Au niveau purement doctrinal, qu’est-ce qui distingue les Attestants des évangéliques ? [Sylvie]

Les Attestants sont tout d’abord des membres de l’Eglise protestante unie de France.
Ils sont donc soit issus de la branche luthérienne, soit de la branche réformée.
L’EPUdF est très diverse théologiquement.
Le monde évangélique aussi.
Les Attestants aussi.

Différences

Il y a par exemple parmi les Attestants des gens qui se reconnaissent dans l’expression charismatique, et d’autres pas du tout. Il y en a qui sont très dans une grande orthodoxie théologique et d’autres moins. Les Attestants sont donc très divers et plusieurs ne se sentiraient pas du tout bien si on les appelait évangéliques (au sens des evangelicals nord-américains). A d’autres cela ne poserait pas de problèmes.

Points communs

Les Attestants sont confessants, c’est-à-dire qu’ils considèrent qu’on ne peut pas pousser le libéralisme théologique trop loin et qu’il y a des fondamentaux de la foi qui ne sont pas négociables : Jésus comme Fils de Dieu, la Trinité, l’impératif de la repentance, l’adhésion par la foi pour concevoir la plénitude de la grâce première, autorité des Ecritures bibliques pour la foi et la vie… etc.

Espérance

Mais les Attestants sont surtout heureux d’être dans l’Eglise porteuse des deux racines principales de la Réforme (luthérienne et calvinienne), dont ils ne voient pas pourquoi ils auraient à l’abandonner (comme on le leur a proposé) pour rejoindre d’autres Eglises, sachant que la foi des Attestants ressemble à ce qui a toujours été la foi de cette Eglise jusqu’à la fin du XXème siècle.

La Sainte Cène- sa signification : qui peut la prendre- à quelle fréquence- pourquoi est-elle si importante ? [Isabelle]

« Faites cela en mémoire de moi » dit Jésus lorsqu’il a remercié Dieu pour le pain et le vin lors du repas pascal précédant son arrestation.
L’apôtre Paul explique que chaque fois que nous prenons la Cène ainsi nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (1 Corinthiens 11)

La Cène est importante car elle est porteuse de cette parole pour moi et pour la communauté avec laquelle je la partage. Elle vient inscrire en chacun de nous, au plus profond de notre être, la réalité de notre salut. C’est pourquoi ô combien il est important de mettre sa foi en ces paroles.
Dans son Petit Catéchisme, à la question « Qui reçoit dignement ce sacrement? » le Réformateur Martin Luther dira « Jeûner et se préparer corporellement est assurément une bonne discipline extérieure; mais celui-là est vraiment digne et bien préparé, qui ajoute foi à ces paroles: Donné et répandu pour vous en rémission des péchés. Celui qui ne croit pas à ces paroles ou qui doute est indigne et non préparé. Car ces mots: « Pour vous » exigent absolument des cœurs croyants« .

Pour la fréquence cela dépend de nombreux facteurs chère Isabelle: la règle de votre communauté et votre propre soif de ce sacrement, en étant, me semble-t-il les deux principaux.

Je vous laisse également regarder nos autres réponses sur cette question de la Cène: ici et .

Comment comprendre Mathieu 18 verset 18 – dans quel contexte peut s’exprimer cette autorité ? Est-ce un acte sur la terre qui est ratifié au ciel? Ou l’inverse. [Ano]

Pour comprendre au mieux un verset biblique, j’ai souvent besoin de le replacer dans son contexte : Matthieu 18.18 (« Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre aura été lié au ciel et tout ce que vous délierez sur la terre aura été délié au ciel. ») s’inscrit dans une série de paroles que Jésus prononce sur le thème du pardon dans l’Église. En effet, Jésus parle à ses disciples (c’est le premier verset du chapitre 18 qui le rappelle) et le mot « église » est spécifiquement employé en 18.17. L’autorité exprimée en Matthieu 18.18 ne me semble donc pas une autorité absolue, concernant tous les domaines de la vie des chrétiens. Nous ne sommes pas des super héros, et Dieu ne nous a pas donné des super pouvoirs, mais l’assistance de son Esprit pour agir conformément à sa volonté. « Lier » et « délier » sont donc des termes équivalents, me semble-t-il, à « ne pas pardonner » ou « pardonner ». Car l’Église, en tant que lieu de représentation du Royaume de Dieu, doit vivre dans l’unité et le pardon entre ses membres. Pardon qui vient de Dieu, mais qui doit être recherché de toutes leurs forces par les frères et les sœurs. L’Église est un lieu où le pardon devrait pouvoir s’expérimenter, et pas un tribunal, comme les versets qui précèdent le verset 18, quand ils sont lus trop vite ou, eux aussi, hors contexte, semblent le laisser penser. De même, le verset 20 : « En effet, là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » renvoie lui aussi à cette question du pardon qui fonde la communauté (l’assemblée), et n’est pas un verset de consolation quand il n’y a que trois personnes au culte !

