l’obéissance de son peuple. Il ne s’agit pas d’une conquête militaire avec toutes les vicissitudes habituelles de la guerre des hommes, mais d’une circonstance très précise où Israël devait témoigner de son obéissance au seul vrai Dieu. Je ne dis pas cela pour justifier dans l’absolu les pratiques décrites, mais pour nous aider à comprendre que le plus important demeure l’obéissance que nous devons au Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ et qui est, pour moi, le même que celui qui parle dans le Premier Testament.

Est-ce correct de prier Dieu en l’appelant « Papa » ? [Simone]

Jésus est très innovant et révolutionnaire en appelant Dieu « Père ».
C’est nouveau de faire cela, pour deux raisons :
– dire que Dieu est son père était vu comme une preuve d’arrogance dans le peuple Juif et quasiment aucune mention n’est faite du mot Père pour parler de Dieu dans le Premier Testament, sinon dans des expressions évoquant la paternité de Dieu (Exode 4,22-23 – 1Chroniques 17,13 – Proverbes 3,12) ou parlant de Dieu étant “comme un père » ; voyez Esaïe 63,16 : « C’est toi, Éternel, qui es notre père ».
Mais on n’appelle jamais Dieu “Père » directement.
– la deuxième raison c’est que Dieu ne devient père que quand… il a un Fils. Et même si Israël a été son fils premier-né, en tant que peuple (voir la citation d’Exode plus haut), il n’a un vrai Premier-né que quand advient le Fils unique venu du Père, à savoir au moment du baptême de Jésus : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection » (Matthieu 3,17).

Le terme Abba n’est employé que trois fois dans le Nouveau Testament, bien que Jésus nous apprenne à prier Dieu en tant que Notre Père (Matthieu 6,9). Ce terme se trouve en Marc 14,36 – Romains 8,15 – Galates 4,6. Abba est un mot araméen, qui veut dire “Père“ mais avec une forme renforcée. Il est un peu à mi-chemin entre “Papa » et “Père », simplement parce qu’il est accessible dans le babillage de l’enfant. Pour autant, le choix de Marc et de Paul est bien particulier. A chaque fois, il est fait mention de “Abba, Père”. Abba n’est jamais employé seul. Le mot “Abba” est araméen, laissé tel quel, et le deuxième est en grec, la langue du Nouveau Testament. Comme il n’y a pas de ponctuation dans le grec de l’époque (koinè) on pense que l’interprétation la plus juste serait : “Abba [c’est-à-dire] Père ». Or, le mot grec qui est utilisé pour “Père » en grec n’est justement pas le mot “Papa” (mpampas) mais bien “Père” (pater). Matthieu et Paul expliquent comment on dit “Père » en araméen, et le traduisent pour leurs lecteurs grecs.

Certains voudraient y voir un langage affectueux ou de proximité. Je ne crois pas que cela soit le cas. C’est un langage intense d’implication, certes. Mais je pense que ces trois textes ne nous incitent pas à jouer aux enfants de cette façon qui nous ferait utiliser le mot “Papa”. En effet, le fait de devenir enfants de Dieu (Jean 1,12) n’est pas une infantilisation, une forme de régression en arrière vers l’enfance, mais une adoption d’adultes consentants. Quand Jésus nous fait prier “Notre Père”, il ne choisit pas le terme “Papa” et il insiste sur le collectif, bref : sur la révérence et l’aspect communautaire de la paternité de Dieu qui nous crée comme famille.

C’est pour cela que je prie Dieu en lui disant : “Père” ou “Notre Père” ou “Père Éternel”.

 

Une interprétation intéressante : Moïse ne peut pas entrer dans la terre promise (Deut 32) car il incarne la loi et la loi ne peut pas nous sauver ? [Caen]

Je ne connaissais pas cette interprétation ,qui a le mérite de l’originalité, je trouve. Je reste un peu mal à l’aise avec l’expression «  Moïse incarne la loi ». Je ne pense pas trouver cela dans la Bible. Si la loi, en tant qu’expression de la parole de Dieu, a été incarnée par quelqu’un c’est par Jésus-Christ, qui l’a même accomplie. En cela il nous a délivrés de la malédiction que la loi représentait comme faux moyen d’être sauvé. Dieu seul nous sauve en effet. Pour ma part, ce que nous dit la Bible au sujet de la raison pour laquelle Moïse n’a pas pu entrer en terre promise (Nombre 20. 1-13 ; 27.14) me suffit comme explication.

