Comment de grandes Eglises réformées européennes peuvent laisser dire n’importe quoi à certains de leurs pasteurs ? [Hervé]

Votre question, Hervé, n’est pas claire du tout ! De quelles « grandes Eglises », de quels pasteurs parlez-vous ? Et pour vous, qu’est-ce que « n’importe quoi ? »

Néanmoins, vous y abordez un sujet qui vous tient sans doute à coeur, celui des limites de la liberté d’expression dans l’Eglise. Je parlerai d’où je suis, pour tenter de répondre. Quand j’ai été reconnu Pasteur de l’Eglise Réformée de France, devenue il y a 10 ans l’Eglise protestante Unie, il m’a été rappelé au sujet de la déclaration de foi : « sans vous attacher à la lettre de ses formules vous proclamerez le message d’amour qu’elles expriment ».

Cette formulation laisse beaucoup de liberté aux ministres de l’EPUdF, peut-être même un peu trop de par la survalorisation du pluralisme (qui peut hélas déboucher sur le relativisme et la dissolution des convictions). Toutefois, notre Eglise trace les contours de sa fidélité à l’Evangile par ses confessions de foi (confession de foi de la Rochelle pour les Réformés, Confession d’Augsbourg pour les Luthériens, concorde de Leuenberg pour tous, sans oublier les symboles universels comme le credo), et dans une version plus courte par sa déclaration de foi (adoptée par le synode national, et pas par les seuls pasteurs, bien sûr). Si leur contenu trouve un de ses pasteurs en désaccord profond, le voilà en conflit de loyautés : loyauté envers l’Eglise qu’il sert d’une part, et loyauté vis à vis de sa conscience d’autre part.

Il faut ajouter que notre conscience personnelle a autorité, mais en tant qu’elle est éclairée par la Parole de Dieu, et donc soumise à cette seule Parole (et non pas au magistère et à la tradition de l’Eglise comme c’est le cas dans le catholicisme). Il m’arrive d’être dérangé, gêné par tel ou tel texte biblique. Et pourtant, il constitue un message inspiré par l’Esprit Saint. A moi de réformer ma façon de penser et de proclamer le plus fidèlement possible, avec l’aide de l’Esprit Saint, ce que l’auteur humain et l’Auteur divin veulent nous y dire.

Il est vital que la Parole de Dieu soit droitement, fidèlement prêchée. Je me souviens avec reconnaissance d’un conseiller presbytéral qui un jour, à la sortie du culte, est venu me voir pour contester fraternellement un passage de mon sermon. Et il n’avait pas tort ! Mais cela exige des conseillers, comme de tous les membres de l’assemblée, qu’ils se forment eux-mêmes et soient des lecteurs assidus et attentifs de la Bible. S’il y a défaillance à ce niveau, alors oui, des pasteurs pourront dire « n’importe quoi » sans se faire reprendre !

Mariés depuis plus de 30 ans- je ne ressens plus de désir physique pour ma femme ni elle pour moi. Elle ne semble pas en souffrir. Je ne ferais de mal à personne en satisfaisant mes besoins avec une autre. Si je lui reste attaché est-ce un péché ? [Dominique]

Je ne suis pas sûr de comprendre exactement de quoi vous parlez, Dominique : de votre désir ou de vos besoins ? Pour ce qui me concerne, s’il y a bien une personne à qui je peux faire part de mes besoins, après Dieu, c’est ma femme ! Il me semble qu’il vous faudrait regarder plus profondément en vous ce qui fait que vous pensez avoir encore des besoins d’ordre sexuel sans plus éprouver de désir pour votre femme, qui est la partenaire que Dieu vous a donné pour vous combler sur ce plan. Vous me dites que votre femme « semble » ne pas en souffrir. Mais en avez-vous déjà vraiment parlé avec elle ? Êtes-vous franchement sûr que vous ne feriez de mal à personne en satisfaisant vos besoins avec une autre. Cette autre, serait-elle heureuse de savoir qu’elle est là dans votre vie pour satisfaire vos besoins ? Pensez-vous que vous pourriez vraiment rester attaché à votre épouse en vous liant sexuellement à une autre ? D’autant plus que la sexualité est sans doute un des moyens les plus forts pour rester attacher à son conjoint. Il n’y a pas que le couscous dans la vie !

La fidélité conjugale a été conçue à une époque où la plupart des gens mourraient très jeunes. Nous vivons maintenant beaucoup plus longtemps- on devrai évoluer non ? [Nath] ?

La fidélité est le moyen par lequel un homme et une femme s’engagent à être présents l’un pour l’autre dans les bons comme dans les mauvais moments de la vie. Ils se font ainsi le cadeau inestimable de la confiance mutuelle, dans un monde qui n’en offre franchement pas beaucoup. Je trouve donc qu’avec l’allongement de la vie, on a encore plus besoin de fidélité !

