J’ai entendu dire que Jésus n’était pas célibataire ? Qu’en penser ? [Joy]

Tout d’abord, il faut rappeler que les Evangiles ne sont pas des biographies complètes de Jésus. Ainsi, de ce que fut sa vie avant le début de son ministère, ils ne donnent que quelques rares aperçus (les circonstances de sa naissance, un épisode lorsqu’il avait 12 ans).

Donc dans l’absolu, et quoiqu’aucun des 4 Evangélistes du Nouveau Testament ne l’évoque, rien n’aurait empêché que Jésus fonde une famille. Même s’il est venu en ce monde pour une autre mission : unir tous ses disciples en une famille nouvelle, celle des enfants de Dieu qui écoutent sa Parole, comme il est écrit en Matthieu 12,46 à 50 et passages parallèles. Mais force est de constater qu’à propos de sa famille humaine à Nazareth, dans ce texte et les autres, il n’est toujours question que de sa mère, ou de ses frères et soeurs. Jamais d’une épouse.

Les bruits que vous citez sont notamment inspirés d’un évangile apocryphe, tardif (3e siècle), l’Evangile de Philippe, qui fait état d’une relation privilégiée entre Jésus et Marie de Magdala. Elle aurait été sa disciple préférée « qu’il embrassait sur la bouche », et qui aurait été au bénéfice exclusif d’une révélation spéciale, écartée par la suite au profit d’une doctrine officielle. Cet Evangile a été découvert avec d’autres écrits du courant gnostique à Nag Hammadi, en Egypte, au siècle dernier. La sobriété des quatre Evangiles retenus dans le canon sur les détails de la vie de Jésus a provoqué un foisonnement de développements légendaires et après le premier siècle, beaucoup d’Evangiles ont été écrits. Les fake news ne datent pas d’hier ! Même si cette histoire entre Jésus et Marie de Magdala, aux allures de scoop a permis le succès du Da Vinci Code, vous devinez le peu de crédit qu’il faut lui accorder.

Que pensez-vous des prophètes cévenols du désert ? Leurs prophéties et appels à la Guerre Sainte étaient-ils bibliques ? [David]

La notion de « guerre sainte » est incontestablement présente dans l’Ancien Testament, Dieu lui-même combat pour son peuple Israël, qu’il a choisi et délivré d’Egypte pour révéler son alliance et son Salut à toute l’humanité. Qu’on pense à la conquête de Canaan, à des chants de victoire comme Exode 15. Nombres 21,14s cite même un livre (perdu) « des Guerres du Seigneur ».

Les protestants cévenols, durement persécutés aux 17e et 18e siècles, se sont identifiés au peuple de Dieu soumis à la tyrannie de Pharaon et promis à l’exode, d’où l’appellation de cette période : « le désert ». Cette identification et la dureté des sévices qui leur ont été infligés explique aisément que certains d’entre eux se soient sentis inspirés par Dieu lui-même pour appeler à la résistance armée. Ce fut ce que l’on appelle la guerre des camisards.

Comment pourrait-on juger ce combat pour la liberté de conscience, quand on sait quelles souffrances ils ont endurées ? Comment aurions-nous réagi si nos propres enfants nous avaient été pris pour être éduqués dans des convictions contraires aux nôtres, ce qui à l’époque fut une des causes du soulèvement ?

Cependant nous ne pouvons cautionner les massacres et diverses cruautés commises par certaines bandes de camisards contre des populations catholiques, parfois ordonnées par des « inspirés », car en Jésus-Christ, l’ennemi n’est plus de chair et de sang ! Jésus inaugure une nouvelle alliance, proclame le Royaume de Dieu dont la charte comprend l’amour de l’ennemi (Matthieu, ch.5, v.44).

On ne peut donc plus justifier la violence pour des motifs spirituels, religieux, même si hélas, en ce monde, l’usage de la force armée est parfois nécessaire, voire indispensable -aux mains des Etats- pour contenir la tyrannie, le terrorisme, et autres agressions qui menacent leurs populations. Mais c’est une autre question. Dans ces cas-là le recours à la guerre, sans être un bien en soi, peut être considéré comme le « moindre mal ».