Que faire d’un verset comme Lév 19:19 qui interdit le port de chaussettes en coton et polyamide ? [Pierre]

Le tour humoristique de votre question montre bien que vous avez déjà une partie de la réponse : il ne faut pas confondre l’esprit et la lettre de la Loi de Dieu. Lv 19,19 interdit l’association d’espèces différentes (d’animaux, de semences, et, donc, de fibres textiles). Pourquoi ? C’est effectivement mystérieux, surtout au milieu d’autres commandements de ce chapitre 19 qui nous semblent beaucoup plus clairs, comme l’amour du prochain, la prise en charge du pauvre, l’accueil de l’étranger, le souci de la justice… Il est au centre du code de Sainteté, qui s’étend des chapitres 17 à 27. La sainteté, c’est le fait d’être  « à part », consacré, réservé pour le Seigneur. Parce que Dieu est Saint. Il crée d’ailleurs en séparant (voir le premier chapitre de la Genèse) lumière et ténèbre, terre et mer, etc… Israël, peuple choisi par Dieu, doit refléter sa sainteté dans tous les domaines de la vie et rejeter tout ce qui est du domaine du mélange, de la confusion.. Donc l’interdit que vous pointez a une valeur symbolique. En Jésus-Christ, l’alliance devient universelle, s’étend à tous les peuples de la terre et nous ne sommes plus soumis à la lettre de ces lois et rituels qui relèvent de l’ancien culte. Peut-être, simplement, nous invitent-ils à nous interroger sur toutes les confusions dans lesquelles notre nature de pécheurs peut nous enfermer, et comment justement nous pouvons manifester le statut nouveau de sainteté que nous confère notre union à Jésus-Christ ! Car être saint, c’est ne plus nous appartenir nous-mêmes, puisque le Christ nous a rachetés une fois pour toutes, pour que nous lui appartenions tout entiers.

«Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants» (Matthieu 27-25). Comment interpréter cette sentence ? Cette condamnation criée par la foule juive est-elle malédiction définitive ? [Ernest]

Cette formule (littéralement dans le texte grec : « son sang, sur nous et sur nos enfants ») se retrouve par ailleurs dans l’Ancien Testament, elle signifie : « nous assumons la responsabilité de cette condamnation à mort », pour nous et nos descendants. Il n’est pas exclu, comme c’est parfois le cas dans les récits de la passion de Jésus, que l’Evangéliste prête un double-sens à cette déclaration (comparer avec Jean 11,50-51; 18,37; 19,21-22) : elle pourrait être aussi une prophétie involontaire, attestant que le sang versé par Jésus, comme celui de l’animal sacrifié lors de la fête du Yom Kippour, est offert en rémission des péchés du peuple.

Quoi qu’il en soit, cette sentence marque le refus par le peuple et ses chefs religieux de reconnaître que Jésus est le Messie, et leur volonté de voir mis à mort celui qu’ils considèrent comme un blasphémateur. Elle ne peut servir à justifier l’antisémitisme et la persécution des juifs, comme ce fut, hélas, si souvent le cas au cours des siècles.

Qui a créé l’enfer ? [Laura]

