Que penser de la pratique spirituelle de la coupure des liens générationnels en vogue dans certains milieux charismatiques ? [Jack]

L’idée qui se trouve derrière cette pratique c’est de mettre en œuvre, d’activer une réalité spirituelle décrite par Ezéchiel et Jérémie : quand les temps messianiques seront accomplis, il n’y aura plus la fatalité de subir les conséquences de ce qu’on fait les générations précédentes. Dans leur langage : on ne dira plus que les parents ont mangé des raisins verts et que ce sont les enfants qui ont eu mal aux dents (Jérémie 31,29 et Ezéchiel 18,2).

Dans le même sens, Jésus lui-même a pris le temps de couper avec Joseph dans l’expérience au Temple à douze ans (Luc 2,49) et avec Marie pareillement à trente ans (Jean 2,4).
Il s’agit que la malédiction évoquée dans les dix commandements (Exode 20 et Deutéronome 5), puisse être levée par le Seigneur : on ne sera plus maudit jusqu’à la troisième et quatrième génération de ceux qui haïssent Dieu.

Pour autant, quand cela devient une théologie à part entière à l’intérieur de la théologie biblique, il faut se questionner. Ce n’est pas parce qu’on prononce des phrases tous azimuts qu’on est libre des problématiques ancestrales. C’est sous l’inspiration du Saint-Esprit que la mobilisation des ces réalités devient pertinente.

Qu’est-ce que le « péché originel »? Est-ce biblique ? [Pauline]

La doctrine du « péché originel » désigne l’idée que l’être humain est pêcheur, au sens de séparé de Dieu, du fait même de sa nature humaine (de son « origine ») et il s’agit d’une tentative d’explication de l’origine du mal dans le monde. Elle a été formulée ainsi par Saint Augustin au IV° siècle, et a fait couler depuis beaucoup d’encre ! De très nombreux textes bibliques explorent chacun à leur façon cette « nature pécheresse » de l’humain, dont le très connu récit de la Genèse avec Adam Eve et le serpent. A ce titre, cette idée est donc effectivement biblique. Mais la conceptualisation de l’idée ne l’est pas, elle est plus tardive. Il n’y a pas à proprement parler dans la Bible de passage intitulé « le péché originel », mais elle raconte à longueur de page la stratégie mise en place par Dieu pour ne pas laisser l’humain vivre séparé de Lui et le sauver de cette malédiction aux diverses conséquences; c’est ce qu’on appelle le Salut.

Je voudrais connaître la position précise des protestants sur les interdits concernant le sang dans la Bible (transfusions- dons- consommation- greffes etc.). [Carole]

Difficile de répondre pour « les protestants » en général sur cette question. Mais penchons-nous sur la Bible, autorité en matière de foi et de vie pour les protestants. Si la question de l’usage du sang humain ou animal pose question, c’est parce que le sang est associé à la vie (à « l’âme » dans certaines traductions) en Genèse 9,4-5 notamment, idée que l’on retrouve dans la description des rites sacrificiels (Lévitique 17,11). L’interdiction de verser le sang de l’Homme (Genèse 9,5-6) renvoie à l’interdit du meurtre : ainsi le sang apparait comme une métaphore de la vie, pas comme la vie elle-même. Le sang symbolise la vie (ce qui est logique puisque faute de sang, pas de vie !), d’où la symbolique dans l’eucharistie du Christ qui donne sa vie par son « corps » et son « sang » à ses disciples. Pour en revenir aux animaux, cette idée selon laquelle le sang est associé à leur vie qu’il est demandé aux Hommes de ne pas consommer est vraisemblablement liée à un souci de Dieu que l’animal soit ainsi respecté par l’Homme.

Sur les questions médicales, les époques de rédaction de la Bible n’étaient pas confrontées à des questions telles que celles de la transfusion sanguine ou des greffes. Il me semble que le bon sens de l’amour du prochain nous encourage à l’ouverture sur ces pratiques médicales (voir 1Jean 3,16), le « sang » étant un symbole de la vie non le lieu de la vie ou de l’être lui-même.