Pourquoi fallait-il que Jésus soit à la fois vraiment Dieu et vraiment Homme ? [Gudrun]

Il y avait quatre solutions :

  1. Qu’il soit vraiment Dieu et pas vraiment Homme
    Alors il aurait singé l’humanité, n’aurait pas traversé la souffrance, ni la mort (comme dans l’arianisme ou l’islam). Il serait beaucoup plus difficile pour nous de nous identifier à lui et le caractère sacrificiel de sa venue serait parodique et donc une vaste farce.
  2. Qu’il soit vraiment Homme et pas vraiment Dieu
    Ce serait un super prophète, il serait « l’inspiré » par excellence. Mais sa vie éternelle ne lui permettrait ni d’être présent au commencement du monde, ni d’être efficient après l’Ascension. Il serait un ènième fondateur de religion…
  3. Qu’il soit un humain « demi-dieu » comme dans les mythologies
    Sans reprendre les faiblesses des deux précédentes propositions, pour nous, la religion consisterait à passer notre temps à nous demander quand il est en « mode Dieu » ou en « mode Homme », et les batailles théologiques seraient interminables.
  4. Il a été vrai-Dieu et vrai-Homme pour finir
    Ce qui a permis de régler les problèmes des trois premières « solutions théologiques » évoquées ici.
    Et donc nous pouvons être structurellement à l’image de Dieu, et en plus, comme Christ, à sa ressemblance ; ou encore pleinement terrestres avec notre corps et notre âme, et tout à fait célestes avec notre esprit.

Pourquoi certains chrétiens ne regardent que les questions morales dans leur choix pré-électoral ? [Caro]

Effectivement, une partie des électeurs chrétiens accordent beaucoup d’importance à des critères comportementaux, moraux ou éthiques pour choisir pour qui ils voteront. Et les candidats le savent bien : se positionner contre l’avortement, contre le mariage gay, contre la polygamie de certains, a un fort potentiel de séduction à l’égard de certains chrétiens, qui font de ces sujets des enjeux premiers.

C’est assez étonnant quand le ministère de Jésus proposait une toute autre posture, aider une femme (en Jean 8) à sortir de sa logique d’adultère plutôt que de la condamner, contribuer à réintégrer des exclus (en Luc 17) plutôt que de les stigmatiser, choisir le pardon plutôt que la condamnation (Jean 3,16-17).

Ce sont sur d’autres sujets éthiques que Jésus s’est fortement positionné. A la suite du Premier Testament, il plaçait la question de l’équité et de la justice au tout premier plan, à la fois côté politique, mais aussi en matière de justice économique. Sa préoccupation pour la liberté, la justice des jugements rendus, ou le soin aux plus petits était bien plus forte que ses préoccupations strictement morales.

Bref pour Jésus, la justice, le droit des plus faibles et l’équité économique étaient des sujets plus essentiels pour faire des choix que les questions comportementales ou de morale personnelle.

Faut il « prier en langue » si on arrive pas à formuler nos prières ? Qu’est-ce exactement ? Le Saint-Esprit doit il être présent ? [Ludivine]

La prière ou le « parler en langues » n’est pas décrit dans les épîtres de Paul (notamment la 1ère aux Corinthiens, au ch.12, voir les verset 10 et 30) comme une exigence mais comme un don du Saint-Esprit, un charisme (terme qui vient d’un mot grec signifiant « grâce », c’est à dire un cadeau, une faveur !). Donc, il ne « faut » pas prier en langues, et surtout pas pour compenser notre difficulté à formuler une prière. Il traduit non pas une carence mais au contraire une surabondance de joie, de communion avec le Seigneur qu’aucun mot humain ne saurait exprimer.

L’erreur (que Paul dénonce précisément dans le passage cité) serait de faire de l’exercice de ce don le seul signe que l’on a reçu le Saint-Esprit, du fait de son caractère extraordinaire, voire apparemment surnaturel. Il n’est pas donné à tous. Et Paul rappelle qu’il faut privilégier les dons qui édifient et servent les autres, notamment l’amour, ce qu’il développe aux chapitres suivants (13 et 14) que je vous encourage également à relire !

