En Actes des Apôtres 1-23:26 les apôtres ont prié, puis tiré au sort celui qui remplacerait Judas. Est-ce que prier puis tirer au sort est un moyen sûr de connaître la volonté de Dieu ? Merci. [G.]

La première étape a été un rappel historique, donnant le sens des événements. La seconde étape a été de comprendre comment faire ensuite, en se référant aux Écritures bibliques. La troisième étape a été de se donner des critères de sélection. La quatrième étape a été de sélectionner des candidats (2 seulement au final) correspondant aux critères.

Et finalement, c’est seulement la cinquième étape qui consista en prière et tirage au sort entre les deux seuls fidèles retenus. En fait, toutes les étapes sont importantes, et d’autres feraient bien de s’en inspirer ! Tout se passe comme si les premières étapes étaient accessibles à la raison humaine (y compris donc la référence à la Bible). C’est là où on ne sait plus comment avancer, là où deux personnes correspondent parfaitement à ce qui était attendu, qu’interviennent les deux moyens dont vous parlez (qui ne sont pas deux étapes, mais une seule) : le tirage au sort entre deux personnes que rien d’humain ne peut départager, et la prière sur cet exercice afin que ce soit bien Dieu et non pas le hasard qui décide.

Il me semblerait hasardeux d’appliquer cela comme une recette dans d’autres cas ! La Bible n’a guère eu d’affection pour « ourim et toummim », instruments sacerdotaux de divination, qu’elle n’a pas voulu taire, mais sur lesquels elle ne s’appesantit guère. Le tirage au sort ne saurait remplacer la parole de Dieu. Il s’agit ici d’un moyen de sortir d’une situation d’ex æquo… Il ne faut pas oublier que dans le livre d’Esther, c’est l’ennemi du peuple de Dieu qui utilise ce moyen de décision : les « pourim ».

C’était les quatre premières étapes qui étaient importantes (dont je n’imagine pas qu’elles aient pu se passer de la prière, même si ce n’est pas mentionné) : d’où l’on vient, où l’on doit aller selon la Bible, comment y aller, et y aller !

Pourquoi des pasteurs portent la robe pastorale ? Quelle est son utilité alors qu’il y a chez les protestants le sacerdoce universel ? [Alex]

Ceci est propre à la tradition luthéro-réformée – et tous les pasteurs ne la portent pas… À la différence d’un vêtement sacerdotal, elle a un double rôle pendant le culte (et aucun rôle à un autre moment) : elle distingue le pasteur, et elle le cache !

Elle distingue le pasteur, non pas en tant que le croyant le plus près de Dieu, le premier de l’assemblée, encore moins le plus pur ou le plus pieux, mais en tant qu’il est « apte et digne » pour annoncer la parole de Dieu. Elle manifeste donc à la fois sa formation universitaire (c’est sa première fonction, c’est la même robe qu’un docteur d’université ou un magistrat) et sa reconnaissance par l’Église (au-delà de l’Église locale). Elle montre que son ministère est autre que celui d’un prédicateur dit laïc. En même temps elle cache le pasteur, car ce n’est pas lui qui est important, mais la parole de Dieu que les fidèles peuvent entendre par l’intermédiaire de sa prédication. S’il y a un acteur important dans le culte, c’est le Saint-Esprit, pas le pasteur.

Le sacerdoce universel, c’est autre chose. C’est la conviction que tous les baptisés peuvent s’adresser à Dieu et le prier les uns pour les autres. Le pasteur n’est pas un intermédiaire obligé, il n’est pas plus prêtre (pas moins non plus) que les autres chrétiens. Dans le sens traditionnel, un seul est prêtre, Jésus-Christ, et c’est pour toujours ! Mais l’assemblée chrétienne a besoin de pasteurs, formés et reconnus, qui enseignent et proclament la parole de Dieu. Ce service (= ministère) est fondateur et central pour l’Église, il en assure l’unité et en soutient la mission. D’autres ministères s’exercent aussi dans l’Église ou en son nom, ce n’est pas le seul.

