Qu’est-ce qui différencie les attestants et un groupe tel que l’UNEPREF ? [Henri]

L’UNEPREF n’est pas un « groupe » ! Cet acronyme désigne l’Union Nationale des Eglises Protestantes Réformées Evangéliques de France (c’est un peu long… respirez !), une union d’Eglises s’appelant auparavant « Eglises Réformées Evangéliques Indépendantes ». Elles regroupent une quarantaine d’Eglises locales qui n’avaient pas souhaité rejoindre l’unité des Eglises réformées en 1938, d’où cet ancien nom, et d’autres qui les ont rejointes depuis. Avant 1938, en effet, il existait plusieurs unions d’Eglises Réformées en France, séparées essentiellement pour des raisons doctrinales.

Les Attestants pour leur part ne sont pas une Eglise mais un « groupe », un mouvement qui a trouvé place au sein d’une autre union d’Eglises protestantes, l’Eglise Protestante Unie de France. l’EPREF et l’EPUdF sont toutes deux membres de la Fédération Protestante de France (qui regroupe d’autres unions d’Eglises d’ailleurs) et partagent des services communs, comme le service protestant de Mission (DEFAP). Ces différences de dénominations n’empêchent bien sûr pas que l’on partage des convictions communes, entre protestants.

Je pense que dans le Royaume de Dieu tous ces sigles et étiquettes n’auront plus cours… Mais c’est une autre question !

 

 

Se remarier après un divorce est-il accepté par la foi chrétienne ? [Takpa]

La foi chrétienne n’est pas une instance qui autoriserait ou défendrait telle ou telle pratique, elle est d’abord confiance en Dieu et en sa Parole. Il est vrai que notre maître, Jésus, s’exprime sur le divorce sans complaisance, qualifiant même d’adultère celui / celle qui renvoie son conjoint pour contracter une nouvelle union. A son époque, la loi de Dieu, telle que l’interprétaient ses spécialistes, autorisait en effet un mari à renvoyer son épouse pour des motifs parfois très futiles. Jésus rappelle alors (voir notamment Marc 10,2-12, et Matthieu 19,1-12) que l’union du couple est un don de Dieu, et il ajoute que si la loi de Moïse envisage le divorce, c’est à cause de la dureté du coeur humain. Il conclut : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

Certains ont tiré de cette parole de Jésus que l’union conjugale était indissoluble. Mais Jésus dit bien que le mariage ne doit pas être rompu, et non pas qu’il ne peut pas l’être. Le péché de l’homme, c’est justement ce qui détruit l’oeuvre du Créateur, peut briser même les liens d’amour qu’il a tissés, voulus, bénis entre un homme et une femme ! Notre dureté, notre manque d’amour et de foi a -hélas- ce pouvoir de contrecarrer, torpiller le projet de Dieu. Dans ces conditions, quand la vie à deux est devenue source de trop grande souffrance (violence sous diverses formes, égoïsme, infidélité, mépris…), la séparation peut constituer un moindre mal. Et si le constat est évident que le couple est vraiment mort, malgré tous les efforts pour se pardonner, apprendre à mieux se comprendre et s’aimer, il faut rappeler que le Seigneur n’enferme personne dans un échec passé, le condamnant en quelque sorte à un perpétuel célibat dans le cas d’un divorce. Pour quiconque se repent et croit, une vie nouvelle est possible, et cela est vrai aussi de la vie conjugale.

Si Dieu est bon et Dieu est omnipotent- pourquoi y a-t-il du mal et de la souffrance dans le monde ? [Henri]

C’est LA question… sans réponse. Pourtant les théologiens ont cherché depuis longtemps à l’apporter, cette réponse qu’on appelle la « théodicée ». Et -je vais peut-être vous étonner, Henri- heureusement qu’on ne peut pas la trouver, car alors on aurait expliqué la présence du mal. Et en l’expliquant, on aurait déjà justifié, en quelque sorte, la réalité scandaleuse et injustifiable du mal (On parle ici du mal subi. Le mal commis, on peut en rendre l’homme responsable).

