Tout l’Ancien Testament est-il une prophétie qui pointe vers Jésus ? [Armand]

Je ne pense pas pouvoir dire les choses comme ça, Armand. Quand le Christ, ressuscité, a accompagné deux de ses disciples vers le village d’Emmaüs, il leur a fait une étude biblique personnelle : « « … en commençant par les écrits de Moïse et continuant par ceux de tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait. » (Luc 24.27) Cela ne veut pas dire que tout, dans le Premier Testament, parle de Jésus ou est une prophétie qui pointe vers Jésus. Il y a, certes, bien des passages que nous recevons comme des annonces de la venue de Jésus, mais ce serait, je crois un immense contresens que de prétendre que tout le Premier Testament est une prophétie pointant vers Jésus. En tant que chrétien, j’essaie plutôt de lire la première partie de la Bible avec « les lunettes Jésus-Christ », c’est-à-dire en essayant de les comprendre sur la base de la vie, du message, de la mort et de la résurrection de Jésus, qui n’est pas venu abolir ces textes mais les accomplir, leur donner le sens que Dieu a toujours voulu qu’ils aient.

Pourquoi Dieu préférait Jacob à Esaü ? Je comprends que Dieu pardonne à Jacob tous ses terribles péchés- mais pourquoi haïr Esaü ? En échangeant son héritage contre de la soupe ? [Aurélie]

Certaines expressions propres à l’hébreu (les « sémitismes ») ne doivent pas nous tromper. Il faut traduire Malachie 1,3, « j’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü », texte auquel vous faites allusion, par : j’ai préféré Jacob à Esaü. Dieu choisit ainsi qui il veut, et Paul prend cet exemple dans l’épître aux Romains (ch.9) pour illustrer sa totale liberté, son absolue souveraineté. Le message est : Dieu ne nous doit rien, tout nous est donné par grâce. Ses critères ne sont pas les nôtres. Jacob n’était certainement pas « meilleur » que son aîné, comme vous le relevez vous-même ; constatons simplement qu’il tenait particulièrement à recevoir la bénédiction qui selon l’ordre « normal » des choses, était réservée à Esaü. Il s’est même « battu » avec Dieu pour la lui arracher, comme le montre l’extraordinaire récit de son combat nocturne en Genèse 32. C’est le combat de la confiance, de la foi.

Qui était Ashera ? J’ai vu des sources affirmer qu’elle était la femme de Dieu dans la première religion sémitique ! Cela dérange ma foi. [Marg]

Ashéra est une divinité cananéenne plusieurs fois mentionnée dans l’Ancien Testament, souvent représentée symboliquement par un poteau sacré (qui se dit aussi Ashéra en hébreu), vénéré sur des hauts-lieux. Son culte, auquel se sont prêtés les israélites au cours des siècles (comme le culte de Baal), est vigoureusement dénoncé par les livres historiques ou prophétiques de la Bible, en tant qu’abandon de l’alliance avec Yahvé, le seul vrai Dieu. Voir par exemple 2 Rois 21. Or, des inscriptions hébraïques des 8e ou 7e siècle avant notre ère, retrouvées dans le Sinaï ou le désert de Juda présentent Ashéra comme « l’épouse » du Dieu Yahvé, comme vous le signalez !

Cela peut nous déranger si nous en déduisons avec certains historiens que ce polythéisme serait la plus ancienne religion d’Israël, et non pas une dérive postérieure, un abandon de la foi des pères résultant de l’influence des populations païennes qui entouraient Israël et Juda, ce qu’affirment les textes bibliques. Des auteurs (à la mode) propagent ces thèses en estimant que les annales de l’Ancien Testament n’ont pas de réelle valeur historique et sont de la propagande politico-religieuse, notamment l’archéologue I. Finkelstein, très connu du grand public, mais dont les hypothèses ne font pas l’unanimité parmi ses pairs.

