Un récent responsable religieux a affirmé que le diable n’était qu’un symbole. Est-ce une interprétation correcte de la Bible ? [Jacques]

Je ne sais pas ce que ce responsable religieux entend par symbole, mais pour ma part, parler du diable en utilisant ce mot est aussi inexact bibliquement que le décrire comme un personnage avec des cornes, des dents pointues et une fourche dans les mains… Quand Jésus (Matthieu 4. 2-3) passe quarante jours au désert tenté par le Satan (un autre nom utilisé pour le diable) j’ai du mal a comprendre si je prends le Satan pour un symbole… Quand il dit à Pierre : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. » (Luc 22. 31) je n’imagine pas Pierre secoué en profondeur dans tout son être par un « symbole », une « façon de parler ». Reste qu’il est bien sûr difficile et même dangereux de donner une image à ce qui est à l’origine de tout ce qui tente de nous détourner de Dieu, de nous isoler de son amour, de nous séparer de sa présence. Il ne vaut mieux pas chercher à trop définir ce qui cherche à nous diviser intérieurement (c’est le sens du mot grec « diabolos » : diviseur). Mieux vaut toujours se tourner vers Dieu, prier et demander le secours de la prière des autres, plutôt que de se faire des nœuds dans la tête pour savoir si c’est un symbole, un phantasme, ou un type qui marche avec des sabots de bouc… Car au fond, ce sont des tentatives pour essayer de le maîtriser, alors que le seul qui est vraiment plus fort que lui, c’est le Seigneur.

En Mt 5-1-10 la plupart des traductions commencent chaque verset par : ‘Heureux’ ou ‘Bienheureux’ sauf une- celle de Chouraqui- qui dit ‘en marche’. Comment expliquer cette importante différence ? [Jean]

La « faute » à la traduction grecque de la Bible ! Au troisième siècle avant Jésus-Christ, des rabbins réunis à Alexandrie ont réalisé une traduction de la Bible hébraïque (notre Ancien Testament) en grec, qui était à l’époque la langue la plus parlée dans le bassin méditerranéen. Cela a donné la traduction de la Bible des Septantes (ou 70) car selon la tradition, il y aurait eu environ 70 rabbins pour faire ce travail. C’est sur cette traduction que les auteurs du Nouveau Testament se sont souvent appuyés, même si Jésus parlait certainement plutôt l’araméen (hébreu populaire) que le grec. De nombreux traducteurs de la Bible en langue française ont ensuite fait de même.

Ceci fait que, par exemple, le psaume 1 commence en hébreu par le mot « ashrei » que Chouraqui traduit donc par « en marche », alors que la traduction grecque utilise le mot « makarios » qui se traduit par « heureux ». Même si Jésus a sans doute employé le mot proche de l’hébreu (donc « en marche »), quand les évangélistes ont mis le texte par écrit en grec, ils ont tout de suite le mot « heureux » comme dans la Bible grecque, car c’est comme cela qu’on le traduisait à l’époque.

C’est vrai que « en marche » a une connotation très dynamique et active (un certain président de la république l’a bien compris…) qui traduit la démarche pour être heureux, alors que « Heureux » ou « Bienheureux » semble davantage décrire un état de fait déjà obtenu. On peut trouver quand même un point commun entre ces deux expressions en les considérant avant tout comme des bénédictions, des encouragements (c’est comme ça que les bibles anglaises disent : « Blessed » « bénis »).

Il est dit dans l’Évangile -et plusieurs fois- « qu’il n’est pas pardonné à celui qui ne pardonne pas ». Comment peut se manifester le refus du pardon par Dieu- à celui qui ne pardonne pas ? [Jean-Marie]

La réponse à votre question, Jean-Marie, mériterait un long développement ! Dans le cadre de 1001 questions, je vais essayer d’être synthétique.

Le pardon est un don spirituel que Dieu, par son Esprit, nous fait pour peu que nous soyons prêts à « baisser les armes » spirituelles et psychiques qui nous enferment quand nous avons été offensés : la rancœur, la méfiance, la « moulinette » qui fonctionne pour imaginer ce que l’autre peut penser, ou encore le refus de reprendre contact.