C’est aussi dans ce contexte que je comprends pourquoi Jésus parle du pardon dans l’Église juste après avoir parlé des enfants, des plus petits, et de notre responsabilité envers eux. Un enfant est très peu souvent rancunier. Il n’y a qu’à voir l’amour indéfectible que bien des enfants maltraités continuent de porter à leurs parents, même si ceux-ci ont été très déficients envers eux. Or la rancœur, le ressentiment sont des obstacles très forts au pardon. Il faut donc s’efforcer de ressembler à une petit enfant pour pouvoir pardonner.

Mon pasteur me dit que Jésus est un homme, mais qu’il n’est pas Dieu. Qu’en penser ? [Lémurien]

Je ne peux pas penser à votre place. Mais essayer de trouver quelques idées avec vous.

D’abord, il y a une multitude de versets bibliques qui disent que Jésus est Dieu et Fils de Dieu. Je n’en prendrai qu’un : « Celui qui confessera que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. » (1Jean 4,15).
Ce verset a le mérite de définir en plus ce qu’est un chrétien.

La quasi-totalité des Eglises confessent leur foi selon le Credo – symbole des apôtres, qui dit : « Je crois en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur », qui affirme donc, par le titre de Fils et l’appellation Seigneur, le fait que Jésus est Dieu.

Donc, cela signifie que votre pasteur déploie un système de croyance qui se place volontairement ou non hors de la proposition biblique et chrétienne.

Si Jésus-Christ a vaincu la mort, nous n’allons plus mourir en Christ. Qu’en est-il de ce qui sont morts avant le sacrifice de notre Seigneur Jésus ? [Gaithan]

Jésus a vaincu la mort. C’est la certitude de Pâques.
La mort n’a plus d’emprise sur lui. « Nous savons en effet que le Christ, depuis qu’il a été ramené de la mort à la vie, ne doit plus mourir : la mort n’a plus de pouvoir sur Lui. » (Romains 6,9).

Pour autant  Paul rappelle en 1 Corinthiens 15,26 : « Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort. » Ce futur signifie donc que pour Paul cela ne veut pas dire que la mort n’existe plus. Qu’elle soit vaincu veut dire qu’elle n’a plus le dernier mot mais qu’elle est là. Nous mourrons !

Malheureusement beaucoup de traductions françaises traduisent à mauvais escient la parole de Jésus à l’occasion de la résurrection de Lazare : « Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jean 11,25-26). Le grec ne dit pas « il ne mourra jamais », mais « sa mort ne sera pas éternelle ». Ce n’est pas la même chose ! La mort est là, mais c’est elle qui sera vaincue au bout du compte, pas la vie ! D’où l’idée de résurrection plénière et de Vie éternelle.

Ceux qui nous précèdent seront soit Juifs et donc jugés sur la Loi de Moïse, soit non-Juifs et donc jugés sur la loi naturelle (de notre conscience du bien et du mal). Donc sur leurs oeuvres. C’est ce qu’on pourrait croire de prime abord.
Or 1 Pierre 4, 5-6 nous dit : « Ils rendront compte à celui qui est prêt à juger les vivants et les morts. 6 Car l’Evangile a été aussi annoncé aux morts, afin que, après avoir été jugés comme les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l’Esprit. » Cela donne à penser que Pierre agréerait à l’idée du Credo que Jésus est descendu aux enfers (ou au séjour des morts) pour y prêcher durant les 3 jours de sa mort. Ceux qui sont morts avant Jésus ont donc été évangélisés, d’après ce verset un peu énigmatique quand même… Ils seront donc jugés sur la base de leur foi ou non-foi. C’est ce qu’on comprend à demi-mots derrière Jacques 2,23 : « Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice; et il fut appelé ami de Dieu. »

La théologie est souvent spéculative en somme…

Pourquoi les autorités de l’Église Protestante Unie parlent-elles plus de politique que de Jésus ? [Grégorien]

Il faut leur demander à elles !

