Dans la Genèse, Dieu a dit : « L’homme quittera son père et sa mère… » Pourquoi par la suite Dieu a-t-il permis aux prophètes ou aux rois d’avoir plusieurs épouses ? [Curtis]

Dans les deux premiers chapitres de la Genèse, c’est le projet de Dieu pour l’être humain, homme et femme, qui est évoqué, c’est de leur vocation qu’il s’agit, ce à quoi Dieu les appelle (nous appelle). Mais ce que nous sommes aujourd’hui, c’est le chapitre 3 qui le montre : des êtres coupés de Dieu, prétendant décider par nous-mêmes de ce qui est bon ou mauvais. C’est-à-dire aussi des êtres de pouvoir et non pas d’amour comme Dieu l’avait voulu (et le veut toujours). La manière dont les humains, à travers toutes leurs différences culturelles, vivent la sexualité et la conjugalité, y compris monogame, ne fait que refléter cette réalité d’une manière ou d’une autre.

Ce que toute la Bible montre, c’est que Dieu ne se satisfait pas du péché, mais qu’il fait avec. C’est le sens-même de l’incarnation du Fils de Dieu. C’est le sens-même de la mort de Jésus. En attendant que cette victoire soit pleinement consommée, Dieu prend – et utilise – les gens tels qu’ils sont.

Dans l’histoire de David et de la femme d’Urie (2 Samuel 11 et 12), ce n’est pas sa polygamie qui est reprochée à David, mais son adultère, le fait d’avoir d’une part considéré une femme comme quelque chose qu’on peut s’approprier, et d’autre part d’avoir éliminé l’obstacle en faisant tuer le mari ! Et lorsque Dieu envoie Osée se marier avec une prostituée (Osée 1 / 2), puis avec une femme adultère (3 / 1), c’est pour un geste prophétique, une parole de condamnation incarnée dans la vie du prophète lui-même : il suffit de lire le livre pour le comprendre. Le prophète n’est qu’un porte-parole de Dieu, non seulement par sa bouche ou sa plume, mais par toute sa vie.

Ainsi Dieu n’a-t-il pas « permis » la polygamie, mais d’une part les hommes ne lui ont pas demandé son avis (y compris les croyants, même Abraham !), et d’autre part cette infidélité à la vocation du couple selon Genèse 2 lui a-t-elle servi à dire à son peuple sa propre infidélité, pour l’appeler à s’en repentir pour revenir à Dieu.

Enfin, dans le Nouveau Testament, il n’y a pas plus de condamnation de la polygamie que dans l’Ancien, même si tout ce qui est dit dans toute la Bible sur la conjugalité implique la monogamie (c’est d’ailleurs celle-ci qui s’imposera finalement dans les sociétés travaillées par la Bible). Il est seulement demandé aux pasteurs ou évêques, et aux anciens ou diacres, d’être « maris d’une seule femme » (1 Timothée 3 / 2. 12 ; Tite 1 / 6).

Quelle différence entre l’Ancien et le Nouveau Testament ? [Michèle]

Ce sont les deux parties de la Bible chrétienne. Le texte de l’Ancien Testament correspond au « TaNaKh » (la Bible juive). Il est écrit en hébreu (avec quelques passages en araméen). Le Nouveau Testament est spécifiquement chrétien, il est écrit en grec. Le mot « testament » est le mot latin mis pour « alliance ».

Le but de l’ancienne alliance, scellée par Dieu avec Moïse pour un temps avec le peuple juif, était de préparer la nouvelle, scellée pour toujours avec tous les humains en Jésus-Christ. La Bible chrétienne (AT + NT) rend témoignage à Jésus-Christ, mort et ressuscité, vrai Dieu et vrai homme, Seigneur et Sauveur. Les « Écritures » auxquelles se réfèrent les auteurs du Nouveau Testament, juifs lisant des textes juifs, rendent ce témoignage de manière figurée, et doivent être interprétées à la lumière du Nouveau Testament ; elles sont donc devenues un « Ancien » Testament. La lecture de celui-ci, non pas comme histoire mais comme alliance, est alors nécessaire pour comprendre le « Nouveau » Testament qui, lui, parle clairement de Jésus-Christ comme vraie Parole de Dieu et  accomplissement de l’Ancien.

