C’est quoi un chrétien ? [Nicolas]

La question a le mérite d’être brève et précise !

Je commencerai par dire ce que ça n’est pas :
1. Un chrétien n’est pas quelqu’un qui le serait par le seul héritage familial, culturel, ou national, par le fait que l’un ou/et l’autre de ses parents soit ou ait été chrétien.
2. Un chrétien n’est pas une personne qui se targue d’obéir à une morale prétendument judéo-chrétienne, dont personne ne sait ce qu’elle est…
3. Un chrétien n’est pas quelqu’un qui est sous un système de lois dont l’obéissance conditionnerait sa foi.

Alors je peux dire ce qu’il ou elle est :
1. Un.e chrétien.ne a accepté de dire un jour en public qu’il ou elle se reconnaissait comme enfant de Dieu à cause de son frère aîné qui est Jésus le Christ, le Seigneur et le Sauveur qui donne la vie pour toujours.
2. Un.e chrétien.ne vit une relation de confiance avec son Dieu (Père, Fils et Saint-Esprit) dans l’expérience relationnelle de la prière et l’écoute de la Parole de Dieu qui surgit des Ecritures bibliques.
3. Un.e chrétien.ne porte du fruit dans sa vie (Galates 5), reçoit des dons de l part de l’Esprit Saint (1 Corinthiens 12), et vit d’une loi d’amour résumée par Jésus en un commandement à la fois ancien et nouveau (Marc 12,30-31).

Le reste me paraît déjà souvent culturel…

Trump serait-il « la bête » d’Apocalypse 13 (avec une bouche disant des choses arrogantes et Elon Musk « le faux prophète » (qui organise le culte de la bête et anime son image) ? [Nicolas]

Le rapprochement que vous proposez, Nicolas, entre les deux bêtes décrites en Apocalypse 13 et ces deux hommes politiques contemporains, est très tentant (MM. Trump et Musk partagent avec elles des traits communs, dont, effectivement, une énorme arrogance (cf Ap 13,5), mais cet avis n’engage que moi !).

Toutefois, il faut noter que depuis toujours, les lecteurs de ce chapitre essaient d’identifier ces figures monstrueuses du pouvoir opposé au règne de Dieu, qui forment avec le Dragon une sorte d’anti-trinité diabolique. La symbolique du fameux nombre 666 qui clôt le chapitre, comme une invitation à décoder l’ensemble, n’est pas pour rien à l’origine de ces recherches. A chaque époque ou tendance correspondent une ou plusieurs identifications fantaisistes de la bête : Mahomet, le Pape, Napoléon, Hitler, Staline, etc.

L’avis général, et le plus sûr, est que l’auteur de l’Apocalypse, en reprenant le symbolisme du livre de Daniel (comparant les empires babylonien, mède et perse à diverses bêtes féroces), évoque le pouvoir impérial Romain de son temps, persécuteur des chrétiens, blasphémateur (puisque l’empereur se faisait appeler Seigneur et devait être considéré comme divin). La deuxième bête symboliserait pour sa part toute la propagande qui était faite en faveur du culte de l’empereur.

Ce que nous pouvons retenir de votre hypothèse d’interprétation, c’est que tout au long de l’histoire humaine, et pas simplement au premier siècle (à la fin duquel a été rédigée l’Apocalypse), il a existé des pouvoirs humains ou des idéologies cherchant à prendre dans le coeur et l’esprit des gens, et dans toute la vie sociale, économique, politique, la place qui revient au seul vrai Dieu. Notre temps n’y échappe pas, il est d’ailleurs marqué par une persécution grandissante de ceux et celles qui se réclament de Jésus-Christ (en 2025, un chrétien sur sept dans le monde est emprisonné, inquiété ou discriminé du fait de sa foi). Mais le message de l’Apocalypse, c’est que le seul Seigneur, c’est Jésus-Christ, qui a déjà vaincu le mal et la mort. A lui seul la gloire !

Le patriotisme est-il un péché ou une vertu selon la Bible ? Devrions-nous aimer notre pays ? [Pierre]

Comme les composantes de ce qu’on appelle le patriotisme sont plurielles, je vous propose, Pierre, de répondre à votre question sous trois angles différents. 

Sous un angle politique, la naissance d’Israël comme nation organisée, avec à sa tête un roi apparaît plutôt comme une concession de Dieu à son peuple qui veut ressembler aux autres peuples, comme si Dieu souscrivait à un principe de réalité. La patrie, c’est aussi une terre, qui est promise à Israël, mais seulement dans la perspective d’une obéissance aux commandements divins (Cf. Dt 30). L’histoire biblique montre que les fondements de la nation peuvent chanceler quand les autorités se détournent de ce projet initial. Sur la politique, Jésus se montre plus radical encore : c’est déjà trop d’avoir deux maîtres, Dieu et César : il faut donc choisir son obéissance prioritaire. 

