Matt 26-52 signifie-t-il que tous les chrétiens sont appelés à être pacifistes ? [Madeleine]

Il s’agit là d’un verset propice à de nombreuses interprétations. Pour ma part j’aurais tendance à ne pas trop l’extraire du reste du récit au risque de faire des contresens. Par exemple ce verset peut être lu comme un appel pacifiste, mais d’autres pourraient s’appuyer sur ce verset pour justifier une opinion en faveur de la peine capitale. 

Effectivement je suis de ceux qui estiment que dans ce passage, le Seigneur condamne expressément la violence et la persécution en faveur de Sa cause. Son règne, spirituel, ne saurait s’étendre par de tels moyens mais seulement par amour. 

En revanche je ne suis pas tout à fait à l’aise avec la notion de pacifisme, car celle-ci est trop souvent vécu comme de la passivité. Au contraire le Christ nous met en marche, et exprimer son amour tout autour de nous n’est pas toujours confortable ni paisible. 

Comme le dit Bonhoeffer, les chrétiens ne devraient jamais rejoindre l’armée ni être impliqués dans des préparatifs de guerre. Comment les chrétiens peuvent-ils travailler activement pour la paix ? [Jean]

Jésus avait sur terre une attitude résolument non-violente et un enseignement très fort à ce sujet « Heureux les artisans de paix ! »
(Mt 5.9), « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent » (Mt 5.44).

Mel Gibson a fait un film sur ce sujet (Tu ne tueras point, 2016), l’histoire d’un soldat chrétien qui a refusé de porter les armes au nom de sa foi. Dans le film, Desmond, le héros, qui doit se défendre d’avoir refusé de tuer dit à un moment : « Comment pourrais-je vivre avec moi-même si je ne reste pas fidèle à ce que je crois ? ». La question de fond est bien une question de fidélité : La fidélité envers Dieu et sa Parole prime sur l’obéissance aux autorités humaines.

Sur le travail pour la paix de la part des chrétiens, Bonhoeffer a une pensée très intéressante :

« La paix sur la terre n’est pas un problème, mais un commandement donné à la venue du Christ. Il y a deux façons de réagir à ce commandement de Dieu : l’obéissance inconditionnelle et aveugle de l’action, ou la question hypocrite du Serpent : « Dieu aurait-il vraiment dit ? » Cette question est l’ennemie mortelle de l’obéissance, et par conséquent de toute paix véritable. […] Celui qui remet en question le commandement de Dieu avant d’obéir, a déjà renié Dieu […] La paix signifie se donner soi-même entièrement à la loi de Dieu, ne pas vouloir la sécurité mais, dans la foi et l’obéissance, confier la destinée des nations au Dieu tout-puissant, ne pas chercher à la diriger pour ses propres desseins. Les combats sont gagnés non par les armes, mais avec Dieu. Ils sont gagnés même lorsque le chemin mène à la croix. » (Conférence de Fanø, août 1934)

Les paroles de Jésus en Mt 10:34-36 ne sont-elles pas contradictoires à son message d’amour réciproque ? Pourquoi tant de violence de la part de Jésus dans ce passage ? [Alex]

Matthieu 10:34-36 dit ceci : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. »

Je crois que c’est un principe de lucidité de la part de Jésus. Son message est scandaleux, et fou. Qui peut accepter qu’il sauve des pécheurs sur la seule base de leur acceptation de la grâce de Dieu et leur repentance. C’est choquant pour ceux qui essayent d’avoir une vie juste.
Le fait que son message fasse scandale va créer de l’opposition, comme dans la parabole du fils prodigue où l’aîné est vraiment dans l’incompréhension par rapport au cadet dont il trouve que le retour est un peu « facile ».

De toute façon, la paix que Jésus nous donne, il ne nous la donne pas comme le monde nous la donne (Jean 14:27). Et donc, étonnamment, c’est à cause de cet amour immense qu’il donne et qui est inacceptable qu’il y aura du rejet, jusqu’à… le faire crucifier comme s’il était un criminel !