Qu’est-ce que la Haute Société Protestante ? Est-ce que ça existe vraiment ? [Louis]

Sans langue de bois, la Haute Société Protestante (HSP), c’est un concept plus qu’approximatif d’un point de vue sociologique pour parler de familles riches et influentes. Ces familles existent vraiment et leur influence aussi pour le meilleur et pour le pire. Cependant, c’est un peu dangereux de parler en « familles », car on peut s’appeler Hermès, Peugeot ou Guerlain et ne rien avoir à faire avec le protestantisme. Ce n’est pas très clair non plus de savoir si ces familles sont les hautes familles du protestantisme ou les familles protestantes de la haute société. Et jusque là, nous n’avons rien dit du rapport à Jésus Christ…

A la base, ça n’a rien de choquant qu’il y ait une HSP plus ou moins identifiable. L’Évangile dans sa forme protestante a touché toutes les classes sociales. Dans des communautés, on est bien content que l’argent arrive pour financer des campagnes, des programmes, des travaux, etc. Des familles riches qui transmettent l’Évangile à leurs enfants et deviennent particulièrement influentes, nous avons ça dans chaque paroisse de plus de 10 ans d’existence. Parfois, il faut aussi reconnaître que ces familles deviennent des poisons parce que leur influence est plus importante que leur liberté en Christ. Et si l’Église se mondanise, elle crèvera parce qu’elle n’est plus l’Église de Christ. A l’échelle d’une Église nationale, avec des familles qui ont des entreprises cotées au CAC 40, c’est simplement la même chose : une bénédiction pour l’Évangile ou une malédiction par la mondanisation. Que Dieu soit honoré comme le seul noble digne « d’honneurs » et le seul « généreux donateur » et on ne verra plus que des frères et sœurs, tous serviteurs du même Seigneur.

Pourquoi le système presbytérien-synodal peut-il produire le meilleur comme le pire ? [Pierre]

A mon avis pour une raison simple : c’est un système qui demande une grande discipline et une grande responsabilité spirituelle. Historiquement, ce système s’est établi, du temps de la Réforme, par opposition au système hiérarchique de l’Eglise romaine dont les fruits étaient alors considérés comme mauvais. Estimant que, pour le peuple de Dieu, avoir un chef, tel un roi (1Samuel 8), autre que Christ ne correspondait pas à l’enseignement biblique, les Réformateurs ont développé ce système qui devait responsabiliser les Eglises locales tout en assurant leur unité spirituelle et doctrinale. Mais pour que ce système fonctionne, encore faut-il placer Christ au centre, et le laisser être le Chef. Si on veut voir les manifestations du règne de Dieu, encore faut-il lui laisser la place…

Puisqu’il n’y a pas de chef humain (des personnes ont des fonctions représentatives, à qui chacun doit la soumission, mais qui doivent elles-mêmes la soumission aux autres fidèles et d’abord à Christ) garant de l’ordre, une Eglise avec un système presbytérien-synodal peut facilement être sujette au désordre, et parfois à de graves dérives. Comme le serait n’importe quelle institution humaine sans chef…

Mais en adhérant à ce système d’Eglise, on croit que Christ dirige surnaturellement son Eglise… et si ses membres font preuve de fidélité à Christ, leur Eglise produira le meilleur.

Est-il bien de dire que les protestants sont des catholiques non-romains ? [Françoise]

Et bien non, car cela prête à confusion doublement.

Tout d’abord, ce terme désigne déjà des chrétiens, qui ne sont pas des protestants, mais les vieux-catholiques. Il s’agit de chrétiens d’accord en tous points avec les catholiques romains, mais qui n’acceptent pas le dogme de l’infaillibilité pontificale (qui date du XIX°s). Ils s’appellent aussi parfois les catholiques-chrétiens.

Ensuite parce que le terme catholique qui signifie universelle, est un adjectif qui qualifie l’Église. Or en protestantisme, ce n’est jamais l’Église qui est première mais la foi du chrétien. L’Église est une donnée seconde (mais pas secondaire pour autant) et il serait donc étonnant de se donner comme nom un qualificatif qui ne désigne pas le cœur de ce que l’on est.

Qu’est-ce que le « saint baiser » dont parle Paul dans ses lettres ? (Rom 16.16 ; 1Co 16.20 ; 1Thess 5.26) [Jean-Luc]

Quand j’essaye de claquer une bise aux américaines de mon assemblée le dimanche matin, je suis rapidement ramené au fait que ma culture n’est pas universelle… On s’effleure vite fait les joues et on attend que la gêne passe.

