Dieu a-t-il envoyé son Fils en connaissance du fait qu’il allait être crucifié ? Autrement dit Jésus était-il prédestiné à la croix ? [Jed]

Cher Jed, merci pour cette question très importante. Je vous propose de relire ce petit passage de la lettre aux Colossiens, 1. 15-20, dans lequel je glisse quelques commentaires :

« Le Fils (Jésus-Christ, donc) est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. 16 En effet, c’est en lui que tout a été créé dans le ciel et sur la terre, le visible et l’invisible, trônes, souverainetés, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. (Donc le Fils, comme le Père et ‘Esprit Saint, existent de toute éternité) 17 Il existe avant toutes choses et tout subsiste en lui. 18 Il est la tête du corps qu’est l’Église; il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. 19 En effet, Dieu (le Père) a voulu que toute sa plénitude habite en lui. 20 Il a voulu par Christ tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans le ciel, en faisant la paix à travers lui, par son sang versé sur la croix. »

Cette dernière phrase, en tenant compte de ce qui est écrit précédemment, me semble clairement dire que le Fils était prédestiné à la croix. Cette prédestination n’a rien d’arbitraire, c’est par amour que le monde a été créé et par amour que le salut offert en Jésus-Christ devait passer par la croix pour se réaliser.

Êtes-vous d’accord avec la thèse de Max Weber sur les liens entre le protestantisme et le capitalisme ? [Lionel]

Max Weber, dans son ouvrage de 1920 intitulé ‘L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », tante d’expliquer quels facteurs spirituels et sociaux ont conduit à ce qu’il observait à son époque : les couches sociales supérieures sont protestantes en majorité. Son ouvrage met en avant deux facteurs théologiques qui selon lui, expliqueraient cet état de fait.

Le premier facteur mis en avant par le sociologue est la revalorisation par Luther du métier, comme manière de servir Dieu. Ainsi, le fait de travailler, auparavant considéré comme une simple nécessité vitale de valeur moindre par rapport à la prière des moines prend un sens devant Dieu. Calvin ira plus loin dans la valorisation du travail, en invitant les hommes à agir avec Dieu pour sa gloire.

Le second facteur mis en avant est la doctrine calviniste de la prédestination. Calvin, en affirmant que Dieu a  choisi d’avance ceux qu’il destinait au salut, a provoqué de l’angoisse, dans le cœur des croyants. Ces derniers, ne pouvant pas savoir s’ils étaient élus ou non, se sont mis à chercher dans leur manière de vivre des signes de leur salut. Le fait de vivre de manière simple sans trop chercher à profiter des biens matériels associé au désir de travailler dur pour la gloire de Dieu et d’en récolter des richesses a été perçu, par ces protestants, comme des marques rassurantes de leur élection. Il auraient ainsi été encouragés à accumuler le capital qui a rendu possible le développement du capitalisme.

Le travail sociologique de Max Weber met en avant des doctrines et des principes éthiques qui correspondent à ce que nous dit la Bible au sujet de la vocation et du salut, selon l’interprétation des réformateurs. Il nous montre aussi comment ces doctrines et ces principes ont pu être tordus par les humains angoissés et avides que nous sommes tous, au fond. Bref, Max Weber nous dit le péché qui se cache dans nos intentions, seraient-elles pieuses.  Il m’invite à tâcher aujourd’hui, de vivre avec Dieu simplement, dans  confiance et dans l’amour, pour devenir semblables à Christ, qui à priori, n’était pas un capitaliste.

« Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères ». Romain 8/29

 

 

Que faire de la prédestination aujourd’hui ? [Aline]

Dans une culture occidentale qui présuppose que les Hommes sont naturellement libres et autonomes, ce n’est effectivement pas une doctrine facile.

L’idée (développée en Romains 9-11) selon laquelle Dieu choisit certaines personnes (Romains 9,14), pour leur donner la foi et qui auront la vie éternelle, tandis que les autres n’ont pas cette chance, est difficilement compatible avec l’esprit moderne.

Je crois qu’il faut appréhender cette doctrine avec deux manières de vivre la réalité :

  • ce qui est de notre ressort
  • ce qui nous dépasse et appartient aux impénétrables voies du Seigneur

Ce qui est de notre ressort est de répondre aux appels de Dieu, lui obéir avec effort (Luc 13,24) et persévérance (Actes 14,22), être exemplaires avec tout le monde (Matthieu 5,13-16) et témoigner de notre foi (Romains 10,14), car le salut est destiné à toute la création (Jean 3,16-18).

