L’Eglise catholique a décidé ce changement dans la formulation commune du Notre Père : « Ne nous soumets pas à la tentation » est remplacé par « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Le problème est que le verbe grec eispherein, que l’on trouve aussi bien dans le texte de Matthieu que dans celui de Luc, signifie bien « transporter, mener, induire, conduire, faire entrer dans ». Et non pas « laisser entrer ». Ce n’est pas la même chose ! Les tentatives de justifier ce changement sur la base d’une source littérale araméenne de la prière de Jésus paraissent très conjecturales, et surtout guidées par un présupposé : Dieu ne peut pas nous tenter, c’est l’oeuvre du Diable. Or Jésus lui-même a été poussé au désert par l’Esprit Saint pour y être tenté, éprouvé, le Diable lui-même étant soumis à la volonté de Dieu. Jésus a été tenté (y compris à Gethsémané et sur la croix) dans sa foi, dans sa relation au Père; La tentation est la condition de tout croyant. Dès que je crois, je suis exposé au combat -contre le doute. Et Paul précise que Dieu nous donne, avec l’épreuve-tentation, le moyen d’en sortir (1 Corinthiens 10,13). Jacques 1,13 « que personne ne dise c’est Dieu qui me tente, car Dieu ne tente personne » pourrait faire approuver le changement. Mais Jacques veut simplement rappeler que Dieu n’est pas à l’origine du mal, et qu’il ne le cautionne pas.
Bref, nous pouvons demander à Dieu de nous épargner l’épreuve que constitue la tentation, car nous sommes faibles. Mais nous n’avons pas à tenter de le « disculper » de toute responsabilité en modifiant le texte biblique, car c’est bien de cela qu’il s’agit.