La Bible semble dire que les fantômes pourraient être réels (1 Sam 28, Matt 14:26 et Luc 24:39). Jésus ne réprimande pas les disciples pour une croyance superstitieuse. Comment comprenons-nous cela ? [Lucie]

En réalité, le mot « fantôme » est un choix de certains traducteurs de Bible pour faciliter notre compréhension du texte. Le mot « fantôme » n’existe pas en tant que tel dans les textes originaux en grec et en hébreu.

Dans le Nouveau Testament, le terme original grec est le mot « esprit » (pneuma). Certaines éditions de la Bible choisissent de traduire ce mot tantôt par « fantôme », tantôt par « esprit » en fonction du contexte.

Lorsque la Bible parle des esprits, rien à voir avec l’idée qu’on se fait des fantômes aujourd’hui (des personnes décédées qui viennent hanter les vivants). Il ne s’agit pas d’une superstition pour autant. Dans le Nouveau Testament, Jésus et ses disciples sont régulièrement confrontés à des « esprits » qualifiés de « mauvais » ou « impurs ».

Jésus a autorité sur les esprits mauvais. Par la foi et par la prière nous pouvons user de son autorité pour chasser ces esprits qui asservissent les humains. (Voir par exemple Marc 9.14-29)

Pourquoi Adam et Ève ont-ils honte de leur nudité (Genèse 3 7-11)? Qu’est-ce que cela signifie pour nous aujourd’hui? La nudité est-elle un péché pour nous?

La question de la nudité d’Adam et Ève est incompréhensible pour nous sans passer par l’hébreu.

En effet, la racine עֵרֹם (‘rm) veut dire à la fois “nu” et “rusé”.
Ce qui signifie qu’en Genèse 3:1 il est dit que “Le serpent était le plus nu/rusé des animaux des champs”. Et qu’en Genèse 3:10 quand l’Éternel demande à Adam où il est, celui-ci répond : “J’ai entendu ta voix dans le jardin et j’ai eu peur, parce que je suis nu/rusé, et je me suis caché”.

Adam, en effet, a consommé le fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal, et donc désormais il est rusé. Ce n’est pas le fait qu’il soit beaucoup plus intelligent. Il avait l’intelligence que Dieu avait mise en lui, mais désormais il a l’intelligence du serpent. 

Et la conséquence c’est qu’avec l’intelligence du serpent, il a aussi la nudité du serpent…
En effet, le serpent est un animal « nu » au sens où il n’a ni plumes ni poils.
Bref, désormais Adam est de la famille du serpent plutôt que d’être de la famille de Dieu.

Il n’y a donc pas vraiment ici de condamnation de ce que nous appelons la nudité, mais bien plutôt une condamnation de l’alliance avec l’ennemi de nos âmes…

A quoi se réfère le verset de Genèse 6v2 ? Qui sont ces habitants du ciel dont il est fait question et la suite des versets 4 les héros d’autrefois ? [Marie]

Tout d’abord, Marie, merci pour votre question qui me donne l’occasion de me pencher sérieusement sur ces quatre premiers versets mystérieux de Genèse ch.6 !

Je me suis aperçu en me documentant que plusieurs interprétations ont été proposées. Certaines paraissent farfelues (le texte évoquerait des extra-terrestres, par exemple, d’où l’expression « habitants du ciel », qui ne correspond nullement au texte biblique). Les pistes les plus sérieuses voient dans les « fils de Dieu » des êtres célestes (sortes d’anges déchus qui auraient engendré des demi-dieux, les « géants » du v.4, avec des humaines), mais on ne voit pas ce que ce mythe viendrait faire dans le déroulement du récit des origines, qui court des ch.1 à 11. Et il n’est pas dit, d’ailleurs que les « géants », nephilim, peuple de grande taille mentionné en Nombres 13,31-33, soient issus des unions décrites au v.2.