Mais, afin de ne pas s’enorgueillir, être surpris ou découragés, il faut garder en tête que Dieu a un plan, des projets et des manières d’opérer qui nous dépassent. Même si le croyant doit s’efforcer de marcher avec Dieu, c’est en fait Dieu lui-même qui opérera (Romains 9,16 ; 1Thessaloniciens 5,23-24). Même si le croyant progresse dans la sanctification, il connaîtra des épreuves (1Pierre 1, 6-7) et des oppositions. Même si le croyant témoigne avec talent, certaines personnes demeureront sourdes à la Parole (Romains 9,18).

Que faire de la prédestination ? Comme l’apôtre Paul, méditer ce mystère et conclure :

« Quelle profondeur ont la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu! Que Ses jugements sont insondables, et Ses voies impénétrables! En effet, qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été Son conseiller? Qui Lui a donné le premier, pour être payé en retour?  C’est de Lui, par Lui et pour Lui que sont toutes choses. A Lui la gloire dans tous les siècles! Amen! » (Romains 11,33-36)

Concrètement- en quoi consiste la prédestination et qui concerne-t-elle ? Comment savoir si on l’est (prédestiné) ? [Maxime]

La prédestination est l’idée selon laquelle Dieu a choisi d’avance ceux qui seraient sauvés et ceux qui ne le seraient pas. Cette idée est assez bien étayée bibliquement. Ainsi, l’Ancien Testament est l’histoire de l’élection et du choix par Dieu d’un peuple qui ne le méritait pas (Deutéronome 7/7). De nombreux passages semblent, en outre, indiquer que les dispositions du cœur à obéir à Dieu viennent de Dieu lui-même (endurcissement de Pharaon en Exode 4/21 ou Zacharie 3/18-19). L’évangile de Jean, de son coté, laisse souvent entendre que c’est Dieu qui donne à l’humain de croire ou de rejeter Jésus et donc d’être ou non sauvé (Jean 6/37-45, Jean 17/19, Jean 13/18). Le mot de prédestination est employé ou suggéré dans plusieurs textes attribués à Paul ( Ephésiens 1/4-6, 2 Timothée 1/9, Romains 8/28-30, Romains 9). Sur le plan théologique, cette doctrine a l’avantage de prendre au sérieux cette affirmation de la réforme qui veut que l’homme soit sauvé par Dieu seul, sans que la volonté humaine ne puisse rien y faire (Ephésiens 2/8-9). Sur le plan de l’expérience elle explique pourquoi certains croient quand d’autres ne croient pas. Sur le plan psychologique, elle permet l’humilité, puisqu’elle affirme que le salut est en dernier ressort l’affaire de Dieu et non la nôtre.

Jean Calvin a beaucoup réfléchi à la doctrine de la prédestination. Il en parle de manière assez claire dans l’Institution de la religion chrétienne. Pour Calvin, Dieu adresse un appel à la foi en Jésus-Christ à tous les humains par sa Parole. Seuls ceux qui sont prédestinés au salut accueillent la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Dieu rend alors leur cœur capable de croire, par son Saint-Esprit. Ils se convertissent  et sont  liés à Jésus à jamais.  Ainsi, la foi sincère, confiante, celle qui crie vers « Dieu Abba, Père » permet au croyant d’être conscient de son élection (Romains 8/29-30). Il n’est en revanche pas possible de déterminer si les autres sont ou non prédestinés  : certains se diront croyants pendant un temps, sans l’être vraiment alors que des personnes dont l’incroyance est  manifeste pourront un jour être appelés à croire et se convertir.

Pour terminer, j’aimerais préciser que la doctrine de la prédestination n’est pas là pour nous inquiéter. Aux croyants, elle dit que Dieu est l’auteur de notre foi. Il l’a fait naître et veut nous garder avec lui toujours. Aux personnes qui désirent croire en Dieu mais n’ont pas encore reçu la foi, elle dit que leur recherche a probablement Dieu pour auteur et qu’elle aboutira. Quand à ceux qui ne cherchent pas  Dieu parce qu’ils ne croient pas (encore) à son salut, ils ne peuvent logiquement pas avoir peur de ne pas être sauvés…

 

Le plan du Salut (Romains 8 : 28-30) : cette réflexion me porte directement vers la prédestination. Qu’en est-il alors de ceux qui ne sont ni prédestinés- ni appelés ? [Carole]

Ce passage de l’épître aux Romains souligne que  Dieu nous sauve en Jésus-Christ, quand bien même nous ne pouvons rien faire de nous-mêmes pour nous sauver.  Ainsi apprenons-nous que c’est Dieu qui « gère » notre salut, et que nous pouvons donc lui abandonner nos vies, dans la confiance.

