Comment se fait-il que l’Islam parle positivement de Jésus (Issa) alors que trop de ses adeptes ne rêvent que d’éradiquer les chrétiens et les juifs de la planète ? [Philippe]

Je ne suis pas sûre que « l’Islam » parle… C’est qui « l’Islam » ? En fait, soit on s’appuie sur ce que dit le Coran, soit sur ce que les musulmans disent de ce que dit le Coran. Et dans les deux cas les choses sont complexes car :

  • Si le Coran reconnaît effectivement Jésus comme étant un prophète, il aborde aussi dans d’autres versets la relation que les musulmans doivent avoir avec les autres croyants, et il l’aborde je crois sous plusieurs angles… Pas toujours concordants entre eux. (Bon honnêtement je suis pasteur et pas spécialiste du Coran… C’est à un imam qu’il vaudrait mieux s’adresser pour les détails…)
  • « Ce que dit le Coran » est donc toujours le fruit d’une interprétation de celui (ou celle) qui dit « ce que dit le Coran », et qui pour dire cela s’appuie sur sa propre lecture, fait des choix de priorités entre les versets, décide de suivre telle ou telle tradition, etc… Et surtout sur l’image de Dieu qui est la sienne. Par exemple, si je crois que Dieu est avant tout un juge sévère, je vais avoir tendance à privilégier les versets qui vont dans ce sens et à négliger ceux qui pourraient contredire ce que je crois. Les musulmans appartiennent à des courants ayant des compréhensions de Dieu parfois très différentes les unes des autres et on ne peut donc pas dire « l’Islam dit que… »
  • On trouve aussi une telle diversité dans le christianisme, qui alimente de nombreux débats depuis 2000 ans. Les chrétiens se sont beaucoup entre-tués au long des siècles parce que certains considéraient ce que pensaient les autres comme dangereux pour leur propre foi. Les uns et les autres ont souvent cherché dans la Bible des versets qui justifiaient leur violence… Et ils ont trouvé ! Mais ça ce n’est pas lire un texte, c’est l’instrumentaliser… Ce qui nous arrange souvent, pare que c’est plus facile que d’être remis en question. D’ailleurs beaucoup de ceux qui disent s’appuyer sur le Coran ne l’ont en fait jamais lu !
  • Pour les chrétiens en tout cas, Jésus n’est pas seulement prophète mais fils de Dieu venant nous ouvrir au mystère de l’amour de Dieu. En ce qui me concerne, je crois que la haine de l’autre est fondamentalement incompatible avec ce Dieu-là. Mais c’est une affaire d’interprétation… Et de foi.

Est-ce que François Fillon est vraiment chrétien ? [123Belfort]

Il est toujours très difficile et délicat de se prononcer sur la foi de quelqu’un. Cependant les écritures nous donnent certains critères de jugement;  j’en retiens deux: la confession de la bouche: »C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux » (Matthieu 10: 32). Mais ce critère n’est pas suffisant, s’il ne s’accompagne pas des actes: « Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Matthieu 7: 21).

Appliquons ces critères à  François Fillon, qu’est ce que cela donne ? Il me semble que le premier critère est satisfait puisqu’il s’est publiquement déclaré chrétien. Par contre pour le second, c’est plus difficile, le temps nous le dira. Mais par prudence et humilité, laissons à Dieu le dernier mot sur ce genre de question, lui seul sonde les cœurs et pourra dire en fin de compte qui lui appartient ou pas.

 

 

 

Que voulait dire Paul dans Colossiens 2:5 ? Pouvait-il être « en esprit » avec des personnes tout en étant absent de corps ? Ou s’agit-il d’une image ? [Jo]

 

Assurément Paul n’était pas un adepte du voyage astral ou de la sortie en esprit. Il s’agit donc d’une formule pour dire sa communion spirituelle avec ce que vivent les Colossiens. Il se sent spirituellement en accord avec eux.

Je pense qu’ici on n’est pas dans le même registre que d’autres expériences plus extatiques, comme Paul qui se demande si sa conversion a été dans son corps ou hors de son corps (2Corinthiens 12) ou encore les expériences visionnaires comme Jérémie ou Jean.

Peut-on jouer aux jeux de hasard en tant que chrétien ? Y a-t-il un texte biblique qui en parle ? [Patrick]

Il n’y a pas de texte biblique qui parle directement des jeux de hasard. Pourtant le fait de se prêter à ces jeux en tant que chrétien pose, me semble-t-il, question.

Je vois deux motivations principales au jeu de hasard :
-gagner de l’argent pour des choses superflues
-gagner de l’argent pour satisfaire ses besoins

Dans le premier cas, le verset Hébreux 13,5 me semble clairement suffire pour inviter à la prudence.