On peut trouver au moins 6 références rien que dans les trois premiers évangiles à cette affirmation que le pardon humain a un lien avec le pardon divin (Mt 5,3 ; 6,14 ; 7,2 ; Mt 18,35 ; Mc 11,26 ; Lc 6,37). C’est dire si ce thème a de l’importance. Je le rattache au fait que Dieu nous prend en fait plus au sérieux que nous-mêmes, et qu’il bâtit sa relation avec nous sur la manière que nous avons de nous comporter avec lui et avec les autres (c’est aussi un des sens de la parabole des talents, Mt 25,14-30).

La manifestation du non pardon peut s’exprimer à deux niveaux, me semble-t-il : d’abord au niveau humain, corporel et psychique, par diverses somatisations : Il y a des cancers qui se développent plus facilement chez des gens qui ont accumulé de la rancœur contre une ou plusieurs personnes. Cela peut aussi provoquer de la colère, de façon incontrôlable dans les relations avec d’autres personnes de l’entourage. Je ne vois pas cela comme l’expression de la punition de Dieu, mais comme la conséquence spontanée de notre état spirituel. Au niveau spirituel, le non-pardon peut ouvrir grandes les portes de notre esprit à de mauvaises influences, ou a des maladies, comme la tristesse, le dégoût spirituel, voire la désespérance. Là encore, il ne s’agit peut-être pas d’une punition divine immédiate, mais de la conséquence du fait que nous ne sommes plus aussi profondément en lien avec Dieu que quand tout va bien.

En effet, dans plusieurs occurrences, le pardon de Dieu, comme attaché au pardon humain, est évoqué au futur. Ce sera une réalité pour le jugement dernier.

Et la souffrance- la maladie- la mort d’enfants ? [Dom]

Je n’ai pas de réponse toute faite à cette question, Dom. Je n’en ai jamais entendue de satisfaisante, à titre personnel. Je ne sais pas si vous êtes vous-même confronté(e) à cette déchirure (c’est comme cela que j’en parlerais, plutôt que comme une question). Ce qui est certain, c’est que ma foi n’est pas une réponse à cela.

J’ai rencontré le Dieu vivant, en expérimentant son amour insondable, sa tendresse infinie et sa miséricorde sans borne. Je l’ai fait dans les limites de mon expérience personnelle, pas au bout d’une réflexion philosophique abstraite portant sur le problème que l’on énonce souvent par : « Si Dieu existe, pourquoi le mal ? » Pour moi, Dieu n’est pas un concept philosophique qui trouverait sa place dans le système d’explication du monde que je pourrais utiliser en cas de problèmes ou de souffrances, pour trouver la solution. Ma foi en Dieu n’est pas une explication à un problème, elle est le fruit d’une rencontre, que j’ai faite dans la prière et la lecture de la Bible, dans un chemin semé de moments de repentances personnelles. Dès lors, les déchirures comme celles de la mort d’un enfant ou la souffrance dans la maladie demeurent, avec leur brûlure. Mais, en tirant expérience de l’attitude des amis de Job, quand je rencontre une personne qui subit une déchirure pareille, je crois que le mieux n’est pas de lui parler de Dieu, mais de lui assurer de ma présence fraternelle, silencieuse peut-être, afin qu’elle puisse expérimenter, si telle est la volonté du Seigneur, cette rencontre avec l’Amour sans borne. Qu’elle puisse dire au bout du compte à Dieu : « Mon oreille avait entendu parler de toi, mais maintenant mon œil t’a vu. » (Job 42.5)

Comment comprendre Mathieu 18 verset 18 – dans quel contexte peut s’exprimer cette autorité ? Est-ce un acte sur la terre qui est ratifié au ciel? Ou l’inverse. [Ano]

Pour comprendre au mieux un verset biblique, j’ai souvent besoin de le replacer dans son contexte : Matthieu 18.18 (« Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre aura été lié au ciel et tout ce que vous délierez sur la terre aura été délié au ciel. ») s’inscrit dans une série de paroles que Jésus prononce sur le thème du pardon dans l’Église. En effet, Jésus parle à ses disciples (c’est le premier verset du chapitre 18 qui le rappelle) et le mot « église » est spécifiquement employé en 18.17. L’autorité exprimée en Matthieu 18.18 ne me semble donc pas une autorité absolue, concernant tous les domaines de la vie des chrétiens. Nous ne sommes pas des super héros, et Dieu ne nous a pas donné des super pouvoirs, mais l’assistance de son Esprit pour agir conformément à sa volonté. « Lier » et « délier » sont donc des termes équivalents, me semble-t-il, à « ne pas pardonner » ou « pardonner ». Car l’Église, en tant que lieu de représentation du Royaume de Dieu, doit vivre dans l’unité et le pardon entre ses membres. Pardon qui vient de Dieu, mais qui doit être recherché de toutes leurs forces par les frères et les sœurs. L’Église est un lieu où le pardon devrait pouvoir s’expérimenter, et pas un tribunal, comme les versets qui précèdent le verset 18, quand ils sont lus trop vite ou, eux aussi, hors contexte, semblent le laisser penser. De même, le verset 20 : « En effet, là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » renvoie lui aussi à cette question du pardon qui fonde la communauté (l’assemblée), et n’est pas un verset de consolation quand il n’y a que trois personnes au culte !