Bien sûr, les Juifs ne lisent pas ainsi le TaNaKh, même si le texte en est le même que notre Ancien Testament : la clef de lecture, l’explicitation, n’est pas la même. Pour eux, l’alliance avec Israël est perpétuelle, qui donne la Loi comme chemin de salut. Pour les chrétiens, c’est la mort victorieuse de Jésus qui est le seul chemin de salut, et c’est elle que le Saint Esprit nous fait reconnaître dans les textes bibliques des deux « Testaments ».

Pourquoi continuons-nous à célébrer des fêtes chrétiennes (et/ou juives) ? Ca fait un peu célébration saisonnière et païenne- non ? [GiB]

Clairement, les fêtes religieuses peuvent honorer Dieu ou les idoles selon l’esprit qui nous pousse à les célébrer ! Mais dans le doute, abstenons-nous de juger hâtivement…

Les fêtes juives sont bibliques, instituées dans l’Ancien Testament elles ont pour but de glorifier Dieu en se remémorant son action dans l’histoire d’Israël (exemple dans le livre de l’Exode 12, 24-27). Elles n’ont pas un sens seulement social ou « festif », elles servent à communiquer la présence de Dieu avec son peuple et à transmettre l’enseignement de la foi aux générations successives.

Les fêtes chrétiennes ne sont pas instituées bibliquement mais commémorent aussi l’action de Dieu en prenant pour thème des moments importants de la vie de Jésus racontés dans les évangiles (Naissance du Christ , Mort et Résurrection, Ascension…) ou de l’action de l’Esprit (Pentecôte).

L’hypocrisie religieuse et le conservatisme rituel sont clairement des gros problèmes dans le christianisme contemporain. Mais jeter ces occasions pédagogiques d’enseigner l’action de Dieu est-il plus pertinent que d’essayer de leur redonner leur connexion authentique ? Honnêtement, je pense qu’il n’y a pas de réponse univoque… Ni ces fêtes, ni leur dénaturation n’est obligatoire.

Ce que je conseille à chacun, c’est de prier Dieu, d’écouter selon son contexte si fêter peut être une occasion d’édification personnelle ou une occasion d’évangélisation et agir en conséquence, sans jugement et sans mépris. De toute façon, ces fêtes n’ont de sens que si on accepte que Dieu parle et agisse encore aujourd’hui !

Pourquoi Pâques a-t-il pris un S en passant de juif à chrétien ? [Suzy]

Il n’y a pas d’explication certaine. La Pâques chrétienne, la mort et la résurrection du Christ, a bien lieu à l’occasion de la Pâque (d’un mot hébreu signifiant « passage ») juive, et en accomplit pleinement le sens et la portée pour les chrétiens (1Corinthiens 5,7) en libérant l’Homme de la puissance du péché (voir par exemple Romains 6). Il n’y a donc pas de raison de les orthographier différemment. Mais, au Moyen-Age, on constate que le terme est utilisé, en latin, indifféremment au singulier et au pluriel pour désigner les deux fêtes. On rencontre aussi au XVe siècle l’expression « faire ses pâques » pour désigner des pratiques ayant cours à l’occasion de la fête chrétienne. Sans doute que, progressivement, la différence d’usage et d’orthographe a permis de distinguer, en latin puis en Français, les deux fêtes.

Bonjour- j’ai du mal à comprendre le concept de « kabbale »- lequel intrigue ma curiosité. Pourriez vous m’expliquer ? Avec quel point de vue aborder ces écrits (juifs et chrétiens) ? [Guillaume]

Bonjour,

La Kabbale est une tradition « ésotérique » (mot dérivé d’un mot grec signifiant « intérieur »), c’est-à-dire cherchant une connaissance du divin à l’intérieur d’un courant d’initiés, et/ou de soi-même. Son usage des textes (dans le cas de la Kabbale, de l’Ancien Testament) prétend qu’il y a en eux un sens caché, que seuls des initiés pourraient percevoir.