S’agissant de la consommation du sang des animaux, la question est plus complexe. En Lévitique 11-17, il est prescrit aux Israëlites un certain nombre de règles alimentaires, dont celles de ne pas consommer de sang. Mais, en continuité avec Genèse 9,4, il est également demandé aux étrangers d’Israël qui adorent Dieu de ne pas consommer le sang des animaux (Lévitique 17,10). On retrouve logiquement cette prescription en Actes 15,29. Toutefois, Paul légitime dans ses communautés la consommation de toutes les viandes qui se vendent au marché (1Corinthiens 10,25), y compris donc des viandes non saignées, ce afin que le plus grand nombre soit sauvé (1Corinthiens 10, 33). Il est clair que le Nouveau Testament ne pose pas d’interdit alimentaire, hors problématique de scandale potentiel du prochain (Romains 14,15), et qu’un contexte nouveau a fait évoluer la pratique alimentaire du peuple de Dieu. La question peut éventuellement se poser en termes d’idéal : si on peut s’abstenir de la consommation de sang, n’est-ce pas légitime, au regard de Genèse 9,4 et Actes 15,29, de s’en abstenir ? Rien de bien important toutefois, me semble-t-il : «…De tout ce qui vient du dehors et pénètre dans l’homme, rien ne peut le rendre impur… » (Marc 7,18-19).

 

 

Comment les protestants d’Alsace font-ils les enterrements ? [Josée]

En Alsace ou hors Alsace, selon la tradition réformée, luthérienne ou évangélique, les cultes d’enterrement sont centrés sur la Parole de Dieu. L’assemblée se met à l’écoute de ce que la Bible dit de la mort, de l’espérance du deuil et de la consolation que Dieu apporte en Christ aux croyants. Elle prie aussi pour les proches du défunt ainsi que pour ceux qui traversent les mêmes difficultés Le service protestant d’enterrement a donc la particularité d’être tourné vers les vivants et non sur le défunt, qui est remis à la seule grâce de Dieu.

Dans la tradition luthérienne, majoritaire en Alsace, le corps du défunt est disposé dans l’église au moment du culte. Le célébrant, souvent un pasteur, accueille les personnes présentes, puis appelle la présence de Dieu sur l’assemblée réunie. Vient ensuite un temps pendant lequel la vie du défunt est rappelée par le pasteur qui a élaboré ce « chemin de vie » à partir de ce que les proches en deuil lui ont raconté. Il n’est pas ici question de vanter les mérites de la personne décédée, mais de rendre grâce à Dieu pour ce qu’il nous a donné à travers elle.  Après avoir demandé à Dieu d’éclairer sa Parole par le Saint-Esprit, vient alors un temps de lectures bibliques. Une tradition alsacienne veut que le verset que la personne décédée a reçu lors de sa confirmation soit parmi ces lectures. Le pasteur commente alors la Parole, en tâchant de l’appliquer à ce qu’il a perçu de ce que la famille du défunt traverse. Enfin, après la lecture du symbole des apôtres qui dit la foi de l’Eglise et un temps d’offrande pour permettre à l’église d’assurer son service, une prière pour les endeuillés est dite par le pasteur. La célébration s’achève par une parole de remise à Dieu adressée au défunt et la bénédiction de l’assemblée. Les pompes funèbres viennent chercher le corps de la personne défunte qui est suivi par le pasteur, ses proches et l’assemblée jusqu’au cimetière où le corps est déposé dans la tombe. Après un court temps de prière, les proches se retrouvent pour partager un verre de l’amitié, souvent composé de spécialités locales. Il m’est aussi arrivé de voir à l’un de ces occasions, une cigogne, sur le parvis de l’église !

Est-ce que les gens qui ont vécu avant la mort de Jésus ont aussi été sauvés ? Et qu’adviendra-t-il des personnes non-chrétiennes ? Seront-elles sauvées ? [Rija]

Les questions que vous soulevez sont très importantes, mais peut-être, plus encore, difficiles à résoudre. Car le mystère du salut est entre les mains du Père. Même les places à droite et à gauche du Fils dans le royaume ne dépendant pas de lui mais du Père seulement (Matthieu 19. 23). Nous pouvons considérer I Pierre 3. 18-20 comme la prédication de Jésus aux défunts, mais ce n’est qu’une interprétation de ces versets. Plutôt que de m’angoisser avec des questions trop grandes pour moi, je pense avoir déjà assez de travail à faire pour m’ouvrir toujours davantage au salut que Dieu a préparé à mon intention en Jésus-Christ, ainsi qu’à témoigner de son amour autour de moi pour que d’autres s’ouvrent à cette grâce.

