Comment comprendre la présence du mal (le serpent, plus tard personnalisé par le prince des ténèbres) dans le récit d’une création parfaite tel que raconté en Genèse ? [Didier]

Ce n’est pas d’abord par le serpent que le mal est représenté dans ces chapitres 2 et 3 de la Genèse, mais par un arbre, celui de « la connaissance de bien et mal », placé dans le jardin et interdit à l’être humain, car le consommer fait mourir Mais vous avez raison de noter que la création était parfaite (œuvre de Dieu, c’est quand même normal !) : tout ce que Dieu avait créé au chapitre premier, il l’avait regardé comme « bien ». Pas de mal, donc, sinon dans l’interdit de le connaître (de le « pénétrer »). Et les psychologues vous diront qu’il ne peut y avoir d’inter-dit (c’est-à-dire de parole) sans interdit (c’est-à-dire sans distance). L’interdit fait partie de la création bonne. C’est la transgression qui « casse » tout.

« Ils étaient tous les deux nus [‘arûmîm]… » – « Le serpent était le plus rusé [‘arûm]… » Deux traductions pour un même mot : dans le texte, le serpent est qualifié de la même manière que le couple humain, comme s’il était ce qui se faisait de plus humain dans le reste de la création ! Il est le tentateur, à moins qu’il ne soit la tentation elle-même, que nous entendons sans cesse en nous comme une voix extérieure, alors qu’elle vient de dedans pour mettre en doute la parole de Dieu… Et ça marche ! Ainsi la femme, dans sa réponse, met-elle l’arbre interdit au centre, alors que c’était l’arbre de vie qui se trouvait là…

C’est donc bien l’humain qui met le mal au centre, au moins comme possibilité, alors qu’il était de côté, comme interdit. Le serpent n’est que le révélateur de cette imperfection de l’humain (au sens où nous entendons la perfection : l’humain n’est pas un dieu pouvant « pénétrer bien et mal » – le Dieu biblique ne le fait d’ailleurs pas lui-même, seulement les faux-dieux païens).

Par ailleurs, il ne me semble pas que l’expression « prince des ténèbres » soit utilisée dans la Bible, qui n’est pas dualiste. Les ténèbres sont l’absence de lumière, elles permettent (passivement) des œuvres qui ne sont pas de Dieu. S’il y a « prince » qui s’oppose à la communion de Dieu et des humains, c’est, ou ce sont, « le(s) prince(s) de ce monde » et de ses « puissances ». Seuls les opposants à Jésus parlent d’un « prince des démons »… qu’ils accusent Jésus de servir ! (Quant au « diable » ou au « satan », posez une autre question…)

La possibilité du mal est donc bien une œuvre mondaine, humaine, et non divine. Quoi qu’on dise ou fasse, le mal vient de nous, et on ne peut pas l’imputer à Dieu !

Auteur/autrice : David Mitrani

pasteur EPUdF Saint-Dié et Raon-l'Étape