Le baiser de salutation semble par contre très bien passer dans la culture des gens du Nouveau Testament. Les évangiles évoquent des hommes qui s’embrassent tout naturellement et sans l’expliquer (Mc 14, 45 et parallèles). De la même manière, dans les actes des apôtres, les responsables de l’Église d’Ephèse « se jettent au cou de Paul pour l’embrasser » (Ac 20, 37).

Cependant, chez Paul (Rm 16, 16 entre autres) ou chez Pierre (1 Pierre 5, 14), le baiser est qualifié de « saint » ou adjoint du qualificatif relatif à l’amour fraternel (agapè). La salutation culturelle normale est spiritualisée dans la communauté chrétienne. Ça veut dire que la salutation culturelle normale va être utilisée pour donner du sens aux relations entre chrétiens. Les conséquences pour la communauté vont être que des esclaves et des maîtres, des hommes et des femmes, des juifs et des grecs vont se saluer d’une même manière sans aucunes distinctions.

Chez des auteurs très anciens, par exemple Justin Martyr dès le 2e siècle, on lit que ce « baiser » faisait parti de la célébration de la sainte Cène (Première Apologie ch LXV). Cela n’offre pas non plus la certitude que Paul ou Pierre en faisait déjà une recommandation cultuelle mais c’est bien dans l’esprit.

Plus proche de nous (ou pas), au 19e siècle, on trouve une traduction anglaise où le verset a été transformé par « serrez-vous la main » (traduction J.B. Philips) pour des raisons évidemment culturelles.

Pour aujourd’hui, je n’ai pas pour ma part de prescriptions légalistes, mais je pense qu’il est essentiel de comprendre que l’accueil et la salutation que nous nous adressons entre chrétiens doit dépasser et sublimer la culture et la politesse. Cela fait pleinement parti de notre soumission au commandement du Seigneur pour ses disciples : « Aimez-vous les uns es autres » ou ailleurs sous la plume de Paul « accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueilli, pour la gloire de Dieu » (Romains 15). 

  Quelle organisation correspond le mieux pour que l’Eglise soit sur le modèle biblique ? [Gérard]

C’est en soi un enseignement très important que le Nouveau Testament ne contienne pas plus de descriptions détaillées de l’organisation religieuse (contrairement à l’Ancien Testament qui décrit longuement le déroulement du culte ou l’organisation du service des lévites). Paul a décrit l’organisation idéale de l’Église avec la métaphore du corps humain et des membres (1 Corinthiens 12). Pierre évoque lui l’image de la construction avec la métaphore des pierres vivantes posées sur la pierre d’angle (1 Pierre 2)… Où est le manuel de l’Église chrétienne selon la Bible ? L’organisation de l’Église qui correspond le mieux à la bible, c’est une organisation qui sert la communion des chrétiens unis à leur chef céleste, une organisation qui ne se prend pas pour « le bon modèle », qui ne se sert pas elle-même, et qui rend à Dieu toute gloire et toute autorité.

Dans le judaïsme du temps de Jésus, il y avait, comme maintenant pour l’Eglise, des questions sur l’organisation religieuse idéale. C’est pour cette raison qu’on trouve  l’existence de différents courants juifs dans le Nouveau Testament (pharisiens, sadducéens, zélotes…).

Jésus, accompagné par son équipe de militants et suivi par des foules entières en Israël n’a pas remis en cause l’existence des mouvements de son époque, mais il a usé de paroles très sévères pour ceux qui se cachaient derrière ces organisations humaines au lieu de chercher la face de Dieu. Alors que les gens se posaient des questions religieuses, il parlait de la relation au Père, de la venue du Royaume, de la purification intérieure… Il y a bien sûr des instructions pour l’Église dans les paroles de Jésus, mais il s’agit avant tout de dispositions de cœurs !

 

J’ai entendu dire qu’un pasteur était un gourou. Qu’est-ce qu’un gourou ? Comment vérifier que notre pasteur ne l’est pas ? [Marcello]

Attribuer le titre de « gourou » à un pasteur est péjoratif : cela signifie que ce pasteur est considéré comme une sorte de maître à penser qui aurait autour de lui une cour d’adeptes soumis. C’est une critique dure, car dans une Église chrétienne le seul maître est et doit rester le Christ, et les pasteurs eux-mêmes ne sont que des disciples ! cela veut sans doute dire dans la bouche de ceux qui adressent cette critique que ce pasteur exerce une très forte autorité sur les membres de son Église, ou que les membres de cette Église attribuent un peu trop de pouvoir à ce pasteur (car on peut voir le phénomène des deux côtés…).