Nombreux sont ceux que l’idée de prédestination angoisse. Ils pensent à ceux qui ne sont pas prédestinés au salut et semblent donc injustement exclus. Ils ont peur d’être de ces derniers et se demandent comment vérifier qu’il n’en sont pas.  Ce mode de pensée est étranger voir opposé à la manière confiante de penser à laquelle Paul nous convie. En effet, si Dieu est Dieu et s’il gère le salut, ne le gérera-t-il pas correctement ? Et quand bien même je ne serais pas prédestiné au salut, cela pourrait-il être pour mon mal si telle était la juste volonté de Dieu ?

Dieu gère le salut et il  le fait bien. Il a aimé le monde et il l’a sauvé en Jésus-Christ. La Bible nous dit que certains seront sauvés quand d’autres ne le seront pas. Notre affaire n’est ni de le comprendre ni de le savoir. Notre affaire est de croire.

La Bible dit que nous sommes mis à part dès le sein de notre mère, choisis par Dieu comme Israël, et d’autre part que le salut est offert à tous en J.-C. Quelle est notre part dans tout ça ? [Manu]

C’est une question qui depuis toujours divise le christianisme. Pélage, comme le judaïsme avant lui, insistait sur la part de l’être humain dans son salut. Le catholicisme souligne qu’avec l’aide de Dieu, l’être humain peut faire ce qu’il faut. Au sein-même du protestantisme, alors que les Réformateurs insistaient, eux, sur la prédestination des croyants, le méthodisme (et à sa suite la majorité du courant évangélique, notamment le pentecôtisme), a réintroduit la nécessité du choix.

Pourquoi donc faudrait-il que nous y ayons notre part, dans notre salut ? Nous en sommes indignes, et « incapables par nous-mêmes d’aucun bien » (cf. la confession des péchés de Calvin et Bèze). C’est un pur cadeau. Je ne puis qu’en être reconnaissant, dès que j’ai conscience de l’avoir reçu, et le mettre en œuvre dans ma vie et autour de moi avec l’aide du Saint-Esprit, comme témoignage rendu à Jésus-Christ.

Mais le salut n’est-il pas offert à tous en Jésus-Christ, comme vous l’écrivez ? Certes ! C’est bien pour ça que le témoignage évangélique est nécessaire, et qu’un chrétien ou une Église ne peut pas justifier n’importe quoi… Pour saisir ce salut, il faut bien que l’être humain ait d’abord une conscience aiguë de son indignité, de son péché, pour recevoir joyeusement le fait que Christ l’a pris sur lui et l’en a libéré par sa mort et sa résurrection. « Vous êtes sauvés par grâce, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » (Éphésiens 2 / 8)

Comment les deux s’articulent-ils pour les autres ? C’est dans la main de Dieu, pas dans la mienne ! À moins que ce ne soit une question de regard. J’ai lu une fois (sous une plume pentecôtiste), que celui qui était à l’extérieur semblait avoir le choix d’entrer ou non, pour s’apercevoir une fois dedans qu’il y était attendu et qu’il n’aurait pas pu faire autrement… Quant à moi qui sais être dedans, je ne puis que rendre grâces humblement.

Qu’est-ce que la prédestination ? Comment articuler la prédestination et la liberté de l’homme face à l’appel de Dieu ? [Valérie]

La prédestination (lire p. ex. Romains 8 / 28-32), c’est la certitude d’avoir été aimé et choisi gratuitement par Dieu dans sa liberté. Il n’est pas lié par nos origines, notre vie, notre passé, notre présent, notre avenir, ni par rien d’autre. Dieu est libre et dans son amour il choisit librement, et son amour transforme la personne aimée, quelle qu’elle soit ou qu’elle ait été.

L’être humain séparé de Dieu n’est pas libre, mais esclave (c’est le « péché originel »), contrairement à ce que proclame l’humanisme occidental. Esclave de toutes sortes de choses, d’instances, de puissances, intérieures ou extérieures, choisies ou subies (cf. la suite du même texte : Romains 8 /33-39). C’est Jésus qui libère de tout ça, c’est l’amour de Dieu reçu dans la foi qui fait de nous, à l’image de Jésus, des hommes et des femmes libres (ou en train d’être libérés).

La liberté du choix de l’être humain par rapport à la grâce souveraine et inexplicable de Dieu ? Celui qui croit sait que ce n’est pas son choix, mais il connaît son bonheur d’avoir été choisi. Et celui qui ne croit pas, quel choix a-t-il ? Quant au choix par Dieu, il peut parfaitement se manifester par un appel humain à répondre à son amour : l’évangélisation n’est pas de proposer le choix, mais de permettre aux aimés d’entendre la parole de l’Amant et de lui répondre… de ne pas pouvoir faire autrement que de lui répondre !