Je n’ai jamais très bien compris pourquoi Dieu avait agréé l’offrande d’Abel mais pas celle de Caïn. [Nivernaise]

Dans ce passage (Genèse, ch. 4), le personnage principal est Caïn, c’est avec lui que le lecteur est censé s’identifier. Donc, la question devient : « pourquoi Dieu n’a-t-il pas agréé mon offrande ? », et en plus « comment est-ce que je réagis à ça ? »… C’est ainsi la suite de l’histoire qui est importante ! Dieu veut me voir grandir dans une confiance (en lui et en moi) qui, en tant que telle, se passe de preuves ; dans une religion qui se passe de sacrifices.

Si l’on veut faire de la lecture « psychologique », on remarquera bien sûr l’importance de la naissance des deux personnages pour leur identité. Caïn est aimé et même plus : approprié par sa mère ! Abel n’est pas même nommé par elle ni par qui que ce soit d’autre que le narrateur, et son nom évoque la buée, l’inconsistance. On peut alors penser que Dieu a voulu rétablir un équilibre qui en avait besoin, faire un clin d’œil d’amitié à celui qui n’était pas considéré, l’autre n’en ayant pas besoin.

On peut aussi remarquer qu’Abel est berger, que cette image royale dans l’Ancien Testament s’applique au Christ. Le sacrifice d’Abel est alors une figure de celui du Christ, agréé par le Père, et qui consiste en la mort de Jésus « Agneau de Dieu ». Cette histoire (tout comme celle de la « ligature d’Isaac », Genèse, ch. 22) est ainsi une prophétie de la mort de Jésus qui correspond à la volonté bonne de Dieu.

L’exégèse libérale fera par ailleurs remarquer qu’on a là la trace de la difficile coexistence entre agriculteurs et éleveurs dans une société semi-nomade… sauf que d’habitude ce sont les agriculteurs sédentaires qui en souffrent, pas les éleveurs ! Lecture non pertinente, semble-t-il donc.

Comment se fait-il que la notion d’amour de Dieu ne soit même pas présente dans le Symbole des apôtres, première confession de foi des chrétiens ? [Frédérique]

L’amour de Dieu est effectivement une notion centrale puisque la Bible dit que « Dieu est amour » (1Jean 4,8). Mais c’est une notion difficile qui prête lieu à des malentendus. Sans doute les premiers chrétiens ont-ils considéré que l’amour de Dieu était induit par la nature de Dieu confessée dans le symbole des apôtres :

-Dieu  est un Père qui nous a créé, prend soin de nous, dirige, gouverne et agit
-Il s’est fait proche de nous en Jésus Christ, a connu la souffrance et la mort, et les a vaincu
-Dieu, par Jésus, jugera le monde… le monde n’est pas abandonné au mal, mais la justice triomphera
-Dieu est Esprit que se communique à nous, Dieu nous partage donc Sa puissance.
-Dieu se forme un peuple pour que nous puissions déjà vivre collectivement son Royaume, pour Le servir et pour témoigner de Lui
-Dieu pardonne et promet la vie éternelle à ceux qui lui font confiance

Il me semble que le symbole des apôtres définit justement l’amour de Dieu, l’amour étant un mot très galvaudé dans bien des discours…

Quel sens a la nativité pour les protestants puisque Marie n’a pas un caractère sacré ? Est-ce uniquement les conditions de son avènement dans une étable qui fait le message biblique ? [Cathia]

J’avoue ne pas être sûr de comprendre vraiment la question, mais essayons de cheminer ensemble. 🙂

La nativité est l’événement central des Ecritures puisque c’est l’advenue à la vie terrestre de Jésus. C’est énorme ! Noël est une fête très célébrée par les protestants, avec chants et joie.
C’est la simplicité de Marie qui en fait justement le caractère exceptionnel : elle est l’humanité qui est rendue apte à accueillir le Messie, un modèle de foi pour nous tous en somme ! Ah, si seulement nous étions tous capables aujourd’hui d’accueillir le Christ vivant à l’intérieur de notre être !

