J’ai vu « Silence » de Scorsese. Que penser du dilemme « Soit je renie ma foi- soit des gens meurent » ? [Marie-Gabrielle]

Le film que vous évoquez, Marie Gabrielle, présente entre autre la situation de missionnaires jésuites au Japon, saisis par des membres de « l’inquisition » bouddhiste japonaise, et sommés de renier leur foi pour sauver des vies de nouveaux convertis japonais. Dans ce cadre précis, il s’agit donc d’une campagne missionnaire, confrontée à un appareil d’état oppressif. La torture psychologique autant que physique fait partie des tribulations que les témoins de Jésus-Christ peuvent avoir à subir (Marc 13. 9-10 par exemple). Il est bien sûr facile de pérorer sur ce genre de problème, assis dans son fauteuil devant son ordinateur. Il s’agit de situations épouvantables, dans lesquelles émettre un jugement abstrait me paraît dangereux. Dieu connaît les cœurs de chacun et je ne me sens pas en mesure de dire a priori quelle attitude (renier ou refuser de le faire) est la « meilleure » quand les vies d’autres personnes sont en jeu. Cela vient surtout montrer combien des êtres humains pris dans des structures de pouvoir peuvent alors se détourner du Dieu vivant et devenir des monstres. Je ne peux aussi que me souvenir que le mot grec traduit par « témoin » veut aussi signifier « martyr ».

Je suis victime d’un amour non partagé. La douleur du rejet est accablante. Que fais-je ? Puis-je prier pour que la personne m’aime ? Jésus n’a jamais aimé une femme- alors peut-il comprendre le rejet ? [Louis]

Je veux avant tout, Louis, vous témoigner ma compassion devant votre souffrance. Un amour non partagé est une grande source de douleur et d’incompréhension. Je ne crois cependant pas que ce serait un bon conseil de vous encourager à prier Dieu pour qu’il change le cœur de la personne que vous aimez. Peut-être vaut-il mieux que cette question ne soit plus, entre vous et cette personne, seul sujet qui habite votre relation. Enfin, je crois vraiment qu’en Jésus-Christ, Dieu peut vous comprendre. En effet, qu’est-ce donc que la venue de Jésus Christ parmi nous sinon l’expression de son amour pour nous ? Qu’est-ce que la condamnation, la mise à mort de Jésus, sinon le rejet de cet amour donné par Dieu ? Qu’est-ce que la résurrection du Christ sinon l’expression que Dieu est capable de passer par dessus tous les rejets ?

Est-t-il possible de pardonner quelqu’un sans pourvoir oublier ce qui m’a fait de mal ? [Pacôme]

Je ne crois pas que pardonner signifie oublier ce que quelqu’un m’a fait. Pardonner c’est ne plus laisser les sentiments de rancœurs, de colère, de révolte voire de haine, agir dans ma relation avec la personne. C’est même en ayant clairement conscience du mal qu’elle m’a fait, et si possible en lui en faisant prendre conscience à elle aussi, que je pourrai témoigner à cette personne mon pardon en ne cherchant pas à lui rendre le mal pour le mal.

Pourquoi certains athées semblent-ils attentionnés (du moins superficiellement- même s’ils manquent d’une compassion sincère et désintéressée) lorsqu’ils n’ont pas d’amour pour Dieu ? [Olivier]

L’attention, la bonne volonté, même le désintérêt et la sincérité ne sont pas l’apanage des chrétiens ! Ce n’est pas à la manière d’agir que l’on reconnaît que quelqu’un appartient à Christ mais aux raisons qui le poussent à la faire, et aux situations dans lesquelles il est amené à agir ainsi. Si nous essayons de ne pas rendre le mal pour le mal, ce n’est pas parce que « c’est bien », mais parce qu’ainsi nous témoignons de notre appartenance à celui-là seul qui peut en fait nous donner la force de le faire. Et si des non chrétiens y arrivent, je crois que c’est parce que Dieu les y aide, sans qu’ils en aient conscience pour l’instant.

Pourquoi l’aile droite / ultra-conservateurs comme Le Pen détestent-ils le protestantisme ? [Tasmanian]

L’extrême droite en France est une nébuleuse qu’il est difficile de définir de façon unilatérale. Il y a des protestants dont les idées politiques les classent à l’extrême droite. Une frange de l’extrême droite française, catholique traditionaliste, n’a jamais accepté l’idée de Réforme du catholicisme. Dès lors, dans certains milieux, les Juifs, les Francs-Maçons et les Protestants (entre autres) sont à l’origine de tous les maux. Mais il y a aussi des militants d’extrême droite, sensibles à une idéologie païenne proche de celle de certains nazis, qui rejettent le christianisme dans son ensemble, comme étant une émanation du judaïsme et du monothéisme qui, selon eux, serait contraire aux racines de la France… Sans commentaire.

