Est-ce Dieu qui commande de tuer les faux prophètes et de détruire en Deutéronome 13 ? [Muriel]

Bonjour Muriel,

j’entends deux choses dans votre question, aussi vais-je essayer de répondre successivement à ces deux niveaux.

D’abord, très directement, je crois pouvoir dire que la personne qui s’exprime en Deutéronome 13 est Moïse, et ce depuis le chapitre 5. Mais c’est au nom de Dieu qu’il parle et ce sont les commandements de Dieu que Moïse transmet. Autrement dit, je crois qu’au premier niveau, je peux répondre « oui » à votre question c’est bien Dieu qui commande de tuer les faux prophètes.

Mais j’entends encore autre chose dans ce que vous dites : Est-il acceptable d’associer Dieu à des impératifs comme « tuer » ou « détruire » ? Et cela me renvoie à la question de mon rapport à ce que je lis dans la Bible, et à ma relation à Dieu. C’est une chose d’identifier l’auteur de ce que je lis, c’en est une autre de me positionner personnellement par rapport à ce que je lis et par rapport à son auteur. Cela me fait penser à la question que Jésus pose à un chef religieux venu lui demander quel est le plus grand des commandements (Luc 10.26) : « Jésus lui répondit: Qu’est-il écrit dans notre Loi ? Comment la comprends-tu ? » (Traduction du Semeur). Autrement dit, ici : C’est une chose de reconnaître que c’est Dieu qui commande ce qui est écrit dans Deutéronome 13, mais je dois aussi alors considérer que c’est le même Dieu qui est apparu à Élie dans un souffle ténu, brisé, pour lui faire prendre conscience de l’horreur de ce qu’il a fait en massacrant 450 prophètes de Baal. C’est le même Dieu qui, tout en disant que deux personnes prises en flagrant délit d’adultère méritent la mort (Lévitique 20.10, Deutéronome 22.20-29), a empêché qu’on exécute une femme prise dans cette situation (Jean 8. 1-11). Quand j’affirme que Dieu dit telle ou telle chose, je dois donc rester très prudent quant aux conclusions que j’en tire pour ma vie personnelle : est-ce que cela m’autorise à pratiquer ce qui est écrit sans faire retour sur moi, sur ma relation personnelle à Dieu ? C’est bien à ce mouvement que Jésus a appelé les religieux qui lui ont amené cette femme prise en flagrant délit d’adultère.

En ce qui concerne Deutéronome 13, je remarque que tout ce chapitre cherche à attirer notre attention sur la gravité du fait de se détourner de Dieu (versets 6, 11 et 14) pour en adorer d’autres. Cette question de la relation au vrai Dieu, au Dieu vivant, est une question de vie ou de mort, rien de moins ! Mais c’est d’abord une question que je dois me poser pour moi-même, avant de chercher à dicter aux autres leur conduite.

L’Écriture dit que Dieu interdit le meurtre (Ex 20,13) et aussi qu’il commande de tuer (Dt 18,20). Comment cela est-il possible ? Est-ce Dieu qui commande de tuer ou est-ce une interprétation humaine ? [Muriel]

La réponse sera en deux parties : l’opposition que vous soulignez, et le commandement de tuer.

L’opposition que vous relevez n’en est pas une, pas plus dans la Bible que dans le droit des sociétés humaines. L’interdit porte effectivement sur le meurtre, ou plus précisément sur l’assassinat. Il n’appartient à personne de se faire justice lui-même (sous peine que ça dégénère, comme en Genèse 4 / 23-24). Ni à plus forte raison de tuer qui il veut quand il veut ! Mais la société peut exercer la peine de mort envers un coupable reconnu tel et qui en est passible selon la loi. Il y a la même chose dans l’Ancien Testament, qui faisait loi pour l’ancien Israël. La question de savoir aujourd’hui si la peine de mort est utile et légitime dans une société est une autre question.

À la lumière de Matthieu 5 / 21-22 et de Jean 8 / 3-11 notamment, les chrétiens ont considéré que le « commandement de tuer » était irréalisable et aboli. Irréalisable car alors il faudrait l’appliquer à tout le monde ! L’apôtre Paul considère ainsi que le but de la loi biblique est de convaincre tout le monde de péché, afin que dans la foi ceux qui adhèrent à Jésus-Christ puissent recevoir le pardon du péché et vivre de sa vie et non plus de leurs œuvres. On peut le lire dans toute l’épître aux Romains, mais en particulier 5 / 21-23 et tout le début du chapitre 7…

Le commandement de tuer nous révèle simplement que telle ou telle faute mérite la mort, et qu’ainsi, aux yeux de Dieu, vivre ainsi, c’est être mort. Dans le « Sermon sur la montagne », Jésus rend extrême cette vision, afin que personne ne pense pouvoir y échapper. Mais c’est afin que tout un chacun puisse entendre l’Évangile, parole de grâce, de vie, de liberté : en Christ, nous qui ne le méritions pas, nous sommes réconciliés avec Dieu. L’Ancien Testament, dans sa rigueur, préparait ainsi le Nouveau ! C’est donc bien au Christ qu’il faut s’attacher (en lequel il n’y a pas de condamnation à mort, mais un appel à vivre renouvelé par l’Esprit) et non aux commandements de l’Ancienne alliance qui ne trouvent sens et aboutissement qu’en lui.