Sinon, il n’y a de sacré que Dieu en fait. Marie n’est pas sacrée pour le dogme catholique non plus.
En revanche Marie est sainte, pour nous tous, car elle a été mise à part pour Dieu, pour un rôle central dans l’incarnation de Dieu : elle est le réceptacle concret du Verbe fait chair. Et c’est une très bonne nouvelle pour tous les chrétiens, protestants, catholiques, orthodoxes, etc.

Comment faire une prière efficace dans le nom de Jésus pour qu’un proche qui n’a pas vraiment la foi puisse être touché puissamment par Sa grâce et trouver le Salut ? [Tiba]

Toute prière faite dans le Nom de Jésus est efficace. Mais qu’est-ce que ça veut dire, « efficace », et qu’est-ce que ça veut dire, « dans le Nom de Jésus » ?

La seconde question est la plus importante. Prier dans le Nom de Jésus, ce n’est pas prier « en son nom » au sens courant du terme, comme s’il suffisait de dire « au nom de Jésus » à la fin d’une prière pour que « ça marche ». La relation avec Dieu n’est pas de l’ordre de la magie ! Il s’agit plutôt de se tenir en Jésus, d’être tellement uni à lui dans la prière que c’est lui qui prie pour nous, comme Paul le dit de l’Esprit qui « intercède par des soupirs inexprimables » (Romains 8). Être uni au Christ crucifié, comme Paul encore écrit que « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi »… Prier dans le Nom de Jésus, c’est aussi prier en Église qui est son Corps : « là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux »…

La prière sera-t-elle alors « efficace » ? Elle le sera si j’en sors transformé. Moi ? Oui, le sujet n’est pas celui pour la conversion de qui je prie (et auprès de qui je ne peux que témoigner de ce que Christ est ma vie et veut être la sienne). Le sujet, c’est moi qui prie. Dans la prière, c’est moi qui suis devant Dieu, c’est moi qui suis écrasé par sa majesté et redressé par son amour. C’est moi qui, en Christ, peux dire « mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » et terminer en reconnaissant que « tu m’as répondu » (Psaume 22).

Peut-on se dire protestant si l’on considère le Christ comme un homme d’une sagesse exceptionnelle, véritablement en lien direct avec Dieu, sans pour autant le considérer comme « divin » ? [Jacques]

A-t-on besoin d’une étiquette pour se (faire) reconnaître ? La réponse est non. Les pensées sont libres…

Mais si on y tient pourtant, alors il faut considérer le sens des mots. Furent « protestants » les princes et villes de l’Empire qui, en 1529, protestèrent de leur foi chrétienne devant le parlement impérial. Sont donc protestants ceux qui, comme eux, arguent de leur foi chrétienne, telle que la Confession d’Augsbourg la définira fort classiquement l’année suivante, et depuis toutes les autres confessions de foi de la Réforme. C’est à savoir que Dieu est un en trois personnes, que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, « mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification ».

Pour le dire de manière différente, se reconnaîtront comme protestants ceux qui confessent l’autorité souveraine des Saintes Écritures pour la foi et pour la vie (lesquelles confessent justement que Jésus est « Fils de Dieu »), et que l’être humain est « sauvé par grâce, par la foi en Jésus-Christ ». On peut bien sûr le dire avec d’autres mots que ceux-ci (encore que moi, je ne sache pas le faire)… Mais cette confession de foi, ecclésiale et personnelle, est intimement liée à la définition du protestantisme.

Il est vrai que certaines personnes se disent protestantes sans cette définition religieuse, par attachement culturel ou sociologique, ou en pensant que le protestantisme est un ensemble de « valeurs », un christianisme libéral, sans dogmes, sans hiérarchies, sans Écritures. Bien. Je n’en suis pas…