Pour le deuxième cas, se pose la question de la juste acquisition des biens (Proverbes 13,11). Quand on voit le système social que Dieu instaure pour que Son peuple vive libre, on constate que, par une juste répartition des terres (Josué13-19, voir aussi Lévitique 25), Dieu a le souci que chacun puisse vivre de son travail (cet idéal se retrouve chez Paul en 2Thessaloniciens 3,10). Le bien justement acquis bibliquement est idéalement lié au fruit de son travail. Si nous sommes dans un contexte où on ne peut pas vivre décemment de son travail, alors c’est le système qui pose question… mais quel que soit notre contexte, Dieu nous appelle à faire confiance en Sa providence (Matthieu 6,26) et à persévérer, en conscience, dans Ses voies.

Les paroles de Jésus en Mt 10:34-36 ne sont-elles pas contradictoires à son message d’amour réciproque ? Pourquoi tant de violence de la part de Jésus dans ce passage ? [Alex]

Matthieu 10:34-36 dit ceci : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. »

Je crois que c’est un principe de lucidité de la part de Jésus. Son message est scandaleux, et fou. Qui peut accepter qu’il sauve des pécheurs sur la seule base de leur acceptation de la grâce de Dieu et leur repentance. C’est choquant pour ceux qui essayent d’avoir une vie juste.
Le fait que son message fasse scandale va créer de l’opposition, comme dans la parabole du fils prodigue où l’aîné est vraiment dans l’incompréhension par rapport au cadet dont il trouve que le retour est un peu « facile ».

De toute façon, la paix que Jésus nous donne, il ne nous la donne pas comme le monde nous la donne (Jean 14:27). Et donc, étonnamment, c’est à cause de cet amour immense qu’il donne et qui est inacceptable qu’il y aura du rejet, jusqu’à… le faire crucifier comme s’il était un criminel !

Le chrétien est-il condamné à ne jamais divorcer (sauf violence et adultère) ? Quand dans un couple, après un temps de discernement l’un veut divorcer dans la paix, la Bible le lui interdirait ? [Gérard]

Pour la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, la conjugalité n’est pas un contrat, mais une union (d’un homme et d’une femme) qui rend chacun des deux conjoints participant à l’autre. Le divorce n’est pas alors une séparation, mais une amputation, un suicide. Cela ne saurait correspondre à la volonté de Dieu pour nous, c’est ce que Jésus répond quand on lui pose la question (Marc, ch. 10, v. 2-9). Le conjoint n’est pas un associé (un « partenaire sexuel », comme on dit) dont on peut se séparer tranquillement, encore moins un objet utilitaire qu’on peut jeter après usage…

Lorsque le divorce est inévitable, c’est qu’il est déjà accompli, que le couple (donc chacun des deux) est déjà cassé. Là, il n’y a pas de paix ! Par ailleurs, de nombreux couples ou relations ne correspondent pas à ce modèle que Dieu propose et bénit. Pour eux, la question est sans objet : quand on vit autre chose que ce que la Bible propose, pourquoi se soucier de ce qu’elle interdirait ?… Mais vous aurez compris qu’elle n’interdit pas : avec Dieu, elle pleure sur les situations qui font mal aux enfants du Père.

Pour ceux qui veulent vivre ce que la Bible propose, dans une vie de couple qui ne sera jamais « un long fleuve tranquille », le discernement doit donc s’exercer pour rester ensemble, pas pour se séparer. Il doit donc aussi s’exercer pour demander à Dieu dans la prière ce dont on a besoin pour ce faire. Dans la vie conjugale comme en toute autre chose, à la question des Pharisiens « est-il permis ? », la réponse biblique est toujours « non ». C’est que cette question est perverse, sans solution, génératrice de malheur. La prière chrétienne ne demande pas ça, mais l’aide de Dieu pour vivre ce qu’il demande. Après échec, elle demande pardon. Et la prière des frères et sœurs après cet échec est de soutenir ceux qui sont désormais amputés d’eux-mêmes.

Comment comprendre la Sainte Cène ? Quelle fréquence sans tomber dans l’idolâtrie ? [Stéphane]

C’est un des rares gestes que Jésus nous a explicitement dit de reproduire. « Faites ceci en mémoire de moi » Luc 22, 19. Et si c’est important pour Jésus c’est que ça l’est pour nous : en ce que ça rappelle la mission de Jésus jusqu’à la croix, en ce que ça proclame pour le temps où on la célèbre (la mission de l’Eglise de demeurer dans Son amour et d’y appeler toujours plus de membres), et en ce que ça dit de l’espérance de l’Eglise invitée au banquet final de Dieu.