Le livre de Job aborde ce problème. Pourquoi Job souffre-t-il, pourquoi -pire- Dieu permet-il qu’il souffre ? Les amis de Job essaient de lui expliquer que c’est sa faute (toujours la tentation de la « théodicée », défendre Dieu !). Et Job résiste à leurs arguments : il voit bien que des justes souffrent et que des méchants vivent paisiblement. Donc, expliquer le mal comme une rétribution méritée ne tient pas la route. A la fin du livre, Dieu répond enfin à Job… mais sans lui donner d’explication, et même en lui demandant, après lui avoir rappelé qu’il est après tout le Créateur et lui simple créature, comment il ose ainsi l’interroger (Job 38,1ss; 40,1-2). Et Job se soumet. Mais il le fait parce qu’il ne souhaitait qu’une chose:  que Dieu lui parle, qu’il réponde à son appel de révolte qui est toujours un cri de foi.

La seule véritable réponse de la Bible au problème du mal, c’est un tout petit mot : « aussi ». Christ AUSSI (ou « lui-même ») a souffert pour vous, lui juste pour des injustes… En Jésus, Dieu est venu se charger de nos souffrances, les porter avec nous. Il nous y a rejoints. L’Evangile nous invite à répondre à notre tour au problème du mal. Surtout pas en essayant de l’expliquer, mais en luttant contre, de toutes nos forces et de toute notre révolte. Avec l’aide du Seigneur. Ne cherchons pas pourquoi Dieu permet que des gens aient faim ou froid, donnons-leur de la nourriture ou un toit. Ne cherchons pas pourquoi Dieu permet la solitude, rejoignons les isolés. Il y a de quoi faire.

Matthieu 5:28 – Je suis célibataire. Si je regarde la belle fille dans la rue- est-ce le péché ? Où commence le péché ? [Daniel]

Il faut citer complètement Matthieu 5,28 et vous aurez une bonne partie de la réponse : « Quiconque regarde une femme de façon à la convoiter ». Cette parole de Jésus s’inscrit dans le contexte de l’interprétation qu’il donne du 6e commandement, concernant l’adultère. Il ne s’agit pas du regard qui apprécie la beauté d’une jolie fille, mais de celui qui veut prendre la femme d’un autre (ou qui convoite une autre femme que la sienne). Bien sûr, il est facile de passer du premier regard au second avant d’avoir eu le temps de dire « ouf ». Et il nous faut rester conscients que l’adultère peut déjà se trouver dans un simple regard qui déshabille. Jésus en fait pointe l’hypocrisie d’une conception formaliste du commandement.

Est-ce vraiment le péché qui nous sépare de Dieu- ou bien ce monde- où règne le « Prince des Airs » ? Quelle est donc notre part à prendre ? [Guillaume]

Le Prince de ce monde, le Diable, donc, ni aucune puissance en ce monde, n’ont le pouvoir de nous séparer de Dieu. Ils ne peuvent que nous y inciter (voir par exemple le fameux récit de Genèse, ch.3). Cela s’appelle la tentation, qui ne nous sépare pas en soi de Dieu, elle est la condition normale du croyant. C’est bien notre péché qui nous coupe de Dieu, c’est à dire notre refus de placer notre confiance en lui, quelles que soient les formes que ce refus prend. Et nous en sommes totalement responsables, sans pouvoir invoquer quelque fatalité ou puissance extérieure que ce soit.. Toujours est-il que nous ne pouvons pas nous en délivrer nous-mêmes. Cette délivrance est l’oeuvre du Christ, que l’Esprit-Saint nous communique.

Quand les musulmans tuent ceux qui ne confessent pas Allah- ils disent qu’ils défendent leur Dieu. Allah a besoin d’être défendu par les hommes ? Où est l’erreur ? [Dorian]

Effectivement, c’est une erreur que de vouloir défendre Dieu -par le meurtre de créatures faites à son image, qui plus est. Car c’est d’oublier que nous n’avons pas à défendre Dieu. C’est lui qui nous défend. Cette erreur se retrouve souvent dans l’histoire biblique : Elie se croit obligé de prouver que Dieu est plus fort que Baal et fait massacrer 450 de ses prophètes… Des amis très pieux veulent absolument justifier Dieu des malheurs qui accablent Job en l’accablant, lui… Et deux disciples de Jésus, Jacques et Jean, fils de Zébédée, lui proposent de faire tomber la foudre sur un village qui n’a pas voulu recevoir leur maître. Autant d’attitudes que chaque fois le texte lui-même dénonce : Dieu répondra à Elie non dans la foudre mais dans un murmure. Il donnera tort aux amis de Job. Jésus rabroue les fils de Zébédée, lui qui refusera même de se défendre quand on viendra l’arrêter. Et Jacques de conclure dans son épître : « la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu » (Jc 1,20). Dieu ne demande pas des défenseurs, mais des témoins de sa vérité, de sa sainteté, et de son amour.