L’Eglise (dont le protestantisme reconnaitra la fidélité à Christ jusqu’au Ve siècle) se distanciera des courants ésotériques (les courants gnostiques) sur le principe qu’il n’y a aucune raison d’aller à l’encontre de ce que Dieu dit clairement et ouvertement par les Saintes Ecritures (voir par exemple Exode19,5). Pour les chrétiens, Christ a dévoilé certains aspects de l’Ancien Testament (par exemple 1Corinthiens 10,4; 2Corinthiens 3, 12-16) mais le sens des Ecritures n’en est pas pour autant obscur ou nécessitant la révélation de sens cachés. Les apôtres et les Pères de l’Eglise résistaient à l’idée selon laquelle il y aurait des chrétiens de différents degrés… certes il y a des fonctions dans l’Eglise, et on peut grandir dans la connaissance de Dieu… mais il n’y a pas de super-chrétiens. C’est, je crois, ce sur quoi Paul veut interpeller en 1Corinthiens 12-14 (voir aussi Colossiens 2,18).

Je crois que l’ésotérisme exerce une fascination par les connaissances qu’il prétend apporter. Il séduit notamment parce qu’il flatte l’orgueil. Je pense que vous ne trouverez rien dans la Kabbale qui vous fera grandir en Christ.

Peut-on croire en Dieu sans croire à Jésus ? [Christine]

Croire en Jésus est le marqueur minimum de ce qui fait de nous un chrétien. « Dieu » peut vouloir dire plein de choses. Un philosophe théiste, un musulman et un anthroposophe peuvent avoir en commun de « croire en Dieu » mais il ne s’agit clairement pas du même dieu.

L’option chrétienne, c’est de croire que Jésus est la révélation de l’intimité de Dieu. Tout simplement, il est Dieu, le Fils. Si on ne croit pas en Jésus, on loupe donc une donnée fondamentale de l’identité de Dieu. Jésus a lui-même affirmé « Nul ne peut aller au Père sans passer par moi » (Jean 14, 6).

Les chrétiens croient aussi en la première révélation de Dieu au peuple juif. C’est-à-dire que Dieu s’est manifesté à ce peuple dans la perspective d’accomplir au milieu de lui, et pour toutes les nations, son plan de salut par Jésus-Christ. Une lecture chrétienne de l’ancien testament révèle que Christ est présent pour le peuple d’Israël. C’est la compréhension de l’apôtre Paul (1 corinthiens 10, 1-4). L’enjeu pour les juifs, au temps de Jésus comme aujourd’hui, est de l’accepter comme la pleine révélation de ce que Dieu veut offrir : la Parole de Dieu faite chair, le Messie, Roi et Berger annoncé « Moi-même je paîtrai mes brebis, et les ferai reposer, dit le Seigneur l’Eternel » (Ezéchiel 34, 15).

Jésus est le seul qui ait affirmé être Dieu, qui ait parlé avec l’autorité de Dieu, et dont les miracles accompagnaient le ministère. Aujourd’hui comme hier, les subtilités sont nombreuses en matière de croyances (Jésus comme prophète, guérisseur ou réincarnation d’Elie…), et nous sommes appelés à prendre position de la même manière que les premiers disciples, avec tous les indices bibliques et le Saint-Esprit pour nous décider.

Du temple/tabernacle, des rituels sacrificiels, à Jesus, l’accès à Dieu semble s’être dématérialisé, simplifié, « déreligieusé ». Pourquoi ces débuts si complexes, alors que tout est si simple ? [Simon]

Oui, il semble que ça se dématérialise.
Mais disons que vous omettez la première étape. Avant la fixation du culte au Temple de Jérusalem, il y a quand même eu le sanctuaire mobile dans le désert, la Tente de la Rencontre ou Tente d’Assignation. C’était au moins une solution nomade.

Avez-vous noté que pour ce qui est des modalités du culte au Temple avec son système de prêtrise, il y ait au bout du compte peu d’insistance sur le fait que ce soit Dieu qui l’ait désiré de tout son cœur. C’est moins prégnant mais c’est un peu comme la Royauté : un pis-aller pour imiter d’autres peuples, en somme. L’humain a besoin de religieux, de religion, et il aime installer des systèmes légaux.

Jésus, c’est le Temple qui retourne au nomadisme (Jean 2,21), afin qu’à notre tour nous devenions des temples (1 Corinthiens 3,16). C’est vrai, c’est plus léger, c’est réjouissant. Mais ce sont de vraies responsabilités. En tout cas, merci à Dieu d’avoir eu l’idée d’envoyer Jésus !