C’est aussi dans ce contexte que je comprends pourquoi Jésus parle du pardon dans l’Église juste après avoir parlé des enfants, des plus petits, et de notre responsabilité envers eux. Un enfant est très peu souvent rancunier. Il n’y a qu’à voir l’amour indéfectible que bien des enfants maltraités continuent de porter à leurs parents, même si ceux-ci ont été très déficients envers eux. Or la rancœur, le ressentiment sont des obstacles très forts au pardon. Il faut donc s’efforcer de ressembler à une petit enfant pour pouvoir pardonner.

Est-ce Dieu qui commande de tuer les faux prophètes et de détruire en Deutéronome 13 ? [Muriel]

Bonjour Muriel,

j’entends deux choses dans votre question, aussi vais-je essayer de répondre successivement à ces deux niveaux.

D’abord, très directement, je crois pouvoir dire que la personne qui s’exprime en Deutéronome 13 est Moïse, et ce depuis le chapitre 5. Mais c’est au nom de Dieu qu’il parle et ce sont les commandements de Dieu que Moïse transmet. Autrement dit, je crois qu’au premier niveau, je peux répondre « oui » à votre question c’est bien Dieu qui commande de tuer les faux prophètes.

Mais j’entends encore autre chose dans ce que vous dites : Est-il acceptable d’associer Dieu à des impératifs comme « tuer » ou « détruire » ? Et cela me renvoie à la question de mon rapport à ce que je lis dans la Bible, et à ma relation à Dieu. C’est une chose d’identifier l’auteur de ce que je lis, c’en est une autre de me positionner personnellement par rapport à ce que je lis et par rapport à son auteur. Cela me fait penser à la question que Jésus pose à un chef religieux venu lui demander quel est le plus grand des commandements (Luc 10.26) : « Jésus lui répondit: Qu’est-il écrit dans notre Loi ? Comment la comprends-tu ? » (Traduction du Semeur). Autrement dit, ici : C’est une chose de reconnaître que c’est Dieu qui commande ce qui est écrit dans Deutéronome 13, mais je dois aussi alors considérer que c’est le même Dieu qui est apparu à Élie dans un souffle ténu, brisé, pour lui faire prendre conscience de l’horreur de ce qu’il a fait en massacrant 450 prophètes de Baal. C’est le même Dieu qui, tout en disant que deux personnes prises en flagrant délit d’adultère méritent la mort (Lévitique 20.10, Deutéronome 22.20-29), a empêché qu’on exécute une femme prise dans cette situation (Jean 8. 1-11). Quand j’affirme que Dieu dit telle ou telle chose, je dois donc rester très prudent quant aux conclusions que j’en tire pour ma vie personnelle : est-ce que cela m’autorise à pratiquer ce qui est écrit sans faire retour sur moi, sur ma relation personnelle à Dieu ? C’est bien à ce mouvement que Jésus a appelé les religieux qui lui ont amené cette femme prise en flagrant délit d’adultère.

En ce qui concerne Deutéronome 13, je remarque que tout ce chapitre cherche à attirer notre attention sur la gravité du fait de se détourner de Dieu (versets 6, 11 et 14) pour en adorer d’autres. Cette question de la relation au vrai Dieu, au Dieu vivant, est une question de vie ou de mort, rien de moins ! Mais c’est d’abord une question que je dois me poser pour moi-même, avant de chercher à dicter aux autres leur conduite.

Nous sommes appelés par Christ à pardonner sans mesure grâce à l’Esprit Saint qui nous en rend capable. Mais devons-nous pardonner même à celui qui ne nous demande pas pardon ? [Léa]

Bonjour Léa, et merci pour votre question.