Un chrétien peut-il faire la guerre ? Et si oui- comment peut-on aimer ses ennemis et les tuer ? [Jean-Philippe]

La guerre est un des nombreux symptômes du mal qui a envahi le monde en conséquence de la rupture entre Dieu et l’homme. On peut même la considérer comme une fatalité si l’on tient compte que depuis les origines, hélas, l’humanité n’a jamais connu de paix totale et en tout lieu. Si l’interdit du meurtre (le 6e commandement) et l’appel à aimer son prochain concernent d’abord les relations personnelles, la guerre nous plonge dans une réalité collective. Et face à cette réalité, deux attitudes se rencontrent de la part des chrétiens :

Tout d’abord, le choix du refus de porter les armes, l’objection de conscience, qui peut porter des fruits (voir le film « tu ne tueras point », sorti l’an passé, qui raconte le témoignage courageux d’un jeune chrétien adventiste non-violent pendant la dernière guerre).

L’autre choix est de participer par les armes à la défense de son pays ou des populations menacées par une agression, quand toutes les autres solutions (diplomatiques, politiques) ont été épuisées. Que fallait-il faire face à Hitler ? Que faut-il faire face à la menace terroriste, autre forme de guerre qui nous est imposée ? Les exemples abondent. Encore une fois, nous sommes solidaires de ce monde et de ses réalités, même si nous sommes en route vers une autre patrie. Et même si nous devons préparer la paix et non la guerre, si nous voulons la paix, contrairement à ce que voudrait nous faire croire un vieil adage. C’est à dire, nous interroger sur les causes profondes de tous ces conflits pour mieux participer à leur prévention.

Je vous avoue que je n’arrive pas à dire qu’une de ces deux attitudes serait la seule juste, et l’autre fausse. Tous nos choix éthiques restent marqués par l’ambiguïté, l’imperfection, parce que nous sommes pécheurs. Mais ce qui est certain, c’est que tout chrétien, là où il se trouve, peut être sel de la terre ou lumière du monde, en rendant témoignage à Jésus-Christ. Lui seul est notre paix, lui seul nous apporte la paix définitive.

J’ai bien connu une personne qui avait toujours été élevée dans la religion et qui a mis fin à ses jours de manière brutale. Va-t-elle ou est-elle en enfer ? [Alexandre]

Cette idée est répandue. Je me souviens qu’une famille qui m’avait appelé à célébrer les obsèques d’un de ses membres m’avait caché qu’il s’était suicidé, par peur d’essuyer un refus de ma part, et pensant probablement que la présence d’un pasteur assurerait automatiquement le départ du défunt vers le ciel.. Double erreur !

La Bible nous relate quelques suicides : celui de Judas bien sûr, pris de remords après avoir trahi Jésus. Ou d’Ahitophel, conseiller d’Absalom, parce qu’il n’avait pas été écouté et qu’il craignait sans doute de voir son maître perdre la partie contre David (2 Samuel 17,23). Celui qui met fin à ses jours ne supporte plus de vivre parce que tout ce qui fondait, justifiait à ses yeux son existence s’effondre sans recours. Ce qui distingue Judas de Pierre (qui a pourtant aussi trahi Jésus en le reniant), ce sont les larmes de repentir que ce dernier a versées. Pierre a accepté de ne pouvoir se justifier lui-même et de s’ouvrir au pardon du Seigneur.