Sous l’angle de l’appartenance, le patriotisme exprime un attachement des traditions, à une culture, et, dans le cas d’Israël, à une foi communes. Le psalmiste, dévitalisé par l’exil, se demande ainsi : “ Comment chanter sur une terre étrangère ? “. Israël a toujours compté en son sein des étrangers, considérés comme tels, non-assimilés aux israélites, mais que la loi ordonne de protéger. Dans la perspective de la fin des temps, la destinée messianique d’Israël implique toutes les nations, invitées à se rassembler autour de la ville lumière, Jérusalem. Enfin, dans le Nouveau Testament, le récit de la Pentecôte fait exploser les frontières nationales, quand des personnes venues de tout le pourtour méditerranéen entende l’Evangile dans leur langue (Ac 2).  

Sous l’angle de l’identité, une forte composante du patriotisme, il faut relire Ga 3, 27-28 : “ il n’y a plus ni juif, ni grec … vous êtes un en Jésus-Christ ”. En Christ, nos identités particulières ne sont pas effacées, mais elles deviennent secondaires. Nous ne saurions nous sentir coupables d’aimer notre pays. Mais si nous mettons là tout notre zèle, plutôt que dans le dépassement de nos affections naturelles que nous propose de vivre l’amour de Dieu, nous faisons sûrement fausse route. La fraternité commandée par le Christ peut advenir dans une logique nationale, mais celle-ci ne saurait l’enfermer. 

Nous sommes nés quelque part, nous participons à une destinée commune qui est celle de notre région, de notre pays. Voilà qui fait de nous qui nous sommes. Mais nous sommes surtout appelés à entrer dans un projet de fraternité qui dépasse nos identités, nos appartenances naturelles. Si nous y restons enfermés, nous risquons bien, en effet, de pécher en tournant le dos à Dieu dont l’alliance est universelle.  

Comment comprendre Luc 22:36 et la recommandation d’acheter des armes ? [Daniel]

Ce verset peut en effet troubler bien des disciples de Jésus qui l’ont également entendu dire « tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée » (Mt 26. 52) ou encore « Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. » (Mt 5.39). Il me semble que ce que dit Jésus ici est à comprendre en lien avec le verset suivant, le verset 37 de Luc 22 : « En effet, je vous le dis, il faut que s’accomplisse [encore] dans ma personne ce texte de l’Ecriture: Il a été compté parmi les criminels. Et ce qui me concerne est sur le point de se réaliser. » La recommandation que fait Jésus à ses disciples n’a d’autre but, selon moi, que d’accomplir l’Ecriture, qui lui fait assumer un rôle totalement opposé à ce qu’il est en vérité, mais cela afin d’accomplir toute justice, de porter sur ses épaules tout le péché du monde et d’être en vérité le serviteur souffrant annoncé par Esaïe 53, qu’il cite ici.

Est-ce que c’est justifié d’appeler Marie Mère de Dieu au sein du protestantisme ? [Kany]

Si l’on en croit le nombre de fois où l’expression mère de Dieu est utilisée par des protestants, la réponse à votre question serait plutôt : “ Non “. Cette manière de nommer Marie suscite une grande prudence dans le protestantisme, où il faut – à juste titre – éviter qu’elle puisse être considérée autrement que comme une femme ordinaire, distinguée des autres d’abord par le choix de Dieu, et ensuite par la réponse de sa foi.

Mais peut-être s’agit-il d’un réflexe un peu rapide. 

Cette qualification de Marie a effectivement une excellente raison d’être, qui tient moins à ses vertus qu’à l’identité de son fils, Jésus-Christ, et précisément, à l’union des deux natures, humaine et divine, dans sa personne. Quand le terme theotokos, mère de Dieu en grec, est affirmé à propos de Marie au concile de Chalcédoine en 451, c’est la divinité du Christ qui est en cause. Il s’agit alors de contrer une autre qualification, celle de christotokos, mère de celui qui est oint, avancée par un certain Nestorius, qui insiste tellement sur la nature humaine du Christ qu’elle finit par l’emporter sur sa nature divine. Dire mère de Dieu à propos de Marie s’inscrit donc dans une orthodoxie que le protestantisme a fait sienne, même si des poussées de tendance libérale ont continué de tout temps à vouloir souligner l’humanité du Christ aux dépens de sa nature divine. 

Si nous écoutons Calvin, lui-même à l’écoute des Ecritures : “ L’Ecriture nous chante haut et clair que celui qui doit naître de la vierge Marie sera nommé Fils de Dieu (Luc 1, 32.43) et que cette vierge est mère de notre Seigneur”. 