Dans les premières assemblées chrétiennes, on prenait son repas ensemble et au cours de celui-ci il y avait le partage solennel du pain et du vin avec le rappel de son institution par Jésus. Mais dès le début, ce repas a été un point de vérification de la santé de la communauté : un problème dans la forme pouvait révéler un problème spirituel de fond! (voir par exemple 1 corinthiens 11, 17-23) Aujourd’hui les enjeux sont les mêmes. Je dirai que les modalités de la cène peuvent varier selon le message qu’on veut faire passer, selon ce qu’on vit ou est appelé à vivre en communauté.

Attention, l’idolâtrie peut se cacher dans une célébration hyper fréquente de la cène, comme dans une trop grande rareté de celle-ci. Et une foi authentique peut être manifestée dans des pratiques parfois surprenantes, mais réfléchies spirituellement. Bref, une Eglise saine aime la cène 😉

Comment se fait-il que la notion d’amour de Dieu ne soit même pas présente dans le Symbole des apôtres, première confession de foi des chrétiens ? [Frédérique]

L’amour de Dieu est effectivement une notion centrale puisque la Bible dit que « Dieu est amour » (1Jean 4,8). Mais c’est une notion difficile qui prête lieu à des malentendus. Sans doute les premiers chrétiens ont-ils considéré que l’amour de Dieu était induit par la nature de Dieu confessée dans le symbole des apôtres :

-Dieu  est un Père qui nous a créé, prend soin de nous, dirige, gouverne et agit
-Il s’est fait proche de nous en Jésus Christ, a connu la souffrance et la mort, et les a vaincu
-Dieu, par Jésus, jugera le monde… le monde n’est pas abandonné au mal, mais la justice triomphera
-Dieu est Esprit que se communique à nous, Dieu nous partage donc Sa puissance.
-Dieu se forme un peuple pour que nous puissions déjà vivre collectivement son Royaume, pour Le servir et pour témoigner de Lui
-Dieu pardonne et promet la vie éternelle à ceux qui lui font confiance

Il me semble que le symbole des apôtres définit justement l’amour de Dieu, l’amour étant un mot très galvaudé dans bien des discours…

Quel sens a la nativité pour les protestants puisque Marie n’a pas un caractère sacré ? Est-ce uniquement les conditions de son avènement dans une étable qui fait le message biblique ? [Cathia]

J’avoue ne pas être sûr de comprendre vraiment la question, mais essayons de cheminer ensemble. 🙂

La nativité est l’événement central des Ecritures puisque c’est l’advenue à la vie terrestre de Jésus. C’est énorme ! Noël est une fête très célébrée par les protestants, avec chants et joie.
C’est la simplicité de Marie qui en fait justement le caractère exceptionnel : elle est l’humanité qui est rendue apte à accueillir le Messie, un modèle de foi pour nous tous en somme ! Ah, si seulement nous étions tous capables aujourd’hui d’accueillir le Christ vivant à l’intérieur de notre être !

Sinon, il n’y a de sacré que Dieu en fait. Marie n’est pas sacrée pour le dogme catholique non plus.
En revanche Marie est sainte, pour nous tous, car elle a été mise à part pour Dieu, pour un rôle central dans l’incarnation de Dieu : elle est le réceptacle concret du Verbe fait chair. Et c’est une très bonne nouvelle pour tous les chrétiens, protestants, catholiques, orthodoxes, etc.

Comment faire une prière efficace dans le nom de Jésus pour qu’un proche qui n’a pas vraiment la foi puisse être touché puissamment par Sa grâce et trouver le Salut ? [Tiba]

Toute prière faite dans le Nom de Jésus est efficace. Mais qu’est-ce que ça veut dire, « efficace », et qu’est-ce que ça veut dire, « dans le Nom de Jésus » ?

La seconde question est la plus importante. Prier dans le Nom de Jésus, ce n’est pas prier « en son nom » au sens courant du terme, comme s’il suffisait de dire « au nom de Jésus » à la fin d’une prière pour que « ça marche ». La relation avec Dieu n’est pas de l’ordre de la magie ! Il s’agit plutôt de se tenir en Jésus, d’être tellement uni à lui dans la prière que c’est lui qui prie pour nous, comme Paul le dit de l’Esprit qui « intercède par des soupirs inexprimables » (Romains 8). Être uni au Christ crucifié, comme Paul encore écrit que « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi »… Prier dans le Nom de Jésus, c’est aussi prier en Église qui est son Corps : « là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux »…

La prière sera-t-elle alors « efficace » ? Elle le sera si j’en sors transformé. Moi ? Oui, le sujet n’est pas celui pour la conversion de qui je prie (et auprès de qui je ne peux que témoigner de ce que Christ est ma vie et veut être la sienne). Le sujet, c’est moi qui prie. Dans la prière, c’est moi qui suis devant Dieu, c’est moi qui suis écrasé par sa majesté et redressé par son amour. C’est moi qui, en Christ, peux dire « mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » et terminer en reconnaissant que « tu m’as répondu » (Psaume 22).