Voici quelques indices qui permettent de se protéger des tentations du pouvoir qui malheureusement n’épargnent pas plus les pasteurs que les autres :

= Aller voir par soi-même et ne pas se fier aux « on dit »; les rumeurs ne sont jamais constructives !

= Vérifier que le ministère du pasteur est bien articulé avec un ministère collégial d’anciens de l’Église. Dans les Églises protestantes, le pasteur n’exerce pas son ministère de façon solitaire.

= Le fait que l’Église dont ce pasteur est membre soit rattachée à une union, un mouvement, une fédération… d’autres Églises est aussi une garantie : cela garantit un discernement collectif de la vocation de ce pasteur, mais aussi en général une certaine formation et un accompagnement de son ministère. Les institutions avec toutes leurs limites humaines ont parfois aussi du bon…

Dans Ézéchiel 44 / 25 : « Un sacrificateur n’ira pas vers un mort, de peur de se rendre impur. » Pourquoi assiste-t-on à un culte avant l’enterrement ? [Marc]

Plusieurs remarques pour répondre à votre question.

Tout d’abord, l’Ancien Testament est ancien ! Non pas à cause de sa date d’édition, mais parce qu’il est dépassé par le Nouveau qu’il annonçait. Dans le Nouveau, il n’y a plus de sacrificateurs, ni d’impureté rituelle (cf. Actes 10). Le Christ est le seul sacrificateur et l’unique victime expiatoire (cf. l’épître aux Hébreux). Il n’y a d’ailleurs plus de Temple non plus depuis 1.950 ans… Pasteurs et chrétiens ne sont pas des prêtres, sinon par la prière pour les autres, l’intercession, et pour ce faire ils le sont tous de par leur baptême, quelles que soient les circonstances.

Quant au texte que vous citez, la réponse en est bien sûr l’histoire du « bon Samaritain » (Luc 10 / 30-37), où le sacrificateur et le lévite appliquent ce verset, tandis que le Samaritain (Jésus ?) s’approche, lui, du blessé qui est peut-être mort (moi ?). C’est Jésus qui accomplit l’Ancien Testament en rendant caduques ses ordonnances rituelles, par sa propre mort et sa résurrection, gage de la mienne.

La question du culte à l’occasion d’un enterrement ou d’une crémation est très différente, en protestantisme. Il ne s’agit pas de s’approcher du mort (le culte peut avoir lieu sans la présence du cercueil, d’ailleurs), mais d’une famille en deuil, pour prier avec elle (les « condoléances » au sens propre), et écouter ensemble la Parole que Dieu lui adresse, témoignage justement de cette résurrection pour le défunt comme pour chacune des personnes présentes. Ce culte n’est donc pas nécessaire (pour éviter toute idolâtrie, les Réformés d’autrefois s’en passaient), mais il est à la fois l’expression de la fraternité chrétienne (soutenir des frères et sœurs dans la peine) et la mission de l’Église (annoncer l’Évangile en toute circonstance).

Comment dépasser cette image de « ringardise » que nous colle le monde et faire de l’Evangile un sujet contemporain, audible, surtout pour les jeunes ? [Pierre]

L’expérience nous a appris que les athées, incroyants, agnostiques ont souvent raison. S’ils nous disent que l’Eglise est ringarde, c’est souvent parce que c’est… vrai.

En même temps la préoccupation pour l’apparence n’est pas le cœur, loin s’en faut, du message de l’Evangile. « Être dans le vent est une ambition de feuille morte » disait G. Thibon.

La difficulté de la réponse chrétienne actuelle est dans le fait de ne pas se fourvoyer dans plusieurs mauvaises réponses :
– soigner la forme attirerait durablement des personnes voulant suivre le Christ,
– éviter des sujets qui fâchent (sexe, argent, pouvoir) ferait de l’Evangile un message accessible,
– croire que dire la vérité blesse nécessairement les gens,
– produire un message de rébellion par rapport au système serait la quintessence du message de Jésus.

La solution qu’a choisie Jésus à son époque :
– aimer,
– parler vrai,
– marcher,
– compter d’abord sur Dieu
– prendre des risques,
– mourir pour nous.