D’autres ont vu dans les « fils de Dieu » les descendants de Seth, celui qui invoquait le Seigneur (Gn 4,25), mais il vaut mieux, avec  rapprocher l’expression « fils de Dieu » de son emploi dans le Psaume 82, cité par Jésus en Jean 10,34 (voir aussi Ps 89,27): elle désigne des princes, chefs et autres rois de ce monde ; appelés ainsi à cause de l’autorité qui leur est confiée par Dieu, autorité dont ils ne se montrent guère dignes en méprisant la justice et en détournant le pouvoir à leur profit, notamment en se constituant des harems. Cette dernière interprétation cadre mieux avec le contexte du récit de la Genèse. Depuis la chute (Genèse 3), le récit nous montre la dégradation du monde consécutive au péché de l’homme et à sa volonté de pouvoir. D’où la sentence divine au v.3.

Est-ce correct de prier Dieu en l’appelant « Papa » ? [Simone]

Jésus est très innovant et révolutionnaire en appelant Dieu « Père ».
C’est nouveau de faire cela, pour deux raisons :
– dire que Dieu est son père était vu comme une preuve d’arrogance dans le peuple Juif et quasiment aucune mention n’est faite du mot Père pour parler de Dieu dans le Premier Testament, sinon dans des expressions évoquant la paternité de Dieu (Exode 4,22-23 – 1Chroniques 17,13 – Proverbes 3,12) ou parlant de Dieu étant “comme un père » ; voyez Esaïe 63,16 : « C’est toi, Éternel, qui es notre père ».
Mais on n’appelle jamais Dieu “Père » directement.
– la deuxième raison c’est que Dieu ne devient père que quand… il a un Fils. Et même si Israël a été son fils premier-né, en tant que peuple (voir la citation d’Exode plus haut), il n’a un vrai Premier-né que quand advient le Fils unique venu du Père, à savoir au moment du baptême de Jésus : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection » (Matthieu 3,17).

Le terme Abba n’est employé que trois fois dans le Nouveau Testament, bien que Jésus nous apprenne à prier Dieu en tant que Notre Père (Matthieu 6,9). Ce terme se trouve en Marc 14,36 – Romains 8,15 – Galates 4,6. Abba est un mot araméen, qui veut dire “Père“ mais avec une forme renforcée. Il est un peu à mi-chemin entre “Papa » et “Père », simplement parce qu’il est accessible dans le babillage de l’enfant. Pour autant, le choix de Marc et de Paul est bien particulier. A chaque fois, il est fait mention de “Abba, Père”. Abba n’est jamais employé seul. Le mot “Abba” est araméen, laissé tel quel, et le deuxième est en grec, la langue du Nouveau Testament. Comme il n’y a pas de ponctuation dans le grec de l’époque (koinè) on pense que l’interprétation la plus juste serait : “Abba [c’est-à-dire] Père ». Or, le mot grec qui est utilisé pour “Père » en grec n’est justement pas le mot “Papa” (mpampas) mais bien “Père” (pater). Matthieu et Paul expliquent comment on dit “Père » en araméen, et le traduisent pour leurs lecteurs grecs.

Certains voudraient y voir un langage affectueux ou de proximité. Je ne crois pas que cela soit le cas. C’est un langage intense d’implication, certes. Mais je pense que ces trois textes ne nous incitent pas à jouer aux enfants de cette façon qui nous ferait utiliser le mot “Papa”. En effet, le fait de devenir enfants de Dieu (Jean 1,12) n’est pas une infantilisation, une forme de régression en arrière vers l’enfance, mais une adoption d’adultes consentants. Quand Jésus nous fait prier “Notre Père”, il ne choisit pas le terme “Papa” et il insiste sur le collectif, bref : sur la révérence et l’aspect communautaire de la paternité de Dieu qui nous crée comme famille.

C’est pour cela que je prie Dieu en lui disant : “Père” ou “Notre Père” ou “Père Éternel”.

