La pratique de la « pleine conscience » (mindfulness)- dérivée de la méditation- est-elle compatible avec le christianisme ? [Louis]

Comme vous le soulignez, Louis, la pratique de la pleine conscience est dérivée de la méditation. C’est même un terme que l’on retrouve dans le bouddhisme, « l’attention juste » (samyak-smriti en sanskrit) étant considérée comme une des étapes nécessaires vers la libération, ou éveil, pour les bouddhistes. Il me semble donc évident que du point de vue chrétien, une pratique de ce type, avec ce but, ne saurait être à encourager. Le message chrétien est ici aussi radical que peut-être, désagréable à entendre : il n’y a pas de chemin qui mène vers l’éveil, le bonheur, la justice, ou encore même Dieu qui soit autre que Jésus-Christ, c’est-à-dire Dieu lui-même ! Par nos propres forces, notre méditation, nos pratiques religieuses ou morales, nous ne pouvons pas plaire à Dieu. C’est par l’ouverture de notre foi à son amour que nous laissons Dieu entrer au plus profond de nous-mêmes et nous sauver en Jésus-Christ.

Maintenant, l’occident se faisant une spécialité de mal comprendre ce que disent les sagesses orientales, la pratique de la méditation en pleine conscience est aujourd’hui souvent vue comme un moyen de faire « baisser son stress » en se recentrant sur un objet particulier. Si c’est pour s’aider à entrer en prière, en se concentrant sur une Bible ouverte à la page d’un passage que l’on aime, cela ne me paraît pas plus méchant que ça.

Que penser de l’introduction de la méditation en pleine conscience dans la relation d’aide chrétienne ou profane ? [Jack]

La relation d’aide chrétienne, en tant qu’accompagnement d’une personne dans son cheminement de vie sous le regard de Dieu, et afin de l’aider à mieux discerner l’action de Dieu dans sa vie ou à Le laisser agir, ne me semble pas avoir grand-chose de commun avec la méditation en pleine conscience qui est une activité thérapeutique inspirée du bouddhisme et ayant pour but de réduire le stress et de prévenir les rechutes dépressives. Je peux pratiquer la méditation en pleine conscience pour entretenir ma psyché, comme d’autres font des pompes ou des abdos pour entretenir leur corps. Cela ne me rapprochera pas de Dieu qui vient par grâce, en Jésus-Christ, se révéler à moi et renouveler mon esprit par son Esprit, me donner l’assurance de son pardon, de son amour et du rétablissement de la relation avec Lui. La relation d’aide chrétienne peut avoir des effets au niveau de la vie psychique (l’âme) qui seront le fruit de l’action de l’Esprit de Dieu en moi, et pas d’abord de mes efforts ou d’une méthode que j’applique, comme par exemple la méditation en pleine conscience. En ce qui concerne la relation d’aide non chrétienne, j’estime ne pas avoir à me prononcer.

Que pensez-vous de la préconisation de la « méditation en pleine conscience » par les psychothérapeutes d’aujourd’hui- notamment Christophe André et d’autres ? [Martial]

Il me semble que l’un des premiers objectifs des techniques de la méditation de pleine conscience est de « reconnecter » l’être humain à lui-même, en cela cela me semble plutôt une bonne chose dans un monde ! Nous avons si souvent du mal à nous recentrer sur l’essentiel, à faire silence en nous-mêmes et à ne pas fuir dans les multiples sollicitations du quotidien qui si souvent font de nous des êtres morcelés et tiraillés, qui ont déserté leur intériorité. En cela la méditation rejoint de très anciennes traditions de prière, y compris chrétienne, car Dieu ne saurait nous rencontrer si nous ne nous rendons pas présents déjà à nous-mêmes. Les psychothérapeutes qui la recommandent redécouvrent peut-être que la dimension verticale de l’humain, sa profondeur spirituelle, fait partie de son équilibre ?!

Mais le piège de ce genre de technique, comme toute technique, peut être de faire croire que l’humain possède en lui-même toutes les ressources nécessaires pour faire face aux grandes questions de l’existence. Or la Bible attire notre attention sur le fait que d’une part l’humanité est limitée et que d’autre part elle se trouve dans la relation avec Dieu et avec les autres; « moi je tout seul » qui prend toute la place est souvent un vrai obstacle à la foi, relation de confiance dans un Autre, radicalement différent et extérieur, qui me parle, m’interpelle, me rejoint…