Qui sont les deux témoins d’Apocalypse 11 ? [Daniel]

Voilà une colle ! Daniel, vous abordez une des énigmes d’un livre déjà énigmatique car rempli de symboles, de codes et autres allusions peu faciles à déchiffrer.

Si vous consultez une Bible d’étude, munie de notes, vous trouverez en Apocalypse 11,4 un renvoi au livre du prophète Zacharie. Il y est question de deux oliviers (comparer Ap 11,4) qui représentent deux hommes, le grand-prêtre Josué et le gouverneur Zorobabel qui ont organisé le rétablissement de la communauté juive après l’exil, à la fin du 6e siècle.

Dans le texte de l’Apocalypse, les deux témoins sont prophètes de Dieu (11,3), martyrisés pendant un temps de persécution et d’opposition au règne du Seigneur, symbolisé par une période de 3 années et demie. Ils sont comparés à Elie et Moïse (voir les v.6 et 7 qui contiennent des allusions au combat de ces deux grandes figures de l’Ancien Testament).  Certains y ont vu la représentation de Pierre et Paul martyrisés à Rome, mais un commentateur remarque que cela vient en contradiction avec Ap 11,8 qui signale que leurs corps sont exposés dans la cité où leur Seigneur fut crucifié. Jérusalem n’est pas Rome !

On peut penser plutôt que ces deux témoins représentent l’Eglise chrétienne qui témoigne dans ce temps, avec autorité et puissance de Jésus-Christ, annoncé par la Loi (Moïse) et les prophètes (Elie). Elle partage le sort de son maître, son rejet par le monde et sa mort (11,7-8) mais aussi sa résurrection (11,11). Rappelons-nous toujours que l’Apocalypse a été écrite dans un temps de persécution des chrétiens (Jean l’a écrite en exil, à Patmos).

Y aura-t-il littéralement un troisième temple construit à Jérusalem avant le retour du Christ ? [Pierre]

Votre question, Pierre, est – et restera sans doute toujours – d’une actualité brûlante, tant on peut considérer que des équilibres essentiels de ce monde sont liés à la destinée de Jérusalem.  

Bibliquement, elle se trouve au carrefour de deux espérances : celle que propose le prophète Ezéchiel en publiant la vision du temple futur depuis l’exil où il se trouve avec le peuple juif à Babylone (Ezéchiel 40). Après la destruction du second Temple, en l’an 70 par les armées romaines, cette vision a été comprise dans les textes de la tradition juive comme annonçant la reconstruction d’un 3ème Temple (après celui de Salomon, et celui du retour d’Exil). 

L’autre espérance est celle que Paul exprime quand il avertit les chrétiens d’origine païenne que dans le projet de salut de Dieu, tout Israël sera sauvé (Romains 11). 

En conjuguant ces deux espérances, on pourrait croire à la nécessité de ce 3ème Temple pour le salut des juifs … et de tous avec eux ! 

L’Ecriture témoigne pourtant, me semble-t-il, en faveur d’une autre option, qui est : plus de temple à Jérusalem. Je proposerais 3 références pour l’affirmer. 

  • L’heure du Christ ne donne plus la priorité aux lieux de culte mais à une adoration “ en esprit et en vérité” (Jn 4, 23). 
  • Le Christ avait déjà choqué son auditoire en annonçant la chute et le relèvement du Temple en 3 jours : il ne parlait pas des pierres, mais de lui-même, de sa mort et de sa résurrection (Matthieu 26, 61) 
  • La Jérusalem nouvelle du livre de l’Apocalypse ne comporte pas de Temple, car “ elle a pour temple le Seigneur tout-puissant, ainsi que l’agneau” (Apocalypse 21, 22) 

D’accord donc pour affirmer que le salut du monde est lié à celui du peuple d’Israël, mais, au vu des témoignages scripturaires, pas besoin d’en passer par cette oeuvre de pierre, que le Christ a déjà mise en question.   

Que veut dire 666 ? [René]

Le nombre 666 a fait couler beaucoup d’encre ! On le trouve en Apocalypse 13, 18 où il est présenté comme le “ chiffre “ et le “ nom” de l’une des deux bêtes sorties l’une de la mer, l’autre de la terre pour asseoir leur domination sur les hommes. Voici ce verset : 

“ C’est ici qu’intervient la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence calcule le chiffre de la bête. Car c’est un chiffre humain. Son chiffre est : 666.” 

Cette bête de l’Apocalypse est l’une des figures bibliques du mal. Elle est combattue, et vaincue par les forces de l’Agneau (le Christ). De fait, 666 est aujourd’hui compris comme le chiffre du diable.  