Sans être extrémiste- mon enfant de 3 ans pèche-t-il en refusant fréquemment de m’obéir (pour aller se coucher notamment) ? Si oui- comment lui formuler que c’est un péché ? [Christophe]

Pour moi, la réponse à votre première question est « non ». À trois, ans, un enfant cherche la confrontation avec ses parents en leur disant « non ». Cela ne constitue pas, à mes yeux un péché, mais une étape du développement des enfants. Cela ne veut pas dire qu’il faut que vous acceptiez qu’ils vous disent non. Vous fixez les règles et votre fils doit comprendre qu’il ne peut pas les enfreindre comme ça. Mais de là à considérer le « non » qu’il vous dit comme un péché, il me semble qu’il y a un écart trop grand, qui risque de vous faire perdre à tous les deux le sens du péché. C’est le fils prodigue, quand il revient vers son père qui lui dit : « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi » (Luc 15. 18 et 21). Quand votre fils de 3 ans refuse de vous obéir tout de suite, il n’est quand même pas en train de vous réclamer sa part d’héritage pour aller la dilapider… à la crèche du coin !

Peut-on exercer un ministère de louange alors qu’on vit en intimité avec une personne à laquelle on n’est pas marié ? [Bilbo]

La louange est l’un des nombreux services que le chrétien, membre du corps du Christ, peut être appelé à rendre (1 Corinthiens 12). Exercer un service dans l’Eglise, c’est s’engager à la suite de Christ, pour sa gloire. Cet engagement dépasse bien évidement les deux heures du culte et le temps de répétition nécessaire. Il concerne toute la vie du croyant appelé à soumettre au Christ tous les aspects de son existence.
Dieu a créé l’homme et la femme pour devenir « une seule chair », qu’il ne s’agit pas de séparer (Matthieu 19/6). La Bible invite ainsi à vivre la sexualité dans le cadre de l’union stable et fidèle qu’est le mariage.
Ainsi, il me semble qu’un croyant désireux de servir Dieu devrait chercher à vivre l’engagement qu’est le mariage et à mettre sa vie en conformité avec le plan de Dieu. Cela implique de prendre au sérieux ce que la Bible dit du couple et de se demander devant Dieu ce qui nous empêche de le vivre. Dieu vous répondra, vous éclairera, vous donnera force et discernement : vous aurez alors quelques raisons de plus de le louer !

Les protestants croient-ils au « péché originel » ? Qu’est-ce qui l’a causé ? [Han]

Le « péché originel » est une doctrine chrétienne dont l’expression exacte ne se trouve pas dans la Bible, comme la Trinité par exemple. Il s’agit d’une manière d’exprimer une vérité qui a pu avoir différentes formes au cours de l’histoire de l’Église, et qui tend à rendre compte de la situation de séparation de l’être humain d’avec Dieu. Dans mon comportement spontané, tant que je ne me tourne pas vers le Seigneur dans la repentance et que je ne m’ouvre pas à son pardon en Jésus-Christ, je suis amené à chercher à vivre ma vie par moi-même, selon des critères uniquement humains, mondains, et donc, par définition, pécheurs, car l’être humain est spontanément dans une situation de séparation d’avec Dieu. La question de savoir si cela est dû à un événement qui se serait produit à l’origine de l’humanité dans le premier couple humain a été envisagée de bien des manières dans l’histoire du christianisme. Pour ma part (mais ceci n’engage que moi, je ne peux pas parler au nom de tous « les protestants »), je n’ai pas recours à cette manière de voir les choses, car je ne pense pas que le récit du jardin d’Éden (Chapitres 2 et 3 de la Genèse) soit un récit qui me parle d’un événement arrivé il y a longtemps. La Bible ne me parle pas de la réalité historique, mais elle me dit la vérité sur qui est Dieu, ce que je suis moi et sur ma relation avec Dieu. Adam, c’est moi. Je me reconnais dans ce qui se passe dans ce récit, et je reconnais que j’ai besoin de revenir à Dieu en Christ pour le laisser venir ôter tous les obstacles qui nous séparent.