Pourquoi Dieu aurait-il besoin de sacrifices pour pardonner les péchés ? Ne peut-il pardonner sans compensation alors que tout lui appartient ? Que peut donc y perdre un Dieu tout puissant ? [PS]

Qui a dit que Dieu avait besoin de sacrifices ? Le Dieu biblique n’en a que faire. C’est une initiative humaine, qui dès le départ (Caïn et Abel) est ambigüe, susceptible d’interprétations erronées quant à son sens, à son acceptation ou pas par Dieu à qui il est censé être offert… et dans quel but ? S’auto-justifier en achetant quoi à Dieu ? Lorsqu’il y a rivalité entre deux sacrifices (celui offert à Baal et celui offert au Seigneur en 1 Rois 18), c’est (bien sûr…) le vrai Dieu qui « gagne », mais qui doit ensuite rétablir qui il est (au chapitre suivant) : non pas un Dieu qui aime les sacrifices et le bruit et la puissance, mais un Dieu qui a un projet pour les humains.

Ainsi, la Bible le montrera à l’envi : la gloire de Dieu ne se manifeste pas à travers les sacrifices humains (sanglants ou moraux : ceux aussi que nous croyons, nous, lui offrir dans notre vie) mais à travers le don de son Fils, qui a pris notre péché (le détruisant ainsi) pour nous offrir sa vie à lui. Nous ne sommes pas à l’initiative du pardon de notre état de pécheur, c’est Dieu qui est à l’initiative et qui « offre le sacrifice unique et parfait » (manière humaine de parler). Car c’est nous qui avons besoin de compensations, que nous ne sommes pas capables d’acquérir ! La « toute-puissance » de Dieu (encore une manière humaine de parler) s’exerce pour nous, pas contre nous : c’est Jésus-Christ.

 

Qu’est-ce que la prédestination ? Comment articuler la prédestination et la liberté de l’homme face à l’appel de Dieu ? [Valérie]

La prédestination (lire p. ex. Romains 8 / 28-32), c’est la certitude d’avoir été aimé et choisi gratuitement par Dieu dans sa liberté. Il n’est pas lié par nos origines, notre vie, notre passé, notre présent, notre avenir, ni par rien d’autre. Dieu est libre et dans son amour il choisit librement, et son amour transforme la personne aimée, quelle qu’elle soit ou qu’elle ait été.

L’être humain séparé de Dieu n’est pas libre, mais esclave (c’est le « péché originel »), contrairement à ce que proclame l’humanisme occidental. Esclave de toutes sortes de choses, d’instances, de puissances, intérieures ou extérieures, choisies ou subies (cf. la suite du même texte : Romains 8 /33-39). C’est Jésus qui libère de tout ça, c’est l’amour de Dieu reçu dans la foi qui fait de nous, à l’image de Jésus, des hommes et des femmes libres (ou en train d’être libérés).

La liberté du choix de l’être humain par rapport à la grâce souveraine et inexplicable de Dieu ? Celui qui croit sait que ce n’est pas son choix, mais il connaît son bonheur d’avoir été choisi. Et celui qui ne croit pas, quel choix a-t-il ? Quant au choix par Dieu, il peut parfaitement se manifester par un appel humain à répondre à son amour : l’évangélisation n’est pas de proposer le choix, mais de permettre aux aimés d’entendre la parole de l’Amant et de lui répondre… de ne pas pouvoir faire autrement que de lui répondre !

Le chrétien est-il condamné à ne jamais divorcer (sauf violence et adultère) ? Quand dans un couple, après un temps de discernement l’un veut divorcer dans la paix, la Bible le lui interdirait ? [Gérard]

Pour la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, la conjugalité n’est pas un contrat, mais une union (d’un homme et d’une femme) qui rend chacun des deux conjoints participant à l’autre. Le divorce n’est pas alors une séparation, mais une amputation, un suicide. Cela ne saurait correspondre à la volonté de Dieu pour nous, c’est ce que Jésus répond quand on lui pose la question (Marc, ch. 10, v. 2-9). Le conjoint n’est pas un associé (un « partenaire sexuel », comme on dit) dont on peut se séparer tranquillement, encore moins un objet utilitaire qu’on peut jeter après usage…

Lorsque le divorce est inévitable, c’est qu’il est déjà accompli, que le couple (donc chacun des deux) est déjà cassé. Là, il n’y a pas de paix ! Par ailleurs, de nombreux couples ou relations ne correspondent pas à ce modèle que Dieu propose et bénit. Pour eux, la question est sans objet : quand on vit autre chose que ce que la Bible propose, pourquoi se soucier de ce qu’elle interdirait ?… Mais vous aurez compris qu’elle n’interdit pas : avec Dieu, elle pleure sur les situations qui font mal aux enfants du Père.