C’est pas moi ! Au-delà de cette boutade, je crois que dans sa simplicité apparente, la question que vous posez en soulève beaucoup d’autres, que vous aviez peut-être en tête quand vous vous êtes adressée à 1001 questions. Je vais vous répondre à partir de ce que je crois et de ce que je lis dans la Bible, autant qu’à partir de ce que je vois autour de moi.
Je crois que l’ensemble de la création est le fruit de l’acte créateur du Dieu trois fois saint. Donc, si je considère l’enfer comme un lieu spécifique de la création, je crois que c’est Dieu qui l’a créé. Matthieu 25. 41 : « Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche: Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. » Ce « feu éternel » peut être compris comme l’enfer, même si on voit bien qu’il y a beaucoup de toute notre imagerie à revoir là-dedans. Et il est clair que ce feu a été préparé… Je ne vois pas par qui d’autre que par Dieu. Cela n’est pas du tout plaisant ni à écrire ni à concevoir, mais je ne peux pas faire autrement que de lire ce que je lis. Dans sa vision de l’Apocalypse, Jean a aussi vu un étang de feu et de soufre où le Satan sera jeté. Le problème, c’est que la Bible parle assez peu de l’enfer, en tout cas selon les représentations que nous en avons. Voilà pour ce que l’on peut peut-être penser quand on envisage l’enfer comme punition. Cela me semble vouloir dire que dans la vraie vie, ce n’est pas comme à l’école des fans (une vieille émission de télé où on faisait chanter des enfants… c’est trop long à expliquer) : tout le monde n’a pas gagné à la fin. Ce que nous vivons sur terre n’est pas indifférent à Dieu.
Reste que sans même de parler de ça, je constate que beaucoup de mes contemporains qui prétendent vivre sans Dieu font déjà un enfer de leur vie. Attention je n’ai pas dit tous ! Mais il y a bien des domaines de la vie où dès à présent, j’ai l’impression de voir évoluer des damnés dans l’enfer de Dante : s’étriper pour un pot de pâte à tartiner au rabais, c’est vivre quelque chose de l’enfer ; vivre sa sexualité soit par la pornographie, soit par la fréquentation de sites des rencontres exclusivement sexuelles, c’est courir le risque de vivre quelque chose de l’enfer ; évoluer dans une entreprise qui détourne la devise républicaine pour mettre « volonté » à la place de « fraternité », c’est courir le risque de vivre quelque chose de l’enfer. Pas besoin d’imaginer que Dieu soit l’auteur de tout ça.

Dans certaines Bibles, Joël 2,28-32 est numéroté 3,1-5. Quelqu’un pour éclairer ma lanterne ? [Joëlle]

Le découpage des textes bibliques en chapitres et en versets -qui est particulièrement pratique pour nous repérer- n’était pas prévu lors de la rédaction de ces textes : Ce découpage a eu lieu entre les XIII° et XVI° siècles !

A cette époque-là déjà, plusieurs éditions de la Bible étaient répandues.

Pour nombre d’historiens et théologiens ce sont les principales raisons de ce découpage actuel différent : les Bibles s’inspirant plutôt de la Vulgate latine auraient trois chapitres (avec 32 versets pour le chapitre 2) et celles s’inspirant plutôt de la Bible hébraïque auraient quatre chapitres (avec 27 versets pour le chapitre 2 et 5 versets pour le chapitre 3).
Pourtant cette argumentation ne fait pourtant pas l’unanimité parmi les intellectuels.

Alors: A trois ou quatre chapitres, ce qui importe c’est le message délivré par le prophète Joël et notamment la promesse de l’effusion d’esprit, proclamée à nouveau par Pierre.

Que dire de la religion juive lorsque l’on est chrétien ? Ne sont-ils pas ceux qui ont refusé de reconnaître le Messie dans la personne de Jésus ? Et qu’attendent-ils au juste ? [Rémy]

Les Juifs ne sont pas les seuls à ne pas reconnaître le Messie dans la personne de Jésus ! Il y a aussi les musulmans, les croyants des traditions religieuses non chrétiennes, et les athées ! Une récente déclaration de la Fédération Protestante de France a fait le point sur cette question du point de vue protestant. Je vous invite à consulter le livret publié à cette occasion : http://www.protestants2017.org/wp-content/uploads/2017/12/Cette-memoire-qui-engage-livret.pdf

J’ai pour ma part un immense respect et intérêt profond pour la religion juive, car j’y vois une de mes racines spirituelles les plus fortes en tant que chrétien. Jésus était Juif ! Le fait que beaucoup de ses frères et sœurs dans la foi ne l’aient pas reconnu est un mystère, une question douloureuse, mais je m’en tiens aussi à ce que Paul dit dans la lettre aux Romains (11. 16-18) : « si la première part de pain est sainte, tout le pain l’est aussi; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi. Mais si quelques-unes des branches ont été coupées et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes et tu es devenu participant de la racine et de la sève de l’olivier, ne te vante pas aux dépens de ces branches. Si tu te vantes, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte. »