Mais gardons-nous bien de décider du sort éternel de celui ou celle qui ne supportait plus de vivre et qui  a succombé au désespoir, même s’il a été « élevé dans la religion » (la religion ne protège de rien, ce qui sauve c’est la foi !). Gardons-nous du jugement. La Bible nous rappelle que le dernier mot sur toute vie et tout être appartient à Dieu. L’enfer, pour celui qui s’est suicidé, c’était d’abord sa vie de souffrance, ses questions sans réponse, sa solitude, sa dépression, ses impasses, que sais-je encore. Et même un croyant sincère peut succomber au désespoir. L’enfer pour ceux qui restent, les proches, c’est la culpabilisation qu’entraîne un tel geste « Si j’avais pu l’écouter, l’aider, comprendre sa souffrance »… Mais de tous ces enfers, le Seigneur peut nous sortir, comme il a fait sortir son fils du séjour des morts.

Apocalypse 14:9 parle de ceux qui ont la marque de la bête sur le front ou la main ; pourriez vous m’éclairer un peu ? [Bodo]

L’Apocalypse a un langage codé, un peu comme les messages de radio-Londres aux résistants français sous l’occupation. Parce que c’est un livre qui proclame la victoire du Christ crucifié et ressuscité sur tous les pouvoirs du mal, et nous appelle à leur résister dans l’espérance. Qui dit code dit décryptage, pas toujours facile. Notons déjà que la « bête » fait partie, avec le Dragon (ch.12) et la « 2e bête » (ch. 13,11, appelée le faux-prophète dans d’autres passages comme 16,13) d’une sorte d’anti-Trinité, et qu’il lui est donné beaucoup de pouvoirs.

La marque (ou signe) de la bête est souvent citée dans l’Apocalypse. Là aussi, c’est une contrefaçon du sceau de Dieu sur le front de ses élus, attestant qu’ils lui appartiennent et qu’il prend soin d’eux (voir Ap. 14,1). Une sorte d’anti-baptême. Le terme grec employé, Charagma, était réservé au sceau impérial ou à l’empreinte d’une monnaie. Ce qui serait donc une allusion à l’empereur Romain et à sa prétention à se faire appeler « Seigneur » et recevoir un culte en lieu et place du seul vrai Dieu. Les chrétiens auxquels Jean, l’auteur de l’Apocalpyse, écrit, en refusant ce culte-là, allaient s’exclure de la société -et donc du système économique, ce qu’annonce 13,17 : personne ne pouvait acheter ou vendre sans cette marque.

Au passage, tordons le cou à une actualisation farfelue. Certains, sur la base de ce verset, identifient la marque de la bête au code-barre servant à identifier en caisse les articles achetés dans un commerce. Ils y ont même repéré le chiffre de la bête, le fameux 666. Leurs démonstrations savantes omettent simplement que ledit code-barre n’est pas posé sur notre main ou notre front (13,16). Il y a d’autres façons d’être fidèles à Jésus-Christ que d’embêter une caissière en lui refusant de scanner notre paquet de nouilles…

Dans les cieux y a-t-il Dieu ET Jésus- ou bien une seule personne qui forme en même temps Dieu et Jésus ? [Pascale]

Le symbole des apôtres (le credo) qui résume la foi chrétienne dit effectivement que le Christ est « monté au ciel », et qu’il « siège à la droite de Dieu, le Père tout puissant », citant lui-même de nombreux passages du Nouveau Testament. Mais il ne faut pas se laisser piéger par le vocabulaire. Le ciel n’est pas un lieu particulier, mais une image, une représentation pour désigner ce qui appartient à Dieu, voire Dieu lui-même. La « montée au ciel » de Jésus-Christ signifie donc la fin de son ministère parmi nous, car Jésus, c’est Dieu qui nous a pleinement rejoints dans notre humanité en se dépouillant de sa gloire divine (Philippiens 2,6ss).  C’est ce que les chrétiens reconnaissent en confessant la Trinité : Dieu est à la fois UN et Père (Créateur), Fils (Sauveur) et Saint-Esprit (Seigneur). Le fait d’être désigné comme « assis à la droite de Dieu » (référence au Psaume 110,1) signifie que Jésus, par sa mort et sa résurrection, a reçu la place d’honneur du Messie, celle du « fondé de pouvoir », comme l’écrit un commentateur de ce Psaume (de même qu’un chef parle de son plus proche collaborateur comme de son « bras droit »). Autrement dit, comme l’écrivait Luther, si nous voulons trouver Dieu, il ne faut pas chercher à escalader le ciel (c’est-à-dire nous livrer à des spéculations philosophiques ou à des expériences mystiques), mais nous rendre à Bethléhem.