Pour ceux qui veulent vivre ce que la Bible propose, dans une vie de couple qui ne sera jamais « un long fleuve tranquille », le discernement doit donc s’exercer pour rester ensemble, pas pour se séparer. Il doit donc aussi s’exercer pour demander à Dieu dans la prière ce dont on a besoin pour ce faire. Dans la vie conjugale comme en toute autre chose, à la question des Pharisiens « est-il permis ? », la réponse biblique est toujours « non ». C’est que cette question est perverse, sans solution, génératrice de malheur. La prière chrétienne ne demande pas ça, mais l’aide de Dieu pour vivre ce qu’il demande. Après échec, elle demande pardon. Et la prière des frères et sœurs après cet échec est de soutenir ceux qui sont désormais amputés d’eux-mêmes.

Je n’ai jamais très bien compris pourquoi Dieu avait agréé l’offrande d’Abel mais pas celle de Caïn. [Nivernaise]

Dans ce passage (Genèse, ch. 4), le personnage principal est Caïn, c’est avec lui que le lecteur est censé s’identifier. Donc, la question devient : « pourquoi Dieu n’a-t-il pas agréé mon offrande ? », et en plus « comment est-ce que je réagis à ça ? »… C’est ainsi la suite de l’histoire qui est importante ! Dieu veut me voir grandir dans une confiance (en lui et en moi) qui, en tant que telle, se passe de preuves ; dans une religion qui se passe de sacrifices.

Si l’on veut faire de la lecture « psychologique », on remarquera bien sûr l’importance de la naissance des deux personnages pour leur identité. Caïn est aimé et même plus : approprié par sa mère ! Abel n’est pas même nommé par elle ni par qui que ce soit d’autre que le narrateur, et son nom évoque la buée, l’inconsistance. On peut alors penser que Dieu a voulu rétablir un équilibre qui en avait besoin, faire un clin d’œil d’amitié à celui qui n’était pas considéré, l’autre n’en ayant pas besoin.

On peut aussi remarquer qu’Abel est berger, que cette image royale dans l’Ancien Testament s’applique au Christ. Le sacrifice d’Abel est alors une figure de celui du Christ, agréé par le Père, et qui consiste en la mort de Jésus « Agneau de Dieu ». Cette histoire (tout comme celle de la « ligature d’Isaac », Genèse, ch. 22) est ainsi une prophétie de la mort de Jésus qui correspond à la volonté bonne de Dieu.

L’exégèse libérale fera par ailleurs remarquer qu’on a là la trace de la difficile coexistence entre agriculteurs et éleveurs dans une société semi-nomade… sauf que d’habitude ce sont les agriculteurs sédentaires qui en souffrent, pas les éleveurs ! Lecture non pertinente, semble-t-il donc.

Comment faire une prière efficace dans le nom de Jésus pour qu’un proche qui n’a pas vraiment la foi puisse être touché puissamment par Sa grâce et trouver le Salut ? [Tiba]

Toute prière faite dans le Nom de Jésus est efficace. Mais qu’est-ce que ça veut dire, « efficace », et qu’est-ce que ça veut dire, « dans le Nom de Jésus » ?

La seconde question est la plus importante. Prier dans le Nom de Jésus, ce n’est pas prier « en son nom » au sens courant du terme, comme s’il suffisait de dire « au nom de Jésus » à la fin d’une prière pour que « ça marche ». La relation avec Dieu n’est pas de l’ordre de la magie ! Il s’agit plutôt de se tenir en Jésus, d’être tellement uni à lui dans la prière que c’est lui qui prie pour nous, comme Paul le dit de l’Esprit qui « intercède par des soupirs inexprimables » (Romains 8). Être uni au Christ crucifié, comme Paul encore écrit que « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi »… Prier dans le Nom de Jésus, c’est aussi prier en Église qui est son Corps : « là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux »…

La prière sera-t-elle alors « efficace » ? Elle le sera si j’en sors transformé. Moi ? Oui, le sujet n’est pas celui pour la conversion de qui je prie (et auprès de qui je ne peux que témoigner de ce que Christ est ma vie et veut être la sienne). Le sujet, c’est moi qui prie. Dans la prière, c’est moi qui suis devant Dieu, c’est moi qui suis écrasé par sa majesté et redressé par son amour. C’est moi qui, en Christ, peux dire « mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » et terminer en reconnaissant que « tu m’as répondu » (Psaume 22).