Pourquoi Dieu a-t-il attendu l’an 0 de notre ère pour envoyer son Fils ? Pourquoi pas avant ? [SP]

Peut-être que nous n’étions pas prêts ? Dieu n’a pas attendu ce jour-là pour parler à son peuple, pour agir pour l’humanité et le monde. Les Écritures (l’Ancien Testament) en portent le témoignage. Il a fallu le choix d’un peuple particulier : la descendance d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; il a fallu une religion particulière, celle de l’ancien Israël, à travers sa libération, sa Loi (= Torah), son roi, son temple, sa terre… et son infidélité aussi, pour que Jésus puisse être reconnu comme le Christ, l’aboutissement des promesses, la réalisation des figures de ces Écritures, l’Évangile en chair et en sang offert à des humains incapables d’aller vers Dieu (cf. le « jeune homme riche »).

Dans le Nouveau Testament, vous trouvez ce regard à la fois positif et négatif sur l’Ancienne alliance : elle prépare, mais ne reconnaît pas son propre accomplissement. Vous trouvez aussi des personnages qui représentent l’accueil de cet Évangile en Jésus : Siméon et Anne dans Luc 2 / 27-38, et d’autres encore… Et puis la grande question (Jean 1 / 1-18 ; Romains 9 à 11) : pourquoi ceux qui étaient préparés par Dieu pour recevoir son Fils l’ont-ils majoritairement rejeté, alors que d’autres qui n’avaient pas été préparés l’ont reçu ? Question toujours actuelle, y compris dans nos Églises, nos familles…

Bonjour ; Moïse a-t-il existé ? [Laurence]

Bonjour ! Cherchez-vous une réponse historique, ou une réponse chrétienne ? Je puis seulement vous donner la mienne, et d’autres répondants de ce site auraient peut-être dit autrement.

Pour moi, la question que vous posez n’a pas de sens pour la foi. Afin que nous puissions reconnaître la venue de son Fils en humanité, Dieu ne nous a pas donné une Histoire, mais des Écritures inspirées par son Esprit pour rendre témoignage à Jésus-Christ. Dans ces Écritures, le personnage de Moïse est primordial, et c’est autour de ce qu’il représente : la Loi divine donnée à un peuple que Dieu a libéré de l’esclavage, que tout l’Ancien Testament s’organise, et beaucoup du Nouveau. Alors, certes, pour la foi d’Israël comme pour la foi chrétienne, Moïse existe, même si des historiens vous diront qu’eux en sont moins sûrs…

La question est donc plutôt : comment ce que les Écritures disent de Moïse résonne-t-il dans la foi de l’Église aujourd’hui, et dans la mienne en particulier ? Comment ce que la Bible raconte de l’histoire de Moïse fait-il sens par rapport à la grâce de Dieu manifestée clairement en Jésus-Christ ? Comment la Loi divine donnée par l’intermédiaire de Moïse me mène-t-elle à vivre de l’Évangile plutôt qu’à être mort par mes propres œuvres (fussent-elles d’obéissance à cette Loi) ? Et comment la condamnation de Moïse à ne pas pénétrer dans la Terre promise suite à son manque de confiance dans l’efficacité de la Parole de Dieu m’interpelle-t-elle dans ma fidélité ou ma distance par rapport à Dieu, auteur des Écritures et Père de Jésus-Christ ?

L’expression « judéo-chrétien » n’est-elle pas un pléonasme ? Quand on est chrétien, on est forcément « judéo-chrétien », n’est-ce pas ? [Antoine]

A mon sens, cette expression n’est en rien un pléonasme. On appelait « judéo-chrétien » le juif devenu chrétien par sa conversion au message de Jésus-Christ, et « pagano-chrétien » le non juif devenu chrétien également par la conversion. On peut penser que cette distinction était faite au début du christianisme pour signifier que toutes celles et tous ceux qui croyaient à l’Evangile n’étaient pas tous (toutes) d’origine juive. Bien entendu, cela n’enlève rien au fait indéniable que le christianisme a ses origines dans le judaïsme.

Mais dans l’imaginaire journalistique, judéo-chrétien est presque toujours associé au concept de « Morale judéo-chrétienne » qui est une aberration, confondant la morale puritaine de la seconde moitié du XIXème siècle avec les préceptes de l’Evangile. Quand on voit Jésus, on se demande s’il était très préoccupé par la morale de son époque, passant son temps à la transgresser…