Qui a écrit l’épître aux Hébreux ? [Seth]

C’est un des mystères du Nouveau Testament, cette épître (d’ailleurs est-ce une lettre ou un traité doctrinal, ou une prédication ?) est anonyme. Certains Pères de l’Eglise et des spécialistes contemporains l’ont attribuée à Paul ou à l’un de ses disciples, pour des similitudes de doctrine ou de façon de se référer à l’Ancien Testament. D’autres y ont vu la signature d’Apollos, dont le signalement en Actes 18,24 « colle » avec le profil de l’auteur. Mais peu importe, finalement, c’est l’originalité, et la profondeur de cet écrit consacré à Jésus-Christ, grand-prêtre de la nouvelle Alliance), qui l’ont imposé dans le canon du Nouveau Testament.

Tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Matt 26:52 Qui est le « tous » ? [David]

Il faut replacer cette parole dans son contexte. Jésus s’adresse à un disciple qui veut s’opposer par la force à l’arrestation de son maître en frappant un des gardes avec son épée. D’après l’évangile selon Jean, il s’agit de Pierre (toujours impulsif !). Le ‘tous » désignerait ceux pour qui la violence est le seul remède à la violence, et la force la seule réponse possible à la force, ou à toute forme d’atteinte à l’être humain ou à la justice. On peut donc comprendre: la violence finit par se retourner contre celui ou celle qui y a recours. On peut voir dans cette parole un écho à l’avertissement de Dieu en Genèse ch.9 v.6 : « qui verse le sang de l’homme, par l’homme verra son sang versé ». Le Sermon sur la Montagne indique d’autres voies actives pour la résolution des conflits et la lutte contre le mal : voir Matthieu ch.5, v.38 à 41.

Jésus insiste, dans le récit de Matthieu, sur le fait que sa non-résistance est volontaire, librement assumée. C’est la volonté du Père qu’il subisse sa passion jusqu’à la mort sur la croix. Il refuse donc tout secours, que ce soit de son entourage ou même du Père et de ses « légions d’anges » (Matthieu ch.26, v.53). C’est ainsi que l’amour de Dieu sera victorieux.

Pas facile à mettre en pratique, que ce soit à l’échelle individuelle ou à celle des relations entre les peuples…

La Bible dit vrai parce que la Bible dit qu’elle dit vrai. Que faire… ? [Michele]

Que faire pour éviter ce raisonnement circulaire et auto-validant ? Bonne question Michèle !

Quelques précisions tout d’abord. Plutôt que « La Bible », il faudrait plutôt parler des auteurs bibliques puisqu’ils sont nombreux, et les genres littéraires qu’ils ont utilisé très divers. La question de leur « véracité » se pose pour certains d’entre eux : conformité aux faits pour les récits historiques, solidité des affirmations (par exemple sur la nature divine de Jésus) pour les textes doctrinaux, fiabilité des prophéties, etc.

Pour ce qui concerne les récits ayant trait à l’histoire d’Israël, du ministère de Jésus et des débuts de l’Eglise, nous n’avons aucune « preuve » déterminante de leur véracité. Les Evangiles ne sont pas des biographies critiques au sens moderne, mais des témoignages. On ne demande pas à un témoin d’apporter les preuves de ce qu’il rapporte, on lui demande de témoigner. Et quand Paul explique dans ses lettres le plan de Salut de Dieu, il revendique une autorité qui lui vient de sa rencontre personnelle avec le Christ, de sa découverte bouleversante de l’identité de celui dont il persécutait auparavant les disciples. Là aussi, il se pose en témoin.

La Bible ne s’est pas constituée en un jour. On peut la considérer comme le recueil progressif de tous les écrits qui ont été reçus par Israël, puis par les premiers chrétiens, comme le dépôt, l’écho fiable de l’Alliance entre Dieu et ses partenaires humains. Tout comme les livres de l’Ancien Testament, Les 27 livres qui constituent le Nouveau Testament n’ont pas été choisis par une commission qui a décidé un beau jour d’arrêter la liste des textes chrétiens inspirés par le Saint-Esprit ! Ils se sont imposés d’eux-mêmes, et l’Eglise a écarté bon nombre d’Evangiles plus ou moins fantaisistes ou marqués par des philosophies non-chrétiennes comme el gnosticisme, en ne retenant que ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean.