Si la Bible traite d’absolus moraux- cela signifie-t-il que l’idée d’une éthique situationnelle est non chrétienne? L’impératif catégorique de Kant est-il plus chrétien ? [Raphaël]

Pour ma part, je ne reçois pas les enseignements bibliques comme des absolus moraux du type « impératif catégorique ». Les enseignements bibliques relèvent de l’appartenance de l’être humain à Dieu et du témoignage rendu à cette appartenance. Dès lors, quand, par exemple, Jésus rencontre le jeune homme riche et lui dit de vendre tous ses biens, de les donner aux pauvres et de le suivre, il le fait bien plus parce qu’il sait que c’est ce qu’il faut à cet homme-là pour le libérer du poids que la richesse prend dans sa vie et qui l’empêche de s’ouvrir vraiment à Dieu, plus que parce que « être pauvre, c’est bien ». Au nom de notre foi en l’Incarnation de Dieu en Jésus-Christ, nous ne pouvons, comme chrétien que développer une éthique en situation, orientée par la volonté de Dieu qui elle est absolue (son amour est absolu, sa haine de tout ce qui nous sépare de lui est absolue, etc.)

Comment un chrétien peut-il concilier le Dieu manifesté en Jésus Christ avec le Dieu décrit en Deutéronome 20:10-18 ? [Uowis]

Le passage du Deutéronome que vous citez, pris tel quel apparaît comme une autorisation à commettre pillage et autres exactions, ce qui semble en effet très éloigné de ce qu’annonce Jésus. Mais je crois important de remettre ce passage dans son contexte général qui est celui de la conquête par Israël de la « Terre Promise » par laquelle Dieu a éprouvé l’obéissance de son peuple. Il ne s’agit pas d’une conquête militaire avec toutes les vicissitudes habituelles de la guerre des hommes, mais d’une circonstance très précise où Israël devait témoigner de son obéissance au seul vrai Dieu. Je ne dis pas cela pour justifier dans l’absolu les pratiques décrites, mais pour nous aider à comprendre que le plus important demeure l’obéissance que nous devons au Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ et qui est, pour moi, le même que celui qui parle dans le Premier Testament.

Pourquoi Jésus s’appelle-t-il le bon berger ? [Lucie]

Cela fait référence au Premier Testament où à diverses reprises (Psaume 23, Ésaïe 40.11, Ezéchiel 34…) Dieu se présente ou est vu comme un berger pour le peuple de ses fidèles ; Autrement dit, en affirmant « Je suis le bon berger » Jésus dit d’une certainement manière « Je suis le Dieu ne qui vous pouvez avoir confiance ».

Un chrétien est-il invité à faire de la politique ? [Valentina]

Tout dépend de ce que l’on appelle politique. Il me semble que décider de se rassembler tous les dimanches matins avec des hommes et des femmes d’origines, de conditions sociales et économiques différentes et de s’unir dans un même groupe est déjà en soi un acte politique, très fort à notre époque. Après, s’engager dans un parti quel qu’il soit, peut aussi faire partie de la vie d’un chrétien, à partir du moment où la ligne du parti ne prend pas le pas sur la foi au Christ et si le chrétien demeure libre de témoigner de ses convictions dans son attitude au sein même du parti, par exemple en refusant les critiques injustes à l’égard des membres d’autres partis politiques.

La mise en garde des conséquences de prendre la cène (1 Cor 11) s’adresse à des chrétiens. Pourquoi un non chrétien serait-il privé de prendre la cène si déjà il est au culte ? [Pascal]

La cène n’est pas seulement un repas partagé en mémoire de Jésus, ou parce qu’il nous a dit de le faire. Par ce repas, que l’on appelle aussi communion, Jésus-Christ manifeste mystérieusement sa présence à tous ceux qui croient en lui et reconnaissent qu’il est là, dans le pain et le vin partagé. Je ne me sens pas de demander à un non chrétien qui vient au culte de participer à un repas dont il ne partagerait pas le sens. Cela me semblerait être une contrainte de sa conscience plutôt qu’autre chose.