Difficile question ! Le pardon est sans doute un des événements de la vie qui est tout à la fois un marqueur de l’existence chrétienne et une des choses les plus difficiles à expérimenter… Un peu comme l’amour des ennemis !

Comme vous le dites vous-même, c’est l’Esprit Saint qui nous rend capable de pardonner. C’est pourquoi je crois que le pardon est d’abord un don… un don de Dieu. Autrement dit, c’est quelque chose de très difficile à décréter, même si c’est un objectif à atteindre. Encore faut-il s’entendre sur les raisons de l’atteindre. Je ne crois vraiment pas que ce soit parce que « c’est bien » de pardonner… Nous ne sommes pas dans le domaine de la morale, mais dans celui de la relation vivante entre personnes.

Quand je parviens, avec l’aide de Dieu, à pardonner à quelqu’un qui m’a fait du mal, cela fait du bien à ma relation avec cette personne qui m’a blessée. Quelque chose de nouveau est possible. Il n’est pas question d’oublier, de faire comme si rien ne s’était passé, mais de trouver un nouveau chemin… C’est une histoire de mort et de résurrection, et c’est pour cela que ce n’est possible qu’avec l’aide du Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ.

Mais quand je pardonne, ça me fait du bien à moi aussi. Car je suis libéré de la rancœur, de la haine, de la « moulinette » qui peut tourner à plein régime dans mon âme et qui me fait ressasser les torts que j’ai subis.

Enfin, le pardon fait du bien à la relation que j’ai avec Dieu. Car quand je pardonne, je fais ce que Dieu me demande, je lui obéis, je l’écoute. Et puisque pour pardonner j’ai besoin de lui, si je parviens à le faire, c’est que je lui ai laissé de la place en moi pour agir, là où moi je ne pouvais rien faire… Le pardon que j’accorde est donc le signe qu’entre Dieu et moi, la relation est fluide !

Alors bien sûr, quand l’autre ne demande pas le pardon, ne reconnaît pas le tort qu’il a pu me faire… Le choses se compliquent encore ! Je crois qu’au moins ça vaut la peine d’essayer de parler avec la personne, ne serait-ce que pour lui dire ce que je ressens. Ce que je ressens, pas combien cette personne est méchante ! C’est depuis ce que j’éprouve que je peux lui faire entendre que je souffre et que j’ai besoin de la réconciliation… Et peut-être entendre à mon tour que je l’ai fait souffrir aussi et que c’est pour cela que ça s’est mal passé… Le pardon passe parfois par la repentance des peux personnes impliquées dans le conflit. On voit bien que c’est déjà là que Dieu peut agir. Mais si cela n’est pas possible, si la personne est fermée, alors au moins je peux demander à Dieu le don du pardon pour me soulager de cette rancœur que je peux éprouver, et pour demeurer dans une relation vivante avec mon Père céleste.

Puisque les Écritures se suffisent à elles-mêmes (inerrance et infaillibilité) pourquoi avons-nous toujours besoin de sources extérieures pour interpréter et actualiser ? [Christophe]

Bonjour Christophe.

Le mot « inerrance » désigne la conviction selon laquelle l’Écriture sainte ne comporte pas d’erreur dans sa lettre. Quant à l’infaillibilité, il s’agit d’un terme utilisé dans l’Église catholique pour exprimer la conviction selon laquelle il est donné l’Église, en tant qu’institution, et particulièrement au groupe des clercs, avec le pape en tête, de ne pas faire d’erreur doctrinale quand ils s’expriment.

En tant que protestant, je ne peux donc me prononcer que sur le premier mot.

Que je sois persuadé de l’inerrance de l’Écriture ou pas (cette conviction est discutée dans le protestantisme), je ne crois pas que cela signifie que la Bible soit facile à interpréter et à actualiser ! Il est toujours utile de lire les commentaires des théologiens (quand ils arrivent à être moins compliqués que le texte qu’ils commentent !) ou de participer à un groupe d’étude biblique, pour mieux comprendre ce que le texte veut dire. Pour ma part, je crois avant tout que c’est la Parole de Dieu, c’est-à-dire ce que le texte biblique, sous l’action du Saint Esprit, vient me dire dans ma vie personnelle, qui est inerrante. Donc, avant même de lire un commentaire ou de discuter avec d’autres, j’ai besoin de prier, pour demander à Dieu qu’il vienne, par son Saint Esprit, m’aider à recevoir ce qu’Il veut me dire par le texte que je vais lire.