 

Une interprétation intéressante : Moïse ne peut pas entrer dans la terre promise (Deut 32) car il incarne la loi et la loi ne peut pas nous sauver ? [Caen]

Je ne connaissais pas cette interprétation ,qui a le mérite de l’originalité, je trouve. Je reste un peu mal à l’aise avec l’expression «  Moïse incarne la loi ». Je ne pense pas trouver cela dans la Bible. Si la loi, en tant qu’expression de la parole de Dieu, a été incarnée par quelqu’un c’est par Jésus-Christ, qui l’a même accomplie. En cela il nous a délivrés de la malédiction que la loi représentait comme faux moyen d’être sauvé. Dieu seul nous sauve en effet. Pour ma part, ce que nous dit la Bible au sujet de la raison pour laquelle Moïse n’a pas pu entrer en terre promise (Nombre 20. 1-13 ; 27.14) me suffit comme explication.

Croyez-vous en la « révélation progressive » ? Par exemple- une progression de la violence de l’Ancien Testament en 1 Chron 22-9 jusqu’à la déclaration de Jésus dans Matt 5-9 [Luc]

Parler de révélation progressive de Dieu, notamment à travers l’histoire du peuple d’Israël, semble juste, si on considère le simple fait que la rédaction des écrits bibliques s’étale sur plus d’un millénaire !

Vous évoquez à ce sujet la question délicate de la violence dans le Premier Testament. En effet, on peut s’étonner, voire être choqué, entre autres, par certains ordres donnés par Dieu ou en son nom : dans les récits de la conquête de la terre Promise (voir le ch. 6 de Josué par exemple, et l’anéantissement des populations de Canaan) ou encore de l’idolâtrie d’Israël au désert (Exode 35,25-29). Il s’agit pour les auteurs d’insister sur le rejet absolu du mal, que Dieu a en horreur. Israël, peuple mis à part pour manifester la sainteté de Dieu, ne doit rien laisser subsister en son sein, et autour de lui, qui pourrait y porter atteinte. On peut évoquer aussi certaines imprécations dans les psaumes, mais là, elles expriment souvent la souffrance et la colère du croyant opprimé, persécuté, qui appelle au secours, demande justice et délivrance (voir par exemple le dernier verset du Psaume 137).

Il faut y insister cependant : dès les origines, Dieu se manifeste comme celui qui ultimement fait grâce. Comme le dit un autre  Psaume (117), la bonté du Seigneur pour nous est la plus forte (et sa « colère », ajouterais-je, n’est que l’expression de son amour blessé). Moïse, en intercédant pour Israël, a pu « fléchir » le Seigneur et l’amener à renoncer à anéantir le peuple rebelle. La violence n’est pas le dernier mot de Dieu. A la croix de Jésus-Christ, Dieu prend sur lui la conséquence de notre péché et de notre idolâtrie. Désormais, ce n’est plus contre des hommes que nous avons à lutter. Le combat est à l’intérieur de nous-mêmes, de nature spirituelle. Nos armes : l’amour, le pardon. Notre victoire : la paix et la réconciliation.

Dieu est amour (1 Jean 4: 8). Est-ce un attribut de Dieu ou son essence ? Comment pouvons-nous concilier cela avec l’ordre violent de Dieu dans l’Ancien Testament ? [Jacques]

Je ne pense pas que l’on puisse qualifier uniquement de violent l’ordre de Dieu dans l’Ancien Testament, même si indéniablement il peut l’être et sur ce sujet qui à lui seul mérite un développement je vous invite à lire un article très éclairant d’une de mes consœurs ici : https://regardsprotestants.com/bible-theologie/le-dieu-de-lancien-testament-est-il-violent/

Pour répondre  votre question, elle note que la violence de Dieu peut aussi être comprise comme une pédagogie vis à vis de son peuple à un moment de l’histoire biblique, et dans les catégories de l’histoire qui a porté la rédaction de ces textes. Mais est-ce qu’un parent qui se précipiterait pour gronder son enfant qui approche sa main de la flamme ne l’aimerait pas ? En tout cas le Nouveau Testament dans son ensemble affirme que Dieu est amour, et qu’il s’agit bien là de son essence. Je vous invite en particulier à aller (re)lire la 1ere épître de Jean (en entier, et par exemple 1 Jean 4, 8).