Qu’est-ce qui permet de le penser, au-delà du fait que cette bête s’oppose au Christ ? Le chiffre est interprété de plusieurs manières. Les deux principales sont le symbolisme et la gématrie. 

Symboliquement, le 6 est dans la tradition biblique le chiffre de l’imperfection et du mal. C’est 7, le chiffre de la perfection, moins 1. Noé avait par exemple 600 ans quand le déluge tomba sur terre. Le triple 6 représenterait ainsi le comble du mal. Le livre de l’Apocalypse a souvent recours aux symboles pour exprimer les réalités divines. 

Selon la gématrie, qui associe dans la tradition juive une valeur chiffrée à chaque lettre, 666 donne à connaître un nom : celui de César Néron, qui fut empereur romain de 54 à 68, et responsable de grandes persécutions contre les chrétiens. D’où la mention d’un chiffre “humain” dans le verset. Sous une forme codée, le chiffre ferait alors référence à un contexte historique précis que pouvaient connaître les premiers lecteurs de l’Apocalypse. 

Le défi de notre discernement de foi restant ici comme ailleurs de savoir lire les signes donnés sans verser dans le culte du mystère, sans tomber dans la superstition, et encore moins dans la fascination pour le mal qui en viendrait à cacher la victoire du Seigneur de la vie ! 

Est-ce qu’au ciel je reconnaîtrai mon mari en tant que tel ou je n’en aurai plus rien à faire ? [Fatima]

La question que vous posez, Fatima, sur ce qui concerne le devenir de notre vie de couple dans l’éternité, Jésus y a répondu ! En Marc 12,18-27 (le récit se trouve aussi chez Matthieu et Luc), il est confronté à une tentative de « démonstration par l’absurde » des sadducéens, un parti religieux juif qui ne croyait pas en la  résurrection des morts. Ils inventent l’histoire d’une femme sept fois mariée et sept fois veuve, et demandent à Jésus de qui elle serait l’épouse dans l’hypothèse d’une vie future ! Jésus leur répond qu’en ressuscitant des morts on ne prend ni femme ni mari, mais qu’on est « comme des anges dans les cieux » (autrement dit que le seul but de la vie future sera de servir le Seigneur et de l’adorer, ce que font les anges !).

Pour élargir la question : la vie éternelle n’est pas la simple continuité de la vie présente, et c’est bien pourquoi il nous est difficile, pour ne pas dire impossible de nous la représenter. Elle est un objet de foi et d’espérance, et pas de spéculation. Faisons confiance au Seigneur qui, selon la promesse de l’Apocalypse, nous rassemblera dans son amour, essuiera toute larme, demeurera avec nous, mettant fin à toutes les souffrances et à tous les deuils (Ap ch.21 v.4-5).

Pourquoi certaines personnes prient au nom de Marie ? [Estelle]

À ma connaissance, personne ne prie au nom de Marie.
En revanche, on trouve des traces de prières adressées à Marie dès les premiers siècles du christianisme. Cette dévotion s’est particulièrement développée depuis le Moyen-âge dans le catholicisme, alors que les protestants l’ont fortement rejetée en la considérant comme incompatible avec leur interprétation des Écritures. Jésus n’a jamais demandé qu’on adresse des prières ou des demandes particulières à sa mère, ni les apôtres non plus. Si l’on s’en tient aux Écritures, lorsqu’un chrétien prie, il s’adresse à « Dieu le Père, au nom de Jésus, et par la puissance du Saint Esprit ». Marie peut donc être pour les chrétiens une figure de foi inspirante, mais elle ne peut en aucun cas prendre la place du Christ, intermédiaire direct entre Dieu et les hommes (« Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai » Jean 14,13).
Pourtant, quand les catholiques adressent des prières « à Marie », ils demandent son intercession, ce qui signifie qu’ils lui demandent de prier pour eux et avec eux auprès de Dieu. Invoquée ainsi comme une figure de compassion et d’intercession, Marie occupe une place d’intermédiaire « malgré elle » (n’oublions pas que la seule fois où elle a essayé d’intercéder, durant les noces de Cana, Jésus l’a fermement remise à sa place !).
Cette dévotion n’est pas sans poser quelques questions : Dieu est-il si lointain et si effrayant qu’il faille passer par une figure jugée plus douce et compassionnelle ? Jésus n’est-il pas le premier-né d’entre les morts, et donc le seul capable de porter nos prières vers le Père ?
Laissons donc les morts reposer en paix en attendant la résurrection et Dieu s’occuper de nous aujourd’hui grâce à l’esprit vivifiant de Christ !