Ceci dit, deux types de réponses pour ma part et pour le moment :

Premièrement, il n’y a pas dans l’Église protestante unie – et dans toute Église protestante – d’autre autorité que la Parole de Dieu telle qu’elle se donne à entendre dans la Bible. Il n’y a pas de magistère qui dirait comment être un « bon » chrétien, que ce soit au niveau de la foi, de la piété, de la morale, de la politique, etc. Car aussi Dieu peut s’adresser à chacun de manière différente. On parlera alors plus volontiers d’une « éthique de la responsabilité » : chacun est responsable devant Dieu des choix qu’il pense être les meilleurs, les plus fidèles à l’Évangile. Tout discours ou décision qui irait contre la seule autorité de la Parole biblique serait nul et non avenu (sola scriptura).

Deuxièmement, nos pasteurs au sens large (donc aussi ceux à qui Dieu a confié la direction de l’union de nos Églises) ont le souci de faire partager les valeurs de l’Évangile à la société dans laquelle Dieu nous a placés. C’est notamment le cas quant à l’exercice du pouvoir dans l’intérêt des gens, quant à l’accueil des petits et des étrangers, etc. Il ne faut donc pas s’attacher à ce qui apparaît de leurs choix partisans (vous pouvez en avoir d’autres), mais à ce qui les fonde (et qui peut aussi fonder les vôtres), à savoir Jésus-Christ seul. Car la prédication chrétienne s’inscrit dans le monde (donc dans un contexte précis) même si elle ne lui appartient pas (cf. Jean 17).

Au regard des textes bibliques, quelle est la différence fondamentale entre l’âme et l’esprit ? [Nath]

La différence entre âme et esprit dans la Bible. Question très complexe et avec plein de conséquences pratiques.

D’abord parce que la Bible est écrite sur 1300 ans et que donc les représentations de ce qu’est l’humain ont énormément varié entre temps. Donc il n’y a pas une seul anthropologie biblique mais plusieurs ! Certains textes sont manifestement plutôt bipartites : ils considèrent que l’homme est corps et souffle (âme et/ou esprit en un seul bloc), et d’autres tripartites (corps, âme, esprit).

Ensuite les termes d’âme et esprit sont plus tirés des représentations gréco-romaines que de la représentation sémitique et hébraïque. En hébreu il y a de nombreux mots pour décrire le souffle, la vitalité, l’âme, l’esprit, tous ces éléments immatériels de l’humain. Et on ne peut pas trancher pour plusieurs si ce serait plutôt âme ou plutôt esprit quand on le traduit en grec.

Après ça, en français, c’est très compliqué parce que :
– dans l’imaginaire post-chrétien les gens pensent que l’âme c’est un truc religieux (et donc spirituel…) alors que l’âme en latin c’est l’anima, donc ce qui est plutôt biologique, intellectuel, affectif, émotionnel. Donc l’inverse. L’anima grecque est la psychè (et donc le psychisme). La « cure d’âme » (curo-anima) a pour parfait synonyme la « psychothérapie » (psychè-therapeuw).
– quand on parle d’esprit, on pense souvent à l’intelligence (faire un mot d’esprit). Mais ça c’est l’esprit qui vient du mot grec noos (la raison, la pensée), tandis qu’il y a un autre mot pour dire esprit dans le Nouveau Testament qui est le mot pneuma (souffle spirituel posé par Dieu dans l’Adam).
Donc le français rajoute un niveau de complexité.

Pour ma part, je pense que la strate de représentation qui avait cours à l’époque de Jésus est celle qui doit intéresser particulièrement un chrétien, car elle est à la charnière entre nos deux racines : sémitique (hébraïque) et héllénistique (grecque). Et que la théologie chrétienne, très influencée par celle de l’apôtre Paul, est une tentative de faire coïncider les incompressibles de ces deux mondes de pensée.

Enfin, c’est surtout une préoccupation pastorale qui me préoccupe. Choisir le tripartisme (corps, âme, esprit), c’est reconnaître qu’il y a des phénomènes psychiques qui sont très différents de phénomènes spirituels, et réciproquement. Que ces deux zones influent l’une sur l’autre mais qu’elles sont distinctes et que les confondre n’aide pas du tout dans la thérapeutique chrétienne qui cherche la guérison au nom de Jésus. C’est donc un principe de théologie pratique qui me fait choisir, dans un panel large de possibles à l’intérieur du corpus biblique, une de ces représentations de l’humain (de l’époque paulinienne), parce qu’elle est performative, elle est opératoire pour la libération de nos frères et sœurs.

« Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ ! » – 1Thessaloniciens 5,23

Pourquoi continuons-nous à célébrer des fêtes chrétiennes (et/ou juives) ? Ca fait un peu célébration saisonnière et païenne- non ? [GiB]

Clairement, les fêtes religieuses peuvent honorer Dieu ou les idoles selon l’esprit qui nous pousse à les célébrer ! Mais dans le doute, abstenons-nous de juger hâtivement…

Les fêtes juives sont bibliques, instituées dans l’Ancien Testament elles ont pour but de glorifier Dieu en se remémorant son action dans l’histoire d’Israël (exemple dans le livre de l’Exode 12, 24-27). Elles n’ont pas un sens seulement social ou « festif », elles servent à communiquer la présence de Dieu avec son peuple et à transmettre l’enseignement de la foi aux générations successives.

Les fêtes chrétiennes ne sont pas instituées bibliquement mais commémorent aussi l’action de Dieu en prenant pour thème des moments importants de la vie de Jésus racontés dans les évangiles (Naissance du Christ , Mort et Résurrection, Ascension…) ou de l’action de l’Esprit (Pentecôte).

L’hypocrisie religieuse et le conservatisme rituel sont clairement des gros problèmes dans le christianisme contemporain. Mais jeter ces occasions pédagogiques d’enseigner l’action de Dieu est-il plus pertinent que d’essayer de leur redonner leur connexion authentique ? Honnêtement, je pense qu’il n’y a pas de réponse univoque… Ni ces fêtes, ni leur dénaturation n’est obligatoire.

Ce que je conseille à chacun, c’est de prier Dieu, d’écouter selon son contexte si fêter peut être une occasion d’édification personnelle ou une occasion d’évangélisation et agir en conséquence, sans jugement et sans mépris. De toute façon, ces fêtes n’ont de sens que si on accepte que Dieu parle et agisse encore aujourd’hui !

Pourquoi Pâques a-t-il pris un S en passant de juif à chrétien ? [Suzy]

Il n’y a pas d’explication certaine. La Pâques chrétienne, la mort et la résurrection du Christ, a bien lieu à l’occasion de la Pâque (d’un mot hébreu signifiant « passage ») juive, et en accomplit pleinement le sens et la portée pour les chrétiens (1Corinthiens 5,7) en libérant l’Homme de la puissance du péché (voir par exemple Romains 6). Il n’y a donc pas de raison de les orthographier différemment. Mais, au Moyen-Age, on constate que le terme est utilisé, en latin, indifféremment au singulier et au pluriel pour désigner les deux fêtes. On rencontre aussi au XVe siècle l’expression « faire ses pâques » pour désigner des pratiques ayant cours à l’occasion de la fête chrétienne. Sans doute que, progressivement, la différence d’usage et d’orthographe a permis de distinguer, en latin puis en Français, les deux fêtes.

Doit-on prendre la sainte Cène tous les dimanches ? [ixix]

Dans le livre des actes qui raconte les pratiques des premiers chrétiens, il est fait mention de réunions quotidiennes pour la communauté de Jérusalem, avec la fraction du pain au domicile (Ac 2, 42-47). Plus tard dans ce même livre, on comprend que la pratique d’autres communautés est de se réunir le dimanche, c’est-à-dire le premier jour après le sabbat, pour notamment « rompre le pain » (Ac 20, 7). Ailleurs dans le Nouveau Testament, on comprend à partir des réprimandes de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe que le partage du « repas du Seigneur » fait partie intégrante des réunions de cette communauté aussi (1 Co 20-21).

De ces éléments bibliques là, on doit clairement tirer que c’est une juste pratique de « rompre la pain » ensemble tous les dimanches. Pour autant, si le commandement de Jésus est de partager la coupe et le pain en sa mémoire (Luc 22, 14-20), il n’y a d’abord aucune obligation de sa part liée à la fréquence, deuxièmement aucune obligation concernant la forme « rituelle » que doit prendre ce repas. Jésus a institué ce partage au cours d’un dîner de Pâques avec ses disciples et pas au milieu d’une réunion de prière… Il y a énormément d’éléments culturels dans nos Églises qui nous font souvent penser à tort que « c’est comme ça la manière normale de pratiquer »… certains prennent le repas au début de la réunion, d’autres à la fin, beaucoup le font en dehors d’un « vrai repas », d’autres considèrent que le repas communautaire après le culte fera fonction…

Pour conclure, ne mettons pas de « devoirs » là où le Seigneur a laissé la liberté et concentrons-nous sur l’enseignement de Jésus et le sens de ce repas avant toute réflexion (légitime) sur la forme qu’il doit prendre dans notre assemblée.