De plus, je crois que notre relation a Dieu ne dépend pas simplement de l’évolution de nos sociétés. Dieu lui ne change pas et sa parole demeure éternellement. L’appel à la fidélité qu’il nous lance (non seulement dans le couple mais aussi dans notre relation à lui, la foi) demeure donc, je crois, vrai en tout temps. Comment pourrions-nous faire confiance en un Dieu qui changerait tous les quatre matins ? Ce n’est pas nous qui sommes au centre de notre vie de foi, c’est Dieu ! En terme d’éthique, surtout, nous n’avons pas à faire évoluer notre positionnement en fonction des changements de la société, mais à rappeler la volonté de Dieu pour nous, volonté valable hier, aujourd’hui, toujours.

Que faire- étant mariée légalement devant Dieu et les hommes- lorsque son époux voit d’autres filles et couche avec elles ? [Christine]

La situation que vous décrivez, Christine, me semble être grave, difficile et très douloureuse, avant tout pour vous. Je ne sais pas où vous en êtes dans le dialogue avec votre mari, mais il me semble absolument nécessaire de parler avec lui pour le mettre en face de cette contradiction : il est marié avec vous, il a donc officiellement fait le choix de votre personne pour être une seule chair avec lui et pourtant il vous trompe. Vous auriez grandement besoin, je crois, de consulter un thérapeute de couple chrétien, pour vous aider. Je ne peux, quoi qu’il en soit que vous encourager à ne pas rester dans le silence et une résignation qui n’est pas favorable à la vie que Dieu veut pour vous et votre couple. En dernier recours, vous savez que pour le protestantisme, le mariage n’est pas un sacrement, il n’est donc pas indissoluble. Mais cette issue ne saurait être envisagée que si vraiment aucun autre moyen n’apporte de solutions. Que le Seigneur vous garde et vous bénisse.

Quel est le sens du Psaume 89 ? Dieu est fidèle et en fin de compte il tient ses promesses envers nous même s’il semble qu’il les casse ? [Virginie]

Je pense en effet qu’il y a de ça. Ce psaume e place à une échelle bien plus haute que celle de notre vie qui est bien courte, bien petite (verset 48). La fidélité de Dieu se situe à un niveau beaucoup plus profond ou plus haut. Ce qui fait que parfois, certaines épreuves qui nous arrive et nous semblent tellement dures que l’on estime que Dieu s’est détourné de nous n’ont en vérité pas cette signification. De plus, je crois pouvoir lire ce psaume comme une annonce de la fidélité de Dieu en Jésus-Christ. C’est finalement lui, le descendant de David, par lequel Dieu a tenu toutes ses promesses en assumant en lui toutes les cassures de nos existences, pour que nous découvrions que sa promesse de vie est toujours là pour nous.

Pourquoi Dieu a-t-il choisi Israël comme peuple élu ? [Marianne]

« Élu » signifie « choisi ». Dieu n’a pas choisi Israël parmi tous les peuples « disponibles » ! Mais Dieu, qui avait tenté de faire alliance avec toute l’humanité qu’il avait créée, puis sauvée du Déluge, a finalement fait alliance avec un homme, Abraham, afin qu’ « en sa descendance toutes les familles de la terre soient bénies » (Genèse 12 / 3 etc., cité par Actes 3 / 25). Les descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (surnommé Israël) sont donc les agents de cette bénédiction, héritiers d’une promesse faite à leurs ancêtres.

C’est à ce titre que le peuple d’Israël est le « peuple élu », c’est-à-dire choisi par Dieu pour cette mission. Celle-ci devait s’accomplir à travers la fidélité du peuple, de ses chefs et de ses membres, à la Loi que Dieu avait donnée par Moïse. Tout l’Ancien Testament montre qu’il n’en a rien été : l’infidélité d’Israël lui a été reprochée par Dieu via ses prophètes, et sanctionnée par l’Exil à Babylone. La bénédiction de toute l’humanité ne pouvait donc pas passer par l’obéissance d’Israël ; mais à travers sa désobéissance, c’est par un seul des descendants d’Abraham : Jésus, seul juste, que des gens de toute nation seront amenés vers le Père (Galates 3 / 16).

Ceci dit, la promesse de Dieu demeure : Israël (comme peuple croyant, pas comme État !) a reçu à travers la Bible tout ce qu’il lui faut pour reconnaître le Christ et adhérer à lui (Romains 9 / 3-4 et le chapitre 11). Il est et reste témoin de l’amour de Dieu pour l’humanité, amour qui a pris corps en Jésus-Christ, fils d’Israël quant à son humanité.