Peut-on se dire protestant si l’on considère le Christ comme un homme d’une sagesse exceptionnelle, véritablement en lien direct avec Dieu, sans pour autant le considérer comme « divin » ? [Jacques]

A-t-on besoin d’une étiquette pour se (faire) reconnaître ? La réponse est non. Les pensées sont libres…

Mais si on y tient pourtant, alors il faut considérer le sens des mots. Furent « protestants » les princes et villes de l’Empire qui, en 1529, protestèrent de leur foi chrétienne devant le parlement impérial. Sont donc protestants ceux qui, comme eux, arguent de leur foi chrétienne, telle que la Confession d’Augsbourg la définira fort classiquement l’année suivante, et depuis toutes les autres confessions de foi de la Réforme. C’est à savoir que Dieu est un en trois personnes, que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, « mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification ».

Pour le dire de manière différente, se reconnaîtront comme protestants ceux qui confessent l’autorité souveraine des Saintes Écritures pour la foi et pour la vie (lesquelles confessent justement que Jésus est « Fils de Dieu »), et que l’être humain est « sauvé par grâce, par la foi en Jésus-Christ ». On peut bien sûr le dire avec d’autres mots que ceux-ci (encore que moi, je ne sache pas le faire)… Mais cette confession de foi, ecclésiale et personnelle, est intimement liée à la définition du protestantisme.

Il est vrai que certaines personnes se disent protestantes sans cette définition religieuse, par attachement culturel ou sociologique, ou en pensant que le protestantisme est un ensemble de « valeurs », un christianisme libéral, sans dogmes, sans hiérarchies, sans Écritures. Bien. Je n’en suis pas…

Pourquoi Dieu semble avoir le peuple d’Israël comme petit chouchou ? [Léa]

Parce que Dieu est amoureux !

La Bible nous dit d’abord que le projet de Dieu est la bénédiction de « toutes les familles de la terre ». Après le refus répété de l’humanité de recevoir et de vivre d’un tel amour, « Dieu a choisi Israël pour fils » afin qu’à travers l’obéissance de ce peuple, tout le monde puisse reconnaître dans le Dieu d’Israël le vrai Dieu unique et bon pour tous. Cela a abouti au « seul juste », Jésus-Christ, en qui les paroles prononcées sur Israël ont été accomplies. C’est en lui, et non en un peuple particulier, que le salut est offert à tous « sans les œuvres de la Loi ».

Par ailleurs, l’amour implique de choisir. On n’est pas amoureux de tous les gens, mais d’un(e) en particulier. Pour dire l’amour de Dieu qui n’est pas théorique mais réel, la Bible utilise ces images-là, qui supposent donc un amoureux partial, jaloux, protecteur, qui ne se satisfait pas des infidélités de son peuple, mais lui renouvelle pourtant sans cesse son amour exigeant. Ainsi m’aime-t-il moi aussi…

Avec qui Caïn a-t-il pu se marier puisqu’il était le seul avec Abel et qu’il l’a tué ? [Sophie]

Question piège ? Non ! Mais deux sortes de réponses possibles (et pas contradictoires).

Si vous tenez à lire le texte comme un récit historique, alors vous pouvez appliquer le principe d’éclairer l’Écriture par l’Écriture… et constater ainsi qu’Adam « engendra des fils et des filles » (ch. 5, v. 4), dont il n’est pas dit que c’était seulement après Abel, Caïn et Seth.

Mais vous pouvez aussi considérer que les auteurs (humains et divin) ont voulu s’adresser à vous (et à tout être humain) à travers cette histoire d’un meurtrier pardonné mais point repentant, et qui se hâta de faire le contraire de la volonté bonne de Dieu pour lui. Caïn est ainsi la figure de ce qui, en nous, s’opposera toujours à Dieu et nous mènerait au Déluge… s’il n’y avait pas une autre figure qui nous soit donnée pour dire la grâce de Dieu pour les pécheurs.