On entend de plus en plus parler « de la nécessité de se repentir des péchés de nos ancêtres et de couper dans la prière les liens générationnels avec eux… ». Que penser de cette pratique étrange ? [Martialis]

Il est clair que Jésus n’a jamais exprimé les choses de cette façon-là et qu’il ne faut pas faire toute une théologie sur un seul verset. Ezéchiel 18,20 ne dit-il pas : « Celui qui pèche, c’est celui qui mourra. Le fils ne supportera pas les conséquences de la faute commise par son père, et le père ne supportera pas les conséquences de la faute commise par son fils. » A quoi Jésus ajoute cette idée : « Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché. » (Jean 9,3) quand on accuse un aveugle-né d’être aveugle à cause de son péché ou de celui de ses parents.

Pour autant :

  • on trouve l’idée de confesser les péchés des pères dans Lévitique 26,39-40 : « Ceux d’entre vous qui survivront seront frappés de langueur pour leurs iniquités, dans les pays de leurs ennemis; ils seront aussi frappés de langueur pour les iniquités de leurs pères. Ils confesseront leurs iniquités et les iniquités de leurs pères, les transgressions qu’ils ont commises envers moi, et la résistance qu’ils m’ont opposée. » ainsi qu’en Néhémie 9,20 ou Psaume 106,6.
  • Jésus coupe lui-même avec Joseph (lors du séjour au Temple à douze ans en Luc 2) et Marie (à Cana en Jean 2) pour pouvoir entrer dans son ministère. Il signifie que la paternité de Joseph n’est plus première, mais que c’est celle de Dieu ; et que la maternité de Marie n’est plus opératoire, car elle est devant le Messie seulement « femme ».
  • Il dit qu’il faut couper radicalement, parfois, avec sa famille de sang pour pouvoir le suivre. Luc 14,26 : « Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. »

Il semble donc qu’il ne soit pas incohérent de s’assurer que la prégnance des liens du sang de domine pas sur notre identité héritée d’en-haut.

Se remarier après un divorce est-il accepté par la foi chrétienne ? [Takpa]

La foi chrétienne n’est pas une instance qui autoriserait ou défendrait telle ou telle pratique, elle est d’abord confiance en Dieu et en sa Parole. Il est vrai que notre maître, Jésus, s’exprime sur le divorce sans complaisance, qualifiant même d’adultère celui / celle qui renvoie son conjoint pour contracter une nouvelle union. A son époque, la loi de Dieu, telle que l’interprétaient ses spécialistes, autorisait en effet un mari à renvoyer son épouse pour des motifs parfois très futiles. Jésus rappelle alors (voir notamment Marc 10,2-12, et Matthieu 19,1-12) que l’union du couple est un don de Dieu, et il ajoute que si la loi de Moïse envisage le divorce, c’est à cause de la dureté du coeur humain. Il conclut : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

Certains ont tiré de cette parole de Jésus que l’union conjugale était indissoluble. Mais Jésus dit bien que le mariage ne doit pas être rompu, et non pas qu’il ne peut pas l’être. Le péché de l’homme, c’est justement ce qui détruit l’oeuvre du Créateur, peut briser même les liens d’amour qu’il a tissés, voulus, bénis entre un homme et une femme ! Notre dureté, notre manque d’amour et de foi a -hélas- ce pouvoir de contrecarrer, torpiller le projet de Dieu. Dans ces conditions, quand la vie à deux est devenue source de trop grande souffrance (violence sous diverses formes, égoïsme, infidélité, mépris…), la séparation peut constituer un moindre mal. Et si le constat est évident que le couple est vraiment mort, malgré tous les efforts pour se pardonner, apprendre à mieux se comprendre et s’aimer, il faut rappeler que le Seigneur n’enferme personne dans un échec passé, le condamnant en quelque sorte à un perpétuel célibat dans le cas d’un divorce. Pour quiconque se repent et croit, une vie nouvelle est possible, et cela est vrai aussi de la vie conjugale.