« La preuve du pudding, c’est qu’on le mange », a dit avec humour quelqu’un sur cette question. Finalement, c’est en lisant soi-même la Bible qu’on se rend compte de la force transformatrice de son message, un message que Dieu nous adresse personnellement, avec une surprenante continuité à travers les siècles couverts par l’histoire biblique, révélant une profonde unité dans sa diversité. Des millions de vies ont été éclairées, transformées par ce qu’elle nous rapporte de la grande aventure de Dieu parmi les hommes, qui culmine dans la mort et la résurrection du Christ.. et qui ne finit pas. C.S. Lewis, un philosophe et écrivain chrétien du XXe siècle, a bien résumé l’enjeu : Ou bien le christianisme est faux et sans aucune importance ou bien il est vrai et tellement important. Ça ne peut pas être moyennement important. Le témoignage que la Bible rend au Dieu qui se révèle en Jésus-Christ nous amène à choisir entre foi et incrédulité.

Comment les chrétiens doivent-ils commémorer la cène instituée par Jésus lors de son dernier repas ? [Clara]

Pour ce qui me concerne, Clara, la Sainte Cène est un moment extrêmement important du culte que la communauté chrétienne rend à Dieu. Cela doit donc se vivre comme un temps de prière et de communion profondes, avec Jésus et entre les participants. Je pense qu’il est légitime de soigner les éléments que l’on utilise. La piquette et le pain rassis, non merci ! C’est un vrai moment où nous recevons la présence du Christ parmi nous. Ce n’est clairement, pour moi, pas seulement un moment commémoratif. C’est pourquoi il me semble aussi absolument nécessaire de s’ouvrir, par la prière à l’action du Saint-Esprit. Lui seul nous permet de discerner dans le pain et le vin les signes du corps et du sang de Jésus, de sa présence parmi nous et de la communion que cela instaure entre lui et nous. Sans enfermer tout cela dans un déroulement rigide et intouchable, je crois quand même qu’un peu de solennité nous aide à mieux nous rendre compte de ce que nous vivons alors.

Pourriez-vous m’expliquer un peu ce que signifie « strong theology » vs « weak theology » ? [Hana]

Effectivement, ces expressions sont apparues ces dernières années chez les défenseurs d’une « théologie faible », c’est à dire d’un discours qui renonce à une « théologie forte », laquelle conçoit Dieu comme tout-puissant. Dieu ne peut pas tout, puisqu’il ne peut pas empêcher le mal, la souffrance, la mort. Il faudrait même, selon un théologien américain récemment traduit en français, John Caputo, renoncer à parler de Dieu comme d’un être personnel, ce qui relèverait selon lui de la mythologie. Dieu ne serait que la force faible mais insistante d’une parole qui nous invite à changer, à pardonner, bref, Dieu n’existera que dans notre réponse à l’appel à oser, à risquer, à aimer, etc.

Bien que cette « théologie faible » se réclame de la croix de Jésus-Christ (conçue comme le lieu même de la faiblesse absolue, ce qui est fort contestable), elle ne me paraît pas conforme à ce que nous dit la Bible : sa plus grande erreur est d’être centrée sur l’homme ; tout dépend désormais de sa réponse, de sa capacité à aimer, partager, etc. Il n’y a rien à attendre du ciel.

Cette théologie semble aussi succomber à la tentation de vouloir en quelque sorte excuser Dieu du mal. Si Dieu n’est pas tout-puissant, ce n’est pas sa faute ! Or Dieu n’a pas besoin de défenseurs mais de témoins de son Salut, de son amour, et de l’espérance qu’il nous offre d’une création nouvelle, inagurée par la résurrection de Jésus-Christ. L’espérance est, au fond, absente de cette théologie décidément… bien faible. Recevons plutôt la promesse du Seigneur : « je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21,5).