Je viens d’arriver dans une Église qui n’avance pas dans le sens qui me convient. Les gens ne font pas assez et pas assez bien… Que dois-je faire ? [Ursula]

Demandez-vous en premier si cette Église avance dans un sens qui convient… à Dieu ! Car chaque Église particulière est dans les mains du Seigneur, pas dans celles de ses membres ni même de ses ministres (pasteurs ou anciens). La direction que prend une Église dépend de beaucoup de choses, mais notamment de celui qui la dirige : le Christ. Il peut être utile de relire Romains 14 et 15, par exemple, adressé à une Église (que Paul n’ose pas même appeler de ce nom) qui sombre dans les divisions, chaque groupe déplorant que l’autre avance dans un sens qui ne lui convient pas.

Nous avons un autre exemple dans les Actes des Apôtres 15, où des avis très divergents sur la mission de l’Église s’expriment, puis s’articulent. Un(e) chrétien(ne) peut parfaitement – mais fraternellement – dire à ses frères et sœurs ce qu’il trouve de bien ou de pas bien dans la communauté dont il fait partie, par rapport à sa propre compréhension de la mission que Dieu a adressée à cette communauté-là. « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas. » (1 Jean 4 / 20) Dire, mais aussi écouter et comprendre, c’est l’exercice de la communion fraternelle.

Et puis, il faut bien reconnaître que, « les gens », j’en fais toujours partie. Pas vous ? Je dois donc bien me demander ce que moi, je fais dans l’Église, pour elle, pour sa mission, en fonction des dons que j’ai reçus de l’Esprit vivifiant. Est-ce que je fais assez ? Est-ce que je ne fais pas trop ? Est-ce que je ne suis pas à côté de la plaque ? Qu’est-ce que Dieu attend de moi, et en quoi puis-je être utile à mes frères et sœurs dans leur propre mission ? Rappelez-vous de Marthe et Marie (Luc 10 / 38-42), et aussi de ce que Paul écrivait en Romains 12 et 1 Corinthiens 12 sur le corps et ses membres.

Enfin, rendez grâce à Dieu parce que vous êtes de son Église, non pas à cause de ce que vous faites ou pas, mais à cause de ce que Jésus-Christ a fait pour vous comme pour moi.

Doit-on à tout prix laisser de la place à quelqu’un qui pourrit l’Eglise par son mauvais état d’esprit ? [Gilbert]

Quel genre d’état d’esprit peut pourrir une Eglise ?
Probablement ce qui est contraire au fruit (tout frais) de l’Esprit tel que décrit en Galates 5,22. Ainsi, on s’oppose à l’oeuvre de l’Esprit dans l’Eglise alors que  :
– notre comportement fait barrage à l’amour, quand on ne considère pas les autres, mais nous-mêmes et nos désirs pour l’Eglise, comme ce qui doit conduire son oeuvre.
– notre comportement fait barrage à la joie, quand on critique inlassablement ce qui est vécu dans l’Eglise, parce qu’on ne remarque pas ce que Dieu y accomplit.
– notre comportement fait barrage à la paix et à la bonté, quand on accuse les autres, au lieu de nous encourager les uns les autres.
– notre comportement fait barrage à la bénignité, quand on répand des rumeurs, des reproches et des calomnies sur l’Eglise, certains de ses membres ou ses responsables.
– notre comportement fait barrage à la fidélité, quand on ne cherche pas sincèrement la volonté de Dieu dans la prière et la lecture de la Bible, préférant répandre nos idées et nos principes.
– notre comportement fait barrage à la douceur quand on refuse de se soumettre les uns aux autres pour pouvoir imposer nos vues.
– notre comportement fait barrage à la tempérance quand on laisse nos passions, colères, désirs personnels et temporaires nous détourner de nos engagements.

Que faire alors ?
Nous pouvons tous, à un moment où à un autre, nous fourvoyer dans un ou plusieurs de ces comportements destructeurs pour l’Eglise. Prions alors qu’un de nos frères ou de nos soeurs, viendra nous avertir, selon Matthieu 18,15-20. Si nous refusons de changer, la Bible nous dit qu’il n’est pas bon que nous puissions continuer notre oeuvre destructrice dans l’Eglise en y gardant des responsabilités, dans l’espérance que le Seigneur, en réponse à la prière de nos frères et soeurs, puisse, par sa grâce produire en nous de nouvelles dispositions de coeur, pour son service.